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Massacre de Tlatelolco

Le massacre de Tlatelolco a eu lieu dans l'aprĂšs-midi et la nuit du sur la place des Trois Cultures dans le quartier de Tlatelolco Ă  Mexico, dix jours avant l’ouverture des Jeux olympiques d'Ă©tĂ© au Mexique.

Place des Trois Cultures Ă  Mexico, stĂšle en mĂ©moire du massacre du . Il y existe une autre stĂšle consacrĂ©e Ă  la mĂ©moire des 40 000 victimes du siĂšge de Tenochtitlan, le .
Impact de balle dans le mur du temple de Santiago Tlatelolco.

Le massacre de 1968

Le nombre de victimes du massacre de 1968 est toujours sujet Ă  controverses : les sympathisants du mouvement Ă©tudiant estiment qu'il y a eu entre 200 et 300 morts parmi les manifestants[1], les sources gouvernementales indiquent « 4 morts, 20 blessĂ©s ». Le nombre de personnes arrĂȘtĂ©es et « disparues » n'est pas non plus clairement connu, mais il se chiffrerait Ă  plusieurs centaines.

1968 fut une année de troubles mondiaux, mais son dénouement prit au Mexique un tour violent. Le , en début de soirée, l'armée mexicaine a ouvert le feu sur des étudiants rassemblés sur la place des Trois Cultures de Tlatelolco à Mexico. Le nombre exact de victimes n'est toujours pas connu précisément, mais cet événement mit fin brutalement à plus de trois mois de contestation estudiantine contre le gouvernement du PRI.

À quelques jours de l'ouverture des Jeux olympiques, le gouvernement du prĂ©sident Gustavo DĂ­az Ordaz, aprĂšs une suite d’importantes manifestations Ă©tudiantes, dĂ©cide d'assurer la sĂ©curitĂ© des Jeux. Le bilan des morts parmi les manifestants le plus communĂ©ment admis est de plus de 300 morts, tous parmi les manifestants[1]. « Les corps des victimes restĂ©s sur la place des Trois-Cultures n’ont pas pu ĂȘtre photographiĂ©s car l’armĂ©e s’y est opposĂ©e. [
] Dans son texte « Post-scriptum », Octavio Paz cite le chiffre que le journal anglais The Guardian, aprĂšs une « enquĂȘte prudente », considĂšre le plus probable : 325 morts[2]. » Cependant il n'a jamais Ă©tĂ© possible de connaĂźtre le nombre exact de victimes, certaines d'entre elles ayant Ă©tĂ© transportĂ©es dans des hĂŽpitaux tant civils que militaires ou Ă  leur domicile aprĂšs les Ă©vĂ©nements.

« Le CNH [Consejo Nacional de Huelga, Conseil national de la grĂšve] parle de 200 Ă  300 victimes, les sources gouvernementales, elles, font Ă©tat le lendemain de « 4 morts et 20 blessĂ©s ». Plus d’un millier de personnes sont arrĂȘtĂ©es, dont plus d’une centaine fera l’objet de condamnations lourdes. Au cours des jours suivants, le ComitĂ© olympique international annonce que les Jeux se tiendront comme prĂ©vu et demande « une trĂȘve spirituelle qui permette de rĂ©aliser les jeux olympiques dans la sĂ©curitĂ©, la paix et la comprĂ©hension mutuelle[2]. »

Des témoignages rapportent que la fusillade aurait été provoquée par des membres des forces de police, disséminés au sein des quelques centaines d'étudiants rassemblés à l'initiative du CNH. Les policiers auraient ouvert le feu sur l'armée qui encadrait le meeting afin de faire dégénérer cette manifestation et de donner au gouvernement l'occasion d'en finir avec les revendications étudiantes[3].

Un an plus tard, le président mexicain Gustavo Díaz Ordaz assuma personnellement dans son cinquiÚme rapport de gouvernement (Quinto informe de gobierno) la responsabilité éthique, morale, juridique et historique des faits[4].

