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Abbaye de Chaalis

L’abbaye royale de Chaalis est une ancienne abbaye cistercienne située à Fontaine-Chaalis, au centre de la forêt d'Ermenonville, face au parc de loisirs La Mer de sable, dans le département de l’Oise, en région des Hauts-de-France, à environ quarante kilomètres au nord-est de Paris, près de Senlis.

Abbaye Notre-Dame et Toussaints de Chaalis
image de l'abbaye
Ruines de l’église abbatiale et chapelle.

Nom local Abbaye de Chaalis - Fondation Jacquemart-André
Diocèse Senlis
Patronage Notre-Dame
Numéro d'ordre (selon Janauschek) CVIII (108)[1]
Fondation 1100
Origine religieuse Bénédictine
Ordre cistercien
Cistercien depuis 1137
Dissolution 1786
Abbaye-mère Abbaye de Pontigny
Abbayes-filles Abbaye de la Merci-Dieu (La Roche-Posay)
PĂ©riode ou style gothique, classique
Protection Logo monument historique ClassĂ© MH (1965)

CoordonnĂ©es 49° 08′ 51″ nord, 2° 41′ 12″ est[2]
Pays Drapeau de la France France
DĂ©partement Oise
Commune Fontaine-Chaalis
GĂ©olocalisation sur la carte : Oise
(Voir situation sur carte : Oise)
Abbaye Notre-Dame et Toussaints de Chaalis
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Abbaye Notre-Dame et Toussaints de Chaalis

Elle est fondée en 1136 par le roi de France Louis VI le Gros et confiée aux moines de l'abbaye de Pontigny. Une abbatiale de grande dimension est construite au début du XIIIe siècle et bénéficie de dons considérables et de faveurs. L'abbaye devient un centre économique et intellectuel important, accueillant à plusieurs reprises les rois de France et comptant plusieurs intellectuels parmi ses membres. Elle possède par ailleurs un très grand nombre de dépendances sous la forme de granges monastiques qui contribuent à lui assurer des revenus colossaux. Après une période de déclin à la fin du Moyen Âge, l'abbaye connaît une période de renaissance artistique avec ses premiers abbés commendataires venus d'Italie. Hippolyte d'Este invite ainsi des artistes tels que Sebastiano Serlio ou Le Primatice. Au XVIIIe siècle, de nouveaux bâtiments conventuels sont construits sous la direction de l'architecte Jean Aubert, sans jamais être achevés. Après sa vente comme bien national pendant la Révolution et la destruction de l'abbatiale, le domaine est transformé au XIXe siècle en résidence de chasse. Nélie Jacquemart, grande collectionneuse, en fait l’acquisition et le lègue à l'Institut de France, avec les œuvres d'art qui y sont conservées.

Le domaine, classé au titre des monuments historiques le , contient actuellement les ruines de l'ancienne abbatiale et du cloître, l'ancienne chapelle abbatiale et ses fresques de la Renaissance, une roseraie et un parc, ainsi que le musée Jacquemart-André[alpha 1] et ses collections de peintures, sculptures et arts décoratifs qui sont installées dans le château.

Situation

L'abbaye est situĂ©e dans la rĂ©gion historique du Valois, depuis ses origines dans l'ancien domaine royal, Ă  environ 40 km au nord-est de Paris, Ă  10 km au sud-est de Senlis et Ă  2,5 km au nord d'Ermenonville. Son domaine Ă©tait situĂ© sur le territoire de l'ancien diocèse de Senlis[3] - [1].

Ce domaine est par ailleurs situé au cœur de l'actuelle forêt d'Ermenonville, au milieu d'un domaine de mille hectares dont environ six cents forestiers appartenant à l'Institut de France et géré par l'Office national des forêts[4]. L'abbaye est plus particulièrement située dans la vallée de la Launette, affluent de la Nonette dans le bassin versant de l'Oise, au milieu d'étangs aménagés par les moines afin de drainer les anciens marécages de la vallée. On accède à l'abbaye par la route nationale 330. Juste en face de l'accès à l'abbaye, se trouve l'entrée du parc d'attraction de la Mer de sable[5].

Histoire

Fondation

La première mention du lieu apparaît dans un document du VIIe siècle. Un moulin est alors signalé au lieu-dit Cadolaicus appelé par ailleurs Calisium, soit Kaeliez en langue vulgaire. Il est ensuite revendiqué par l'abbaye de Saint-Denis lors d'un conflit l'opposant au maire du palais Grimoald II, gestionnaire des domaines royaux, selon un diplôme de Childebert IV, datant de 710. Un jugement royal est prononcé finalement en faveur de l'abbaye[6]. Un prieuré bénédictin consacré à la Vierge est signalé au début du XIIe siècle dans cette zone marécageuse à proximité des rives de la Launette, au lieu-dit actuel de La Chapelle-Chaalis, à km de l'actuel site selon l'archéologue François Blary[7]. Ce prieuré dépend alors du monastère de la Madeleine de Mello, dont la fondation remonte à 1100, voulue par Renaud de Mello à son retour de la première croisade. Ce prieuré est alors lui-même une dépendance de l'abbaye bénédictine de Vézelay[ba 1] - [bv 1].

Le roi Louis VI, dit « le Gros », qui vient rĂ©gulièrement chasser dans les environs de ses palais de Ver et de Senlis, souhaite honorer la mĂ©moire de son cousin, Charles le Bon, comte de Flandre, assassinĂ© Ă  Bruges par ses sujets rĂ©voltĂ©s le . Il dĂ©cide de fonder un lieu oĂą prier son cousin. Il choisit pour cela l'actuel site de Chaalis, dont le nom est transformĂ© en Caroli Locus, lieu de Charles. Cependant l'ancien nom de Chaalis persiste par la suite dans le langage courant. Il demande Ă  l'abbĂ© AlbĂ©ric de VĂ©zelay de cĂ©der sa possession Ă  l'abbaye de Pontigny, elle-mĂŞme dĂ©pendant de CĂ®teaux, en Ă©change de 10 sols de cens annuel accordĂ© au prieurĂ© de la Madeleine de Mello. Le roi demande Ă  l'abbĂ© Guichard de Pontigny d'envoyer douze moines s'installer sur place, sous la conduite du premier abbĂ©, AndrĂ© de Baudiment, ancien sĂ©nĂ©chal de Thibaut IV de Blois. L'acte de fondation est accordĂ© le ou 1137 (en nouveau style)[lp 1] - [8].

L'année suivante, en 1138, le fils de Louis le Gros, Louis VII le Jeune, qui vient de lui succéder, confirme cette fondation. Il est appuyé en cela par les seigneurs Guillaume de Mello, Renaud, comte de Dammartin, et Étienne de Senlis, évêque de Paris, qui lui donnent un certain nombre de terres et de bois aux alentours. Pour aider la fondation, les rois de France lui achètent les terres de Fourcheret un peu plus au nord, Fay près de Béthisy et Vaulerent où des granges sont fondées quelque temps plus tard[lp 1] - [8] - [ba 2].

Les papes accordent quinze bulles de privilèges à l'abbaye entre 1142 et 1197. De nombreuses donations de terres viennent compléter cette fondation, venues de plusieurs seigneurs de la région. Un réseau de granges est constitué dans tout le nord-est du Bassin parisien pour gérer ces terres et leurs ressources[bv 2].

L'Abbaye au Moyen Ă‚ge

Vue lointaine de l'abbaye et surtout de l'abbatiale au milieu des bois
Une des rares représentations de l'abbatiale avant sa destruction. Dessin à la plume du XVIIIe siècle, Bibliothèque nationale de France, dept. des estampes.

Construction de l'abbatiale

Une première Ă©glise est construite sur le site au milieu du XIIe siècle, sans qu'il en reste de trace aujourd'hui. L'abbĂ© Guillaume de Dongeon est probablement Ă  l'initiative de la construction d'une nouvelle abbatiale, peu de temps avant son dĂ©part Ă  Bourges en 1199. En 1202, un nouveau bâtiment de style gothique est en chantier, sous la houlette de l'abbĂ© Adam, son successeur. Avec ses 82 mètres de longueur et ses 40 mètres de largeur, elle est, jusqu'Ă  sa destruction, l'une des plus grandes Ă©glises cisterciennes du royaume. Elle est consacrĂ©e le par frère Folquet de Marseille, Ă©vĂŞque de Toulouse et frère GuĂ©rin, Ă©vĂŞque de Senlis et chancelier de Philippe Auguste. Plusieurs Ă©vĂŞques de Senlis ont Ă©tĂ© auparavant abbĂ©s de Chaalis. Dix-sept d'entre eux sont par la suite enterrĂ©s dans le chĹ“ur de l'abbatiale, dont GuĂ©rin lui-mĂŞme[ba 3] - [bv 3].

Présence royale et vie intellectuelle

Un personnage couché dans son lit à baldaquin avec une vue de son rêve
Le songe de Guillaume de Digulleville. Début du Pèlerinage de l'âme, manuscrit de la bibliothèque municipale de Soissons, ms.208, f.1.

Louis IX de France vient régulièrement à Chaalis, où il tient à partager la vie des moines. Il donne à l'abbaye en 1262 les reliques d'un compagnon de saint Maurice ainsi que celles de sainte Berge. En 1378, Charles V y séjourne en compagnie de son bibliothécaire Gilles Mallet, et fait réaliser, à ses frais, des travaux de réfection et de fortification pour protéger les bâtiments des combats de la guerre de Cent Ans[ba 4] - [bv 4].

L'abbaye est à cette époque le centre d'une vie intellectuelle féconde. Elle possède une importante bibliothèque : un inventaire de la fin du XIIe ou début du XIIIe siècle recense déjà 216 manuscrits. Une centaine d'entre eux, complets ou à l'état de fragments, sont recensés dans plusieurs bibliothèques parisiennes : à la bibliothèque nationale de France, à la bibliothèque de l'Arsenal ou à la bibliothèque Mazarine notamment[9] - [10]. Plusieurs abbés et moines sont des auteurs renommés : l'abbé Jean IV de Gaillefontaine (1326-1337) est l'auteur de commentaires sur le récit de l'Annonciation dans l'évangile de Luc (Missus est Angelus Gabriel). Le prieur Guillaume de Digulleville (1295-1356) est l'auteur de poèmes mystiques dont le Pèlerinage de la vie humaine ou encore le Pèlerinage de l'âme. L'humaniste Jean de Montreuil y effectue un séjour et évoque l'abbaye dans une lettre datant de 1415 dans laquelle il décrit un « paradis investi par des troupes de saints et animé par des eaux de toute sorte » évoquant à la fois la vie intellectuelle et les réalisations techniques et agronomiques[bv 4].

Pour autant, l'abbaye essaime peu. Une seule abbaye fille, la Merci-Dieu, est fondée en 1151 par l'abbé Amaury, dans l'actuelle commune de La Roche-Posay, dans le diocèse de Poitiers[11].

