AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Artémisinine

L’artĂ©misinine (chinois traditionnel : é’è’żçŽ  ; pinyin : qing hao su) est la substance active mĂ©dicamenteuse isolĂ©e de la plante Artemisia annua (chinois traditionnel : é’è’ż ; pinyin : qing hao) et dont la vertu mĂ©dicinale est connue en Chine depuis plus de 2 000 ans. Il s'agit d'une lactone sesquiterpĂ©nique portant un groupe peroxyde qui semble ĂȘtre le fer de lance de son efficacitĂ© thĂ©rapeutique.

Artémisinine
Image illustrative de l’article ArtĂ©misinine
Identification
Nom UICPA (3R,5aS,6R,8aS,9R,12S,12aR)-octahydro-3,6,9-triméthyl-3,12-époxy-12H-pyrano[4,3-j]-1,2-benzodioxépin-10(3H)-one
Synonymes

(3R,5aS,6R,8aS,9R,12S,12aR)-3,6,9-triméthyloctahydro-3,12-epoxy[1,2]dioxépino[4,3-i]isochromén-10(3H)-one
artémisine

No CAS 63968-64-9
No ECHA 100.110.458
Code ATC P01BE01
SMILES
InChI
Apparence poudre blanche
Propriétés chimiques
Formule C15H22O5 [IsomĂšres]
Masse molaire[1] 282,332 2 ± 0,015 g/mol
C 63,81 %, H 7,85 %, O 28,33 %,
Liaison hydrogĂšne donneur nul (0 kJ·mol−1)
accepteur modĂ©rĂ© (5 kJ·mol−1)
DiamĂštre molĂ©culaire 550 nm
Propriétés physiques
T° fusion 152 à 157 °C
T° Ă©bullition dĂ©composition ≄ 193 °C
Solubilité peu soluble dans l'eau
(51,9 mg/L-1 à 20 °C) ou dans l'huile
soluble dans les solvants apolaires (51,9 mg/L-1 à 25 °C, à 298 K et pH=7,2)
Masse volumique 1,24 g·cm-3
T° d'auto-inflammation 370 °C
Pression de vapeur saturante 2,18E−06 mmHg (Ă  25 °C)
pression constante 4,92E−09 atm-m3/mol (Ă  25 °C)
taux d'OH constant4,33E−11 cm3/molĂ©cule-sec
Propriétés optiques
Pouvoir rotatoire +76° (méthanol, 0,5 g·L-1)
Précautions
SGH
SGH02 : InflammableSGH09 : Danger pour le milieu aquatique
Attention
H242, H360D, H410, P210, P273, P314, P391, P410, P420 et P402+P404
Incendie des NOx peuvent ĂȘtre libĂ©rĂ©s
Sécurité fiche de données de sécurité[2]
Directive 67/548/EEC
Comburant
O
Dangereux pour l’environnement
N

Transport
Écotoxicologie
DL50 5 576 mg·kg-1 (rats, oral)
2 571 mg·kg-1 (rats, IM)
CL50 1 ng-240 min⁄mL
LogP LogP3-AA[note 1] : 2,8
DJA g (oral)
Seuil de l’odorat inodore
Données pharmacocinétiques
MĂ©tabolisme sanguin
Demi-vie d’élim. 1,9 Ă  2,6 heures
Stockage 2 ans (entre 15 et 25 °C)
Excrétion

bilaire

Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique antipaludique, anthelminthique
Voie d’administration per os, intrarectale, IM, IV
Grossesse interdit
Conduite automobile pas de contre indication
Précautions per os, intrarectale et IM : aucune
Par IV : anémie hémolytique dans 10 à 25 % des cas
interaction avec le warfarin potassium[3], décomposition par les oxydes d'azote
Mise en garde médicale
Composés apparentés
IsomĂšre(s) gallate d'octyle

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Elle est la base des médicaments antipaludiques les plus récents et actuellement les plus efficaces. Les essais cliniques de phase III menés démontrent aussi sa bonne potentialité comme médicament pour traiter la bilharziose et de la distomatose. Des essais de phase pré-clinique sont également en cours, notamment avec son dérivé la dihydroartémisinine, dans le but de traiter certains cancers, dont celui du sein, avec moins d'effets secondaires que la chimiothérapie classique.

Histoire

Pharmacopée traditionnelle

L'armoise (Artemisia annua) contenant l'artémisinine.