Peu de temps aprĂšs son entrĂ©e en fonction en 2000, le prĂ©sident Vicente Fox a promis de clarifier les Ă©vĂ©nements Ă  Tlatelolco. En nommant un procureur spĂ©cial chargĂ© d'enquĂȘter sur la « guerre sale » - Ă  commencer par le massacre de 1968 - et en ouvrant les archives secrĂštes du renseignement Ă  l'examen public, Fox semblait indiquer que son gouvernement ne tolĂ©rerait plus la dissimulation officielle. La publication d'archives dĂ©classifiĂ©es de la DirecciĂłn Federal de Seguridad (DFS), de la DirecciĂłn General de Investigaciones PolĂ­ticas y Sociales (IPS), du secrĂ©tariat Ă  la DĂ©fense et de la National Security Agency lĂšve un pan du voile qui occulte ces Ă©vĂ©nements[5] - [6] - [7].

Exécutions sommaires

Le journaliste français Fernand Choisel a apportĂ© un tĂ©moignage (L'Équipe, lundi ). PrĂ©sent pour les Jeux olympiques, il avait toutefois dĂ©cidĂ© de couvrir les manifestations Ă©tudiantes : « Il y avait un monde fou sur la place (
) d'un seul coup je vois arriver un hĂ©lico Ă©quipĂ© de mitrailleuses qui arrosent la foule sans sommation (
) Je suis avec les Ă©tudiants, ils sont interrogĂ©s, je ne comprends pas ce qu'ils disent et ils sont tuĂ©s Ă  bout portant devant nous. Arrive mon tour, j'ai ma carte de presse dans la bouche et le milicien n'a pas tirĂ©. »

RĂŽle de la CIA ?

Un ex-agent secret de la CIA, Philip Agee, accusa a posteriori la CIA d'ĂȘtre impliquĂ©e dans ce massacre, ce qui l'aurait poussĂ© Ă  dĂ©missionner. L’hypothĂšse d'une implication de la CIA est Ă©galement soutenue par plusieurs historiens et journalistes mexicains, comme John Saxe FernĂĄndez, Ángeles Magdaleno CĂĄrdenas, Gregorio Selser, Beatriz Torres, Jorge MelĂ©ndez Preciado[8].

Des documents déclassifiés en 2018 montrent que le chef d'antenne de la CIA au Mexique en poste de 1956 à 1969, Winston Scott, a donné son "appui total" au président Díaz Ordaz lorsque celui-ci décida du massacre. Winston Scott est limogé l'année suivante pour ne pas avoir informé la Maison Blanche de ce projet[9].

Couverture médiatique

Le massacre connaßt une certaine couverture internationale, d'abord du fait de la présence parmi les blessés de la journaliste Oriana Fallaci[10], ancienne figure de la Résistance italienne, présente pour suivre les manifestations étudiantes.

Les mĂ©dias mexicains, pour leur part, adoptent une attitude trĂšs favorable au gouvernement, relativisant l’ampleur du massacre ou insinuant que les Ă©tudiants en portent une part de responsabilitĂ© : El Heraldo titre en premiĂšre page : « Des francs-tireurs ouvrent le feu contre l’armĂ©e ». D’autres journaux Ă  grand tirage mentionnent un « combat entre terroristes et l’armĂ©e » (El Universal) ou encore que « des mains Ă©trangĂšres s’emploient Ă  salir Mexico [pour] contrarier les XIXe Jeux » (El Sol de MĂ©xico)[11].

Le propriĂ©taire et directeur d'El Heraldo de MĂ©xico, Gabriel AlarcĂłn, rĂ©pond dans une lettre au prĂ©sident Gustavo Diaz Ordaz au sujet de la couverture par son journal de ces Ă©vĂ©nements : « Cher ami, aussi distinguĂ© que raffinĂ©, (
) nous nous sommes plongĂ©s dans nos publications (
), et je peux attester qu’il ne s’y trouve rien qui puisse ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme nĂ©gatif Ă  l’égard du gouvernement, et qu’au contraire notre ligne a Ă©tĂ© franchement favorable et en appui au rĂ©gime. (...) Monsieur le PrĂ©sident, nous nous sentons comme dans une chambre obscure, et vous seul pouvez nous prodiguer la lumiĂšre dont nous avons besoin »[11].