Déclin au XVe siècle

L'abbaye connaît plus de difficultés dans le courant des XIVe et XVe siècles. La baisse des vocations entraîne la réduction du nombre de moines et de convers. Les granges sont mises en fermage et les hôtels urbains sont vendus ou loués. Pour protéger l'abbaye de l'insécurité à l'occasion de la Guerre de Cent Ans, un château-fort est même construit dans la cour de l'abbaye, sa destruction étant ordonnée par une décision du chapitre général de l'ordre de 1417. Après la guerre, les bâtiments de l'abbaye sont restaurés et un clocher est construit sur l'abbatiale[bv 5].

Le RĂ©gime de commende

En 1541, à la suite du concordat de Bologne de 1516, l'abbaye est mise en commende. Comme toutes les abbayes du royaume, cela signifie que l'abbé n'est plus nommé par la communauté des moines, qu'il peut être un laïc, et obtient les bénéfices des revenus de l'abbaye tandis que le pouvoir spirituel est confié à un prieur. Son administration est parfois confiée à une personne nommée à l'extérieur de la communauté. C'est la fin de son indépendance.

L'Abbaye Ă  l'heure de l

Le premier abbé commendataire, nommé par François Ier, est le cardinal italien Hippolyte d'Este, archevêque de Milan et ami du roi, fils du duc de Ferrare et de Lucrèce Borgia, futur créateur de la villa d'Este à Tivoli (Italie). Il s'installe à l'abbaye, un de ses nombreux bénéfices ecclésiastiques. Mais Chaalis a le grand avantage d'être proche de Paris et de posséder des environs giboyeux. Dans l'espoir d'y faire venir le roi, il y entame des travaux considérables. Il fait travailler à Chaalis le peintre italien Francesco Primaticcio, dit le Primatice, après 1541, à qui il confie la réalisation de fresques dans sa chapelle abbatiale. Il fait ensuite venir l'architecte Sebastiano Serlio, entre 1544 et 1546, pour faire réaliser notamment le mur de clôture de son jardin sur lequel subsistent encore ses armes. Il finit par quitter l'abbaye pour Rome en 1549[bv 6].

Les moines sont alors au nombre de 44. L'abbĂ© se rĂ©serve une rente de 7 000 Ă©cus et ne leur accorde que la somme de 3 692 livres par an en 1560, jugĂ©e insuffisante par les moines. Ils obtiennent finalement de leur abbĂ© une augmentation de leurs revenus par arrĂŞt du Parlement de Paris en date du . Luigi d'Este, neveu d'Hippolyte, lui succède en 1561. Il ne fait sur place que quelques sĂ©jours. Ă€ l'occasion de l'un d'entre eux, Ă  l'hiver 1571, il fait venir sur place le poète italien Le Tasse[12] - [bv 7].

Décadence des XVIIe et XVIIIe siècles

Portrait en pied, en costume bleu aux broderies dorées, canne à la main dans un paysage
Portrait de Louis de Bourbon-Condé par François-Hubert Drouais, musée de la Franc-maçonnerie, 1771.

Après les cardinaux italiens, plus aucun abbé ne réside sur place et l'abbaye décline progressivement, faute d'entretien. Au XVIIIe siècle, le 9e abbé commendataire, Louis de Bourbon-Condé (1709-1771), comte de Clermont-en-Argonne, petit-fils du Grand Condé, est nommé abbé en 1721. En 1723, un rapport préconise un grand nombre de travaux au vu du manque d'entretien des décennies précédentes. Du nouveau mobilier est installé dans l'abbatiale préservée, commandé notamment aux frères Paul-Ambroise et Michel-Ange Slodtz en 1733 et 1741[bv 8].

En 1737, le comte-abbĂ© de Clermont commande Ă  Jean Aubert, architecte des CondĂ©, pour qui il avait construit les grandes Ă©curies de Chantilly et le Palais Bourbon, Ă©galement architecte de l'hĂ´tel Biron Ă  Paris, un projet grandiose de reconstruction des bâtiments conventuels. Dans le projet approuvĂ© en et estimĂ© Ă  330 000 livres, la construction de bâtiments est prĂ©vue autour d'un nouveau cloĂ®tre quadrangulaire long de quatorze travĂ©es. L'ancien cloĂ®tre, avec ses deux galeries superposĂ©es, est dĂ©moli. Mais dès le dĂ©but, les fonds manquent et la mort de l'architecte en 1741 retarde les travaux. L'aile nord du bâtiment, l'actuel château, est construite Ă  partir de 1752. L'aile ouest n'est construite qu'Ă  moitiĂ©. Dans les annĂ©es 1770, les deux pavillons d'entrĂ©e sont bâtis[ba 5] - [bv 9].

Mais ces constructions nĂ©cessitent de lourds investissements financiers qui mettent Ă  mal les finances de l'abbaye. Les travaux sont finalement interrompus. Pourtant, en 1763, les revenus de l'abbaye sont encore estimĂ©s Ă  68 157 livres par an, car elle conserve une bonne part des dĂ©pendances accumulĂ©es depuis le Moyen Ă‚ge. Les 80 crĂ©anciers du monastère font saisir ses biens par un jugement du Châtelet de Paris de 1783, confirmĂ© par arrĂŞt du Parlement de Paris du . L'abbaye Ă©tant en situation de liquidation judiciaire, ordre est donnĂ© par Louis XVI en 1786 aux abbĂ©s de Pontigny et de Clairvaux de la fermer. Les terres et biens doivent ĂŞtre liquidĂ©s et les religieux dispersĂ©s dans d'autres monastères. Les dettes sont estimĂ©es au total Ă  1 400 000 livres[lp 2].

L'Abbaye Ă  la RĂ©volution

Selon l'Ă©tat du , il reste encore douze moines, mais seulement trois rĂ©sidents sur place, infirmes. Les bâtiments et les terres n'ont pas encore Ă©tĂ© vendus. Une estimation du domaine et du bois environnant est estimĂ©e Ă  331 405 livres le . Le tout est vendu comme bien national le . Pierre Étienne Joseph Paris acquiert l'ensemble pour la somme de 159 000 livres. Il ne conserve que le bâtiment neuf dans lequel il installe sa famille et exploite les autres bâtiments comme carrière de pierres. Une grande partie de l'abbaye est dĂ©molie après la vente de son mobilier pièce Ă  pièce. Seule la chapelle des abbĂ©s est laissĂ©e intacte[lp 3] - [bv 10].

Une résidence de chasse

Portrait de femme assise en robe Empire blanche un Ă©cureuil dans les mains
Portrait de Madame de Vatry, première moitié du XIXe siècle, collection particulière.

En 1824 la propriĂ©tĂ© est acquise par Philippe Louis Armand de La Briffe, qui la conserve jusqu'Ă  sa mort en 1846. Le domaine est achetĂ© le par AlphĂ©e Bourdon de Vatry (1793-1871), fils de Marc Antoine Bourdon de Vatry, agent de change et dĂ©putĂ© de la Meurthe sous la monarchie de Juillet, mais retirĂ© de la politique en 1849. Il y meurt le . Son Ă©pouse, Rose PamĂ©la Hainguerlot de Vatry (1802-1882), est la fille d'un affairiste enrichi sous le Directoire, propriĂ©taire du château de Stains (actuel dĂ©partement de la Seine-Saint-Denis). Elle fait rĂ©amĂ©nager la demeure ; l'aile Ouest, restĂ©e inachevĂ©e depuis le XVIIIe siècle, et surnommĂ©e le « Petit Château », est dĂ©truite pour conserver et isoler le « Grand Château », c'est-Ă -dire l'aile Nord, la seule complète ; sa façade Sud est rĂ©ordonnancĂ©e en 1854 par l'architecte du dĂ©partement de l'Oise, DĂ©sirĂ©-HonorĂ© Bellanger, qui y ajoute simplement trois avant-corps, au milieu et aux extrĂ©mitĂ©s du bâtiment[bv 11] - [13]. Madame de Vatry transforme le rĂ©fectoire en salle Ă  manger et salon, la cuisine en pièces de rĂ©ception d'après-chasse. Elle remeuble la demeure de coffres gothiques et Renaissance. Elle fait restaurer la chapelle abbatiale et notamment ses fresques par Paul Balze, peintre Ă©lève d'Ingres et collaborateur de Viollet-Le-Duc[14], reconstitue progressivement le domaine de l'abbaye, le faisant passer de 100 Ă  près de 1 000 hectares et orne le parc de vases de pierre. De nombreuses fĂŞtes et rĂ©ceptions y sont organisĂ©es, accueillant les nombreux amis artistes du couple : les Ă©crivains ThĂ©ophile Gautier, Ludovic HalĂ©vy ou GĂ©rard de Nerval, les peintres Pierre-Luc-Charles Ciceri et Eugène Lami, les compositeurs Giacomo Meyerbeer et Daniel Auber[ba 6] - [bv 12].

Ayant connu le duc d'Aumale, par son époux qui l'avait côtoyé à Madrid, Madame de Vatry abrite à Chaalis des œuvres appartenant à son voisin, châtelain de Chantilly, intransportables en Angleterre, et qu'elle avait officiellement achetées, dont la statue du Grand Condé par Coysevox et les boiseries provenant du château d'Écouen, aujourd'hui conservées au musée Condé. Elle reste en contact avec le duc pendant son exil. À son retour en France le , c'est à Chaalis qu'Henri d'Orléans se rend en premier avec son fils[15].

À la mort de Madame de Vatry en 1881, Chaalis passe à son neveu Arthur Hainguerlot (1833-1892) ; à son décès, sa veuve, née Lydia Harvey (1841-1901), hérite du domaine : elle se remarie le avec le prince Joachim Murat (1834-1901) et commence à partir de cette date à résider dans l'ancienne abbaye. Après leur mort, leur succession s'ouvre au printemps 1902[ba 6] - [bv 13].

Dépôt d'une collection devenu musée

Portrait en demi-corps, en robe marron, tournée vers la gauche mais la tête de face
Autoportrait de Nélie Jacquemart, musée Jacquemart-André, Paris, 1880.

C'est alors que NĂ©lie Jacquemart, qui fut la jeune protĂ©gĂ©e de Madame de Vatry, artiste peintre et veuve depuis huit ans d'Édouard AndrĂ©, hĂ©ritier d'une riche famille de banquiers protestants, achète, le , le domaine de Chaalis pour 1 200 050 francs. Elle a par ailleurs acquis, lors de la vente aux enchères du , une partie du mobilier et de la collection Vatry Murat. Elle souhaite y abriter ses importantes collections de peintures et de mobilier[ba 7] - [bv 14].

À grands frais, la nouvelle propriétaire modernise le bâtiment en y installant l'électricité à l'aide d'une centrale aménagée dans l'ancien moulin, le chauffage central et le téléphone. Elle le remeuble et le décore avec des boiseries, tapisseries et sculptures. Dès sa première réception en , elle remodèle totalement le rez-de-chaussée, la salle à manger et la bibliothèque notamment. Elle fait réaménager les cellules des moines à l'étage en chambres d'amis avec du mobilier des XVIIIe et XIXe siècles. Elle fait installer de nombreuses peintures dans la galerie du premier étage. Les modifications et ajouts se poursuivent même jusqu'après sa mort puisque certaines de ses acquisitions ne sont installées à Chaalis que 10 mois après son décès, qui a lieu le à Paris. Elle est inhumée dans la chapelle abbatiale[ba 8] - [bv 15].

