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Compromis austro-hongrois

Le Compromis austro-hongrois (en allemand : Österreichisch-Ungarischer Ausgleich « compensation, arrangement[1] » ; en hongrois : kiegyezĂ©s « compromis, accord, acceptation[2] ») Ă©tablit en 1867 la double-monarchie d’Autriche-Hongrie, remplaçant l’empire d'Autriche lui-mĂȘme issu en 1804 de l’empire des Habsbourg. Ce compromis est signĂ© par l’empereur d'Autriche François-Joseph Ier et une dĂ©lĂ©gation hongroise, dirigĂ©e par l’homme d’État Ferenc DeĂĄk : il dresse le cadre d’un nouveau mode de gouvernement par lequel les entitĂ©s autrichienne et hongroise sont gouvernĂ©es par des Parlements et des Premiers ministres diffĂ©rents. L’unitĂ©, sous forme d’union personnelle, est assurĂ©e par un souverain, une armĂ©e et plusieurs ministĂšres communs. La « Compensation », signĂ©e le , pose le principe de la fidĂ©litĂ© de la Hongrie aux Habsbourg en Ă©change de sa large autonomie au sein de l’Empire : elle est formellement adoptĂ©e le par une DiĂšte hongroise restaurĂ©e[3]. Ce compromis prend fin le lors de la dislocation de l'Autriche-Hongrie Ă  l’issue de la PremiĂšre Guerre mondiale.

Compromis austro-hongrois
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Type de traité Compromis
Signé
Vienne
Expiration
Carte en français de l’Autriche-Hongrie en 1887 : Autriche en rose, Hongrie en jaune, Bosnie (encore nominalement ottomane) en orange.
Couronnement de François-Joseph et Élisabeth (« Sissi ») Ă  Budapest en 1867 comme souverains du royaume hongrois.

Contexte

Affaiblie par sa dĂ©faite dans la guerre austro-prussienne en 1866, l’Autriche, monarchie multinationale, se heurte aux aspirations des diffĂ©rents peuples, qui inquiĂštent la noblesse autrichienne et la noblesse hongroise, dominantes et possĂ©dant la majeure partie des terres de l’Empire. AprĂšs de longues tractations, les options fĂ©dĂ©rales Ă  six (Autriche, BohĂȘme-Moravie, Galicie-LodomĂ©rie, Hongrie, Croatie et Transylvanie), Ă  quatre (Autriche, BohĂȘme, Croatie, Hongrie) ou Ă  trois (Autriche, Hongrie, Croatie) sont Ă©cartĂ©es au profit d’une option Ă  deux : partie Autrichienne ou « Cisleithanie » et partie Hongroise ou « Transleithanie ». Cette option, la seule que les aristocraties de ces deux entitĂ©s acceptent, inaugure la « double-monarchie » d’Autriche-Hongrie, Ă©galement appelĂ©e « monarchie danubienne », ainsi que le « double-rĂšgne » de François-Joseph et d’Élisabeth, solennellement couronnĂ©s le Ă  Budapest comme roi et reine de Hongrie[4].

Termes

Le compromis, renouvelable tous les dix ans, fait de l’empire d'Autriche et du royaume de Hongrie deux entitĂ©s autonomes et Ă©gales en union douaniĂšre et monĂ©taire, qui disposent chacune de sa propre constitution et de son propre Parlement qui vote son propre budget. Chaque entitĂ© dispose de son propre Ă©tat-civil et Ă©met ses propres passeports : il n'y a donc pas de citoyennetĂ© austro-hongroise, mais soit autrichienne, soit hongroise, et chaque entitĂ© a sa propre police et justice (toutefois un citoyen recherchĂ© dans l'une des entitĂ©s, l'est aussi dans l'autre)[5]. Les deux chambres du Parlement de chaque partie de la « monarchie danubienne » envoient des reprĂ©sentants, les « DĂ©lĂ©gations », qui votent le budget des affaires communes (affaires Ă©trangĂšres, guerre, condominium de Bosnie-HerzĂ©govine, postes, marine, flotte, chemins de fer)[6].

