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Guerre de la drogue au Mexique

La guerre de la drogue au Mexique[15] - [16] - [17], aussi appelĂ©e la guerre des cartels au Mexique, est un conflit armĂ© oĂč les cartels de la drogue s'opposent au gouvernement mexicain. Elle commence Ă  impliquer massivement l'armĂ©e mexicaine Ă  partir de dĂ©cembre 2006, bien que celle-ci ait Ă©tĂ© utilisĂ©e dans la lutte contre le trafic des stupĂ©fiants antĂ©rieurement.

Guerre de la drogue au Mexique
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Informations générales
Date - En cours
(16 ans, 6 mois et 19 jours)
Lieu Mexique
Aussi :
Issue En cours
Belligérants
Drapeau du Mexique Mexique
‱ Polices municipales et des EntitĂ©s fĂ©dĂ©ratives
‱ Police fĂ©dĂ©rale prĂ©ventive
‱ Marine mexicaine
‱ Garde nationale du Mexique
‱ ArmĂ©e mexicaine (ponctuellement)

Drapeau des États-Unis États-Unis (ponctuellement)
Principaux cartels en activité (décembre 2019)[2] :
Commandants
‱ Felipe Calderón (2006-2012)
‱ Enrique Peña Nieto (2012-2018)
‱ AndrĂ©s Manuel LĂłpez Obrador (2018-actuellement)
‱GĂ©nĂ©ral Luis Cresencio Sandoval
‱ Commandant Luis Rodríguez Bucio
‱ Nemesio Oseguera Cervantes alias "El Mencho"
‱ Ovidio Guzmán López alias "El Ratón"
‱ JesĂșs Alfredo GuzmĂĄn Salazar (es)
‱ Rafael Caro Quintero
‱ Ismael Zambada García
‱ Fausto Isidro Meza
‱ Juan Gerardo Treviño
‱ Juan Pablo Ledezma
‱ Enedina Arellano FĂ©lix
‱ JosĂ© Antonio YĂ©pez Ortiz
‱ « El Piloto »
Forces en présence
Environ 75 000 gardes nationaux en dĂ©cembre 2019[3]Plus de 45 000 hommes armĂ©s depuis le debut du conflit
Pertes
SEDENA : 324 militaires tués (2006 - 2021)[4]

entre 54 927[10] et 99 667[11] tuĂ©s (civils, fonctionnaires et malfaiteurs) entre dĂ©cembre 2006 et mai-juin 2012
252 538 tuĂ©s (2006 - 2018)[12]
85 006 disparus (2006 - avril 2021)[13]

1 600 000 de dĂ©placĂ©s (2005 - 2010)[14]

Notes

Batailles

DĂ©but 2009, environ 36 000 militaires et policiers, dont 8 500 dans la seule ville de JuĂĄrez[18], luttent contre environ 100 000 membres des cartels de la drogue mexicains et leurs unitĂ©s paramilitaires[19].

Cette lutte contre les narcotrafiquants et les rĂšglements de compte entre cartels ont causĂ© plus de 50 000 morts dans le pays entre l'arrivĂ©e au pouvoir du prĂ©sident Felipe CalderĂłn fin 2006 et . Cependant, d'autres estimations font monter le chiffre total Ă  environ 100 000 victimes sur la mĂȘme pĂ©riode et cela sans compter les 27 000 disparus[20]. En consĂ©quence, le nombre d'homicides par an n'a pas cessĂ© d'augmenter au Mexique depuis 2006, jusqu'Ă  dĂ©passer en 2019 les 30 000 victimes par an et atteindre un total de prĂšs de 275 000 personnes assassinĂ©es depuis le dĂ©but de la pĂ©riode[21]. L'enjeu pour les cartels rĂ©side dans le contrĂŽle du marchĂ© local, et du trafic vers les États-Unis, premier consommateur mondial de cocaĂŻne[22].

Préludes

Du début du XXe siÚcle aux années 1990

Les États-Unis interdisent l'opium et la coca Ă  usage non thĂ©rapeutique en 1914 (Harrison Narcotics Tax Act)[23] : Ă  cette Ă©poque, le pavot Ă  opium est cultivĂ© depuis longtemps au Mexique, tandis que la coca ne s'y est jamais implantĂ©e[23]. En 1920, le Mexique interdit la production et la vente de marijuana[23], puis, en 1926, de l'opium[23]. Le pavot Ă©tait cultivĂ© lĂ©galement et principalement dans le nord-ouest (États de Sonora, Sinaloa, Chihuahua et Durango)[23].

En Basse-Californie, le gouverneur Esteban CantĂș (en) (1917-1920) partisan de Pancho Villa profitait du trafic de l'opium dont la culture Ă©tait alors lĂ©gale au Mexique[24].

Le Sinaloa, situĂ© sur la cĂŽte du Golfe de Californie, et dont allaient provenir les trafiquants les plus importants aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, Ă©tait reliĂ© aux États frontaliers de la Californie et de l'Arizona, Chihuahua et Sonora, par un chemin de fer construit au XIXe siĂšcle, permettant ainsi l'acheminement des marchandises, dont la politique prohibitionniste amĂ©ricaine avait conduit Ă  renchĂ©rir le prix[23]. Il allait profiter des rĂ©seaux de transport le liant Ă  la CĂŽte Pacifique, meilleurs que ceux allant vers l'Est, ainsi que de son rĂŽle de producteur, pour devenir la pĂ©piniĂšre des trafiquants[23]. La commune de Badiraguato se distingue comme l'une des rĂ©gions importantes de production d'opium : surnommĂ©e la « Sicile mexicaine », c'est de lĂ  que viennent des parrains cĂ©lĂšbres, tel les Caro Quintero, Ernesto Fonseca (en) et Juan JosĂ© Esparragoza Moreno[23], qui firent partie du cartel de Guadalajara, ou encore les frĂšres Beltran Leyva, etc.

Des Chinois, qui profitaient de leur expĂ©rience de l'opium (introduit de force en Chine au XIXe siĂšcle lors des guerres de l'opium), s'appuyĂšrent aussi sur leurs concitoyens rĂ©sidant aux États-Unis (y construisant notamment les chemins de fer), pour s'introduire sur le marchĂ© mexicain au dĂ©but du XXe siĂšcle, Ă  la suite d'un durcissement de la politique migratoire des États-Unis[23]. À la suite de plusieurs pogroms dans le nord-ouest du Mexique, ils Ă©migrĂšrent en masse vers les États-Unis, perdant le contrĂŽle du trafic de l'opium, dont la majoritĂ© Ă©tait destinĂ©e Ă  l'export, la consommation mexicaine Ă©tant trĂšs faible[23].

AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, alors que les cultures du pavot Ă  opium perdaient du terrain au Sonora, Ă  la suite des campagnes du gouvernement mexicain, elles en gagnaient dans le Sinaloa, le Durango et le Chihuahua[23]. DĂšs cette Ă©poque, les accusations de collusion entre politiques et trafiquants sont instrumentalisĂ©es afin de servir d'arme politique[23]. Ainsi, lorsqu'en 1944, le gouverneur du Sinaloa, Rodolfo T. Loaiza (en), est assassinĂ©, on prĂ©tend, Ă  tort, que le meurtre aurait Ă©tĂ© commanditĂ© par les trafiquants, soit parce qu'il se serait opposĂ© Ă  eux soit parce qu'il n'aurait pas respectĂ© une promesse[23]. En 1947, la presse accuse le gĂ©nĂ©ral et ex-secrĂ©taire Pablo MacĂ­as Valenzuela (es), nouveau gouverneur du Sinaloa, de contrĂŽler le trafic de l'opium de l'État[23]. Emanant d'une presse aux ordres, ces accusations n'avaient que peu de valeur ; elles nĂ©cessitĂšrent cependant l'intervention du prĂ©sident, Miguel AlemĂĄn, pour les faire taire[23].

C'est le gouvernement d'Alemån qui décide, en 1947, de lancer une campagne contre la production d'opium dans le nord-ouest, seconde du genre depuis celle de 1938 engagée à la suite des pressions du gouvernement Roosevelt[23]. La façon dont celle-là s'initia présagea des campagnes ultérieures : les fédéraux envoyés sur place logÚrent dans un hÎtel de Roberto Domínguez, l'un des principaux trafiquants d'opium[23].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis manquent de morphine pour leurs soldats, la route d'importation de l'Asie Ă©tant coupĂ©e. Roosevelt demande au consul gĂ©nĂ©ral mexicain de relancer la culture du pavot au Mexique pour fabriquer cette morphine[25].

Pendant la guerre du Vietnam, le Mexique est devenu le premier fournisseur de l'armĂ©e amĂ©ricaine pour les substances tirĂ©es de l'opium et utilisĂ©es en pharmacie. Cette situation a ouvert la voie Ă  la naissance aux États-Unis d'un marchĂ© clandestin de la drogue. Dans les annĂ©es 1980-1990, les cartels de Colombie ont donnĂ© un rĂŽle important au Mexique, devenu la route empruntĂ©e le plus souvent pour envoyer la drogue aux États-Unis. Peu Ă  peu, les cartels mexicains ont pris leur indĂ©pendance des gangs colombiens et sont devenus particuliĂšrement puissants[26].

Dans les annĂ©es 1960, sous Nixon, la « guerre contre la drogue » s'impose comme prioritĂ©. Nixon ordonne ainsi, en , l'opĂ©ration Interception, fouillant — en pure perte — tous les vĂ©hicules en provenance du Mexique Ă  la recherche de marijuana[23].

Dans les annĂ©es 1970, l'État fĂ©dĂ©ral envoya l'armĂ©e pour tenter d'Ă©radiquer les cultures de plantes psychotropes (pavot et cannabis), lors de l'OpĂ©ration Condor. Celle-ci se rĂ©vĂšle un Ă©chec, marquĂ© par le dĂ©placement des cultures et l'Ă©migration interne forcĂ©e des paysans, ainsi que de nombreuses violations des droits de l'homme[23]. De nombreux petits paysans et petits trafiquants furent arrĂȘtĂ©s, mais aucun gros bonnet[23]. Les trafiquants s'installĂšrent Ă  Guadalajara, deuxiĂšme ville du pays, dans l'État de Jalisco[23].

C'est durant cette décennie que les trafiquants mexicains, en premier lieu desquels Miguel Ángel Félix Gallardo, Luciano Reynosa Pérez et Pedro Avilés Pérez originaires d'Espagne et du Sinaloa et actionnaires dans diverses banques, s'imposent comme intermédiaires dans les filiÚres de cocaïne issue de Colombie[23]. Félix Gallardo et Luciano Reynosa travaillent notamment avec le cartel de Medellín de Pablo Escobar[23].

Le cartel de Sinaloa émerge dans les années 1980, quand la Central Intelligence Agency (CIA) utilisait ses services pour fournir la Contra nicaraguayenne (paramilitaires en lutte contre le régime sandiniste) en armes et en dollars[27].

Des années 1990 aux années 2000

Dans les années 1990, marquées par l'arrestation de Miguel Ángel Félix Gallardo en 1989 et par la mort du colombien Pablo Escobar en 1993, deux familles de trafiquants issus du Sinaloa émergent faisant concurrence au Cartel de Sinaloa sur le contrÎle des filiÚres de circulation de la cocaïne, principalement, ainsi que d'héroïne et de marijuana, les Arellano Félix, qui deviendront connus sous le nom de « cartel de Tijuana », et la famille d'Amado Carrillo Fuentes, connu comme le chef du « cartel de Juårez »[23].

Le commissaire de police suisse Fausto Cattaneo, spĂ©cialiste de la lutte antidrogue, relĂšve que « les privatisations de la pĂ©riode 1989-1995 (
) ont permis aux narcos, avec la complicitĂ© de l’État et des narcopoliticiens, de devenir une puissance Ă©conomique lĂ©gale »[28].

En 1997, la mort de ce dernier ouvre la porte à une guerre de succession[29]. En 2001, Joaquín Guzmån, dit El Chapo, membre du cartel de Sinaloa, s'évade et commence son ascension[29]. En 2008, il rompt avec certains de ses alliés, qui fondent le cartel Beltrån Leyva. Les cartels se regroupent en deux camps distincts, leurs conflits meurtriers retombant sur la société civile.

Les opĂ©rations policiĂšres et militaires avaient commencĂ© avant Felipe CalderĂłn, bien que celui-ci les ait Ă©tendues. Ainsi, les relations avec les États-Unis se refroidirent Ă  la suite de l'affaire Enrique Camarena, du nom d'un agent de la DEA assassinĂ© en 1985, et qui avait provoquĂ© la dissolution de la DirecciĂłn Federal de Seguridad (DFS), agence de renseignement chargĂ©e de la lutte anti-drogues et placĂ©e sous l'autoritĂ© directe du prĂ©sident, qui, depuis sa crĂ©ation en 1947, avait jouĂ© un rĂŽle central d'intermĂ©diaire entre le champ politique et les narcos[23]. Le commandant de la police judiciaire fĂ©dĂ©rale, hĂ©ritiĂšre de la mission anti-stupĂ©fiants du DFS, Guillermo GonzĂĄlez Calderoni, s'illustre alors en faisant arrĂȘter divers trafiquants, ce qui conduit Ă  affaiblir les Sinaloans sous la prĂ©sidence de Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), au profit, notamment, d'un trafiquant du Tamaulipas, Juan GarcĂ­a Ábrego, Ă  la tĂȘte du cartel du Golfe[23]. AccusĂ© lui-mĂȘme de corruption en 1993, GonzĂĄlez Calderoni prendra la fuite au dĂ©but des annĂ©es 1990. Osiel CĂĄrdenas succĂ©dera Ă  GarcĂ­a Abrego, arrĂȘtĂ© en 1996, et engagera d'ex-militaires, dont certains de l'unitĂ© d'Ă©lite Grupo AeromĂłvil de Fuerzas Especiales (GAFES), dans son escadron Los Zetas[23].