Legs et ouverture du musée

Son testament stipule qu'elle lègue son hôtel parisien du boulevard Haussmann à l'Institut de France afin d'en faire un musée ouvert à tous, sans modification possible, sous le nom de « musée Jacquemart-André », ainsi que l'abbaye dénommée « Abbaye Royale de Chaalis-Musée Jacquemart-André ». À Fontaine-Chaalis, le musée s'enrichit tout de même de plusieurs dons au cours du XXe siècle : la collection constituée sur le thème de Jean-Jacques Rousseau par le marquis de Girardin et son descendant Ferdinand en 1923, les collections d'arts décoratifs du XVIIIe siècle d'Henri Amic données à l'Institut en 1924 et installées dans le musée depuis 1996[ba 9].

Le musée et le domaine sont gérés par un conservateur nommé par l'Institut. Il s'agit d'une personnalité issue de ses rangs. Le premier, l'historien de l'art Louis Gillet, réalise un guide en 1914 qui sert en même temps de premier catalogue des œuvres du musée, avec 704 numéros[bv 16]. Le domaine est classé au titre des monuments historiques par arrêté du [16].

Conservateurs de l'abbaye de Chaalis[bv 16]
Période Nom du conservateur Qualité
1912-1943 Louis Gillet Historien de l'art, académicien
1945-1954 Émile Mâle Historien de l'art, académicien
1954-1963 Jean-Gabriel Domergue Artiste-peintre, membre de l'Académie des beaux-arts
1963-1974 Paul Deschamps Historien et archéologue, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
1974-1990 Pierre Marot Historien, archiviste-paléographe, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
1990-2000 Robert-Henri Bautier Historien-médiéviste, archiviste-paléographe, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
2000-2018 Jean-Pierre Babelon Archiviste-paléographe, conservateur de musée, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
2018-... Alain Pasquier[17] Historien de l'art, ancien conservateur au musée du Louvre, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

Historique des dépendances de l'abbaye

Dès la fondation et longtemps après, l'abbaye bénéficie d'un grand nombre de donations sous la forme de terres et de bâtiments. Elle structure ces donations en y implantant des granges, unités économiques gérées directement par les moines de l'abbaye et fonctionnant à l'aide de moines convers. En 1151, sept granges sont déjà mentionnées dans les textes ; onze granges sont dénombrées en 1165 puis quatorze en 1204. Elles sont de deux types, les granges à vocation céréalière et les granges agro-pastorales à la production plus diversifiée. À partir du XIIIe siècle, à ces granges s'ajoutent des celliers, centres de productions viticoles : trois sont dénombrés en 1204. L'abbaye possède par ailleurs des maisons dans plusieurs villes. Ces possessions sont parfois très éloignées de l'abbaye mère. À partir du XIVe siècle, les difficultés de recrutement de moines convers entraînent toutefois l'affermage de ces granges, leur gestion étant confiée à des laïcs. Ces propriétés sont parfois vendues au cours du temps ou restent la propriété de l'abbaye jusqu'à sa dissolution[fb 1].

Granges agro-pastorales

Bâtiment massif entouré d'arbres et proche d'une rivière
Corps de logis de la grange de Commelles, état au début du XXe siècle, carte postale ancienne.
Mur gouttereau donnant sur la rue avec contreforts, fenêtres géminées et porche massif
L'hĂ´tel Saint-Georges Ă  La Chapelle-en-Serval

Les granges agro-pastorales, ces « exploitations de clairière »[18], développent des activités mixtes, souvent liées aux bois et à la culture, et aux ressources locales. Elles exploitent aussi bien les bois des forêts, les viviers aménagés dans les rivières ou les landes avec des troupeaux de bétails et enfin des terres agricoles, dans les terrains les plus propices. Outre la grange au sein de l'abbaye elle-même, mais dont on ne connaît presque rien, quatre autres exploitations agricoles étaient situées aux alentours de Chaalis.

La grange de Chapelle-Chaalis, à km de l'abbaye, est située sur l'actuelle commune de Fontaine-Chaalis, en bordure de la forêt d'Ermenonville. Mentionnée dès 1151, elle gère jusqu'à 22 ha en 1320. Son exploitation directe est sans doute abandonnée à cette date. Il ne reste sur place que des bâtiments des XVIIIe et XIXe siècles[fb 2].

La grange de Commelles, est situĂ©e en bordure des actuels Ă©tangs de Commelles, dans la commune d'Orry-la-Ville. Cette grange est signalĂ©e en 1151 pour la première fois mais sur des terres donnĂ©es par Louis VI le Gros dès 1136. Les moines convers y exploitent des terres labourables (140 arpents[19] au dĂ©but du XVe siècle), une carrière de pierre, abandonnĂ©e dès la fin du Moyen Ă‚ge, des prĂ©s, un vivier constituant les actuels Ă©tangs, des bois (350 arpents) et mĂŞme des vignes concĂ©dĂ©es Ă  des laĂŻcs, situĂ©es sur les bords de l'Oise Ă  Boran. Des traces d'activitĂ©s artisanales ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es sur place avec un four Ă  tuile, dont il subsiste la cheminĂ©e, ainsi que peut-ĂŞtre des fours Ă  chaux et une verrerie. Son exploitation, passĂ©e en faire-valoir indirect sans doute au dĂ©but du XVe siècle, se poursuit jusqu'au XVIIIe siècle. L'ancien corps de logis subsiste sur place[fb 3].

La grange de la Chapelle-en-Serval est située non loin de l'ancienne route romaine Paris-Senlis. Les moines y achètent une maison appelée hôtel Saint-Georges en 1219 appartenant à l'abbaye Saint-Rémy de Senlis, pour y exploiter des terres depuis longtemps rattachées à la grange de Commelles. Ce petit domaine, d'une trentaine d'arpents selon un texte de 1500, est vendu définitivement par l'abbaye en 1712. L'hôtel Saint-Georges subsiste toujours à l'écart de l'ancien bourg de la commune[fb 4].

La grange de Charlepont était située à Mortefontaine, en bordure de la forêt d'Ermenonville. Le domaine appartient à l'abbaye dès 1146, des étangs y sont mentionnés en 1161 et une grange en 1175. Sur une superficie qui atteint 400 ha, on y exploite outre des viviers, des pâturages pour le bétail, les terres étant impropres à la culture. Les terres sont actuellement occupées par une partie de l'ancien domaine du château de Vallière, des haras remplaçant la grange[fb 5].

Granges céréalières

Mur pignon renforcé de contreforts au centre d'une cour
La grange de Fourcheret, Fontaine-Chaalis (Oise)

Les granges céréalières sont toutes situées au cœur de vastes plaines agricoles prospères entre le pays de France, le Valois et le Beauvaisis. Elles forment le plus souvent un hameau isolé au milieu des champs ouverts. Un certain nombre d'entre elles conserve toujours leur bâtiment de stockage appelé parfois improprement « grange à dîme ».

La grange de Vaulerent Ă  Villeron, dans l'actuel Val-d'Oise est une propriĂ©tĂ© isolĂ©e qui a atteint jusqu'Ă  380 ha de terres agricoles. En plein cĹ“ur du pays de France, cette terre appartient Ă  l'abbaye dès sa fondation. La grange est mentionnĂ©e en 1145. Son exploitation est très bien connue grâce aux archives de l'abbaye[18]. En 1315, le faire-valoir direct est abandonnĂ©. Subsiste toujours sur place, Ă  proximitĂ© d'un corps de logis et d'un pigeonnier des XVIe ou XVIIe siècle, une vaste grange classĂ©e monument historique depuis 1889[20] de 72 m de long sur 23 m de large qui constitue le plus vaste bâtiment de l'ensemble des dĂ©pendances de l'abbaye et sans doute la plus grande grange cistercienne de France[fb 6].

La grange de Choisy-aux-Bœufs est située à Vémars à moins de km de Vaulerent. Formant un ensemble isolé, elle est mentionnée dès 1148 mais n'acquiert son autonomie par rapport sa voisine qu'en 1172. Plus petite que Vaulerent, elle a peut-être servi, outre à la production céréalière, à l'élevage de bovins dont elle tire son nom. L'ancien bâtiment principal, détruit en 1927 et dont il ne subsiste qu'un pignon, a pu servir d'étable. Le corps de logis subsiste encore en partie ainsi que ses caves[fb 7].

La grange de Stains, situĂ©e dans l'actuelle commune de Villeneuve-sous-Dammartin en Seine-et-Marne, est aussi une ferme isolĂ©e mentionnĂ©e en 1151, Ă  la suite des donations remontant Ă  1138. Ces donations se poursuivent autour de la grange jusqu'en 1311. Le bâtiment de stockage, long de 56 m est toujours en place, mais lourdement transformĂ©[fb 8].

La terre de Fourcheret Ă  Fontaine-Chaalis est mentionnĂ©e dès 1149 mais n'est signalĂ©e comme grange qu'en 1204. Outre une vaste exploitation cĂ©rĂ©alière, la propriĂ©tĂ© comprenait des pâturages ainsi qu'un moulin sur les bords de la Nonette. Un bâtiment de stockage, long de 52 m, est classĂ© au titre des monuments historiques[21] et le corps de logis et la porterie sont toujours en place[fb 9].

La grange de Fay Ă  Saintines, entre Senlis et Compiègne, est mentionnĂ©e en 1151 après une première donation remontant Ă  1136. Les premiers bâtiments y sont construits au milieu du XIIe siècle. Elle est affermĂ©e en 1315, atteignant alors sans doute les 200 ha. Le bâtiment de stockage, toujours prĂ©sent, y mesure 55 m de long[fb 10].

Une grange plus lointaine, au lieu-dit le Transloy, sur la commune de Moyvillers est signalée en 1151. La grange est située à un emplacement stratégique à proximité de la route entre Compiègne et Beauvais et de la route des Flandres en provenance de Senlis. Elle permettait aux moines convers d'effectuer une étape avant de se rendre vers les granges les plus éloignées au nord-ouest[22].

La grange de Troussures est situĂ©e dans l'actuelle commune de Sainte-Eusoye au nord de Beauvais. Ă€ la suite d'une première donation en 1146 puis de neuf autres entre 1149 et 1161, une grange est implantĂ©e et citĂ©e en 1151. Très Ă©loignĂ©e de l'abbaye mère, elle n'Ă©tait accessible aux frères convers qu'après plus de deux jours de marche, ce qui contrevenait au règlement cistercien. D'après les recoupements de document postĂ©rieurs, le domaine atteignait plus de 280 ha. Sa grange proprement dite, longue de 45 m et qui datait du XIIIe siècle, a Ă©tĂ© dĂ©truite dans les annĂ©es 1960 ; il n'en reste que le pignon sud[fb 11]. Seul l'ancien pigeonnier est inscrit monument historique[23].