La plante, qui appartient Ă  la famille des Asteraceae, est utilisĂ©e en herbologie chinoise depuis plus de 2 000 ans. Son plus ancien usage formulĂ© par Ă©crit figure dans un texte appelĂ© Recettes pour cinquante-deux maladies (chinois traditionnel : äș”捁äșŒç—…æ–č ; pinyin : Wǔshí’ùr BĂŹngfāng) datant de 168 av. J.-C. dĂ©couvert, parmi d'autres textes ayant trait Ă  283 traitements mĂ©dicaux diffĂ©rents, dans une tombe mise Ă  jour sur le site de Mawangdui et datant de la dynastie Han[4] - [5]. Une des recettes dĂ©crit « comment faire tremper les feuilles et les branches de la plante de qing hao dans l'eau pendant une nuit, puis boire cette eau en tant que traitement contre le paludisme ».

Ge Hong en parle aussi dans son ouvrage intitulĂ© Manuel de prescriptions pour les situations d'urgence (chinois traditionnel : è‚˜ćŽć€‡æ€„æ–č ; pinyin : Zhou hou beiji fang) rĂ©digĂ© au dĂ©but du IVe siĂšcle[6] ainsi que l'herboriste Li Shizhen dans son Grand TraitĂ© d'herbologie (chinois traditionnel : æœŹè‰ç¶±ç›ź ; pinyin : Běncǎo gāngmĂč) Ă©crit entre 1552 et 1587 et oĂč sont codifiĂ©es 11 196 prescriptions[7]. Selon Li Shizhen, la prĂ©paration doit consister en « une touffe de feuilles, recueillie au printemps ou en Ă©tĂ©, macĂ©rĂ©e dans deux sheng (chinois traditionnel : 捇 ; pinyin : shēng) d'eau (soit 2,07 L) puis pilĂ©e avec un pilon dans un mortier pour en extraire le jus »[8].

Histoire contemporaine

L’histoire contemporaine de l’artĂ©misinine[note 2] commence pendant la guerre du ViĂȘt Nam lorsque l’armĂ©e nord-vietnamienne construit tout un rĂ©seau de souterrains. Comme ces tunnels rĂ©cupĂšrent toute l’eau de pluie, les anophĂšles transporteurs du paludisme s'y reproduisent dans l’eau stagnante. Le problĂšme prend une telle ampleur, que l’armĂ©e nord-vietnamienne aurait perdu plus de soldats par le paludisme que par les armes[9]. Les Nord-vietnamiens se sont alors tournĂ©s vers la Chine de Mao Zedong pour essayer de trouver une solution.

En 1967, des chercheurs militaires chinois se sont donc attelĂ©s Ă  l'Ă©tude des remĂšdes traditionnels Ă  base de plantes avec l'espoir d’en trouver un d’efficace contre la variĂ©tĂ© de paludisme endĂ©mique dans la pĂ©ninsule indochinoise. Ils ont assez rapidement trouvĂ© l’Armoise annuelle et, dans une rĂ©gion de Chine peu touchĂ©e par cette maladie, ils ont observĂ©, qu’au premier symptĂŽme de paludisme, les habitants de cette rĂ©gion buvaient, selon une tradition millĂ©naire, une dĂ©coction issue de qing hao. GĂ©nĂ©ralement administrĂ©e sous forme de macĂ©ration, elle n’avait pas d’effet secondaire visible et semblait trĂšs efficace.

AprĂšs l'Ă©tude de plus de 2 000 remĂšdes traditionnels et le test de 380 extraits, l'isolement de l'artĂ©misinine fut rĂ©ussie, sous la direction du professeur Tu[10]. C'est en 1972 qu'un des chercheurs, essayant d'extraire la (ou les) substance(s) active(s) de la feuille d'Armoise annuelle, eut l'idĂ©e originale d'utiliser un solvant non aqueux (hexane ou alcool suivant les versions). Il obtint (aprĂšs purifications rĂ©pĂ©tĂ©es sur gel de silice) une substance huileuse jaunĂątre qu'il put cristalliser en une poudre blanchĂątre faiblement soluble dans l'eau mais bien dans la plupart des solvants organiques (dichloromĂ©thane, acĂ©tone) prĂ©sentant une bonne stabilitĂ© thermique Ă  tempĂ©rature ambiante et, le plus important, capable de tuer Plasmodium falciparum in vitro. Ses actions antipaludiques et l'Ă©laboration d'un procĂ©dĂ© d'extraction simple ont rapidement suivi.