ParallÚlement, la CIA aurait soutenu les trafiquants de drogue mexicains et les auraient mis en lien avec les cartels colombiens, afin de financer les Contras en guerre contre le régime sandiniste au Nicaragua[30]. Des membres des Contras auraient ainsi été entraßnés dans des ranchs du cartel de Sinaloa[30].

AprĂšs l'arrestation, en 1989, de FĂ©lix Gallardo, par le commandant GonzĂĄlez Calderoni, Ă  la suite de l'affaire Camarena, son organisation se scinde en tendances rivales[23]. Certains affirment que FĂ©lix Gallardo aurait attribuĂ©, de sa prison, des zones (plazas) Ă  divers cartels[23]. À partir de 1992, des conflits meurtriers opposent les frĂšres Arellano FĂ©lix Ă  d'autres trafiquants du Sinaloa[23]. Le cartel de JuĂĄrez, d'Amado Carrillo Fuentes, devient alors l'une des organisations criminelles principales du Mexique[23] avec le Cartel de Sinaloa. Ce dernier, en contact avec plusieurs gĂ©nĂ©raux, travaille avec le Colombien Miguel Rodriguez Orejuela, du cartel de Cali[23], s'appuyant sur le gouverneur du Quintana Roo, Mario Villanueva Madrid, pour utiliser cet État comme base de transport. Carrillo Fuentes fait l'objet d'une tentative d'assassinat, en 1993, Ă©manant des frĂšres Arellano FĂ©lix[23].

En , le cardinal Juan JesĂșs Posadas Ocampo est assassinĂ© Ă  Guadalajara: selon la version officielle, il aurait Ă©tĂ© confondu avec JoaquĂ­n GuzmĂĄn par les sicaires des Arellano FĂ©lix. L'un des frĂšres rencontre, Ă  deux reprises, l'ambassadeur du Vatican, Girolamo Prigione, en et , lequel informe le prĂ©sident Carlos Salinas de la volontĂ© de nĂ©gocier des trafiquants[23]. Le procureur gĂ©nĂ©ral du Mexique, Jorge Carpizo McGregor (en), suggĂšre plutĂŽt de les arrĂȘter, suggestion non retenue, et qui indique une passivitĂ© suspecte venant d'un prĂ©sident aux pouvoirs Ă©tendus[23].

En 1995, le gĂ©nĂ©ral JosĂ© GutiĂ©rrez Rebollo devenait cĂ©lĂšbre pour avoir fait arrĂȘter HĂ©ctor Luis Palma Salazar, un membre du cartel de Sinaloa. L'annĂ©e suivante, il Ă©tait nommĂ© Ă  la tĂȘte de l'INCD (Instituto Nacional para el Combate a las Drogas). La nomination d'un gĂ©nĂ©ral Ă  la tĂȘte de l'INCB par le prĂ©sident Zedillo signalait l'implication croissante des forces armĂ©es mexicaines dans la lutte anti-drogues, ce que Francisco Molina Ruiz, ex-tsar de la lutte anti-stupĂ©fiants, dĂ©clarera en ĂȘtre une grave erreur, celles-ci Ă©tant Ă©galement infiltrĂ©es par les cartels de la drogue[31]. Quelques mois plus tĂŽt, en , le gĂ©nĂ©ral GutiĂ©rrez Rebollo Ă©tait en effet arrĂȘtĂ© pour corruption, et sera condamnĂ© Ă  plus de 70 ans de prison, notamment pour avoir aidĂ© le cartel de JuĂĄrez.

AprĂšs les Ă©lections de 2000, le nouveau prĂ©sident, Vicente Fox (PAN), annonce le retrait de l'armĂ©e des opĂ©rations anti-drogue[23]. Il revient sur sa dĂ©cision aprĂšs une rĂ©union organisĂ©e par le responsable amĂ©ricain de la lutte anti-drogues, le gĂ©nĂ©ral Barry McCaffrey (en), et nomme un militaire, Rafael Macedo de la Concha (en), en tant que procureur gĂ©nĂ©ral de la RĂ©publique, qui lui-mĂȘme nomme d'autres militaires Ă  des postes-clĂ©s[23]. Depuis lors, le SecrĂ©tariat de la DĂ©fense Nationale du Mexique (SEDENA) joue un rĂŽle central dans la lutte anti-narcos[23], participant Ă  l'OpĂ©ration Mexique sĂ»r lancĂ©e en juin 2005 dans le Tamaulipas. De nombreux parrains ont Ă©tĂ© depuis arrĂȘtĂ©s[23], le cartel de JuĂĄrez d'Amado Carrillo Ă©tant cependant relativement Ă©pargnĂ©[23]. Tombent ainsi, en 2003, Osiel CĂĄrdenas, du cartel du Golfe et Ă  la tĂȘte des Zetas, plusieurs tĂȘtes du cartel de Tijuana des Arellano FĂ©lix, etc. Le cartel de Sinaloa semble cependant lui aussi Ă©pargnĂ© : de 2004 Ă  2010, sur 53 174 personnes arrĂȘtĂ©es, seules 941 lui Ă©taient associĂ©es[29]. Cela viendrait de son influence au sein des plus hautes sphĂšres du pouvoir.

ParallĂšlement, en 1999, le prĂ©sident Bill Clinton et son homologue Ernesto Zedillo se rencontrent pour coordonner les opĂ©rations contre le trafic de stupĂ©fiants. La rencontre avait eu lieu dans un ranch prĂšs de MĂ©rida, appartenant au magnat Roberto HernĂĄndez RamĂ­rez, lui-mĂȘme accusĂ© par la presse locale d'implication dans le trafic de cocaĂŻne[32].

Le mĂȘme homme accueillit, en 2007, une nouvelle rencontre au sujet du trafic de drogues, cette fois-ci entre George W. Bush et le prĂ©sident Felipe CalderĂłn[33]. L'aide amĂ©ricaine s'est concrĂ©tisĂ©e l'annĂ©e suivante par le vote de la loi instaurant l'Initiative de MĂ©rida.

Le gouvernement mexicain a Ă©tĂ© accusĂ© de rester passif jusqu'Ă  l'Ă©lection du prĂ©sident Felipe CalderĂłn (PAN, droite), qui a fait de la lutte contre le trafic de stupĂ©fiants un des objectifs les plus importants de son mandat (2006-2012). MĂȘme CalderĂłn lui-mĂȘme est soupçonnĂ© : Ă©voquant El Chapo et El Diablo, le journaliste d'investigation Anabel Hernandez dĂ©clare ainsi: « Il est protĂ©gĂ© - tous les prĂ©sidents mexicains ont couvert un cartel, Ă  un moment donnĂ©[29]. » En 2004, le chercheur Luis Astorga remarquait, alors que l'implication maintenue des militaires, sous Vicente Fox, Ă©lu en 2000, avait permis de nombreuses arrestations :

« Comme le montre l’histoire du trafic de drogues au Mexique, l’arrestation de quelques chefs, ou de milliers de personnes de moindre importance, n’a eu d’effet sensible ni sur la diversitĂ© ni sur les quantitĂ©s des drogues introduites aux États-Unis. MĂȘme les mesures de sĂ©curitĂ© adoptĂ©es aux postes frontiĂšres amĂ©ricains aprĂšs le 11 septembre 2001 n’ont fondamentalement affectĂ© ni la structure de l’offre ni les prix des drogues disponibles sur le marchĂ© amĂ©ricain. Les arrestations de trafiquants n’ont pas non plus eu d’effets dissuasifs sur les personnes impliquĂ©es dans le commerce des drogues illicites. Ce dernier reste Ă©conomiquement des plus rentables, et le restera vraisemblablement Ă  court terme. Loin de s’affaiblir, les organisations de trafiquants dirigĂ©es par des Sinaloans sont tout aussi hĂ©gĂ©moniques Ă  l’heure actuelle qu’elles l’ont Ă©tĂ© depuis des dĂ©cennies. Elles semblent mĂȘme de plus en plus proches de contrĂŽler l’ensemble des points de passage de drogues sur la frontiĂšre avec les États-Unis[23]. »

Malgré les nombreuses arrestations, décÚs et extraditions sous Calderón, rien n'indique que la situation ait changé, la population civile devenant au contraire de plus en plus otage des conflits entre les cartels et les forces de l'ordre.

DĂ©veloppement du conflit

Carte des principales zones de violence en 2007.

La présidence de Felipe Calderón

Le , sur ordre du prĂ©sident Felipe CalderĂłn, plus de 5 000 militaires ont Ă©tĂ© envoyĂ©s dans l’État du MichoacĂĄn afin de reprendre aux cartels de la drogue les territoires qu’ils contrĂŽlaient. Bien que faisant suite Ă  l'OpĂ©ration Mexique sĂ»r lancĂ©e par Vicente Fox en , l'Operativo Conjunto MichoacĂĄn a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e comme une premiĂšre dans la lutte contre le narco-trafic au Mexique en raison de l'implication de l'armĂ©e dans ce que le gouvernement a qualifiĂ© de « guerre »[34].

À partir de ce moment, l'envoi de troupes dans les diffĂ©rents États de la FĂ©dĂ©ration s'est accentuĂ© au fur et Ă  mesure de l'augmentation des dĂ©cĂšs liĂ©s au trafic de drogues : loin de mettre fin aux activitĂ©s des cartels, l'arrestation ou la mort des principaux chefs ouvre la voie Ă  de violentes luttes intestines. La militarisation des opĂ©rations, qui s'accompagne de violations des droits de l'homme et d'exposition des forces armĂ©es Ă  la corruption par les cartels, n'a pas Ă©tĂ© sans critiques. Ainsi, en , le prĂ©sident de la Commission nationale des droits de l'Homme (Mexique), JosĂ© Luis Soberanes (en), annonçant une cinquantaine de cas enregistrĂ©s de violations des droits de l'homme dans le MichoacĂĄn, prĂ©conisait de cantonner les forces armĂ©es Ă  leur rĂŽle extĂ©rieur et d'attribuer la lutte contre les narcotrafiquants aux seuls policiers[35].

Le , le gouvernement a lancĂ© le Plan Tijuana, destinĂ© Ă  mettre fin Ă  la violence en Basse-Californie et tout particuliĂšrement Ă  Tijuana, envoyant 3 296 hommes des diffĂ©rents corps de sĂ©curitĂ© de l'État[36]. Face Ă  la recrudescence de la violence liĂ©e au trafic de drogue, plus de 2 000 soldats ont Ă©tĂ© envoyĂ©s le Ă  Ciudad JuĂĄrez, dans le cadre de l'Operativo Chihuahua, officiellement pour accĂ©lĂ©rer la lutte contre le cartel de JuĂĄrez : « nous sommes la derniĂšre force de dĂ©fense de l'ordre intĂ©rieur du pays » affirmait alors un officier, laissant comprendre en filigrane que face Ă  la corruption endĂ©mique des forces de police municipales et nationales, l'intervention des forces armĂ©es apparaissait indispensable[37].

La corruption, au niveau local et fĂ©dĂ©ral, est en effet l'un des graves problĂšmes affectant l'État. En 2007, l'ex-gouverneur de Quintana Roo, Mario Villanueva Madrid, fut condamnĂ© Ă  plus de 30 ans de prison pour trafic de stupĂ©fiants en association avec le cartel de JuĂĄrez[38], avant d'ĂȘtre extradĂ© aux États-Unis en 2010. En , le chef de la police de CancĂșn, Francisco Velasco Delgado, Ă©tait arrĂȘtĂ© pour avoir couvert les activitĂ©s du cartel du Golfe ; en , c'Ă©tait le chef de la lutte anti-drogues lui-mĂȘme, NoĂ© Ramirez Mandujano (en), qui Ă©tait incarcĂ©rĂ© pour corruption dans le cadre de l'OperaciĂłn Limpieza (« OpĂ©ration propretĂ© »), ainsi que des proches collaborateurs du secrĂ©taire de la SĂ©curitĂ© Publique, Genaro Garcia Luna[39]. Ramirez Mandujano Ă©tait Ă  la tĂȘte du SIEDO (en) (SubprocuradurĂ­a de InvestigaciĂłn Especializada en Delincuencia Organizada), crĂ©Ă© en 2003 Ă  la suite d'un scandale de corruption affectant l'organisme antĂ©rieur chargĂ© de la lutte contre le crime organisĂ©. En 2008, selon Calderon lui-mĂȘme, la moitiĂ© des policiers mexicains « ne sont pas recommandables »[40].