La grange de Rotangy Ă©tait la plus lointaine de l'abbaye, Ă  75 km de Chaalis, Ă  16 km au nord de Beauvais. La première donation date de 1153 et la grange est signalĂ©e pour la première fois en 1161. Le domaine a comptĂ© jusqu'Ă  266 ha. Il ne reste plus rien des bâtiments, si ce n'est l'ancien cimetière, sans doute dĂ©truits au cours du XVIIIe siècle. Ils Ă©taient situĂ©s sur des terrains actuellement occupĂ©s par des champs[fb 12].

Celliers

Les celliers sont installés systématiquement à la jonction entre des parcelles de vignes situés sur des coteaux et le bord d'une rivière navigable permettant le transport du vin produit.

Le cellier de Brenouille est situé sur les bords de l'Oise, entre Pont-Sainte-Maxence et Creil dont la première mention de propriété remonte à 1144 et le cellier lui-même en 1204. Outre 200 arpents de vignes, situés d'un côté comme de l'autre de la rivière, traversée à l'aide d'un bac, le domaine comprend des prés et des parcelles en forêt d'Halatte toute proche. L'affermage commence en 1470. Seule subsiste l'ancienne maison du passeur du bac[fb 13].

Le cellier de Thorigny-sur-Marne est situé juste en face de la ville de Lagny-sur-Marne, connue pour ses foires, sur des coteaux exposés sud. La première donation remonte à 1167 et le cellier est attesté en 1204. Les bâtiments monastiques médiévaux ont été entièrement transformés aux XVIIe et XVIIIe siècles, à l'exception des caves du cellier[fb 14].

En 1197, les moines de Chaalis acquièrent trois arpents de vignes à Argenteuil, sur les coteaux dominant la Seine. On dénombre une quinzaine de parcelles en 1227. En 1790, les moines de Chaalis possèdent encore des terres et des maisons dans la ville, mais il n'en reste plus aucune trace[fb 15].

Maisons de ville

Voûte d'ogive reposant sur des culots et deux piliers avec un groupe de visiteurs au centre
Salle voûtée au sous-sol de l'hôtel de Beauvais, située sous l'ancienne hôtellerie du Faucon

Bien que les moines cisterciens aient interdiction de résider en ville, comme de nombreuses abbayes, les moines de Chaalis possédaient des maisons installées dans les principales villes des environs. Leur rôle était essentiellement commercial, servant à écouler les productions des différentes granges. Elles pouvaient aussi servir de lieu de production de vin, comme les celliers[fb 16].

À Senlis, on garde la mémoire de deux bâtiments ayant appartenu à l'abbaye, situés l'un en face de l'autre, rue du Petit-Chaalis. Un manoir y est loué dès 1166 qui devient par la suite l'hôtel du petit Chaalis, au numéro 4. Il a aujourd'hui totalement disparu. Le numéro 5, traditionnellement désigné comme le logement du prieur, conserve des parties remontant au XVIe siècle[24].

À Paris, une maison est donnée à l'abbaye en 1200 par une dame du nom d'Éloïse de Palaiseau dans l'actuelle rue François-Miron. Elle possédait deux corps de logis, dont l'un était appelé « hôtellerie du Faucon ». Ces bâtiments ont été détruits à l'époque moderne. Seules deux caves voûtées subsistent : l'une située à la hauteur du numéro 62, qui est antérieure au XIIIe siècle, et une autre, sous le fond de la cour de l'hôtel de Beauvais au no 68, datée du XVe siècle[fb 17]. L'abbaye est en possession un temps d'une autre maison rue Saint-Jacques, rive gauche[25].

À Beauvais, c'est un notable du nom d'Hugues de Conti qui donne aux moines en 1171, une maison située dans l'actuelle rue Guy-Patin. Un nouveau bâtiment est construit vers 1240. D'elle, dépendaient directement des vignobles situés sur des coteaux à l'ouest de la ville dans le quartier de Saint-Just-des-Marais. Elle est vendue en 1641. Le bâtiment a été entièrement détruit ainsi que ses caves[fb 18].

Description du domaine

Plan du domaine dans son Ă©tat actuel.
Légende : A : route d'accès et parkings ; B et C : pavillons d'entrée ; D : écuries ; E : orangerie ; F : jardin régulier ; G : château ; H : ruines de l'abbatiale ; I : moulin ; J : chapelle Sainte-Marie ; K : roseraie et mur de Serlio.

Ancienne abbatiale

Vestiges des grandes arcades du chœur, fenêtres hautes et tour-pinacle
Ruines de l'Ă©glise abbatiale
Ruines de l'Ă©glise abbatiale - photo infrarouge
Plan dessiné orienté avec le chœur à gauche, les parties subsistantes en noir et le reste en gris
Plan de l'abbatiale reconstitué par Eugène Lefèvre-Pontalis

Description architecturale

La construction de l'abbatiale gothique commence sans doute à la fin du XIIe siècle. En 1217, l'abbé Adam est le premier enterré dans le chœur, achevé lors de la dédicace de l'église en 1219. Son plan, constitué d'un petit chœur et d'un transept proéminent, est relativement rare et ne se retrouve dans aucune autre abbaye cistercienne. Seules quelques rares autres abbatiales s'en rapprochent telles que celle de l'abbaye Saint-Lucien de Beauvais par exemple, et qui a pu lui servir de modèle[bv 17].

La nef est longue de 60 mètres. Elle alterne des piliers forts, plus massifs, et des piliers faibles, plus fin. Elle est ainsi composĂ©e de six travĂ©es doubles surmontĂ©es de voĂ»tes sexpartites hautes de 20 m, soit 12 travĂ©es. L'ensemble est flanquĂ© de bas-cĂ´tĂ©s et atteint une largeur de 20 m. Elle comprend deux niveaux, grandes arcades et fenĂŞtres hautes. Sur le bas-cĂ´tĂ© sud, onze chapelles latĂ©rales sont ajoutĂ©es, peut-ĂŞtre entre 1273 et 1280. L'Ă©glise est ouverte par un triple portail, sans doute prĂ©cĂ©dĂ© d'un grand porche Ă  l'image de l'abbatiale de Pontigny. En 1415, on compte 25 chapelles latĂ©rales au total. Ce grand nombre de chapelles s'explique par les nombreux moines ordonnĂ©s prĂŞtres dans le monastère devant cĂ©lĂ©brer au moins une messe quotidienne ainsi que par la multiplication d'offices rĂ©munĂ©rateurs pour l'abbaye en faveur des dĂ©funts. D'après la disposition des piscines liturgiques retrouvĂ©es, toutes Ă©taient orientĂ©es vers l'est. L'Ă©glise atteint alors une longueur totale de 90 m[lp 4] - [bv 18].

Le transept d'une longueur de 46 mètres comprend dans chaque bras sept chapelles rayonnantes, trois rectangulaires puis quatre hexagonales aux extrĂ©mitĂ©s formant deux demi-cercles. Eugène Lefèvre-Pontalis dĂ©signe ce type de transept sous le nom de « plan trĂ©flĂ© ». Le chĹ“ur de petite taille prend la forme d'une abside semi-circulaire Ă  sept pans coupĂ©s allongĂ© d'une seule travĂ©e. Il Ă©tait Ă©clairĂ© par sept fenĂŞtres basses et neuf fenĂŞtres hautes en tiers-point. La croisĂ©e du transept, voĂ»tĂ©e d'ogive, Ă©tait surmontĂ©e d'un petit clocher en charpente comportant cinq cloches en 1791[lp 4]. L'historienne de l'art amĂ©ricaine Caroline Bruzelius a montrĂ© que ces absides sont, lĂ  encore, inspirĂ©es de l'abside du chĹ“ur de son abbaye-mère de Pontigny[26].

Ă€ la suite des destructions, il subsiste de nos jours en Ă©lĂ©vation les grandes arcades de l'extrĂ©mitĂ© nord du transept, quelques fenĂŞtres hautes, l'escalier des matines, qui permettait d'accĂ©der depuis le dortoir Ă  l'abbatiale. La sacristie est la seule pièce toujours existante, prolongĂ©e par une petite partie du mur entre le bas-cĂ´tĂ© et le cloĂ®tre. Subsiste aussi toujours la tour pinacle, haute de 34 m, qui, outre son rĂ´le d'arc-boutant, permettait d'accĂ©der au dortoir des moines, Ă  la chambre de l'abbĂ©, Ă  la salle du trĂ©sor et tout au sommet Ă  une salle de guet[bv 19].

Les vestiges montrent que trois types de pierre ont servi à la construction. Les soubassements sont en grès de Beauchamp, les bases des murs et des piliers en calcaire dur du Lutétien sur quatre à cinq assises, et les parties hautes en moellons retaillés. Les grès et moellons étaient sans doute exploités dans des affleurements aux environs de la forêt d'Ermenonville actuelle. Le calcaire lutétien était pour sa part extrait sans doute de carrières souterraines situées à proximité de la vallée de la Nonette, au nord de l'abbaye[27].

Ancien mobilier de l'abbatiale

Plusieurs descriptifs permettent de connaître la décoration intérieure. Les murs étaient recouverts d'enduits peints en faux appareil[bv 18]. Le mobilier de l'église a été renouvelé en grande partie au XVIIIe siècle. Un maître-autel est commandé aux frères Paul-Ambroise et Michel-Ange Slodtz en 1733, de la forme d'un tombeau de marbre coloré. Il a été transféré dans la cathédrale Notre-Dame de Senlis après la dissolution de l'abbaye[28]. Entre 1741 et 1747, les frères Slodtz réalisent des stalles et lambris sculptés. Ils sont actuellement conservés dans l'église paroissiale de Baron[29]. S'y trouvaient par ailleurs une statue de la Vierge dans le style de Jean-Baptiste Pigalle, des tableaux de Nicolas Bertin, Jean Restout et Gabriel Revel[bv 20].

Anciennes tombes présentes dans l'église

Ces tombes ont toutes disparu mais leur forme et leur disposition sont connues grâce aux relevés qu'a fait effectuer François Roger de Gaignières au début du XVIIIe siècle, et actuellement conservés à la bibliothèque nationale de France. Treize évêques de Senlis, du XIIIe siècle, qui ont tous été moines à Chaalis, ont été enterrés dans le chœur de l'abbatiale, adossés aux murs du chevet. La tombe d'Adam de Chambly était disposée au centre du sanctuaire, fabriquée en cuivre jaune. Dix autres, en pierre, étaient disposées autour du chœur, recouvertes d'un gisant et disposées dans des enfeus surmontés d'un pignon[lp 5].