Conséquences

Selon ses opposants, 1968 fut également au Mexique le début de la remise en cause du gouvernement du pays par le PRI, (membre de l'Internationale socialiste), plébiscité par le peuple depuis 1929. La croissance économique dont il fit bénéficier le pays à partir de 1945 ne s'est pas accompagnée en parallÚle de mesures d'ouverture politique, installant un malaise croissant chez certains intellectuels mexicains. Cette remise en cause culmina en 2000 avec la premiÚre alternance politique depuis 71 ans, acquise par le président Vicente Fox du PAN, le Parti action nationale (démocrate-chrétien).

En une juridiction spĂ©ciale nommĂ©e FiscalĂ­a Especial para Movimientos Sociales y PolĂ­ticos del Pasado (FEMOSPP, « Tribunal spĂ©cial pour les mouvements sociaux et politiques du passĂ© ») ouvre une enquĂȘte pour tenter d'Ă©tablir les responsabilitĂ©s du massacre de Tlatelolco[12]. Le l'ancien prĂ©sident Luis EcheverrĂ­a Álvarez, qui Ă©tait alors ministre de l'IntĂ©rieur, est amenĂ© Ă  comparaĂźtre avec d'autres responsables politiques de l'Ă©poque devant le Tribunal pour rĂ©pondre (entre autres) du chef d'accusation de gĂ©nocide, une premiĂšre en la matiĂšre au Mexique[13]. Le , le Tribunal ordonne son assignation Ă  domicile afin de mener Ă  bien le procĂšs au cours duquel celui-ci doit rĂ©pondre des chefs d'inculpation de gĂ©nocide, homicides, lĂ©sions et disparitions forcĂ©es[14]. AprĂšs des annĂ©es d'atermoiements, la justice mexicaine l'a finalement acquittĂ© le en indiquant qu'il n'existait aucune preuve permettant d'engager sa responsabilitĂ© dans les Ă©vĂ©nements du [15].

En 2012, le PRI gouverne à nouveau le Mexique, avec pour président Enrique Peña Nieto, élu pour 6 ans.

Notes et références

  1. « Les Jeux olympiques d'AthÚnes à Pékin », dans Les Collections de l'Histoire, no 40, juillet 2008, (ISSN 0182-2411), p. 70
  2. Elena Poniatowska, La nuit de Tlatelolco — Histoire orale d’un massacre d’État (La noche de Tlatelolco, testimonios de historia oral, 1971), traduit par Marion Gary et Joani Hocquenghem, sous la direction d’Anna Touati, Ă©ditions CMDE (Collectif des mĂ©tiers de l’édition, Toulouse), 2014 (prĂ©sentation en ligne)
  3. Joëlle Stolz, Le massacre de Mexico en 1968, symbole de l'impunité, lemonde.fr, 2 octobre 2008
  4. Quinto informe de Gobierno del Presidente de la RepĂșblica (1969)
  5. « The Dead of Tlatelolco », sur nsarchive2.gwu.edu (consulté le )
  6. « Revela documental injerencia de Estados Unidos en el conflicto estudiantil del 68 », sur La Jornada,
  7. (es) « Documentos desclasificados evidencian que tres presidentes mexicanos trabajaban para la CIA | The México News »,
  8. JoĂ«lle Stolz, « Le massacre de Mexico en 1968, symbole de l'impunitĂ© », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  9. Benjamin Fernandez, « Au Mexique, la presse au service d’une tyrannie invisible », Le Monde diplomatique,‎ , p. 20-21
  10. (es) Gustavo Castillo, « La fiscalĂ­a para desaparecidos buscarĂĄ la verdad, no dinamitar al Estado: Carrillo », La Jornada,‎ (lire en ligne)
  11. (es) JesĂșs Aranda et Blanche Pietrich, « ImpĂĄvido, EcheverrĂ­a escuchĂł las acusaciones sobre el 68 », La Jornada,‎ (lire en ligne)
  12. (es) Alfredo MĂ©ndez Ortiz, « Giran orden de aprehensiĂłn contra EcheverrĂ­a Alvarez por genocidio », La Jornada,‎ (lire en ligne)
  13. (es) Gustavo Castillo, « Exculpa tribunal a Luis EcheverrĂ­a », La Jornada,‎ (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Elena Poniatowska (trad. de l'espagnol), La Nuit de Tlatelolco (fiction), MĂ©xico D.F., CMDE, , 328 p. (ISBN 979-10-90507-12-8)

Articles connexes

Liens externes

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