Dans un premier temps, les autorités mexicaines ont voulu croire à l'efficacité des opérations militaires dans le nord du pays : le secrétaire Genaro García Luna affirmait en que les militaires auraient pu rentrer dans leurs casernes avant la fin de l'année, étant donné qu'à la suite du déclenchement de Operativo Chihuahua « il commençait déjà à y avoir une diminution de l'activité criminelle »[41].

205 millions de dollars et plusieurs armes saisis Ă  Mexico en 2007 par la police mexicaine et la DEA amĂ©ricaine.

L'explosion de violence en 2008 a nĂ©anmoins Ă©tĂ© sans prĂ©cĂ©dent : le , le premier attentat public attribuĂ© Ă  un cartel a lieu Ă  Morelia, dans le MichoacĂĄn et en dĂ©cembre, on recensait dĂ©jĂ  5 031 morts liĂ©es au conflit pour la seule annĂ©e 2008, 7 882 depuis le dĂ©but du mandat de Felipe CalderĂłn[42]. La lutte contre le trafic de drogue a alors Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e en enjeu national, la pression de l'opinion publique s'accentuant au fil des dĂ©comptes des morts publiĂ©s chaque jour dans la presse. Le conflit touche aussi des États du sud (17 morts Ă  Acapulco en )[43], laissant craindre des retombĂ©es nĂ©gatives pour l'industrie du tourisme, vitale pour l'Ă©conomie mexicaine. De plus, cette mĂȘme annĂ©e surgit le dĂ©cĂšs du chef du Cartel de Sinaloa Luciano Reynosa PĂ©rez. Enrique Reynosa, son fils se hisse Ă  la tĂȘte du cartel, il est rĂ©putĂ© pour son extrĂȘme cruautĂ© et ses rapports plus que violents avec son entourage.

Parmi les raisons invoquĂ©es par les autoritĂ©s pour justifier la difficultĂ© de la guerre contre les cartels figure la capacitĂ© opĂ©rationnelle des trafiquants : le secrĂ©taire Genaro GarcĂ­a Luna a admis face aux dĂ©putĂ©s, en , que les plus de 20 000 armes saisies au cours des deux premiĂšres annĂ©es de l'administration CalderĂłn « sont Ă©quivalentes Ă  celles qu'utilisent toutes les polices ». Il indiquait Ă©galement que la police mexicaine souffrait d'un retard technologique face aux cartels qui se sont sophistiquĂ©s dĂšs les annĂ©es 1970, puis se sont servis de la mondialisation et du potentiel technologique comme instruments pour leurs opĂ©rations, alors mĂȘme que la police fĂ©dĂ©rale ne dispose pas des techniques d'identification et de localisation des tĂ©lĂ©phones portables[44].

Le National Drug Intelligence Center estime que les trafiquants mexicains opĂ©rant aux États-Unis gĂ©nĂ©reraient entre 17 et 38 milliards de dollars par an de revenus (entre 13 et 29 milliards d’euros)[45] dĂ©passant largement le budget de la dĂ©fense (10,062 milliards de dollars en 2007) et plus que le dĂ©ficit du commerce extĂ©rieur de ce pays[46]. Selon une estimation publiĂ© par la CIA en 2007, les plantations d'opium au Mexique couvriraient 6 900 hectares, soit un potentiel de production de 18 tonnes d'hĂ©roĂŻne pure ou 50 tonnes d'hĂ©roĂŻne black tar; la culture de marijuana s'Ă©tendrait, elle, sur 8 900 hectares, ce qui Ă©quivaut Ă  une production potentielle de 15 800 tonnes[47] et fait du Mexique le troisiĂšme producteur mondial d'opium derriĂšre l'Afghanistan et la Birmanie[25].

Le , le MinistĂšre de la DĂ©fense a annoncĂ© l'envoi de 5 332 militaires Ă  Ciudad JuĂĄrez en renfort des 2 026 dĂ©jĂ  prĂ©sents, afin d'affronter les sicaires des deux cartels (JuĂĄrez et Sinaloa) qui se font la guerre pour se partager le territoire de la ville frontaliĂšre avec les États-Unis[48].

Mi-, on comptait 3 050 morts dus Ă  cette guerre des gangs. Cette extrĂȘme violence permet tous les rĂšglements de compte, les assassinats de journalistes et de syndicalistes — entre autres — sont dĂ©sormais courants[49].

L'imminence des élections législatives du 5 juillet 2009 (en) a précipité les opérations anti-corruption, en raison de l'importance de l'enjeu de ces opérations contre les trafiquants. Calderon demande un processus d'« épuration et de certification des corps policiers ».

En , les militaires encerclent par surprise le commissariat de CancĂșn. Ils contrĂŽlent et dĂ©sarment le millier de policiers prĂ©sents, avant d’arrĂȘter le chef de la police soupçonnĂ© d’ĂȘtre impliquĂ© dans le narcotrafic.

Le dix maires, un juge et seize fonctionnaires de l'État de MichoacĂĄn ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par la police fĂ©dĂ©rale et l'armĂ©e au cours d'une opĂ©ration inĂ©dite par son ampleur[50]. Le gouverneur du MichoacĂĄn, Leonel Godoy Rangel, a indiquĂ© ne pas avoir Ă©tĂ© prĂ©venu de l'opĂ©ration, ce qu'il a interprĂ©tĂ© comme une tentative de porter atteinte Ă  son parti, le Parti de la rĂ©volution dĂ©mocratique (PRD, gauche), en vue des Ă©lections. Un basculement de cet État Ă  droite aurait pu en effet assurer la suprĂ©matie du parti prĂ©sidentiel (le PAN) au CongrĂšs[51]. Toutefois, les Ă©lections ont finalement Ă©tĂ© remportĂ©es par le Parti rĂ©volutionnaire institutionnel (PRI, centre-gauche), qui a historiquement dominĂ© la scĂšne politique nationale. Le PRI a ainsi remportĂ© 241 siĂšges, contre seulement 147 pour le PAN, qui arrive deuxiĂšme.

62 kg de cocaĂŻne saisis lors du Project Coronado lancĂ© contre La Familia Michoacana en 2009.

Le , l'infanterie de marine mexicaine rĂ©ussit Ă  abattre Arturo BeltrĂĄn Leyva (en), le dirigeant du cartel des BeltrĂĄn Leyva[52]. Un de ses hommes de main les plus sanguinaires, Edgar Valdez Villarreal (en) surnommĂ© La Barbie, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© prĂšs de Mexico le [53]. Le c'est au tour de Tony Tormenta (en), chef du cartel du Golfe, d'ĂȘtre abattu par la marine dans la ville de Matamoros dans l'État de Tamaulipas[54]. L'aide apportĂ©e par la DEA aux forces de sĂ©curitĂ© mexicaines, notamment Ă  la marine, a permis de retrouver ces deux hommes[55]. Le , c'Ă©tait au tour de Nazario Moreno GonzĂĄlez, chef du cartel de La Familia du MichoacĂĄn d'ĂȘtre abattu. Au lendemain de l'annonce de sa mort, des centaines de personnes ont manifestĂ© en soutien au cartel Ă  ApatzingĂĄn[56].

Le Casino Royale aprÚs l'attentat à Monterrey du 25 août 2011.

En 2010, les affrontements entre les gangs et les attaques contre les forces de l'ordre et les civils redoublent d'intensitĂ©, en effet, cette annĂ©e compte le double de morts de l'annĂ©e 2009, avec plus de 15 000 morts[57]. Entre autres, 43 personnes dont 15 policiers sont tuĂ©es le [58]. C'est dans ce contexte que l'armĂ©e se dĂ©sengage depuis de Ciudad JuĂĄrez oĂč elle est remplacĂ©e par la police fĂ©dĂ©rale[59].

Le Mexique se trouve en 2010, en termes de morts violentes[57], Ă  un niveau bien supĂ©rieur Ă  l'Irak (60 morts militaires[60] et environ 3 000 civils tuĂ©s en 2010[61]).

Un exemple de l'extrĂȘme violence et de l'armement quasi-militaire des cartels est donnĂ© lors d'une embuscade effectuĂ© par le cartel de Sinaloa contre un convoi de Los Zetas le faisant 29 morts sur une autoroute et la capture par la police d'un engin blindĂ© artisanal[62]. Environ cent dix vĂ©hicules blindĂ©s dont une vingtaine de ces narcotanks ont Ă©tĂ© saisis dans le seul Ă©tat de Tamaulipas par les forces de sĂ©curitĂ© Ă  la mi-[63].

Le , le prĂ©sident reconnaĂźt que la corruption a permis la pĂ©nĂ©tration du crime organisĂ© au sein des institutions de sĂ©curitĂ© mexicaine et appelle les États du Mexique Ă  terminer la vĂ©rification de la probitĂ© de leurs agents. Un exemple est le remplacement en des 348 agents chargĂ©s de la sĂ©curitĂ© Ă  l’aĂ©roport international de Mexico[64].

Le , une tuerie de masse Ă  Cadereyta JimĂ©nez a lieu, 49 cadavres dĂ©capitĂ©s, mains et pieds sectionnĂ©s, sont dĂ©couverts au bord d'une route Ă  une trentaine de kilomĂštres Ă  l’est de Monterrey. Ce massacre est revendiquĂ© par le groupe criminel des Zetas[65]. Quatre jours plus tĂŽt, on avait dĂ©couvert 18 cadavres dans deux automobiles abandonnĂ©s sur une route proche de Guadalajara, dans l’ouest du pays[65].

Toutes les classes de la société civile sont atteintes par la violence, quatorze maires ont été assassinés sans explication valable en 2010 et trois autres durant les quinze premiers jours de 2011[66] ainsi qu'une militante pacifiste féministe début [67].

Un rapport d'un centre de l'OTAN sur le terrorisme relĂšve en 2011, selon les sources publiques, un total de 452 actes terroristes (5e rang mondial) faisant 1 778 tuĂ©s, 322 blessĂ©s et 61 personnes enlevĂ©es[68].

Le mandat de Enrique Peña Nieto

Le , Heriberto Lazcano, chef des Zetas a Ă©tĂ© tuĂ© aprĂšs un Ă©change de coups de feu avec l'infanterie de marine mexicaine Ă  Sabinas, État de Coahuila. Son corps a Ă©tĂ© volĂ© Ă  la morgue[69].

Le , la police mexicaine capture InĂšs Coronel, beau-pĂšre d'El Chapo, un des dirigeants du Cartel de Sinaloa[70].

Le , JoaquĂ­n GuzmĂĄn est de nouveau arrĂȘtĂ© par la marine mexicaine[71].

Le , une gendarmerie nationale mexicaine est fondĂ©e ayant un effectif de 5 000 gendarmes triĂ©s sur le volet. En 2018, elle devrait compter 10 000 membres[72] - [73].

Le , El Chapo est Ă  nouveau arrĂȘtĂ©. Il est extradĂ© aux États-Unis le , et son procĂšs dĂ©bute Ă  New York le .

Une situation qui se dégrade depuis 2016

Élu en et prĂȘtant serment en novembre, AndrĂ©s Manuel LĂłpez Obrador (AMLO) hĂ©rite d'une situation critique, puisque les annĂ©es 2017 et 2018 sont les deux annĂ©es les plus meurtriĂšres depuis le dĂ©but du conflit (lire la section "Bilan humain" ci-dessous). En aoĂ»t, le bilan de 2019 en Ă©tait dĂ©jĂ  Ă  plus de 20.000 homicides, c'est-Ă -dire en moyenne un tous les quarts-d'heure[74]. Le , il fonde la Garde nationale du Mexique, qui commence Ă  se crĂ©er en absorbant la police fĂ©dĂ©rale, la Gendarmerie nationale mexicaine et la police navale (la police militaire de la Marine mexicaine) afin de lutter plus efficacement contre les cartels. L'idĂ©e est de limiter le nombre d'intermĂ©diaires dans la chaĂźne de commandement, afin d'amĂ©liorer la coordination entre les diffĂ©rents types d'unitĂ©s, tout en limitant les risques de corruption.

LĂłpez Obrador affirme vouloir remplacer la stratĂ©gie de lutte sanglante contre les cartels par une nouvelle approche qui se veut plus humaine. Sa dĂ©marche consiste notamment Ă  traiter les facteurs sociĂ©taux qui favorisent la criminalitĂ© : chĂŽmage, manque d’opportunitĂ©s, misĂšre dans les campagnes. C’est l’un des objectifs des diffĂ©rents programmes sociaux lancĂ©s par son gouvernement[75].

El Chapo, en procĂšs aux États-Unis depuis le , est jugĂ© coupable de tous ses chefs d'inculpation le . Et le , il est condamnĂ© Ă  la prison Ă  perpĂ©tuitĂ©, plus 30 annĂ©es.

La Garde nationale connaĂźt sa premiĂšre perte, le commandant Carlos Anastasio Juan (37 ans dont 20 ans comme militaire, mariĂ©, 3 enfants), le au cours d'un affrontement contre de probables tueurs Ă  gage Ă  Loma de Zempoala dans l’État de Guanajuato[76]. Plusieurs des gardes nationaux qui l'accompagnaient sont blessĂ©s dans la fusillade[76]. Selon eux, il se serait interposĂ© pour essayer de protĂ©ger une femme et une adolescente, et aurait alors Ă©tĂ© touchĂ©[76]. Une cĂ©rĂ©monie militaire en son honneur a lieu dans l'une des bases militaires aĂ©riennes de Ciudad Ixtepec (Oaxaca), oĂč il vivait, en prĂ©sence de sa femme Tomasa HernĂĄndez et du gĂ©nĂ©ral MartĂ­n JimĂ©nez Olivera, Commissaire de la Garde Nationale du Oaxaca, avant que son cercueil soit amenĂ© au cimetiĂšre municipal[76].