D'autres tombes du XIVe au XVIe siècle, dont celles de quatre abbés, étaient présentes dans le chœur et la nef de l'église[lp 6]

  • Tombeaux autrefois situĂ©s dans l'ancienne abbatiale d'après les dessins de la collection Gaignières (collection BNF)
  • Gisant dorĂ© avec aube, mitre et crosse
    Tombeau d'Adam de Chambly, évêque de Senlis, située au centre du chœur, vers 1258.
  • Enfeu Ă  l'architecture gothique et gisant mitrĂ©
    Tombeau monumental de Guérin, évêque de Senlis, située contre le chevet du chœur, vers 1227.
  • Deux Ă©vĂŞques portant tous les deux une mĂŞme crosse et un livre
    Dalle funéraire de Jean Le Fel et Robert de la Tourotte, abbés de Chaalis, vers 1523.
  • Deux gisants, l'un chevalier en armure, l'autre dame, le tout dans un dĂ©cor architecturĂ©
    Cénotaphe de Gilles Mallet et de sa femme, dans une chapelle de la nef, XVe siècle.

Fouilles archéologiques

Extrémité de crosse émaillée et sculptée, décorée d'une tête d'animal
La crosse dite du chancelier Guérin, actuellement conservée au musée d'art et d'archéologie de Senlis.

Très tôt l'abbatiale suscite l'intérêt des archéologues, mais les recherches sont toujours restées à l'état de simples sondages. Les premières recherches remontent en effet au Second Empire. Attirés par la présence des anciennes tombes des évêques de Senlis décrites par Gaignières, des érudits locaux effectuent quelques fouilles et découvrent notamment des crosses épiscopales. L'une d'entre elles, conservée au musée de Senlis, est attribuée à l'évêque Guérin, mais sans aucune preuve. Une autre, dite d'Adam de Chambly, est conservée dans la salle des moines du château. Elles sont en émail de Limoges doré[30] - [31]. De véritables fouilles sont entamées en 1966 par Pierre Durvin, mais là encore sur une durée très courte et elles ne permettent de mettre au jour que trois sépultures au centre du chœur[32]. De nouvelles recherches sont enfin effectuées à l'été 2009 par le centre d'archéologie et d'histoire médiévales des établissements religieux (Cahmer) de l'université de Picardie : outre un relevé précis de la topographie des vestiges, plusieurs sondages ont été menés[33].

Ancien cloître

Deux pans de murs portant des arcs formerets au centre d'une pelouse et surmontés de l'abbatiale
Vestiges du cloître

Le cloître, dont il subsiste de nos jours des vestiges, est en réalité à l'origine le grand cloître, un des trois cloîtres de l'abbaye. Les deux autres étaient le cloître du Colloque, plus au nord-est, qui desservait l'infirmerie, la bibliothèque et le noviciat, et le cloître communiquant avec les logis du prieur et de l'abbé. Ce Grand cloître était appuyé contre le bas-côté et le transept nord de l'abbatiale[bv 21].

Il a été construit dans le premier quart du XIIIe siècle. Sa galerie est comprenait six travées donnant sur la sacristie, seule salle subsistante, puis sur la salle du chapitre, située sous le grand dortoir des moines à l'étage[lp 7]. Il en subsiste toujours une partie du mur sur une longueur de quatre travées sur lesquelles sont scellés les arcs formerets avec leurs chapiteaux en cul-de-lampe, qui supportaient auparavant une voûte d'ogive[bv 22].

Du mur sud du cloître, il subsiste quatre autres travées. Un armarium y est aménagé sous la forme de deux niches jumelles en plein-cintre, qui servaient à entreposer des livres sur des étagères. Dans ce même mur, Madame de Vatry, au XIXe siècle, après avoir un temps envisagé d'abattre les vestiges de l'abbatiale, y a aménagé une ouverture sous un arc formeret afin d'ouvrir la perspective du château sur l'étang situé derrière. Cet aménagement lui a été suggéré par Gérard de Nerval[bv 18].

Le cloître comprenait aussi un certain nombre de sépultures, couvertes d'une pierre tombale, parfois décorées d'une figure. Il s'agit de bourgeois de Senlis et de petits seigneurs des environs. D'autres abbés étaient enterrés dans la salle du chapitre[lp 6].

Architecture de la chapelle

Vue du pignon et de sa porte d'entrée et sa rosace
Vue générale de la chapelle.

Cette chapelle réservée aux offices privés de l'abbé est construite entre 1245 et 1255 à la fin de l'abbatiat de Jean II d’Arbone. Une galerie de treize arcades reliait cette chapelle à l'ancien palais abbatial. Son style est similaire à d'autres saintes-chapelles de l'époque : la Sainte-Chapelle du Palais de la Cité, celle du château de Saint-Germain-en-Laye ou encore celle de l'abbaye Saint-Germer-de-Fly. Elle comprend une courte nef à deux travées et voûte d'ogive quadripartite, et une abside à cinq pans surmontés d'une voûte à six nervures. Les parties hautes des murs sont entièrement composées de grandes verrières qui comprennent trois à quatre lancettes et trois quadrilobes. À l'extérieur, l'entrée comporte un portail trilobé surmonté d'une rosace flamboyante datant du XVe siècle. Cette dernière se retrouve murée à l'intérieur à l'occasion de la réalisation des fresques au XVIe siècle[lp 8].

L'ensemble a été lourdement restauré entre 1875 et 1881 sur des dessins de l'architecte Édouard Corroyer à la demande de Madame de Vatry. La toiture en tuile est remplacée par des plaques de cuivre, et une balustrade décorée de fleurs de lys est installée sur la façade ouest. Des gargouilles, dessinées par Paul Balze, sont installées en haut des murs gouttereaux et du pignon. Les vitraux en grisaille datent de cette époque. Un clocher était prévu mais n'est finalement pas réalisé. La chapelle est de nouveau restaurée au début des années 2000 : une frise décorée de fleurs de lys à la feuille d'or est installée sur le faîtage, comme le prévoyait le projet de Corroyer[34].

Peintures murales

En 1541, Hippolyte d'Este commande probablement à son compatriote Le Primatice la réalisation de peintures pour les murs de sa chapelle. Ces fresques, achevées en 1544, ont longtemps été attribuées par erreur à Nicolò dell'Abbate. La contre-façade supporte une représentation de l'Annonciation, surmontée du blason du commanditaire, lui-même encadré par les rameaux portant les pommes d'or du jardin des Hespérides. Toute la partie basse de cette fresque a été reprise au XIXe siècle. Les peintures de la voûte de la nef représentent les Pères de l'Église, les apôtres et les évangélistes, témoins de l'Incarnation. Les cinq voûtains du chœur comportent des angelots présentant les instruments de la Passion. Les dessins préparatoires sont conservés au musée du Louvre. Cependant, un doute subsiste encore sur la part attribuée à la main du maître et à celles de ses assistants, les spécialistes n'étant pas d'accord sur le sujet. Selon Sylvie Béguin, seuls ses assistants seraient intervenus directement dans la chapelle, alors que selon Dominique Cordellier, sa main peut s'y retrouver[35] - [36].

  • Les fresques du Primatice dans la chapelle abbatiale
  • Scène sur un grand mur, avec l'ange Ă  gauche et la Vierge agenouillĂ©e en bas Ă  droite
    L'Annonciation sur la contre-façade.
  • Ange les bras ouverts, les ailes dĂ©ployĂ©es, une fleur Ă  la main
    DĂ©tail de l'ange de l'Annonciation : toute la partie basse est de la main de Paul Balze.
  • Cinq voĂ»tains avec deux apĂ´tres chacun
    Les apôtres sur la voûte de la nef.
  • Cinq voĂ»tains du chĹ“ur avec chacun deux anges portant les instruments
    Les instruments de la passion sur les voûtains du chœur.

Ces décors sont lourdement restaurés en 1875 par le peintre Paul Balze. Toute la partie basse de la chapelle est en effet victime de dégradations dues à l'humidité. Ces dégradations étant jugées irrémédiables, le peintre décide de refaire totalement la partie basse de la fresque de L'Annonciation, mais en la réinterprétant à sa manière et en utilisant la technique de la peinture à l'huile et non plus celle de la fresque. Sous les baies vitrées, toutes les peintures datent elles aussi du XIXe siècle : elles représentent des tentures en trompe-l'œil surmontées d'une frise comportant les blasons des abbés des origines à la Révolution. Ces peintures murales sont entièrement restaurées de nouveau en 2006. Outre leur préservation et la suppression des repeints du XIXe siècle, cette restauration a permis de confirmer l'attribution au Primatice. Pour autant, les ajouts de Balze ont été préservés et les restaurateurs ont facilité la distinction entre les différentes interventions picturales[bv 23] - [14].

Mobilier de la chapelle

Dans la chapelle se trouvait une statue de la Vierge, conservée aujourd'hui dans l'église paroissiale voisine de Baron[37]. Au XIXe siècle, Paul Balze exécute pour la chapelle de Madame de Vatry une Vierge à l'Enfant dorée ainsi qu'un retable en lave émaillée représentant le Christ en majesté pour le devant de l'autel. Des vitraux disparus de la grande rosace occultée sont remplacés par le peintre par des émaux sur lave représentant des anges. Tous ces éléments sont donnés en 1902 par Nélie Jacquemart à l'église paroissiale de Fontaine-Chaalis où ils se trouvent toujours. Le retable est remplacé par un retable champenois du XVIe siècle représentant les douze apôtres et installé sur le maître-autel[38].

Toujours dans la chapelle actuelle se trouve la tombe de Nélie Jacquemart, inhumée ici à sa demande sous une pierre tombale supportant son gisant sculpté par Denys Puech, commandé par l'Institut en 1925. D'autres tombeaux sont présents, dont certains venus d'Italie à la suite d'un achat de la collectionneuse, tel que celui de Melchiorre Baldassini, provenant de la basilique Saint-Augustin de Rome et datant de 1525[39].

Château

Le bâtiment actuel est construit selon les plans de Jean Aubert entre 1739 et 1741. Il aurait dû constituer l'aile nord du cloître, aile située à l'opposé de l'abbatiale. Finalement, il s'agit de la seule aile construite sur les trois prévues. Le bâtiment, laissé inachevé jusqu'au milieu du XIXe siècle, est repris à l'initiative de Madame de Vatry qui fait combler les vides sur la façade côté sud, espaces laissés pour créer la galerie devant rejoindre l'ancienne église. Le bâtiment dans son état actuel est constitué d'un corps de logis principal, surmonté d'un fronton triangulaire central, encadré de deux ailes en retour qui tournent le dos aux ruines de l'abbatiale et font face au parc. Les façades des ailes et du pavillon central sont entièrement traitées en bossages[ba 10].

Le château à côté de l'abbatiale. Photo mai 2018.

À l'intérieur, le bâtiment comprenait au XVIIIe siècle, au rez-de-chaussée, les cuisines et le réfectoire des moines donnant sur la grande galerie du nouveau cloître. À l'étage, les cellules monastiques étaient aménagées par deux et donnaient sur une autre galerie[ba 11].

