Une religion d'État est une religion officiellement adoptée par un État, ce qui signifie que la législation de cet État se conforme aux préceptes de la religion en question. On parle de religion d'État lorsque la législation – généralement la constitution – d'un pays précise que telle religion est la religion de l'État.
Aujourd'hui, l'existence dans un pays d'une religion ayant un statut de religion d'État ne préjuge pas de la situation des religions dans ce pays : la religion d'État peut être la seule religion autorisée ou bien simplement jouir de certaines prérogatives (appui financier par exemple), les autres cultes étant libres.
L'islam est de nos jours la religion la plus concernée par le statut de religion d'État. La plupart des pays occidentaux ne reconnaissent plus de religion d'État.
Certains pays reconnaissent, avec ou sans religion d'État, une ou plusieurs religions officielles.
Sommaire
Histoire des religions d'État
Religions d’État antiques
Sumériens et sémites
Les peuples du Proche-Orient, sumériens puis sémites, avaient généralement des religions d'état. Plusieurs des rois ou princes sumériens demi-mythologiques des époques anciennes étaient des prêtres du dieu de leur cité. Certains des premiers rois des époques anciennes ont pu passer dans le Panthéon, comme Dumuzid, et quelques rois plus récents ont été considérés comme divins peu après leur règne, comme Sargon d'Akkad (sémite). Un des premiers rois à être proclamé dieu pendant son règne réel fut Gudea de Lagash, suivi de quelques rois de Ur, comme Shulgi.
Égypte
La religion d’État était inséparable du pouvoir d'état. Des pharaons ont été souvent considérés comme des incarnations du dieu Horus.
Empire perse achéménide
Le Mazdéisme est religion d'état, et l'empereur l'est de droit divin.
Hindouisme
Le Shivaïsme et le Vishnouisme auraient été religions d'état de divers royaumes avant l'arrivée des grecs en -326.
Antiquité grecque
Plusieurs villes grecques avaient un dieu ou des déesses liées à cette ville. Ce n’était pas seulement le dieu de la ville, mais également celui qui recevait des honneurs spéciaux. Dans la Grèce antique, la ville d’Athènes avait Athéna, Sparte avait Artémis, Délos avait Apollo et Artemis, et Olympe avait Zeus.
Le confucianisme de la dynastie Han et le bouddhisme de la dynastie Sui
En Chine, la dynastie Han (206 av. J.-C. - 220) instaurait le confucianisme comme religion d’État, faisant de la connaissance des textes confucéens une condition à l’entrée au service du gouvernement. Les empereurs Han ont apprécié l’ordre social, concept central de confucianisme. Le confucianisme est resté religion d’État jusqu’à la dynastie Sui (581 - 618), avant d'être remplacée par le bouddhisme. Le néoconfucianisme est redevenu religion d’État au Xe siècle.
Antiquité romaine
La religion romaine est dès l'origine une religion civique placée sous l'autorité de la cité. Le principal acteur est le Pontifex maximus, titre repris après la République par les empereurs, qui était souvent considéré comme un divin à titre posthume.
Le fait que l'empereur, à partir d'Auguste, soit vénéré comme un dieu, fait évoluer ce système religieux vers une véritable religion d'État, le culte de l'empereur devenant le symbole de l'adhésion à l'Empire romain. L'État romain liait le culte impérial à la loyauté à l'empire. Des chrétiens et des juifs furent par périodes persécutés dans l’Empire romain, parce qu’il était contraire à leur foi de participer au sacrifice général aux dieux pour le salut et la conservation de l'empereur (voir Christianisme dans le monde romain). En 311, l’empereur Galère, sur son lit de mort, a déclaré la liberté religieuse dans tout l’Empire romain, se concentrant particulièrement sur la fin de la persécution des chrétiens.
Religions d’État au Moyen Âge
Zoroastrisme
Le zoroastrisme était la religion d’État de la dynastie des Sassanides qui a duré de 226 à 651.