L’État de Veracruz est de plus en plus touchĂ© par la guerre[77], car il se trouve sur la route de l'exportation de la drogue vers les États-Unis[78], ce qui a amenĂ© deux groupes de narcotrafiquants ultraviolents Ă  s'affronter pour ce territoire, les Zetas[79] et le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration[74]. De plus, ils ne se limitent pas au trafic de drogue, et font Ă©galement du trafic de produits agricoles, et commettent des vols, des enlĂšvements avec rançon et des extorsions[74]. Le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration n'hĂ©site pas Ă  dĂ©filer dans les rues pour dĂ©fier les autoritĂ©s[74]. En plus des assassinats individuels (comme celui d'un journaliste le [74]) l’État de Veracruz connaĂźt deux massacres commis par les narcotrafiquants en 2019[74]. Le premier a lieu le , lorsque 14 personnes (dont un bĂ©bĂ©) sont massacrĂ©es durant une fĂȘte d'anniversaire dans un bar Ă  MinatitlĂĄn[79]. Les coupables s'Ă©chappent et ne sont pas identifiĂ©s. Le deuxiĂšme, dans la nuit du 27 au , des narcotrafiquants, probablement des membres du Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration, incendient volontairement un club de strip-tease et enlĂšvent le propriĂ©taire, Ă  Coatzacoalcos, dans l'État de Veracruz, provoquant 30 morts[80]. Cette fois, le chef local du Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration[81], Ricardo N., dit «la Loca» est arrĂȘtĂ©[77] ; l'enquĂȘte dĂ©montrera que «la Loca» avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© deux fois en juillet et en aoĂ»t mais qu'il avait Ă©tĂ© toujours relĂąchĂ© dans les 48h[82]. Face Ă  ces violences, des groupes d'autodĂ©fense civils apparaissent dans l’État, qui pratiquent parfois l'exĂ©cution extra-judiciaire, comme celle de deux vendeurs de drogue prĂ©sumĂ©s fin aoĂ»t[83].

L’État de Veracruz n'est pas le seul Ă  connaĂźtre une augmentation de la criminalitĂ© en 2019. L’État de MichoacĂĄn est Ă©galement concernĂ©, car les richesses produites par ses mines et ses vergers d'avocatiers, et ses ports par lesquels sont importĂ©s les produits chimiques nĂ©cessaires Ă  la fabrication de la drogue, attirent diffĂ©rents groupes criminels qui s'affrontent entre-eux et avec la police. Ainsi, , 13 policiers sont tuĂ©s et 9 autres sont blessĂ©s dans une embuscade tendue par le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration dans l’État de MichoacĂĄn[84] - [85]. En rĂ©ponse, le lendemain, le gĂ©nĂ©ral Luis Cresencio Sandoval, secrĂ©taire Ă  la DĂ©fense du Mexique (l'Ă©quivalent mexicain d'un ministre de l'ArmĂ©e), annonce que les forces fĂ©dĂ©rales dĂ©ploient 80 policiers, un hĂ©licoptĂšre et un nombre non-communiquĂ© d'agents de renseignements de l'armĂ©e supplĂ©mentaires dans l’État[86].

Le , un Ă©change de tirs entre des militaires et des membres prĂ©sumĂ©s du crime organisĂ© provoque au moins 15 morts, dont 1 soldat, Ă  Tepochica (agglomĂ©ration d'Iguala, État de Guerrero)[87].

Le , l'arrestation par la Garde nationale du Mexique d'Ovidio Guzmån López "El Ratón", chef de l'une des factions du Cartel de Sinaloa et l'un des fils d'El Chapo, provoque les combats de Culiacån entre les forces de l'ordre mexicaine (police fédérale, garde nationale, armée, gardiens de la prison d'Aguarato) et la faction du Cartel de Sinaloa qui obéit aux fils d'El Chapo, ce qui met à feu et à sang la ville de Culiacån, capitale de Sinaloa, et se termine par la libération de Guzmån. Les affrontements font plusieurs morts, 8 selon le Secrétariat à la Défense Nationale du Mexique.

La situation se dĂ©grade Ă©galement prĂšs de la frontiĂšre entre les États-Unis et le Mexique, oĂč des cartels concurrents s'affrontent pour le contrĂŽle des zones frontaliĂšres[88]. Le , 9 femmes et enfants de la famille amĂ©rico-mexicaine LeBaron sont massacrĂ©s dans la Sierra Madre occidentale, probablement confondus par un cartel pour des membres d'un cartel rival[88]. Mario H. "El Mayo", chef du territoire contrĂŽlĂ© par La LĂ­nea (alliĂ©s du Cartel de JuĂĄrez), sera arrĂȘtĂ© avec deux de ses hommes le , soupçonnĂ© d'ĂȘtre liĂ© au massacre[89]. Dans la nuit du 6 au , des affrontements Ă©clatent dans tout l’État de Chihuahua entre Los Mexicles (alliĂ©s locaux du Cartel de Sinaloa), le cartel de JuĂĄrez ou un de ses alliĂ©s locaux, et les forces de l'ordre mexicaines, qui causent 38 morts[90]. Le mĂȘme jour, dans l’État voisin et lui aussi frontalier de Sonora, un groupe armĂ© tue une femme et blesse gravement un homme Ă  Sahuaripa[91]. Le , le Cartel du Nord-est (groupe ayant fait cession des Zetas en 2019) attaque la mairie de Villa UniĂłn, dans l’État de Coahuila, provoquant 14 morts : 10 tueurs Ă  gages du cartel et 4 policiers[92] - [93]. Le lendemain, 7 autres membres prĂ©sumĂ©s du cartel sont tuĂ©s lors d'une opĂ©ration policiĂšre pour retrouver les responsables de l'attaque[92] - [93]. Le le bilan des deux jours prĂ©cĂ©dents s'alourdit Ă  23 morts, dans le dĂ©tail : 17 membres du cartel, 4 policiers, et 2 otages que les narcotrafiquants avaient pris pour couvrir leur fuite[94]. La recrudescence des violences dans le nord du Mexique, rĂ©active le flux de rĂ©fugiĂ©s qui essayent de se rendre aux États-Unis pour fuir les combats et les recrutements forcĂ©s par les cartels[95]. Il s'agit d'un phĂ©nomĂšne dĂ©jĂ  observĂ© de 2010 Ă  2013, lorsqu'une guerre intestine dans le nord entre les Zetas et une vague d'extorsions et d'enlĂšvements qui l'accompagnaient avaient dĂ©jĂ  crĂ©Ă© un premier flux de rĂ©fugiĂ©s[95]. Cependant, Ă  la diffĂ©rence de 2010-2013, en 2019 plus de rĂ©fugiĂ©s mexicains prĂ©fĂšrent se prĂ©senter aux postes-frontiĂšres et demander lĂ©galement l'asile que de rentrer illĂ©galement sur le territoire amĂ©ricain[95]. Le 21 fĂ©vrier 2020, la police de l’État de Chihuahua mĂšne une opĂ©ration policiĂšre contre Los Mexicles - les alliĂ©s du Cartel de Sinaloa au nord-ouest du Mexique - qui rĂ©sulte sur la mort de 6 membres de ce groupe criminel[96]. Le 23 fĂ©vrier 2020, quatre attaques contre des policiers ont lieu Ă  travers Chihuaha : trois Ă  Ciudad JuĂĄrez dont une qui blesse gravement un policier - les deux autres ne font pas de victimes - et une dans la ville de Chihuahua contre l'escorte du gouverneur de Chihuaha Javier Corral Jurado est attaquĂ©e par balles dans la ville de Chihuahua, deux policiers de l’État de Chihuahua qui en faisait partie sont blessĂ©s et doivent ĂȘtre hospitalisĂ©s, trois assaillants prĂ©sumĂ©s sont arrĂȘtĂ©s dans les heures qui suivent[96]. Les enquĂȘteurs pensent que ces attaques Ă©taient des reprĂ©sailles des Mexicles contre la police de Chihuahua pour l'opĂ©ration du 21 fĂ©vrier[96]. Des membres prĂ©sumĂ©s du crime organisĂ© attaquent Ă  nouveau des policiers Ă  Ciudad Juarez le 25 fĂ©vrier, les combats se soldent par la mort de 6 dĂ©linquants prĂ©sumĂ©s et l'arrestation d'une femme suspectĂ©e d'ĂȘtre en lien avec eux, 2 civils blessĂ©s, et 1 policier blessĂ© et hospitalisĂ©[97]. Le 5 avril 2020, des membres de La LĂ­nea (alliĂ©s du Cartel de JuĂĄrez) prennent en embuscade des membres de Gente Nueva (partie du Cartel de Sinaloa) sur un chemin de terre proche de Madera (Chihuahua), tuant 19 d'entre eux[98].

Avec 127 morts violentes enregistrées ce jour-là, le est officiellement le jour qui a connu le plus d'homicides enregistrés depuis le début des relevés statistiques sur les homicides au Mexique[99] (à noter que le bilan officiel du Massacre de Tlatelolco du a été considérablement sous-évalué et qu'il est possible que ce jour-là ait été largement plus violent que le ).

Selon une Ă©tude du Conseil Citoyen pour la SĂ©curitĂ© Publique et la Justice PĂ©nale publiĂ©e le 2 juin 2020, en 2019, 19 des 50 villes les plus dangereuses dangereuses au monde Ă©taient mexicaines, dont les 5 plus dangereuses : Tijuana (no 1 avec un taux de 134 homicides pour 100 000 habitants), Ciudad JuĂĄrez (no 2 - 104 homicides pour 100 000 habitants), Uruapan (no 3 - 85 homicides pour 100 000 habitants), Irapuato (no 4 - 80 homicides pour 100 000 habitants), et Ciudad ObregĂłn (no 5 - 80 homicides pour 100 000 habitants), ce Ă  quoi on peut rajouter Acapulco en no 7 (la sixiĂšme Ă©tant Caracas la capitale du Venezuela)[100]. Cette Ă©tude se base sur le taux d'homicides dans une ville et est donc proportionnel Ă  la population[100]. 4 jours seulement aprĂšs la publication de l'Ă©tude, le 6 juin 2020, une fusillade dans un centre de dĂ©sintoxication d'Irapuato provoquera 10 morts[101].

Le 28 mai 2020, plusieurs civils et 10 policiers sont enlevés à Los Cedros (Colima), les civils et 3 policiÚres seront relùchés le 31 mai. Les corps des 7 autres policiers seront retrouvés dans une voiture abandonnée à la frontiÚre de Colima et Jalisco le 2 juin[102].

Meilleure coopĂ©ration avec les États-Unis (2019-2020)

Le , aprĂšs la fusillade d'El Paso (un acte terroriste commis par un suprĂ©maciste blanc amĂ©ricain Ă  El Paso sur la frontiĂšre entre les États-Unis et le Mexique contre les Mexicains, mais pas directement liĂ© Ă  la guerre de la drogue) le prĂ©sident mexicain AMLO demande au gouvernement amĂ©ricain de mieux contrĂŽler la vente d'armes sur son territoire, pour limiter les fusillades aux États-Unis, mais aussi pour tarir l'approvisionnement des groupes criminels du Mexique en armes[103]. Le secrĂ©taire aux Relations extĂ©rieures du Mexique Marcelo Ebrard renouvelle cette demande le , et menace d'arrĂȘter de maintenir le rĂŽle rĂ©gulateur du Mexique dans la Crise migratoire en AmĂ©rique centrale si le gouvernement amĂ©ricain ne contrĂŽle pas mieux les armes[104] (le Mexique a fait diminuer de 56% le flux de migrants vers les États-Unis depuis le dĂ©ploiement de la Garde nationale au sud-est du pays)[104]. Le , l'ambassadeur amĂ©ricain au Mexique, Christopher Landau, reconnaĂźt que les États-Unis ont une responsabilitĂ© dans l'ampleur du trafic d'armes qui alimente les narcotrafiquants, et qu'ils doivent faire plus pour l'enrayer dans le cadre de la lutte bilatĂ©rale contre le narcotrafic[105]. C'est dans ce contexte qu'aprĂšs les affrontements Ă  CuliacĂĄn, du , le prĂ©sident Donald Trump et AMLO se mettent d'accord aprĂšs un entretien tĂ©lĂ©phonique pour geler le trafic d'armes entre les États-Unis et le Mexique[106]. Au vu de l'utilisation d'armes de guerre par les narcotrafiquants, dans le cas prĂ©sent des fusils anti-matĂ©riel de calibre .50 BMG capables de percer du ciment et les blindages lĂ©gers, les deux prĂ©sidents se mettent d'accord pour prendre des mesures bilatĂ©rales[106]. Le secrĂ©taire Ă  la dĂ©fense nationale Luis Cresencio Sandoval, le chancelier (Ă©quivalent mexicain du ministre des affaires Ă©trangĂšres) Marcelo Ebrard, et l'ambassadeur des États-Unis au Mexique Christopher Landau, sont chargĂ©s de la coordination des deux pays dans la lutte contre le trafic d'armes[106]. Le , une premiĂšre rĂ©union les rĂ©unissant eux-trois, et le secrĂ©taire Ă  la Marine Rafael Ojeda, a lieu au SecrĂ©tariat Ă  la SĂ©curitĂ© et Ă  la Protection citoyenne du Mexique Ă  Mexico[107]. Les dĂ©tails de la rĂ©union ne sont pas connus, mais Ebard twitte Ă  la sortie qu'il "y aura un avant et un aprĂšs en matiĂšre de lutte contre le trafic d'armes"[108].