  • Vues du château
  • Bâtiment en bossage vu de biais avec deux ailes en retour
    L'aile ouest au premier plan.
  • Corps de logis avec avant-corps central et deux ailes symĂ©triques
    Façade sud du bâtiment.
  • Bâtiment au second plan derrière un parc avec buis et bassin d'eau
    Vue depuis le parc.

Enceinte et pavillons d'entrée

Il ne reste aucune trace de l'ancienne enceinte fortifiée de l'abbaye construite au XVe siècle et démantelée dans la seconde moitié du XIXe siècle, exception faite des anciens fossés transformés en canaux. À l'entrée du domaine se trouvent deux pavillons de style classique construits dans les années 1770. Ils servent désormais de boutique et de cafétéria[bv 24].

Écuries et orangerie

Corps de bâtiment avec six grandes fenêtres et deux ailes
L'orangerie du château

Ces deux bâtiments ont été construits à l'initiative de Madame de Vatry, après destruction des ruines de l'ancienne ferme de l'abbaye : les granges, les étables, le moulin ainsi que l'ancienne prison. Les deux écuries servaient à abriter les chevaux nécessaires aux chasses à courre pratiquées par les propriétaires du domaine. Elles servent de nos jours de salles d'exposition et d'animation. L'orangerie est décorée de briques rouges dans l'encadrement en plein-cintre des portes. Des consoles récupérées de l'ancien château de Stains et des statues italiennes ont été scellées dans les murs par Nélie Jacquemart. Elle sert de nos jours de salle de réception[bv 25].

Moulin

Le moulin, au sud du parc, est le dernier vestige d'un réseau hydraulique aménagé dès le Moyen Âge. L'abbaye a compté jusqu'à dix moulins. Seul subsiste ce moulin situé sur la grande digue qui sépare le parc d'un des trois grands étangs qui ont servi de vivier à poissons jusqu'au XXe siècle. Le bâtiment actuel contient un logement qui a servi au XIXe siècle de chambre d'hôte pour Prosper Mérimée. Madame de Vatry y aménage ensuite un atelier pour Nélie Jacquemart, qui n'est alors qu'une jeune peintre portraitiste, sans qu'il soit finalement utilisé. Après le rachat du domaine, celle-ci installe dans le bâtiment une centrale électrique afin d'alimenter le domaine en courant. Cette centrale cesse de fonctionner en 1962. Le moulin fait l'objet d'une restauration[bv 26] - [40].

Jardins et reste du domaine

Le domaine actuel est un ensemble de 1 000 hectares comprenant une partie de la forĂŞt d'Ermenonville, gĂ©rĂ©e par l'Office national des forĂŞts, des Ă©tangs et un parc autour de l'abbaye d'environ 29 ha. Il est le rĂ©sultat des rachats successifs effectuĂ©s par Madame de Vatry qui visait Ă  reconstituer le domaine des moines cisterciens. Il comprend notamment le « DĂ©sert », partie nord-ouest de l'ancien parc du château d'Ermenonville dans laquelle se trouve l'ancienne cabane de Jean-Jacques Rousseau[ba 6]. Ce terrain a Ă©tĂ© acquis en 1874 au moment de la vente du domaine du château d'Ermenonville par Ernest Stanislas de Girardin, descendant de RenĂ©-Louis de Girardin, le dernier protecteur du philosophe. Cette dernière partie du domaine n'est accessible que par des visites guidĂ©es ponctuelles organisĂ©es par le conseil gĂ©nĂ©ral de l'Oise[41]. Le domaine comprend aussi la Mer de sable, sur laquelle s'est installĂ© le parc d'attraction fondĂ© par Jean Richard en 1963[bv 27]. L'ensemble du domaine est inclus dans le site classĂ© de la forĂŞt d'Ermenonville depuis le [42].

Roseraie

Grand mur crénelé, avec une porte en bossage surmontée d'un blason
Porte d'entrée de la roseraie, attribué à l'architecte Sebastiano Serlio

Un premier jardin est signalĂ© dès l'Ă©poque d'Hippolyte d'Este. Celui-ci fait construire devant le cimetière des moines un grand mur crĂ©nelĂ©, ouvert par un portail monumental frappĂ© de ses armes. Ce mur serait l'Ĺ“uvre de l'architecte italien Sebastiano Serlio, qui vient au moins Ă  deux reprises, en 1541 et 1544, Ă  l'abbaye et qui travaille Ă  la mĂŞme Ă©poque Ă  l'hĂ´tel du Grand Ferrare, autre propriĂ©tĂ© du cardinal Ă  Fontainebleau[43]. Le portail, mal insĂ©rĂ© dans le mur, a probablement Ă©tĂ© dĂ©placĂ© pour ĂŞtre placĂ© Ă  son emplacement actuel. L'abbĂ©-cardinal y avait fait construire Ă  l'intĂ©rieur un pavillon, une pergola et une volière et y fait venir des plantes d'Italie. Au XIXe siècle, l'espace sert de jardin fleuriste. Il est progressivement reconstituĂ© en 1998 par le paysagiste AndrĂ© Gamard en roseraie. Grande de 3 500 m2, celle-ci a la forme d'un potager Ă  quatre carrĂ©s. Elle abrite dĂ©sormais une centaine de variĂ©tĂ©s de rosiers dont une cinquantaine de rosiers grimpants, et plusieurs clĂ©matites. La vasque centrale d'Ă©poque Renaissance y a Ă©tĂ© installĂ©e par NĂ©lie Jacquemart[bv 28] - [44] - [45].

Parc

Le cardinal d'Este aménage aussi par ailleurs des bassins d'eau autour de l'abbaye. Avec la reconstruction de l'abbaye, au cours du XVIIIe siècle, la partie du parc dans l'axe du nouveau bâtiment est dessinée en jardin régulier avec des canaux et un grand bassin central. Restauré par Mme de Vatry, celle-ci y installe des statues et des vases de marbre toujours présents. Nélie Jacquemart le complète par de nouvelles statues. Une statue de Vénus, datant du XVIIIe siècle, entourée de deux sphinges baroques provenant de l'ancien hôtel Jobert de Chambertin, situé à Gevrey-Chambertin, est ainsi située juste à l'entrée du jardin régulier, en face du château[bv 29] - [ba 9].

Musée Jacquemart-André à Chaalis

L'intérieur du château abrite la collection d'œuvres d'art léguée par Nélie Jacquemart à l'Institut de France en 1912. Les salles sont presque toutes restées dans l'état voulu par la collectionneuse. Les collections du musée reflètent principalement les centres d'intérêt du couple Jacquemart-André : l'Italie et le XVIIIe siècle français. 90 tableaux italiens sont recensés[46].

Rez-de-chaussée

Plan de localisation des salles du rez-de-chaussée du château.
Légende : 1 : vestibule ; 2 : salle des moines ; 3 : escalier ouest ; 4 : grande galerie ; 5 : salle à manger ; 6 : bibliothèque ; 7 : vestibule Médicis ; 8 : salle de billard ; 9 : grand salon ; 10 : salle orientale ; 11 : escalier est.

Vestibule

De nos jours, l'entrée du bâtiment se fait par l'aile ouest, et donne sur le vestibule. Cette pièce est créée par Madame de Vatry dans l'ancienne boulangerie des moines. Elle est entièrement réaménagée par Nélie Jacquemart sur des plans dressés par Ernest Sanson : elle est décorée de stucs sur les murs, de statues et d'une grande tapisserie de Beauvais datant du XVIIIe siècle : Vénus demandant à Vulcain des armes pour Énée, d'après un carton de François Boucher[bv 30].

Salle des moines

La salle dite des moines, à l'origine une cuisine monastique, est aménagée en hall de réception pour ses invités par Madame de Vatry. Elle sert ensuite de chapelle à l'époque des Murat, à la fin du XIXe et début du XXe siècle, comme en témoigne le monogramme IHS inscrit au plafond. Nélie Jacquemart en fait une salle de musée y accumulant sur les murs et au milieu de la salle des tableaux, sculptures, vitraux, meubles et reliques, toujours visibles aujourd'hui : deux panneaux du Giotto provenant d'un ancien polyptyque de la basilique Santa Croce de Florence représentant saint Jean l'évangéliste et saint Laurent, deux panneaux d'un ancien triptyque de Jehan Bellegambe dont la partie centrale est conservée au musée de la Chartreuse de Douai, un tableau de La Vierge aux cerises de l'atelier de Joos van Cleve, deux statues de saintes de l'atelier de Antonello Gagini, entre autres. Elle fait enfin placer contre le manteau de la grande cheminée le moulage d'une statue de cerf en ronde-bosse signée Georges Gardet[bv 31].

  • Quelques Ĺ“uvres exposĂ©es dans la salle des moines
  • Vieillard Ă  barbe avec un calame et un rouleau Ă  la main
    Saint Jean l'évangéliste par Giotto.
  • Jeune homme en costume de diacre avec une palme de martyr et un livre
    Saint Laurent par Giotto.
  • ÉvĂŞque les mains jointes dans un cadre circulaire
    Saint JĂ©rĂ´me par Domenico Panetti.

La cage de l'escalier attenante contient des vitrines présentant des collections de céramiques : faïences italiennes des XVIe et XVIIe siècles, de Moustiers, grès allemands, porcelaine de Saxe, de Wedgwood, et de Sèvres[bv 32]. En haut de cet escalier se trouve le musée lapidaire, soit les éléments sculptés issus de l'ancienne abbaye, et d'autres statues acquises par Nélie Jacquemart[bv 33].

Grande galerie et salles de réception

Longue galerie voûtée avec grandes fenêtres à gauche et mobilier
La grande galerie vue depuis l'extrémité est.

La grande galerie, dotĂ©e d'une voĂ»te de m de haut, s'Ă©tend sur toute la longueur du bâtiment cĂ´tĂ© sud soit 73 m, distribuant les salles de rĂ©ception du palais. De l'autre cĂ´tĂ©, les anciennes grandes arcades du chĹ“ur ont Ă©tĂ© fermĂ©es par des hautes fenĂŞtres. Elle prĂ©sente la collection de coffres gothiques et Renaissance de Madame de Vatry et une collection de bustes, de la Renaissance au XVIIIe siècle : Ă  gauche les sculptures françaises dont l'une de Augustin Pajou et Ă  droite, cĂ´tĂ© fenĂŞtres, les sculptures italiennes dont l'une de Baccio Bandinelli et une autre d'Alessandro Vittoria[bv 34].

Parmi les salles de réception, la salle à manger a gardé le même aspect qu'à l'époque de Madame de Vatry, décorée de tableaux animaliers de François Desportes et de l'atelier de Jean-Baptiste Oudry. La table y est dressée à l'aide de couverts donnés au musée en 1995. Un paravent est décoré de motifs de singeries peints par Christophe Huet. La bibliothèque est l'ancienne salle de réception de madame de Vatry, immortalisée par une aquarelle d'Eugène Lami dans laquelle la maîtresse de maison entre dans la pièce à cheval tandis que des peintres exécutent les portraits de personnalités. Elle comprend des boiseries posées par Nélie Jacquemart abritant des éditions du XVIIIe siècle, ainsi que du mobilier signé pour partie André Charles Boulle et ses fils[ba 12] - [bv 35].