Christianisme
Par l'édit de Milan de 313, son successeur Constantin Ier, confirme cette liberté et par la suite intervient dans les affaires de l'Église en organisant le premier concile de Nicée. Le christianisme n’était toutefois pas une religion d’État à Rome, bien que ce fut le cas dans certains États voisins comme l’Arménie et le royaume d'Aksoum. La religion romaine (Hellénisme néoplatonicien) a été remis en faveur par Julien de 361 à 363. Le christianisme a été déclaré religion d’État de l’Empire romain en 392 par le décret de Théodose Ier.
L'édit de Thessalonique de 380 fait du christianisme la religion officielle de l'Empire romain. Les païens, les hérétiques et les Juifs devinrent alors des citoyens de seconde zone, grevés d'incapacités juridiques et administratives[1].
Opposant le pape Grégoire VII à l'Empereur romain germanique, la querelle des Investitures, au XIe siècle, permet à Rome de réaffirmer sa souveraineté dans le domaine spirituel, en conservant le pouvoir de nomination des évêques ; en contrepartie, Rome doit abandonner au prince le domaine temporel[2]. Peu de temps après, le cardinal Deusdedit (en) admet la dualité des juridictions, tout en proclamant la supériorité du pouvoir spirituel[2]. Une tradition se développe ainsi, perdurant à travers les vicissitudes des siècles, selon laquelle le pape est détenteur de l’auctoritas, et le prince de la potestas (expression du pape Gélase Ier)[2].
Dans les Dictatus papæ, Grégoire VII affirme que la plénitude de pouvoir (plenitudo potestatis) appartient au souverain pontife. Le concordat de Worms de 1122 sonne définitivement le glas du césaropapisme dans l'Europe non byzantine[3]. Bien plus, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, la plénitude de pouvoir spirituel est devenue une « notion totalitaire »[1]. L’Église ne peut tolérer un autre pouvoir que celui du pape. Selon la « théorie des deux glaives », le pape détient aussi bien le glaive spirituel que le glaive temporel. Il donne le second au prince pour qu’il en fasse l’usage que le pape lui indique[1]. La papauté tente ainsi d’instaurer une théocratie pontificale en faisant du pape le représentant de Dieu sur terre.
Les traductions latine du XIIe siècle d'œuvres grecques et arabes permettent à Thomas d'Aquin, au XIIIe siècle, d'élaborer une synthèse entre le christianisme et l'aristotélisme, qui conduit à distinguer la cité terrestre et la cité divine, suivant en cela la distinction ancienne de saint Augustin. Le pouvoir politique devient alors l'expression d'un ordre naturel. Le thomisme est par la suite contesté par les franciscains et par Duns Scot et Guillaume d'Ockham, qui refusent l'idée d'un ordre rationnel pré-construit, considérant que cela limiterait la volonté divine[2]. Ces derniers substituent ainsi au thomisme et à son organicisme les idées d'individu et de volonté contractuelle, qui influenceront les théories du contrat social[2].
Islam
L'islam est par nature religion d'état dès sa naissance. Certaines autres religions, dites « religions du livre » (judaïsme et christianisme), sont tolérées mais leurs adhérents ont le statut de dhimmis qui implique des impôts supplémentaires, capacité juridique limitée, et des contraintes sur l'exercice de leur foi, qui ne peut être public. Les autres religions ne sont pas tolérées.
Le XVIe siècle
Anglicanisme
L'anglicanisme est par définition et vocation la religion de l'état anglais.
Réforme protestante
Toutes les religions protestantes sont déclarées religions d'état dans l'Empire Germanique par la paix d'Augsbourg.
Le calvinisme devient religion d'état à Genève et en Écosse. Le luthérianisme devient religion d'état en Suède.
Le XVIe siècle est celui de la monarchie de droit divin protestante, théorisée en particulier par Jean Bodin. Pour Jean Calvin, il n'est de justice que dans la Révélation divine : hors de là, il n'est qu'« humaine pollution » (L'Institution de la religion chrétienne)[2]. Avec la théologie réformée, l'ordre politique a une double nature: il est d'une part mal nécessaire, imputable au péché originel : cette conception, « positiviste » selon le politologue Bertrand Badie, conduit à Luther ; il s'inscrit aussi dans le projet messianique de reconstruction de la Cité de Dieu sur terre, qu'on retrouve chez Jean Calvin et chez les révolutionnaires puritains dans la Première Révolution anglaise (1640)[2].