Le , aprĂšs le massacre de la famille LeBaron, une famille americo-mexicaine mormone, Trump Ă©crit sur les rĂ©seaux sociaux « Si le Mexique a besoin ou demande de l’aide pour se dĂ©barrasser de ces monstres, les États-Unis sont prĂȘts, volontaires et capables de s’engager pour faire le boulot rapidement et avec efficacitĂ© »[109]. AMLO refuse cependant toute intervention armĂ©e directe qui pourrait violer la souverainetĂ© mexicaine. Le , Donald Trump dit lors d'une interview vouloir classer les cartels mexicains en tant qu'organisation terroriste, et que le processus de classification est en cours depuis 90 jours[110] - [111]. Le SecrĂ©tariat aux Affaires Ă©trangĂšres du Mexique contacte les autoritĂ©s amĂ©ricaines "pour comprendre le contenu et la portĂ©e" de ce message et souhaite "une rencontre Ă  haut niveau dĂšs que possible", tandis que le secrĂ©taire Marcelo Ebrard tweete : "Le Mexique n'admettra jamais aucune action qui signifie la violation de sa souverainetĂ©. Nous agirons avec fermetĂ©. J'ai dĂ©jĂ  transmis cette position aux États-Unis ainsi que notre dĂ©termination Ă  faire face Ă  la criminalitĂ© organisĂ©e transfrontaliĂšre"[111]. La possibilitĂ© des États-Unis de classer les cartels comme organisations terroristes Ă©trangĂšres fait surgir des inquiĂ©tudes exprimĂ©es dans la presse mexicaine, autant de droite[112] que de gauche[113], par rapport Ă  la possibilitĂ© que cela donnerait aux États-Unis en termes d'ingĂ©rence, notamment des opĂ©rations clandestines et des frappes aĂ©riennes amĂ©ricaines sur le sol mexicain, et en rĂ©sultats Ă©ventuellement contre-productifs[112] - [113]. Finalement, Trump renonce Ă  classer les cartels mexicains comme organisation terroriste, car si cela aurait permis aux États-Unis de pouvoir intervenir quand ils le voulaient sur le territoire mexicain, cela aurait Ă©galement permis aux autoritĂ©s mexicaines d'exiger le dĂ©mantĂšlement des banques prĂ©sentes sur le territoire amĂ©ricain qui acceptaient l'argent des cartels[114].

Donald Trump a plusieurs fois mentionnĂ© ses intentions interventionnistes. Il propose ouvertement d’envoyer son armĂ©e pour « faire le travail rapidement et efficacement. » Et de remettre en cause le changement de stratĂ©gie opĂ©rĂ© par le prĂ©sident mexicain : « C’est le moment pour le Mexique, avec l’aide des États-Unis, de mener une guerre contre les cartels de la drogue et de les Ă©liminer de la surface de la terre ». De son cĂŽtĂ©, le ministre mexicain des Affaires Ă©trangĂšres, Marcelo Ebrard, souligne que la meilleure contribution que les États-Unis puissent faire est « non pas de fournir des hĂ©licoptĂšres mais plutĂŽt de freiner le trafic d’armes de guerre ». En vente libre dans de nombreux États voisins, plus de 2 millions d’armes auraient traversĂ© illĂ©galement la frontiĂšre vers le Sud au cours de la derniĂšre dĂ©cennie[75].

Une opĂ©ration de la Drug Enforcement Administration, le service de police des États-Unis spĂ©cialisĂ© dans la lutte contre le trafic de drogue, menĂ©e de septembre 2019 Ă  mars 2020, aboutit Ă  l'arrestation d'environ 600 membres du Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration (CJNG) au Mexique et dans le sud des États-Unis, et Ă  la saisie de 15 tonnes de mĂ©thamphĂ©tamine et de 20 millions de dollars[115] ; le CJNG Ă©tant impliquĂ© dans un tiers Ă  deux tiers du trafic de drogue aux États-Unis[115]. Pour la seule matinĂ©e du 11 mars 2020, environ 250 membres prĂ©sumĂ©s du CJNG sont arrĂȘtĂ©s en Californie amĂ©ricaine, dont l'un de ses administrateurs Victor Ochoa, et les comptes de 4 entreprises domiciliĂ©es au Mexique qui faisaient du blanchissement d'argent pour le cartel sont gelĂ©s[115]. Les autoritĂ©s amĂ©ricaines offrent Ă©galement une prime de 10 millions de dollars pour toute information pouvant mener Ă  l'arrestation de Nemesio Oseguera "El Mencho", le chef principal du CJNG, considĂ©rĂ© par l'administration amĂ©ricaine comme le plus dangereux trafiquant de drogue depuis l'arrestation d'El Chapo, et Ă©mettent un mandat d'arrĂȘt contre sa fille Jessica Johanna Oseguara[115].

Le 7 mai 2020, aprĂšs une sĂ©rie de vidĂ©oconfĂ©rences (la pandĂ©mie de covid-19 qui touche alors autant les États-Unis que le Mexique rendant les rĂ©unions physiques indĂ©sirables) entre le SecrĂ©tariat Ă  la SĂ©curitĂ© et Ă  la Protection citoyenne du Mexique, le SecrĂ©tariat aux Affaires Ă©trangĂšres du Mexique, l'Institut National Ă  la Migration (du Mexique), et le Service des douanes et de la protection des frontiĂšres des États-Unis, les institutions des deux pays se mettent d'accord pour renforcer les contrĂŽles aux postes-frontiĂšres de San Diego, Tijuana, El Paso, Ciudad JuĂĄrez, Laredo, Nuevo Laredo, McAllen, Reynosa, Brownsville, Matamoros et des deux Nogales (celles d'Arizona et celle de Sonora), pour lutter contre le trafic d'armes, car c'est par ces points que leurs trafiquants transitent le plus[116]. Le 19 juin 2020, un trafiquant d'armes est arrĂȘtĂ© dans la Nogales de Sonora alors qu'il tentait de forcer les barrages mis en place avec les nouvelles mesures de contrĂŽle, 32 740 cartouches de gros calibre sont saisies dans sa camionnette[117].

Le 17 juin 2020, l'ancien gouverneur de Coahuila Jorge Juan Torres LĂłpez comparaĂźt devant un tribunal des États-Unis, Ă  Corpus Christi (Texas)[118]. Il Ă©tait gouverneur par intĂ©rim en 2008, et la guerre de la drogue a atteint son paroxysme dans cet État sous son gouvernorat[118]. Il a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© dans un centre commercial par des policiers fĂ©dĂ©raux mexicains Ă  Puerto Vallarta (Jalisco) le 5 fĂ©vrier 2019, et extradĂ© en octobre de la mĂȘme annĂ©e, oĂč il est accusĂ© de blanchissement d'argent avec les Bermudes et de deux types de fraude bancaire[118]. Lors de sa comparution le 17 juin, il plaide coupable uniquement de blanchissement d'argent[118].

Le 10 septembre 2020, le Procureur gĂ©nĂ©ral adjoint des États-Unis William P. Barr annonce les rĂ©sultats de l'OpĂ©ration Crystal Shield ("Bouclier de Cristal") menĂ©e par la Drug Enforcement Administration (DEA) depuis fĂ©vrier 2020, qui a permis l'arrestation de presque 2 000 narcotrafiquants mexicains, et la saisie de presque 10 milliards de dollars et de 10 tonnes de cocaĂŻne (plus des saisies d'armes et d'autres drogues de plus petite ampleur)[119].

Le 2 octobre 2020, la DEA saisit une tonne de mĂ©thamphĂ©tamine, 405 kg de cocaĂŻne et kg d'hĂ©roĂŻne Ă  Los Angeles, importĂ©s par une organisation criminelle locale qui transporte de la drogue Ă  la fois pour les cartels de Sinaloa et Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration[120]. Il s'agit de la plus grande saisie de mĂ©thamphĂ©tamine de l'Histoire des États-Unis, la quantitĂ© Ă©tant tellement grande qu'elle pourrait thĂ©oriquement ĂȘtre utilisĂ©e pour distribuer une dose Ă  chaque habitant des États-Unis et du Mexique[120]. Les rĂ©sultats de l'opĂ©ration sont rendus publics le 15 octobre 2020[120].

À partir de juin 2020

Au Mexique, le mois de juin 2020 est marquĂ© par de nombreux massacres et incendies criminels, notamment dans l’État de Guanajuato, qui est une zone d'affrontement entre le CĂĄrtel de Santa Rosa de Lima et le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration[121]. Durant les 4 premiers mois de 2020, avec 1 534 homicides, c'est l’État du Mexique qui a connu le plus de violence[122].

Le 1er juin, dans l’État de Colima, les corps de sept policiers qui avaient disparu en mai sont retrouvĂ©s dans une voiture abandonnĂ©e.

Le 6 juin, une fusillade éclate dans un centre de désintoxication d'Irapuato (Guanajuato), causant 10 morts[101]. 211 meurtres sont perpétrés dans tout le Mexique durant le week-end des 6 et 7 juin, dont 117 pour le dimanche 7, ce qui en fait alors le jour le plus violent de 2020[123]. Le 1er juillet, un commando perpÚtre un massacre dans un autre centre de désintoxication, qui laisse 28 morts et 3 blessés, avant de s'enfuir[124].

Les alentours de Fresnillo (Zacatecas) deviennent une des zones les plus dangereuses du Mexique[125]. Le 4 juin, deux hommes sont arrĂȘtĂ©s dans la ville aprĂšs avoir commis un homicide alors qu'ils tentaient de s'enfuir[126]. Le 15 juin, 5 corps (4 hommes et 1 femme) sont retrouvĂ©s au bord d'une route entre Fresnillo et Quinta Las Palmas[127]. Le 19 juin, des militaires mexicains arrĂȘtent deux vĂ©hicules dont les occupants transportaient du cannabis et de l'armement de guerre, sur la route Rancho Grande-La Salada[128]. Le 26 juin, 14 corps prĂ©sentant des traces de tortures sont retrouvĂ©s sur la route entre Fresnillo et Cañitas de Felipe Pescador, dont 11 pourront ĂȘtre identifiĂ©s, d'aprĂšs les autopsies 12 sont morts Ă©tranglĂ©s, 1 frappĂ© Ă  mort et un seul a pu bĂ©nĂ©ficier d'un coup de grĂące par balle[129] - [130]. Le 27 juin, plusieurs affrontements Ă©clatent dans l’État de Zacatecas, dans la zone de Fresnillo mais aussi dans d'autres zones et localitĂ©s de l’État, entre les forces de l'ordre mexicaines de tous les niveaux et les cartels de Sinaloa et de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration, qui vont provoquer 26 morts[131]. Le 29 juin, un homme et une femme sont assassinĂ©s par balle Ă  Fresnillo[132].

Le 19 juin, un groupe armĂ© attaque Caborca (Sonora), incendie quatre maisons, quatre voitures, un camion et fait exploser une station-service, et sĂ©questre et exĂ©cute plusieurs habitants de la ville dont certains sans lien connu avec le crime organisĂ©, tandis que d'autres meurent Ă  cause de balles perdues[133] - [134]. En tout, 12 corps seront retrouvĂ©s abandonnĂ©s sur des routes de la rĂ©gion dans les deux jours suivants[133] - [134]. Le 20, l'ArmĂ©e mexicaine et la Garde nationale du Mexique sont dĂ©ployĂ©s pour aider les polices de Caborca, de l’État de Sonora (qui dĂ©ploie un hĂ©licoptĂšre) et fĂ©dĂ©rale Ă  rĂ©tablir le calme. Un vĂ©hicule blindĂ© avec des armes de gros calibre est retrouvĂ© calcinĂ© dans le dĂ©sert sans que l'on sache si c'est liĂ© Ă  l'attaque. Les polices saisissent deux vĂ©hicules blindĂ©s le 21[133] - [134]. Le 26 juin, l'incendiaire prĂ©sumĂ© de la station-service Joel N est arrĂȘtĂ© par la police municipale qui l'a identifiĂ© avec des images de vidĂ©osurveillance, et un dossier est ouvert contre lui par le parquet de Sonora le 30[135]. Le 5 juillet, des affrontements entre deux cartels rivaux Ă  Caborca provoquent 2 morts[136], et Martin N "El Piña" est exĂ©cutĂ© prĂ©sumĂ©ment par un groupe rival de cinq balles dans la mĂȘme ville[137] ; de plus des tueurs Ă  gages lance des pieux de mĂ©tal sur la route entre Caborca et El Altar pour interrompre le flux de camions de vivres et marchandise, ce qui marche puisque 80% des camions passant ont leurs pneus crevĂ©s[136].