Le vestibule Médicis reliait autrefois la galerie au parc et doit son nom aux objets aux armes des Médicis qui y sont conservés : c'est le cas notamment de la statue de terre cuite de Ferdinand Ier de Toscane réalisée par Giambologna. La salle de billard comprend en son centre un billard en palissandre datant de la fin du XIXe siècle et présente cinq toiles de Jean-Baptiste Martin représentant des batailles de Louis XIV. Le portrait de ce dernier est présenté sur un chevalet. Le grand salon comprend du mobilier XVIIe et XVIIIe siècles dont un lustre d'époque Louis XIV, un bureau Régence et deux fauteuils Louis XV. Les murs supportent une série de portraits du XVIIIe siècle signés Nicolas de Largillierre, Godfrey Kneller, Louis-Michel van Loo et Louis Tocqué[bv 36].

Salle orientale

Pièce décorée de tapis aux murs et sur le sol, avec statues de bouddhas
La salle orientale.

Le rez-de-chaussée s'achève par un petit salon oriental, décoré de souvenirs rapportés d'un séjour en Inde et Birmanie de Nélie Jacquemart en 1902, et des cadeaux reçus d'amis venus d'Orient. Elle y a ainsi accueilli le maharadjah de Kapurthala et ses fils. Y sont exposés des tapis d'éléphant, des statues de bouddhas birmans, des coffres et autels, des instruments de musique, des bannières, des panoplies d'armes indiennes. La plupart datent du XVIIIe siècle. Trois vitrines présentent de petits objets représentant des animaux, des divinités, et des objets de la vie quotidienne. Le conservateur du domaine Jean-Gabriel Domergue a transformé la pièce en atelier de peinture dans les années 1950. Le salon a retrouvé sa décoration initiale en 1993[bv 37].

Premier Ă©tage

Plan de localisation des salles du premier étage du château.
LĂ©gende : 11 : escalier est ; 12 : cabinet chinois ; 13 : chambre des aigles ; 14 : chambre de NĂ©lie Jacquemart ; 15 : salle de bain ; 16 : boudoir ; 17 : grande galerie ; 18-21 : cellules et cabinets 1 Ă  4 ; 22 : cabinet des manuscrits ; 23 : cabinet des dessins ; 24-27 : cellules et cabinets 5 Ă  8 ; 28 : salle lapidaire ; 29 : galerie Jean-Jacques Rousseau ; 30 : salles Amic ; 3 : escalier ouest.

Galerie et cellules

Longue galerie avec fenêtre à gauche et portes à droite, ponctuée de meubles et de tableaux
Galerie du premier Ă©tage.

L'escalier qui mène au premier étage, présente une série de peintures de paysage dont trois dans le style de Giovanni Paolo Pannini, un Suzanne et les vieillards à Palma le Jeune et un portrait de l'atelier de Bronzino. La galerie de l'étage contient un mobilier composé de coffres, de bahuts et de tables des XVIe et XVIIe siècles venant de France et d'Italie Les peintures présentes au mur représentent l'éclectismes des goûts du couple Jacquemart-André : de la Renaissance italienne (dont deux tableaux de l'atelier du Tintoret) à la peinture française du Grand Siècle (un Portrait de Richelieu de Philippe de Champaigne) en passant par la peinture de genre hollandaise[bv 38].

Cette galerie donne accès à huit anciennes cellules des moines transformées en chambres et cabinets destinés aux invités. Chacune comprend une décoration particulière : style Régence, style Empire, style Restauration. La cellule no 1, l'ancienne chambre du prieur, contient des souvenirs des académiciens anciens conservateurs du musée. La cellule no 2 présente l'un des rares tableaux du XIXe siècle du musée : Le four à plâtre à Montmartre de Carle Vernet. Au milieu de l'alignement de cellule, se trouve le cabinet des manuscrits, qui présente des documents d'archives liés à l'histoire de l'abbaye. La salle contiguë, ouverte par un balcon sur le parc nord, contient des dessins du XVIe au XVIIIe siècle[bv 39].

Galerie Jean-Jacques Rousseau et salles Amic

Buste sans bras et tête perruquée dans une vitrine
Buste de Jean-Jacques Rousseau par Jean-Antoine Houdon, terre cuite, 1778

Dans l'aile ouest est située la galerie Jean-Jacques Rousseau. En 1923, Fernand-Jacques de Girardin (1857-1924), arrière-arrière-petit-fils de René Louis de Girardin[47], vend sa collection lié à Jean-Jacques Rousseau. René de Girardin était le propriétaire du château d'Ermenonville et dernier protecteur du philosophe. Son descendant avait accumulé une collection d'autographes, de livres, de documents et d'objets en lien avec Rousseau. Cette collection entre au musée de l'abbaye de Chaalis, à trois kilomètres de son lieu d'origine[48]. La collection comprend quatre cents objets d'art, cinq cents manuscrits et une bibliothèque de six cents ouvrages. Elle est complétée par un autre don effectué par M. Dehaynin, comprenant les archives de Madame Dupin, amie du philosophe. Un buste de Rousseau sculpté par Jean-Antoine Houdon (1778) y est exposé. Il a été acquis par Nélie Jacquemart en 1899 et a été légué à l'Institut. La galerie Jean-Jacques Rousseau fait l'objet d'un réaménagement au cours de l'année 2012 à l'occasion du tricentenaire de la naissance du philosophe. Les trois salles abordent la vie et l'œuvre de Rousseau à travers différents thèmes : ses liens avec Ermenonville, ses écrits, son activité de copiste de musique grâce à la présentation de très rares partitions écrites de sa main, son approche de la nature, avec l'exposition d'herbiers réalisés par lui ou par le botaniste Fusée-Aublet. Elle présente enfin des estampes et objets à son effigie reflétant la Rousseau-mania après sa mort[49] - [50].

Deux salles de cette même aile sont appelées « salles Amic » : elles contiennent la collection donnée par Henri Amic, romancier et dramaturge, à l'Académie française en 1927. Ces deux pièces présentent depuis 1932 une collection d'objets et de meubles en bois de Sainte-Lucie, un artisanat originaire de Lorraine utilisant un bois dur et datant des XVIIe et XVIIIe siècles, des montres de la même époque et des objets d'arts chinois et japonais. La collection contient enfin des peintures et dessins de deux artistes amis d'Amic : Pascal Dagnan-Bouveret et Jules Bastien-Lepage. Un buste en plâtre de ce dernier signé Auguste Rodin y est exposé[bv 33].

Appartements de NĂ©lie Jacquemart

Dans l'aile est du premier étage, se trouvent les anciens appartements privés de Nélie Jacquemart. Ils comprennent sa chambre à coucher au lit de style Louis XV et décorée de portraits de François Boucher, Louis-Michel Van Loo, Jean-Baptiste Greuze, Rosalba Carriera. À côté se trouve l'ancienne salle de bain, décorée de boiseries de style Louis XVI et de glaces dans lesquelles une baignoire est encastrée. Le mobilier date de la même époque. Le boudoir attenant est lui aussi meublé dans le goût du XVIIIe siècle et présente un dessin de la collectionneuse signé Henri Regnault[bv 40].

Dans les anciennes pièces de service de ces appartements, d'autres collections sont exposées à l'initiative de Louis Gillet : la pièce de la femme de chambre de Nélie Jacquemart, appelée depuis « chambre des Aigles », contient du mobilier de style Empire acquis par Édouard André en son temps, dont un lit Jacob-Desmalter. Une autre petite pièce a été transformée en cabinet chinois, présentant du mobilier venu d'Extrême-Orient ayant appartenu à Nélie Jacquemart. D'autres objets ici présentés ont été donnés par le collectionneur Jacques Bretounoux en 1995[bv 41].

Gestion et manifestations culturelles du domaine

Le domaine de l'abbaye de Chaalis est la propriété de l'Institut de France. Il est administré par l'intermédiaire d'une fondation abritée de droit privé appelée « fondation Jacquemart-André », créée au moment du legs de Nélie Jacquemart-André. Contrairement à l'autre élément constitutif de cette fondation, le musée Jacquemart-André à Paris, sa gestion n'a pas été déléguée à une société privée — Culturespaces en l'occurrence — mais le domaine reste toujours administré directement par l'Institut. Jean-Pierre Babelon en est le conservateur et le président de la fondation. Un administrateur employé par l'Institut gère le domaine au quotidien, il s'agit d'Alexis de Kermel depuis octobre 2020[51]. Comme les autres musées de l'Institut de France, il n'est pas considéré comme un musée national, et ne bénéficie pas non plus du label musée de France[52] - [53]. Un service éducatif est assuré notamment par un enseignant détaché de l'Éducation nationale[54]. Des ateliers sur le thème des parfums sont organisés toute l'année. Le tableau ci-dessous indique les chiffres de fréquentation du domaine disponibles.

Chiffres de fréquentation de l'abbaye de Chaalis 2000-2016[55] - [56] - [57] - [58]
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2014 2015 2016
41 832 44 963 42 292 38 476 46 239 42 759 41 751 41 250 44 805 48 019 41 230 42 698 39 897

Dans le parc, se tiennent chaque année les journées de la rose, au cours du deuxième weekend du mois de juin. Ce salon d'horticulture et du jardinage rassemble une centaine d'exposants et une dizaine de milliers de visiteurs. Il est l'occasion de conférences et de concerts[59]. Le conseil régional de Picardie y organise par ailleurs des spectacles à l'occasion du festival « Jardins en scène »[60], de même que la communauté de communes du Pays de Valois tout au long de l'année[61]. Enfin, Chaalis est adhérente à la « charte des abbayes et sites cisterciens d'Europe », qui regroupe plus de 150 sites liés à l'ordre cistercien ouverts au public[62].

Abbaye dans la culture

Les ruines de l'abbaye se trouvent représentées dès le XVIIIe siècle : il s'agit d'un dessin à la sanguine représentant les ruines du cloître, d'Hubert Robert. Celui-ci a en effet participé tout près de là à la création du parc du château d'Ermenonville[63]. En 1827, l'architecte prix de Rome Pierre-Joseph Garrez les représente à nouveau dans un dessin aquarellé, actuellement conservé au musée des beaux-arts de Nancy[64]. Pierre-Luc Ciceri a dessiné des aquarelles représentant les ruines de l'abbatiales vers 1864[bv 42].