Sa structure a Ă©tĂ© confirmĂ©e en 1979 par des analyses cristallographiques par rayons X et l'utilisation d'un microscope Ă©lectronique Ă  balayage. C'est une lactone sesquiterpĂšnique avec deux atomes d'oxygĂšne liĂ©s par un pont peroxyde au-dessus d'un cycle Ă  sept atomes de carbone (cf. le tableau ci-dessus). Elle possĂšde sept centres d'asymĂ©trie autorisant un grand nombre de stĂ©rĂ©oisomĂšres, mais, par chance, Artemisia annua n'en synthĂ©tise qu'un seul ; nĂ©anmoins, le caractĂšre totalement asymĂ©trique de la molĂ©cule d'artĂ©misinine rend sa synthĂšse artificielle particuliĂšrement difficile, en particulier Ă  des coĂ»ts acceptables (d'oĂč l'utilisation de dĂ©rivĂ©s semi-synthĂ©tiques comme l'artĂ©sunate, l'artĂ©mĂ©ther et l'artĂ©ether).

Ce n'est qu'aprĂšs le constat, au dĂ©but des annĂ©es 1990, de l'aggravation des phĂ©nomĂšnes de rĂ©sistance du parasite envers les mĂ©dicaments classiques comme la chloroquine ou l'amodiaquine que les laboratoires pharmaceutiques ont commencĂ© Ă  s'y intĂ©resser, et il fallut attendre 2001 pour que l'Organisation mondiale de la santĂ© (OMS) dĂ©clare l'artĂ©misinine « le plus grand espoir mondial contre le paludisme ». En 2006, elle recommandait toutefois d'arrĂȘter la monothĂ©rapie afin d'Ă©viter les risques de rĂ©sistance : l'artĂ©misinine affaiblit le parasite mais ne le tue pas systĂ©matiquement, et elle prĂ©sente son efficacitĂ© maximale en association avec d'autres anti-paludiques (ACT)[11]. MalgrĂ© cela, en deux Ă©tudes indĂ©pendantes ont rapportĂ© pour la premiĂšre fois une augmentation significative de la rĂ©sistance Ă  l'artĂ©misinine de P. falciparum sur le terrain, au Cambodge, probablement en consĂ©quence de pratiques et de traitements incorrects, tel que cela avait Ă©tĂ© prĂ©dit en 2006 par l'OMS[12]. En 2021, cette rĂ©sistance partielle est confirmĂ©e au Rwanda[13].

En 2015 Tu Youyou reçu un prix Nobel de médecine pour sa découverte[14].

Production

Le procĂ©dĂ© de sĂ©paration des substances contenues dans les feuilles sĂšches de l'Armoise annuelle pour la production de l'artĂ©misinine est la solubilitĂ©. Le fructose-1,6-bisphosphate est d'abord Ă©liminĂ© du composĂ© amorphe qui est transformĂ© en alcool par rĂ©action d'oxydorĂ©duction avec un complexe NADPH oxydase suivie d'une oxydation pour obtenir un aldĂ©hyde qui est lui-mĂȘme transformĂ© en acide puis en hydroperoxyde par photo-oxydation avant de recevoir sa liaison pĂ©roxyde. La micronisation est obtenue Ă  une tempĂ©rature d’extraction de 62 °C sous une pression de 25 MPa avec prĂ©cipitation Ă  45 °C via un tuyau de Ăž 1 000 ÎŒm. La taille du matĂ©riau granulaire ainsi obtenu est de 550 nm[15].

La biodisponibilité de l'artémisinine étant assez faible (51,9 mg/L), celle-ci est transformée en dérivés semi-synthétiques ayant tous cette liaison péroxyde :

  • Feuilles d'armoise annuelle
    Feuilles d'Armoise annuelle.
  • Étapes de la biosynthĂšse de l'artĂ©misinine
    BiosynthÚse de l'artémisinine.
  • Structure de l'artĂ©misinine et de ses dĂ©rivĂ©s semi-synthĂ©tiques
    Structure de l'artémisinine et de ses dérivés semi-synthétiques
    .

Le prix de revient est Ă©levĂ© comparativement Ă  celui d'une quelconque molĂ©cule 100 % synthĂ©tique. Il faut 30 Ă  35 tonnes de plantes fraĂźches entiĂšres Ă  l'hectare pour produire 2,5 Ă  3 tonnes de feuilles sĂšches dont est extrait environ 1,3 % d'artĂ©misinine. Entre 2005 et 2008, ce prix a variĂ© entre 120 et 1 200 USD le kilogramme[16].

La production s'améliore avec l'arrivée de nouvelles générations d'Armoise annuelle donnant un plus grand pourcentage de substance active et l'optimisation de la chaine de production[17].