Le 19 juin Ă©galement, le CĂĄrtel Santa Rosa de Lima attaque Celaya (Guanajuato) pour y incendier de nombreux vĂ©hicules et deux stations essence, et bloque les routes dans plusieurs points de l’État[121] - [138]. 7 membres d'une mĂȘme famille, dont un bĂ©bĂ©, sont assassinĂ©s par 5 hommes cagoulĂ©s dans la ville[121] - [139]. Le 20 juin, 26 membres du Cartel Santa Rosa de Lima, dont son chef JosĂ© Antonio YĂ©pez "El Marro", sont arrĂȘtĂ©s dans plusieurs villages autour de Celaya[138] - [140]. Ces arrestations causent de nouvelles violences, plusieurs femmes sont sĂ©questrĂ©es par ce cartel, qui incendie aussi vingt et un vĂ©hicules et six magasins supplĂ©mentaires[122] - [138]. Le 25 juin, le CĂĄrtel Santa Rosa de Lima tente de faire exploser une station essence Ă  Salamanca (Guanajuato) avec une voiture piĂ©gĂ©e, toujours en lien avec l'arrestation d'El Marro, mais rate[141]. Le 25 juin Ă©galement, l'ancien bras droit d'El Marro et cofondateur du CĂĄrtel Santa Rosa de Lima, NoĂ© IsraĂ«l Lara Belman "El Puma", qui l'a quittĂ© depuis pour rejoindre celui de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration, est arrĂȘtĂ© Ă  San Luis PotosĂ­ (San Luis PotosĂ­)[142]. Le 26 juin, une autre attaque Ă  la voiture piĂ©gĂ©e devant un poste de police Ă  LeĂłn (Guanajuato) rate[143]. Le 27 juin, 2 hommes sont tuĂ©s et 2 blessĂ©s dans plusieurs attaques par balle et Ă  la grenade Ă  Celaya, et un officier de la Garde Nationale meurt de ses blessures Ă  l'hĂŽpital aprĂšs qu'il a Ă©tĂ© blessĂ© par balles par les occupants d'un vĂ©hicule dont il contrĂŽlait le contenu[144]. Le 30 juin, deux maisons Ă  Celaya sont attaquĂ©es simultanĂ©ment au cocktail Molotov. L'homme qui habitait Ă  l'intĂ©rieur d'une d'elles est assassinĂ© par balles et l'occupant de l'autre meurt Ă  cause de la fumĂ©e de l'incendie, et un motard est Ă©galement tuĂ© par arme Ă  feu dans un autre quartier[145] - [146]. Le 4 juillet, des tueurs Ă  gages tendent deux embuscades dans l’État, un sur une route dans le lieu-dit d'El Chamizal (municipalitĂ© de JerĂ©cuaro, Guanajuato) oĂč 5 policiers meurent, et une Ă  Salamanca oĂč trois travailleurs pĂ©troliers sont tuĂ©s et un blessĂ©[147]. À Celaya, deux attaques Ă  la grenade, l'une contre une maison et l'autre contre un garage, provoquent au moins 4 morts[148].

Le 21 juin, un groupe de 7 hommes travaillant pour un groupe criminel montent un faux contrĂŽle routier sanitaire (Ă  cause de la pandĂ©mie de covid-19) pour tendre une embuscade Ă  un groupe d'indigĂšnes Ikoots[149]. Ils Ă©taient en provenance de San Mateo del Mar et ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s Ă  La Reforma, alors qu'ils se rendaient Ă  un rendez-vous avec les autoritĂ©s communautaires Ă  HuazantlĂĄn del RĂ­o (les trois Ă  Oaxaca)[149]. L'attaque fait 15 morts, 20 blessĂ©s, et plusieurs viols sont commis[149]. Un groupe criminel local est accusĂ© d'avoir commis l'embuscade et un policier municipal de HuazantlĂĄn del RĂ­o est identifiĂ© comme complice[149].

Le 25 juin, une sĂ©rie d'affrontements territoriaux autour des villages de Tepuche et Tecolotes (Sinaloa) entre diffĂ©rentes factions du Cartel de Sinaloa et avec la Garde Nationale provoque 16 morts, et un des narcos est arrĂȘtĂ©[150].

Le 26 juin, le vĂ©hicule du secrĂ©taire Ă  la sĂ©curitĂ© de Mexico, qui est pourtant une zone d'habitude Ă©pargnĂ©e par la violence des narcotrafiquants mĂȘme si elle est confrontĂ©e Ă  une forte dĂ©linquance ordinaire, Omar GarcĂ­a Harfuch, est visĂ© par de trĂšs nombreux tirs d'armes automatiques, il est hospitalisĂ© dans un Ă©tat stable, 3 personnes dĂ©cĂšdent (deux gardes du corps et une passante)[151] et 5 sont blessĂ©s, 12 personnes sont arrĂȘtĂ©es sur les lieux de l'attaque, les autoritĂ©s mexicaines accusent le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration[152]. Avec de nouvelles arrestations le lendemain, en tout 28 personnes sont dĂ©tenues, dont le commanditaire prĂ©sumĂ© JosĂ© Armando N. “El Vaca”[151].

Le 4 juillet, Ă  Nuevo Laredo (Tamaulipas) des affrontements opposent l'ArmĂ©e mexicaine et La Tropa del Infierno, les tueurs d'Ă©lites du Cartel du nord-est, oĂč 12 narcos meurent tandis que les militaires n'ont que des dĂ©gĂąts matĂ©riels sur trois vĂ©hicules[147].

Le 5 juillet, dans l’État de Quintana Roo, l'armĂ©e surprend des narcotrafiquants en train de charger de la drogue dans un avion depuis une camionnette[153]. Ceux-ci essayent de s'enfuir Ă  bord de l'avion, mais il est abattu par un hĂ©licoptĂšre militaire et s'Ă©crase en flammes sur une autoroute[153]. Les trois occupants qui s'y trouvaient survivent et parviennent Ă  s'enfuir[153]. 390 kilos de cocaĂŻne sont retrouvĂ©s dans la camionnette[154].

Le 24 juillet 2020, l'un des principaux lieutenants du Cartel de Santa Rosa de Lima, JosĂ© Guadalupe, alias « El Mamey », est arrĂȘtĂ© Ă  Guanajuato[155]. Le 2 aoĂ»t 2020, le chef du cartel, JosĂ© Antonio YĂ©pez « El Marro », est capturĂ© par l'armĂ©e mexicaine, aussi Ă  Guanajuato[155]. Le 4 octobre 2020, le SecrĂ©taire Ă  la SĂ©curitĂ© et Ă  la Protection citoyenne du Mexique Alfonso Durazo Montaño annonce qu'Ă  la suite de cette opĂ©ration, le CSRL, dĂ©jĂ  fragilisĂ© par une meilleure prĂ©vention du gouvernement fĂ©dĂ©ral contre le trafic de carburant (principale ressource de ce cartel en particulier devant le trafic de drogue) et par sa lutte contre le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration, Ă©tait en train de se dĂ©composer entre plusieurs plus petits groupes, qui s'affrontaient pour prendre le contrĂŽle des restes du cartel et/ou de territoires oĂč il Ă©tait implantĂ©[156]. Cette annonce survient deux jours aprĂšs une vague de dix assassinats et de la dĂ©couverte de corps humains dĂ©membrĂ©s Ă  travers l’État de Guanajuato[157], l’État contrĂŽlĂ© majoritairement par le CSRL au dĂ©but de l'annĂ©e.

Le 4 octobre également, la Drug Enforcement Administration classe le Cartel de Jalisco Nouvelle Génération comme le groupe criminel le plus dangereux d'Amérique et le troisiÚme plus dangereux au monde, aprÚs les Triades chinoises et la Mafia russe[158].

À partir de fin septembre 2020 et au cours des mois d'octobre et de novembre, dans l’État de Sonora, la situation autour des villes de Caborca, Puerto Peñasco, le triangle dans le dĂ©sert ainsi formĂ© et l'autoroute qui le traverse, se dĂ©grade Ă  nouveau, car la faction du Cartel de Sinaloa qui obĂ©it aux fils d'El Chapo, et le nouveau Cartel de Caborca formĂ© en 2020 et dirigĂ© par Carto Quintero, s'affrontent pour le contrĂŽle de cette zone, en raison de sa proximitĂ© avec les États-Unis[159]. Ainsi, en octobre 2020, l’État de Sonora avait enregistrĂ© depuis le dĂ©but de l'annĂ©e +28% de meurtres que par rapport Ă  l'an 2019 entier, et les incendies criminels et les vols Ă  main armĂ©e - parfois directement sur l'autoroute - s'Ă©taient multipliĂ© durant ce mois[159]. Le 12 novembre, les Cartels de Sinaloa et Caborca s'affrontent Ă  nouveau tĂŽt dans la matinĂ©e, provoquant plusieurs fusillades et incendies criminels de maisons Ă  Caborca et dans le village de Pitiquito, oĂč la caserne des pompiers est Ă©galement incendiĂ©e, et une personne est enlevĂ©e dans chacune de ces localitĂ©s[160]. Le 15 novembre, 2 hommes sont exĂ©cutĂ©s et un blessĂ© par balles Ă  Caborca[161]. Dans la nuit du 16 novembre, toujours dans cette ville, une voiture est mitraillĂ©e par des tueurs Ă  gage, 4 des six occupants (dont un enfant de 4 ans) meurent et les deux autres sont blessĂ©s[161]. L'un des blessĂ©s dĂ©cĂšdera le lendemain ; l'attaque de cette voiture choque particuliĂšrement les habitants de Caborca car aucun des occupants n'avaient de lien connu avec le crime organisĂ©.

Le 17 dĂ©cembre 2020, l'ancien gouverneur de Jalisco de 2012 Ă  2018, fief du cartel Ă©ponyme, AristĂłteles Sandoval est assassinĂ© par balle dans un restaurant de Puerto Vallarta, malgrĂ© sa quinzaine de gardes du corps[162]. Le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration est soupçonnĂ© d'ĂȘtre derriĂšre l'exĂ©cution, tout comme il l'est dans plusieurs affaires d'assassinats et de tentatives d'assassinats de collaborateurs de Sandoval et de magistrats et hauts-fonctionnaires de Jalisco entre 2007 et 2018[163].

Arrestation du général Cienfuegos et conséquences sur la coopération

Le 16 octobre 2020, l'ancien SecrĂ©taire Ă  la DĂ©fense nationale du Mexique durant le Gouvernement Enrique Peña Nieto (dĂ©cembre 2012-novembre 2018), le gĂ©nĂ©ral Salvador Cienfuegos Zepeda, est arrĂȘtĂ© par la DEA Ă  l'AĂ©roport international de Los Angeles[164] au cours de l'OpĂ©ration Padrino (en rĂ©fĂ©rence Ă  El Padrino le titre espagnol du film Le Parrain), puis transfĂ©rĂ© dans un centre de dĂ©tention en Californie en attendant de l'ĂȘtre Ă  New York, oĂč il est accusĂ© de liens avec le narcotrafic et de blanchissement d'argent[165]. Les autoritĂ©s amĂ©ricaines avaient commencĂ© Ă  enquĂȘter sur lui car elles suspectaient une implication dans des faits reprochĂ©s Ă  l'ancien SecrĂ©taire Ă  la SĂ©curitĂ© et Ă  la Protection citoyenne du Mexique, Genaro GarcĂ­a Luna, Ă  savoir de s'ĂȘtre laissĂ© corrompre par El Chapo[164], mais les enquĂȘteurs ont en plus dĂ©couvert les dĂ©lits reprochĂ©s Ă  Cienfugos indĂ©pendamment de ceux reprochĂ©s Ă  GarcĂ­a[165]. Cienfuegos est Ă©galement accusĂ© de s'ĂȘtre laissĂ© corrompre par le CĂĄrtel H-2, un alliĂ© du Cartel BeltrĂĄn Leyva, et d'avoir protĂ©gĂ© cette organisation criminelle, entre 2014 ou 2015 et 2017, jusqu'Ă  ce que Juan Francisco PatrĂłn SĂĄnchez "H-2", chef du cartel Ă©ponyme, soit abattu avec 11 de ses hommes par un hĂ©licoptĂšre de la Marine mexicaine le 9 fĂ©vrier 2017[166]. Il s'agit de la premiĂšre fois qu'un ancien SecrĂ©taire Ă  la DĂ©fense Nationale du Mexique est arrĂȘtĂ©, bien qu'il y ait des prĂ©cĂ©dents de no 2 Ă  ce secrĂ©tariat dĂ©jĂ  interpellĂ©, et Ă©galement le militaire mexicain le plus gradĂ© jamais arrĂȘtĂ© sur le territoire des États-Unis[165].

Toutefois, le gouvernement mexicain manifeste son mĂ©contentement, car il voit l'arrestation d'un de ses anciens ministres sans avoir Ă©tĂ© mis au courant auparavant comme une atteinte Ă  sa souverainetĂ©. Les États-Unis abandonnent leurs poursuites envers Cienfuegos le 17 novembre et l'extradent vers le Mexique[167].