Bien que plusieurs écrivains soient venus dès le Moyen Âge et à la Renaissance à l'abbaye, il faut attendre le XIXe siècle pour voir évoquer l'abbaye dans la littérature. Gérard de Nerval, qui a passé son enfance à quelques kilomètres de l'abbaye, évoque le site dans La Bohème Galante[65], dans sa nouvelle Sylvie (sous-titrée « Souvenirs du Valois »)[66] mais surtout le décrit dans Les Filles du feu. Dans une de ses Lettres à Angélique, il décrit ainsi les ruines de l'abbaye :

« La suite des ruines amenait encore à une tour et une chapelle. Nous montâmes à la tour. De là l'on distinguait toute la vallée, coupée d'étangs et de rivières, avec les longs espaces dénudés qu'on appelle le Désert d'Ermenonville, et qui n'offrent que des grès de teinte grise, entremêlés de pins maigres et de bruyères. Des carrières rougeâtres se dessinaient encore çà et là à travers les bois effeuillés, et ravivaient la teinte verdâtre des plaines et des forêts, où les bouleaux blancs, les troncs tapissés de lierre et les dernières feuilles d'automne se détachaient encore sur les masses rougeâtres des bois encadrés des teintes bleues de l'horizon. Nous redescendîmes pour voir la chapelle; c'est une merveille d'architecture. L'élancement des piliers et des nervures, l'ornement sobre et fin des détails, révélaient l'époque intermédiaire, entre le gothique fleuri et la Renaissance[67]. »

L'abbaye est par ailleurs évoquée dans le livre Le Moine de Chaalis écrit par Fanny Reybaud et paru en 1843. Ce roman évoque l'abbaye dans les années 1770[68].

L'abbaye et son domaine servent par ailleurs de cadre à plusieurs scènes de films. Le premier long métrage à y être tourné est Judex, de Georges Franju en 1963. Il s'agit par la suite, le plus souvent, de films historiques comme : Le Colonel Chabert d'Yves Angelo en 1994, Le Libertin de Gabriel Aghion en 2000, Molière ou Le comédien malgré lui de Laurent Tirard en 2007, ou encore le téléfilm Napoléon en 2002. Il est également possible de reconnaître les ruines de l’église abbatiale et chapelle dans La Voie lactée de Luis Buñuel en 1969, Hommes, femmes, mode d'emploi de Claude Lelouch en 1996, Le Raid de Djamel Bensalah en 2002 ou encore Les femmes du 6e étage de Philippe Le Guay en 2011. Enfin, quelques scènes de la comédie Les Visiteurs, en 1993, y ont été tournées[69].

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Pierre Babelon et Jean-Marc Vasseur, L'abbaye royale de Chaalis et les collections Jacquemart-AndrĂ©, Ă©ditions du Patrimoine, coll. « ItinĂ©raires », , 69 p. (ISBN 978-2-85822-883-6).
  • Jean-Pierre Babelon, Primatice Ă  Chaalis, Nicolas Chaudun Ă©diteur, , 163 p. (ISBN 2-35039-027-6).
  • Maryse Bideault et Claudine Lautier, ĂŽle-de-France Gothique 1 : Les Ă©glises de la vallĂ©e de l'Oise et du Beauvaisis, Paris, A. Picard, , 412 p. (ISBN 2-7084-0352-4), p. 127-135.
  • Eugène Lefèvre-Pontalis, L'Ă©glise abbatiale de Chaalis (Oise), Caen, Henri Delesques Imprimeur-Ă©diteur, , 43 p. (lire en ligne).
  • Robert-Henri Bautier et Anne-Marie Bautier, « Chaalis, l'abbaye, les collections », Beaux Arts Magazine, no hors-sĂ©rie,‎ , p. 58.
  • François Blary, Le domaine de Chaalis, XIIe – XIVe siècle : Approches archĂ©ologiques des Ă©tablissements agricoles et industriels d'une abbaye cistercienne, CTHS, , 417 p. (ISBN 2-7355-0172-8).
  • LĂ©on Fautrat, « Notes sur Chaalis », Comptes rendus et mĂ©moires du ComitĂ© archĂ©ologique de Senlis, SociĂ©tĂ© d'histoire et d'archĂ©ologie de Senlis, vol. 8,‎ , p. 1-25 (lire en ligne).
  • Jean-Marc Vasseur, « Abbaye royale de Chaalis, chapelle Sainte-Marie, dĂ©cors retrouvĂ©s de Paul Balze, Ă©lève d'Ingres », Bulletin du Groupement d'Ă©tude des monuments et Ĺ“uvres d'art de l'Oise et du Beauvaisis (GEMOB), no 135,‎ , p. 3-40.
  • François Blary, « Les abbatiales de Chaalis, nouvelle enquĂŞte », Dossiers de l'archĂ©ologie, no 340,‎ , p. 58-63.
  • Louis Gillet, « Le MusĂ©e Jacquemart-AndrĂ© Ă  Chaalis », La Revue de l'Art ancien et moderne, vol. XXXV, no 1,‎ , p. 321-336 (lire en ligne).
  • Louis Gillet, Abbaye de Chaalis et MusĂ©e Jacquemart-AndrĂ© : Notice et guide sommaire des monuments, des collections et de la promenade du DĂ©sert, Paris, Bulloz, , 3e Ă©d., 168 p.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Ce musée porte le même nom que celui du boulevard Haussmann à Paris : le musée Jacquemart-André.

Références

  1. (la) Leopold Janauschek, Originum Cisterciensium : in quo, praemissis congregationum domiciliis adjectisque tabulis chronologico-genealogicis, veterum abbatiarum a monachis habitatarum fundationes ad fidem antiquissimorum fontium primus descripsit, t. I, Vienne, Vindobonae, , 491 p. (lire en ligne), p. 137.
  2. Coordonnées relevées sur Google Maps
  3. Orthodromie calculée à l'aide de « Orthodromie », sur Lion1906 (consulté le )
  4. Découvrons le massif forestier d'Ermenonville, Orry-la-Ville, Parc naturel régional Oise - Pays de France, , 16 p. (lire en ligne)
  5. « Scan » sur Géoportail (consulté le 24 février 2012).
  6. « Acte no 4482 », sur Chartes originales antérieures à 1121 conservées en France, Cédric GIRAUD, Jean-Baptiste RENAULT et Benoît-Michel TOCK, éds., Nancy : Centre de Médiévistique Jean Schneider; éds électronique : Orléans : Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, 2010. (Telma)
  7. Blary 2010, p. 59
  8. Fautrat 1921, p. 3
  9. Henri Martin, Histoire de la bibliothèque de l'Arsenal, Librairie Plon, , 664 p. (lire en ligne), p. 439-446
  10. Patricia Stirneman et Anne Bondéelle-Souchier, « Vers une reconstitution de la bibliothèque ancienne de l’abbaye de Chaalis: inventaires et manuscrits retrouvés », dans Monique Goullet, Parva pro magnis munera : Études de littérature latine tardo-antique et médiévale offertes à François Dolbeau par ses élèves, Turnhout, Brepols Publishers, coll. « Instrumenta Patristica et Mediaevalia » (no 51), (ISBN 978-2-503-53120-5, lire en ligne)
  11. Fautrat 1921, p. 12
  12. Fautrat 1921, p. 9-11
  13. Vasseur 2008, p. 7
  14. Vasseur 2008, p. 24-25
  15. Nicole Garnier-Pelle, Trésors du cabinet des dessins du Musée Condé à Chantilly - Histoire de la collection du duc d'Aumale, éditions d'art Somogy et Institut de France, , p. 12 et 38
  16. Notice no PA00114690, base Mérimée, ministère français de la Culture
  17. « Rapport annuel 2020 », sur Institut de France (consulté le )
  18. Charles Higounet, La Grange de Vaulerent : Structure et exploitation d'un terroir cistercien de la plaine de France XIIe – XVe siècle, SEVPEN, coll. « Les Hommes et la terre », , 70 p., p. 17
  19. On trouve en France des valeurs allant de 32 Ă  78 ares (3 200 Ă  7 800 m2)
  20. Notice no PA00080231, base Mérimée, ministère français de la Culture
  21. Notice no PA00114691, base Mérimée, ministère français de la Culture
  22. Dietrich Lohrmann, « Le rétablissement du grand domaine à faire-valoir direct en Beauvaisis au XIIe siècle », Francia, no 8,‎ , p. 105-126 (lire en ligne)
  23. Notice no PA00114979, base Mérimée, ministère français de la Culture
  24. Eugène Müller (chanoine), Essai d'une monographie des rues, places et monuments de Senlis, t. 4, Senlis, Imprimerie & lithographie Ernest Payen, (lire en ligne), p. 144-145
  25. [PDF]« Les domaines cisterciens (granges, implantations urbaines, équipements hydrauliques) - Séminaire de Paul Benoit », sur LAMOP - Paris I (consulté le ), p. 11
  26. (en) Caroline Bruzelius, « The Transept of the Abbaye Church of Chaalis and the Filiation of Pontigny », dans Benoit Chauvin, Mélanges à la mémoire du père Anselme Dimier, t. 3, Arbois, , p. 447-454
  27. Blary 2010, p. 62-63
  28. Notice no IM60000891, base Palissy, ministère français de la Culture
  29. Notice no PM60000071, base Palissy, ministère français de la Culture
  30. Notice no M0809006166, base Joconde, ministère français de la Culture
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  34. Vasseur 2008, p. 20-23
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  38. Vasseur 2008, p. 29-39
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  19. p. 35-36
  20. p. 22
  21. p. 10-11
  22. p. 11-12
  23. p. 42-44
  24. p. 35
  25. p. 69
  26. p. 45
  27. p. 65
  28. p. 46
  29. p. 70
  30. p. 47
  31. p. 48-49
  32. p. 49
  33. p. 68
  34. p. 50
  35. p. 51-52
  36. p. 53-55
  37. p. 56
  38. p. 60-61
  39. p. 62-63
  40. p. 58-59
  41. p. 57
  42. p. 26-27
  • RĂ©fĂ©rences issues de l'ouvrage François Blary, Le domaine de Chaalis, XIIe – XIVe siècle, (voir dans la bibliographie) :
  1. p. 11-25
  2. p. 41-46
  3. p. 46-71
  4. p. 73-86
  5. p. 87-92
  6. p. 105-116
  7. p. 125-139
  8. p. 153-169
  9. p. 173-211
  10. p. 215-231
  11. p. 251-264
  12. p. 265-284
  13. p. 289-302
  14. p. 305-315
  15. p. 319-323
  16. p. 327 et 336
  17. p. 329-333
  18. p. 333-336
  • RĂ©fĂ©rences issues de l'ouvrage Robert-Henri Bautier et Anne-Marie Bautier, « Chaalis, l'abbaye, les collections », Beaux Arts Magazine,‎ (voir dans la bibliographie) :
  1. p. 9
  2. p. 10
  3. p. 10-11
  4. p. 11-12
  5. p. 16
  6. p. 17
  7. p. 41-48
  8. p. 48-53
  9. p. 18
  10. p. 14-15
  11. p. 22-52
  12. p. 32-44
  • RĂ©fĂ©rences issues de l'ouvrage Eugène Lefèvre-Pontalis, L'Ă©glise abbatiale de Chaalis (Oise), (voir dans la bibliographie) :
  1. p. 3-4
  2. p. 4-5
  3. p. 5
  4. p. 10-22
  5. p. 22-26
  6. p. 26-31
  7. p. 39-41
  8. p. 41-43
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