Les constitutions Ă©taient d’inspiration libĂ©rale au sens politique du terme, mais concrĂštement, le mode d’élection des dĂ©putĂ©s Ă©tait inĂ©galitaire. En 1910, en Autriche, les Tausend Adelfamilien (« mille plus nobles familles ») possĂšdent d’immenses richesses en fortune et en terres, et disposent d’une influence prĂ©dominante non seulement Ă  la Cour mais aussi au Reichsrat et donc sur la politique et la diplomatie de l’Empire. Une centaine de ces familles siĂšgent comme « pairs » Ă  la Chambre Haute du Parlement impĂ©rial (Herrenhaus)[7]. La mĂȘme annĂ©e, dans le royaume de Hongrie, seuls 6 % des hommes disposent du droit de vote et un tiers des terres appartient Ă  moins de 9 000 familles de la noblesse hongroise, sur-reprĂ©sentĂ©e au Parlement de Budapest. La noblesse hongroise est seule dans la Chambre des magnats (FƑrendihĂĄz) et largement majoritaire Ă  la Chambre des reprĂ©sentants (KĂ©pviselƑhĂĄz)[8], oĂč la vie politique est essentiellement rĂ©servĂ©e aux Magyars : sur 453 dĂ©putĂ©s, 372 sont magyars[9] - [10].

Ainsi conçu au profit des nobles autrichiens et hongrois, ce compromis politique satisfait, ou en tout cas ne mĂ©contente pas les populations germanophones et magyarophones, mais porte en lui les germes de la dissolution de la « double-monarchie », car il ne tient pas compte des aspirations des autres peuples de l’Empire, Slaves (TchĂšques, Slovaques, Polonais, Ukrainiens, SlovĂšnes, Croates, Serbes) ou latins (Italiens, Roumains)[11].

RĂ©ception Ă  l'Ă©tranger

La presse française de l’époque signale le caractĂšre dĂ©sĂ©quilibrĂ© de cet accord fondĂ© sur l’hĂ©gĂ©monie de deux nations minoritaires, et pronostique une Ă©volution vers un fĂ©dĂ©ralisme plus large et ainsi plus Ă©quilibrĂ©[12].

Évolution du compromis et de ses termes

Comme le compromis est dĂ©cennal, il doit ĂȘtre renĂ©gociĂ© tous les dix ans. À chaque renouvellement, l’essentiel de la nĂ©gociation porte sur le montant de la participation de chacune de ses deux entitĂ©s au budget commun. En 1867, le partage du budget commun se fait ainsi : 70 % pour l’empire d'Autriche, 30 % pour le royaume de Hongrie. Jusqu’en 1907, la participation hongroise augmente progressivement jusqu’à concourir Ă  35 % du budget commun.

Fin du compromis

À l’issue de la PremiĂšre Guerre mondiale, les peuples dĂ©favorisĂ©s de l’Empire rĂ©clament l’application du « droit des peuples Ă  disposer d'eux-mĂȘmes » formulĂ© dans le dixiĂšme des quatorze points du prĂ©sident amĂ©ricain Woodrow Wilson et proclament leur sĂ©cession ; le traitĂ© de Saint-Germain y rĂ©pond en dĂ©mantelant la « Double Monarchie »[13]. Les bĂ©nĂ©ficiaires du compromis de 1867 seront cette fois dĂ©favorisĂ©s : le traitĂ© de Saint-Germain interdit l’union des Allemands d’Autriche Ă  la rĂ©publique de Weimar et place ceux du Haut-Adige sous souverainetĂ© italienne[14] ; quant aux Hongrois, le traitĂ© de Trianon laisse un quart d’entre eux hors de la nouvelle Hongrie indĂ©pendante[15]. AprĂšs l’abolition du compromis en 1918, l’aristocratie des deux entitĂ©s perd ses privilĂšges : dans les États successeurs de l’Empire, les immenses domaines nobiliaires sont partagĂ©s par les rĂ©formes agraires entre les paysans locaux, tous les indicateurs de noblesse (titres et noms de terres) sont abolis[16], et les Habsbourg eux-mĂȘmes ne sont pas Ă©pargnĂ©s : ils sont interdits de rĂšgne et mĂȘme de sĂ©jour tant en Autriche qu’en Hongrie[17] - [18].