À la suite de cette arrestation, ainsi que la victoire de Joe Biden Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2020 - car le prĂ©sident mexicain AndrĂ©s Manuel LĂłpez Obrador utilisait sa gestion de la Crise migratoire en AmĂ©rique centrale pour faire pression sur le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump et forcer l'implication des autoritĂ©s amĂ©ricaines dans la lutte contre le narcotrafic or c'est un moyen de pression beaucoup moins efficace auprĂšs de Biden - une nouvelle loi est votĂ©e au Mexique[168]. Celle-ci oblige les fonctionnaires mexicains Ă  rĂ©diger un rapport aprĂšs chaque communication avec un membre d'une autoritĂ© Ă©trangĂšre, en particulier les 50 agents permanents de la Drug Enforcement Administration au Mexique[168]. Ceci risque d'affecter nĂ©gativement la coopĂ©ration dans la lutte contre la drogue, en augmentant le risque de voir des informations sur des enquĂȘtes filtrer et ĂȘtre interceptĂ©es par les cartels, ou en diminuant les conversations entre des fonctionnaires amĂ©ricainss et mexicains, alors que les États-Unis transmettent plus d'informations judiciaires au Mexique que l'inverse[168]. Cependant, la raison pour laquelle cette loi est adoptĂ©e est de limiter l’interfĂ©rence des autoritĂ©s amĂ©ricaines et de ne pas leur permettre d'imposer leurs mĂ©thodes sur le territoire mexicain[168].

Le 14 janvier 2021 le président mexicain a personnellement accusé la Drug Enforcement Administration d'avoir fabriqué de toutes piÚces les accusations portées contre l'ex-ministre de la défense Salvador Cienfuegos[169].

Les cartels s'adaptent au Covid-19 en créant des activités de trafic liées à la crise sanitaire : faux tests, oxygÚne[170].

Affrontements pour le contrĂŽle de Zacatecas

En 2021, Los Zetas, qui contrĂŽlaient l'État de Zacatecas, s'effondrent dans cette zone[171]. Des combats pour en prendre le contrĂŽle Ă©clatent alors entre les membres restant de ce groupe et trois autres rivaux : le Cartel de Sinaloa, le Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration et le Cartel du Golfe[171]. Le 23 juin, 4 personnes sont pendues sur l'autoroute au-dessus de Fresnillo[172]. Le 25 juin 2021, 2 policiers de San Luis PotosĂ­ (capitale de l'État Ă©ponyme) sont enlevĂ©s et pendus Ă  un viaduc de la ville de Zacatecas[172], et des affrontements entre deux des groupes, impliquant des narcotanks, laissent 7 morts et 2 blessĂ©s dans le village de San Juan Capistrano[171] - [173] - [172]. Le 26 juin, une fusillade entre les Cartels de Sinaloa et Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration Ă  Valparaiso provoquent 18 morts selon les autoritĂ©s de Zacatecas[171] ou plus de 30 selon les mĂ©dias locaux[172]. 400 membres de l'ArmĂ©e, de la Garde nationale, des polices fĂ©dĂ©rale et de l'État de Zacatecas, ainsi que deux hĂ©licoptĂšres et plusieurs drones, doivent ĂȘtre dĂ©ployĂ©s Ă  Valparaiso et tout au long de l'autoroute 23 entre Jerez et Fresnillo[173]. Le 1er juillet, en enquĂȘtant sur la disparition de deux blessĂ©s par balles qui avaient disparu aux environs de Fresnillo pendant leur transfert en ambulance Ă  l'hĂŽpital, l'ArmĂ©e mexicaine retrouvent plus de 30 corps (dont les deux patients disparus et leurs ambulanciers) entre Huejuquilla El Alto (Jalisco) de San Juan Capistrano prĂšs de ValparaĂ­so[174]. En-dehors des ambulanciers, Ă©tant donnĂ© que des armes ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es sur les cadavres, les autoritĂ©s pensent qu'il s'agit de membres du Cartel de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration et/ou de celui de Sinaloa[174].

Les 16 et 17 juillet 2021, une sĂ©rie d'affrontements, de massacres, d'assassinats ciblĂ©s et d'exĂ©cutions impliquant les forces de l'ordre mexicaine, et les cartels de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration, de Sinaloa et du Golfe laissent 30 morts[175]. PremiĂšrement, dans le village de San Antonio del CiprĂ©s (38 km au nord-ouest de Zacatecas), 200 membres des forces de l'ordre mexicaine (diverses polices, l'ArmĂ©e et la Garde nationale) ont Ă©tĂ© mobilisĂ©s pour arrĂȘter un prĂ©sumĂ© chef du Cartel du Golfe[175]. Des affrontements Ă©clatent avec des membres armĂ©s du cartel, provoquant 5 morts - 4 tueurs Ă  gage et 1 policier. Les autoritĂ©s annoncent Ă©galement l'arrestation de 4 tueurs Ă  gage du cartel, dont un qui Ă©tait un dĂ©tenu en fuite, mais ne prĂ©cisent pas si le chef prĂ©sumĂ© a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©[175]. Puis dans la soirĂ©e du 16 juillet, Ă  divers endroits de l'État, les cartels de Jalisco Nouvelle GĂ©nĂ©ration et de Sinaloa exĂ©cutent des membres de l'un et l'autre : 6 Ă  Fresnillo, 2 Ă  Calera, 1 Ă  ValparaĂ­so et 1 Ă  Zacatecas, ce qui donne un total de 10 morts[175]. Le 17 juillet au soir, un commando attaque une fĂȘte, tirant sur les participants sans viser auparavant, causant 8 morts et 8 blessĂ©s. La mĂȘme nuit, 9 assassinats sĂ©parĂ©s, a priori non reliĂ©s Ă  ses opĂ©rations, sont commis Ă  Fresnillo, Guadalupe, Jerez et ValparaĂ­so[175].

En mars 2021, le chef du commandement nord des États-Unis, Glen VanHerck, estime que 30 Ă  35 % du territoire mexicain est contrĂŽlĂ© par les cartels[176].

Bilan humain

Cartels et zones d'influence de ceux-ci au Mexique en 2008.

Le bilan de la violence au Mexique est incertain. Ainsi, en , l'Institut national de statistiques et gĂ©ographie mexicain annonce que 27 199 homicides ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s en 2011 ; entre 2007 et 2011, le total s'Ă©lĂšve selon celui-ci Ă  95 632 assassinats. Sur la base de la tendance enregistrĂ©e en 2012, l'on estime Ă  120 000 le nombre d'homicides au cours du mandat de Calderon. Ce bilan en fait le conflit le plus meurtrier de la planĂšte du dĂ©but des annĂ©es 2010[177]. En , un bilan fait Ă©tat de 22 322 disparitions[178].

Il est supérieur aux bilans ci-dessous annoncés auparavant :

  • Plus de 23 000 tuĂ©s au total entre 2007 et [179].
  • Plus de 30 000 morts entre fin 2006 et fin 2010, depuis l'arrivĂ©e au pouvoir du prĂ©sident Felipe Calderon[22].
  • 10 475 tuĂ©s entre et [180] incluant plus de 1 000 agents et fonctionnaires du gouvernement[181] et plus de 242 dĂ©capitations[181].
  • 2 477 tuĂ©s en 2007[182].
  • 5 630 tuĂ©s en 2008[183].
  • 7 724 tuĂ©s en 2009[184].
  • 15 273 tuĂ©s en 2010[6]
  • 1 481 membres de la SĂ©curitĂ© publique tuĂ©s entre 2006 et , plusieurs dĂ©missions faisant suite au danger[185].
  • 45 000 membres des cartels de la drogue arrĂȘtĂ©s au premier trimestre 2009[181]. 8 392 arrestations en 2009.
  • Saisie de 718 tonnes de marijuana et 2,5 tonnes de cocaĂŻne en 2009[186].
  • Saisie de plus de 2 326 tonnes de drogues en 2010, record mondial[187].

Le bilan par entités fédératives, selon le Trans-Border Institute et l'Université de Californie à San Diego, est le suivant[188] :

Localisation 2006 2007 2008 2009
MichoacĂĄn 543 238 233 371
Basse-Californie 163 154 604 320
Guerrero 186 253 287 638
Sinaloa[189] 350 346 680 767
Chihuahua 130 148 1 649 2 082

Pour l'année 2010, la moitié des homicides se concentrent dans les trois états suivants : Chihuahua, Tamaulipas et Sinaloa[6].

En , lors d'une conférence internationale à Albuquerque, Jorge Castañeda, ancien secrétaire des relations extérieures du Mexique, accuse l'armée d'exécutions extrajudiciaires[190].

La Commission nationale des droits de l'homme a Ă©tĂ© saisie de plus de 2 000 plaintes (140 par mois en 2009) allĂ©guant des violations des droits de l'homme de la part des forces de sĂ©curitĂ© et de l'armĂ©e[191]. La Commission a rĂ©pertoriĂ© 26 cas d'abus dĂ©but , dont 17 impliquant la torture (asphyxie, dĂ©charges Ă©lectriques, etc.)[191]. Ces violations des droits de l'homme ont conduit Ă  geler 15 % des fonds prĂ©vus dans le cadre de l'Initiative de MĂ©rida, un programme mexico-amĂ©ricain mis en place par l'administration Bush en , dotĂ© d'un budget de 1,4 milliard de dollars[191]. En 2010, la dĂ©tĂ©rioration des droits de l'homme au Mexique, notamment due aux exactions de l'armĂ©e, est Ă©pinglĂ©e par Human Rights Watch dans son rapport annuel[192].

En 2016, la guerre des cartels a fait 23 000 morts, ce qui selon l'International Institute for Strategic Studies (IISS) en fait le conflit contemporain le plus meurtrier au monde aprĂšs la guerre civile syrienne[193].

  • 25 339 tuĂ©s en 2017[194].
  • 35 964 tuĂ©s en 2018 (soit une moyenne de 98 meurtres par jour)[195]

Ce record est Ă  nouveau battu en 2019 avec 35 588 homicides. De plus, prĂšs de 5 000 personnes ont disparu au Mexique en 2019 et n'ont pas Ă©tĂ© retrouvĂ©es[196].

Pour le chercheur Luis Astorga (Université nationale autonome du Mexique), la « guerre contre le narcotrafic » a engendré « une violence extrajudiciaire contre les paysans, contre certains groupes politiques et contre toute forme de protestation sociale »[197].

En 44 mois de gouvernement d'AndrĂ©s Manuel LĂłpez Obrador (2018-2022) le total des morts violentes est de 127 162, dont 3 612 fĂ©minicides, le nombre de morts violentes pour le mois de juin 2022 de 2 670 et de 2 679 pour celui de juillet, malgrĂ© cela il s'agit du mois de juillet le moins violent des cinq derniĂšres annĂ©es[198].

Journalistes

En 2020, on dĂ©nombrait 120 journalistes assassinĂ©s durant les vingt derniĂšres annĂ©es. En 2012, Ă  la suite du meurtre de la journaliste Regina MartĂ­nez PĂ©rez, correspondante rĂ©gionale du prestigieux hebdomadaire d’investigation Proceso, le collectif Forbidden Stories lance le « Projet Cartel ». Pendant dix mois, le collectif menĂ© par un maillage de 60 journalistes issus de 25 pays diffĂ©rents a enquĂȘtĂ© sur la mort de Regina MartĂ­nez et sur le fonctionnement des cartels[199]. En 2020, le documentaire "Projet Cartel : Mexique : le silence ou la mort" du rĂ©alisateur Jules Giraudat, relate cette enquĂȘte[200].

Conséquences

ConsĂ©quences aux États-Unis

Depuis le dĂ©but des opĂ©rations contre les cartels lancĂ©es par l'administration CalderĂłn, la montĂ©e de la violence Ă  la frontiĂšre entre les États-Unis et le Mexique gagne le sud des États-Unis, une zone sensible pour les autoritĂ©s amĂ©ricaines, notamment Ă  cause de l'immigration illĂ©gale, et qui fait dĂ©jĂ  l'objet d'une surveillance importante. Le problĂšme du narcotrafic est en fait partagĂ© par les deux États, car le Mexique constitue la principale route de la cocaĂŻne et des autres drogues illĂ©gales vers les États-Unis[201].

Selon le U.S. Immigration and Customs Enforcement, au moins 75 tunnels traversant la frontiÚre ont été découverts entre les années 1990 et 2009[202].

En 2007, dans le cadre de la campagne des États-Unis contre la toxicomanie, l'administration Bush lance l'Initiative MĂ©rida, une aide de 1,3 milliard de dollars amĂ©ricains sur trois ans pour l'AmĂ©rique centrale et les CaraĂŻbes afin de lutter contre le trafic de drogue. En , le CongrĂšs des États-Unis double le financement de ce plan[203].

Lors d'un voyage officiel Ă  Mexico le , la secrĂ©taire d'État Hillary Clinton indique qu'« il est injuste de rendre fautif le Mexique pour la guerre » entre les cartels, elle reconnaĂźt de mĂȘme que les autoritĂ©s amĂ©ricaines n'ont pas su freiner la « demande insatiable » venue des États-Unis, ce qui a stimulĂ© le narcotrafic, au mĂȘme titre que la contrebande d'armes[204].

Michael Hayden, directeur sortant de la CIA, écrit une liste des préoccupations par ordre d'importance pour son agence en février 2009[205]. Il en ressort que la deuxiÚme menace aprÚs Al-Qaïda et ses franchises sont les organisations criminelles mexicaines liées au trafic de drogue.

Le prĂ©sident Barack Obama dĂ©cide de soutenir le prĂ©sident mexicain dans la guerre contre les cartels, notamment par l'envoi de 300 Ă  400 agents fĂ©dĂ©raux supplĂ©mentaires Ă  la frontiĂšre, ainsi que par la crĂ©ation d'un centre de renseignements rĂ©gional dĂ©pendant du FBI[206]. Un renforcement de la coopĂ©ration avec le Mexique prĂ©voyant l'envoi d'agents amĂ©ricains de l'autre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre, ce qui est toujours une source de crispation chez les politiques mexicains, est Ă©galement prĂ©vu[206]. Le , la SecrĂ©taire Ă  la SĂ©curitĂ© intĂ©rieure des États-Unis, Janet Napolitano, qui s'est elle aussi rendue Ă  Mexico, annonce que 400 millions de dollars seront dĂ©pensĂ©s afin d'amĂ©liorer la technologie de surveillance aux points de passage avec la frontiĂšre mexicaine[207].

La lutte contre l'immigration illĂ©gale et le trafic de drogue aux États-Unis a fait beaucoup augmenter les moyens de surveillance Ă  la frontiĂšre entre les États-Unis et le Mexique depuis les annĂ©es 1990, le nombre de patrouilleurs de la United States Border Patrol passant de 3 555 pour un coĂ»t de 326,2 millions de dollars en 1992 Ă  17 415 patrouilleurs pour un coĂ»t de 2,7 milliards de dollars en 2009. Le , la garde nationale de Californie dĂ©ploie un premier contingent pour renforcer ceux-ci[208].

Conséquence sur le tourisme

Plusieurs pays ont fini par dĂ©conseiller Ă  leurs ressortissants certaines rĂ©gions du pays les plus affectĂ©es par les violences. En 2012, le gouvernement français dĂ©conseillait formellement l'Ă©tat de Tamaulipas et l'Ă©tat de Nuevo LeĂłn, ainsi qu'un certain nombre de villes frontaliĂšres des États-Unis comme Tijuana, Ciudad Juarez, Chihuahua et Tampico. Le gouvernement canadien demande d'Ă©viter tout voyage dans le nord de la Baja California et les États de Sonora, Chihuahua, Coahuila, Nuevo LeĂłn, Tamaulipas, Durango et Sinaloa[209]. En raison du nombre croissant de leurs citoyens victimes d'homicide au Mexique (35 en 2007, 120 en 2011)[210], les États-Unis dĂ©conseillent une quinzaine de rĂ©gions, principalement au nord[211].

Malgré les violences, le nombre de touristes visitant le Mexique augmente, de 6 % en 2009 et de 2 % en 2010[212]. Cependant, plusieurs compagnies de croisiÚres ont décidé en 2011 de supprimer certaines de leurs lignes vers les cÎtes mexicaines en raison des craintes croissantes de leurs clients[213].

La narcoculture

La narcoculture est étudiée par des chercheurs et des journalistes internationaux ou nationaux dÚs les années 1970 au Mexique, mais est nommé comme tel seulement autour de 1990.

Depuis les annĂ©es 1980, la puissance des cartels de narcotrafiquants au Mexique est en croissance constante. Comme l'accĂšs aux États-Unis est gĂ©ographiquement possible Ă  partir du Mexique, cela fait de ce pays un lieu idĂ©al pour permettre le passage vers ce plus gros pays consommateur de drogues au monde[214].

Ce phĂ©nomĂšne de la narcoculture n’est pas Ă  analyser avec un sens unique et fixe ; il peut prendre plusieurs formes. En effet, « une vision trĂšs manichĂ©enne, par exemple, aurait tendance Ă  limiter la narco-culture Ă  sa dĂ©finition agricole, au fait de cultiver de la drogue[215]. » Or, la narco-culture n’est pas simplement un systĂšme d’exploitation agricole clandestin, mais plutĂŽt la trame principale tenant le systĂšme social et Ă©conomique des trafiquants et de leurs organisations.

La narcoculture se sert de figures hĂ©roĂŻques mexicaines issues de lĂ©gendes ou d’histoire afin de glorifier le phĂ©nomĂšne[215]. Ces personnages reprĂ©sentĂ©s servent Ă  incarner les trafiquants qui dĂ©fient l’ordre Ă©tabli et deviennent ainsi des symboles populaires. Il en va de mĂȘme pour les chansons porteuses de l’essence de la narcoculture, faisant l'apologie de dĂ©bauches, de violence et de consommation de drogues[216]. D’un Ɠil extĂ©rieur, la narcoculture permet une comprĂ©hension de l’univers des cartels ; on en comprend les mĂ©canismes identitaires et la critique du pouvoir surplombant le Mexique. « Si certaines chansons exhibent une fiertĂ© stupide de la violence, d’autres peuvent arriver Ă  nous montrer Ă  quel point l’économie de la drogue s’infiltre dans les couches politiques[215]. »

Le gouvernement est rĂ©sistant Ă  ce phĂ©nomĂšne puisqu’il se fait fortement critiquer. Pour tenter de contrer le phĂ©nomĂšne, plusieurs mesures sont mises en place. « Le consortium Televisa, qui tient le monopole de prĂšs de 80% de la sphĂšre mĂ©diatique (radio, tĂ©lĂ©vision), a lancĂ© l’annĂ©e derniĂšre une sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e sur la guerre contre le trafic de drogues. [
] La superproduction, en partie payĂ©e par le MinistĂšre de la DĂ©fense, utilise toutes les ressources technologiques pour nous faire croire que les victimes de la guerre sont toutes liĂ©es Ă  la drogue, que l’impunitĂ© n’existe pas, que les soldats ne commettent aucune violation, bref que l’État n’est pas infiltrĂ© par les cartels. ParallĂšlement, nombreux États du Mexique ont multipliĂ© les lois et les dĂ©crets pour interdire « l’apologie du dĂ©lit ». À Tijuana ou Ă  Sinaloa, par exemple, il existe prĂšs de 200 dĂ©crets qui sanctionnent la narco-culture, l’écoute ou la diffusion publique de narco-corridos Ă  la radio ou Ă  la tĂ©lĂ©. Par contre, la compagnie Televisa, sous la tutelle de l’État, diffuse les Ă©normes concerts des groupes de narco-corridos et des sĂ©ries violentes qui font l’apologie de la militarisation du pays[215].»

Corruption

De nombreux responsables politiques sont compromis dans le narcotrafic. Ministre de la sĂ©curitĂ© publique de 2006 Ă  2012 sous l'administration de Felipe CalderĂłn, l’architecte de la « guerre contre la drogue », Genaro GarcĂ­a Luna, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© aux États-Unis en dĂ©cembre 2019 pour ses liens prĂ©sumĂ©s avec le cartel de Sinaloa. En Ă©change de pots-de-vin s'Ă©levant Ă  plusieurs millions d'euros, le ministre aurait protĂ©gĂ© les activitĂ©s du cartel. Le dĂ©partement amĂ©ricain de la justice estime que « grĂące Ă  son appui, l’organisation a maintenu ses activitĂ©s sans une intervention significative des autoritĂ©s »[217].

Quatre anciens gouverneurs — TomĂĄs Yarrington, Eugenio HernĂĄndez, Roberto Borge et Javier Duarte — font l’objet de mandats d’arrĂȘt internationaux en raison de leur complicitĂ© avec le crime organisĂ©[197]. L'ancien gouverneur de Coahuila Jorge Juan Torres LĂłpez est arrĂȘtĂ© le 5 juin 2019 par la police fĂ©dĂ©rale mexicaine Ă  Puerto Vallarta, extradĂ© vers les États-Unis en octobre 2019, oĂč il comparaĂźt devant un tribunal de Corpus Christi le 17 juin 2020, accusĂ© de blanchissement d'argent en lien avec la drogue et de fraudes bancaires ; il plaide coupable pour le blanchissement d'argent[118].

Le gĂ©nĂ©ral Salvador Cienfuegos, le militaire le plus gradĂ© du Mexique, est arrĂȘtĂ© en octobre 2020 aux États-Unis « dans le cadre d’une enquĂȘte pour trafic de drogue ». Le gĂ©nĂ©ral faisait l'objet d'enquĂȘtes depuis plusieurs annĂ©es pour ses liens « avec les membres du crime organisĂ© des frĂšres BeltrĂĄn Leyva, qui contrĂŽlent le trafic de drogue dans les États de Guerrero et de Morelos »[218]. SecrĂ©taire Ă  la DĂ©fense nationale de 2012 Ă  2018, au sein du gouvernement de Enrique Peña Nieto, il avait pourtant dirigĂ©e une politique de “main de fer” contre certains cartels entrainant des bavures sanglantes, notamment l’exĂ©cution extrajudiciaire de 22 personnes en 2014 Ă  Tlatlaya, dans l’État de Mexico. Les États-Unis lui avaient dĂ©cernĂ© un prix en 2018 « pour sa contribution Ă  la sĂ©curitĂ© stratĂ©gique du continent »[218]. Il est accusĂ© d'avoir protĂ©gĂ© le Cartel H-2, un alliĂ© du Cartel BeltrĂĄn Leyva, entre 2014 ou 2015 et 2017, en Ă©change de pots-de-vin, jusqu'Ă  ce que Juan Francisco PatrĂłn SĂĄnchez "H-2", chef du cartel Ă©ponyme, soit abattu avec 11 de ses hommes par un hĂ©licoptĂšre de la Marine mexicaine le 9 fĂ©vrier 2017[166]. Il est accusĂ© d'avoir ensuite Ă©tĂ© corrompu par El Chapo, le chef du Cartel de Sinaloa[164]. ConformĂ©ment Ă  la fois au droit fĂ©dĂ©ral Ă©tasunien et au droit pĂ©nal mexicain, Cienfuegos sera jugĂ© en tant que haut-fonctionnaire et non comme militaire, ce qui va l'exposer Ă  la justice civile Ă©tasunienne qui le considĂšre comme un dĂ©linquant international avec la circonstance aggravante d'avoir Ă©tĂ© haut-fonctionnaire au moment des dĂ©lits qui lui sont reprochĂ©s, et Ă©carte totalement l'Ă©ventualitĂ© de le faire passer devant une cour militaire[219]. Ce choix de le prĂ©senter Ă  un parquet civil a Ă©tĂ© fait afin que Cienfuegos ne puisse pas ĂȘtre libĂ©rĂ© sous caution - ce qui n'est pas possible dans la justice fĂ©dĂ©rale Ă©tasunienne au vu des faits qui lui sont reprochĂ©s mais qui aurait Ă©tĂ© possible avec un tribunal militaire - et n'en profite pour s'Ă©vader[219].

En novembre 2020, Ă  la suite de tractations diplomatiques, les États-Unis ont renoncĂ© a toute charge contre Salvador Cienfuegos Zepeda afin qu'il soit jugĂ© au Mexique[220]. À la suite de cette affaire et dans le but de regagner la confiance des forces armĂ©es, LĂłpez Obrador a fait octroyer pour 2021 le plus important budget militaire de toute l'histoire du pays[221]

Implications internationales

En tant qu'organisations criminelles transnationales, « les cartels mexicains auraient commencĂ© Ă  infiltrer des Ă©lĂ©ments en Europe et sur le continent nord-amĂ©ricain dans le but d’y dĂ©velopper leurs activitĂ©s criminelles »[222], notamment en Espagne, point d'entrĂ©e principal des « narcos » par le Cartel de Sinaloa alliĂ© au Cartel du Golfe, Ă  La Familia Michoacana et au MS-13. Si ce phĂ©nomĂšne venait Ă  se confirmer, il aurait des consĂ©quences trĂšs importantes sur la criminalitĂ© en Europe, une « guerre des gangs » n'Ă©tant pas Ă  exclure en pareil cas.

Dans un entretien, du , avec le directeur du programme anti-crime du Bureau for International Narcotics and Law Enforcement Affairs du dĂ©partement d'État, celui-lĂ  spĂ©cifia que le mouvement libanais Ă©tait impliquĂ© dans le trafic d'hĂ©roĂŻne et de cannabis[223] et selon le journal conservateur The Washington Times et le Service de recherche du CongrĂšs, le Hezbollah aurait nouĂ© des contacts avec diffĂ©rents cartels afin de participer au trafic d'ĂȘtres humains et de stupĂ©fiants transitant vers les États-Unis[224] - [225]. En dehors de l'intĂ©rĂȘt financier, le Hezbollah en profiterait pour introduire clandestinement des activistes sur le sol amĂ©ricain et tenterait d'obtenir pour son compte - et pour celui de l'Iran - des matĂ©riels de haute technologie. En Ă©change, les cartels mexicains recevraient armes et entraĂźnement pour ses « sicaires »[226].

En , Sue Myrick, reprĂ©sentante de la Caroline du Nord et membre du House Permanent Select Committee on Intelligence de la Chambre des reprĂ©sentants des États-Unis demande une commission d'enquĂȘte sur le sujet[227].

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Annexes

Articles connexes

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