Notes et références

  1. (de) « Ausgleich », sur DWDS (de), Berlin-Brandenburgischen Akademie der Wissenschaften.
  2. (hu) « kiegyezik », dans GĂ©za BĂĄrczi et OrszĂĄgh LĂĄszlĂł (dir.), A magyar nyelv Ă©rtelmezƑ szĂłtĂĄra [« Dictionnaire de la langue hongroise »], t. 4 (Ki – Mi), Budapest, AkadĂ©miai kiadĂł, (lire en ligne).
  3. Luigi Albertini, (en) The Origins of the War of 1914, vol.I, Oxford University Press 1952, p. 4.
  4. A. J. P. Taylor, (en) The Habsburg Monarchy, 1815–1918: A history of the Austrian Empire and Austria-Hungary, ed. Macmillan, New York 1952.
  5. IstvĂĄn BibĂł, (en) The Art of Peacemaking: Political Essays, Yale University Press 2015, p. 208, (ISBN 9780300210262) |url=.
  6. ÁdĂĄm Kolozsi, (hu) HalĂĄlos fenyegetĂ©sek Ă©s hazaĂĄrulĂĄs 1867 ben 150 Ă©ves a kiegyezes: frontvonalak Ă©s marketing az osztrĂĄk-magyar kiegyezĂ©s körĂŒl (« Menaces mortelles et trahisons en 1867, le compromis a 150 ans : premiers repĂšres et marketing autour du compromis austro-hongrois ») sur
  7. Hannes Stekl, Adel und BĂŒrgertum in der Habsburgermonarchie 18. bis 20. Jahrhundert, Oldenbourg et Vienne, 2004. (ISBN 3-486-56846-9).
  8. Max Schiavon, L'Autriche-Hongrie la PremiĂšre Guerre mondiale : la fin d'un empire, Soteca 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », Paris 2011, (ISBN 978-2-9163-8559-4), p. 139.
  9. Clark 2013, p. 82.
  10. Renouvin 1934, p. 96.
  11. Henri Bogdan, L'Autriche-Hongrie et la question nationale, Confluences méditerranéennes 2010, vol. 2, n° 73, p. 13-20.
  12. Louis Girard, Lorant (André). Le compromis austro-hongrois et l'opinion publique française de 1867 (compte-rendu), Revue belge de Philologie et d'Histoire, Année 1974, 52-2, pp. 482-483.
  13. Brigitte Vacha, Die Habsburger, Eine EuropÀische Familiengeschichte, Sonderausgabe 1996, p. 413.
  14. Georg Wagner, Österreich : von der Staatsidee zum Nationalbewusstsein, Ă©d. Österreichischen StaatsdrĂŒckerei, Vienne 1982, (ISBN 3-7046-0017-2).
  15. Yves de Daruvar, Le Destin Dramatique de la Hongrie : Trianon ou la Hongrie écartelée, éd. Albatros, Paris 1971.
  16. En Autriche, par l’Adelsaufhebungsgesetz (« loi d’Abolition de la noblesse ») de 1919 : Jean BĂ©renger, L'Autriche-Hongrie : 1815-1918, Armand Colin 1998, (ISBN 978-2200217433 et 2200217439).
  17. VĂ©ronique SoulĂ©, « Hongrie - La guerre des blasons », dans À l'Est, la mĂ©moire retrouvĂ©e, La DĂ©couverte, (DOI 10.3917/dec.bross.1990.01.0150, lire en ligne), p. 150–161.
  18. HĂ©lĂšne de Lauzun, « De l’empire d’Autriche Ă  la double monarchie (1815-1918) », dans Histoire de l'Autriche, Perrin, (lire en ligne), p. 165-287.

Bibliographie

  • (en) Mark Cornwall, Last Years Of Austria-Hungary: A Multi-National Experiment in Early Twentieth-Century Europe, 2e Ă©d., Exeter, University of Exeter Press, 2002.

Articles connexes

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