Utilisant une levure transgénique, le laboratoire pharmaceutique Sanofi Pasteur annonce, en 2013, que le groupe est maintenant capable de produire l'artémisinine au prix de revient de 350 à 400 USD le kilogramme[18].

Mode d'action

L’artĂ©misinine est une lactone sesquiterpĂ©nique portant un groupe peroxyde qui semble ĂȘtre la clĂ© de son efficacitĂ©. Elle bloquerait une enzyme qui permet au parasite de pomper le calcium et l'empĂȘchant ainsi de se dĂ©velopper.

Tandis que l'artĂ©mĂ©ther, c'est-Ă -dire la molĂ©cule de peroxyde rĂ©duite de l’artĂ©misinine, rĂ©agit avec le fer des globules rouges pour crĂ©er des radicaux libres qui, Ă  leur tour, dĂ©truisent les membranes du parasite ou de certaines cellules cancĂ©reuses et les tuent. À noter cependant que la prĂ©sence de toute substance protĂ©geant des dommages radicalaires (antioxydant) pourrait contrarier son efficacitĂ©.

Thérapies

Si l'artémisinine et ses dérivés sont surtout connus pour leur rÎle thérapeutique en premiÚre intention dans le traitement de la malaria due aux cinq espÚces de Plasmodium responsables de la maladie chez l'homme, ils sont aussi utilisés dans les cas de bilharziose, de distomatose, de leishmaniose viscérale et de pancréatite chronique ainsi que comme marqueur biologique d'une nécrose hépatique[19] - [20].

Paludisme

La prescription d'artĂ©misinine, sous forme d'infusions, dont l'eau ne doit pas ĂȘtre bouillante[note 3], de feuilles sĂ©chĂ©es de l'Armoise annuelle peut s'avĂ©rer trĂšs efficace et des rĂ©sultats acceptables ont Ă©tĂ© obtenus avec des cures sous forme de tisanes, Ă  utiliser au moment des fiĂšvres. Les meilleurs rĂ©sultats sont obtenus par macĂ©ration et trituration dans l'eau froide, ou infusion dans le lait dont les lipides favorisent la dissolution de l'artĂ©misinine[21].

Pourtant, cette utilisation en tisane fut fortement et rapidement dĂ©conseillĂ©e par l'OMS, car cette approche pouvait favoriser la rĂ©sistance du parasite Ă  la molĂ©cule semi-synthĂ©tique de l'artĂ©mĂ©ther. Bien que l'application du principe de prĂ©caution de la part de l'OMS soit louable, certains firent remarquer qu'aucune forme de rĂ©sistance Ă  l'artĂ©misinine n'a Ă©tĂ© enregistrĂ©e en Chine, alors que cette tisane est utilisĂ©e seule depuis prĂšs de 2 000 ans[22]. L'incertitude apparue dĂ©coulait de la possibilitĂ© nouvelle d'une utilisation systĂ©matique et d'une application en masse de traitements Ă  base d'artĂ©misinine de qualitĂ© plus ou moins variable sur une trĂšs nombreuse population, une situation qui jusqu'Ă  prĂ©sent ne s'Ă©tait encore jamais produite avec cette substance. C'est pourquoi, dĂšs 2002, l'OMS publie une recommandation claire sur la nĂ©cessitĂ© d'utiliser l’Artemisinin-based combination therapy (ACT) dans les pays touchĂ©s par les rĂ©sistances aux antipaludiques classiques. Sur l'avis d'experts internationaux, elle recommande l'introduction de polythĂ©rapies pour remplacer les monothĂ©rapies dans le traitement du paludisme et prĂ©conise en particulier le recours Ă  des associations mĂ©dicamenteuses contenant des dĂ©rivĂ©s d'artĂ©misinine.

La politique de précaution pratiquée par l'OMS s'est avérée réaliste car, dÚs 2009, les premiers cas de résistance de Plasmodium falciparum à l'artémisinine ont été signalés et confirmés en Asie du Sud-Est[23] - [24]. C'est ainsi qu'en , elle édite une mise à jour de ses recommandations[25].

Cependant, une monothĂ©rapie Ă  base d'artĂ©misinine, ou d'un de ses dĂ©rivĂ©s comme l'artĂ©sunate ou l'artĂ©mĂ©ther ainsi que leur mĂ©tabolite commun : la dihydroartĂ©misinine, administrĂ©e sous forme de suppositoire, comme un Rectocap[note 4] de 200 mg d'artĂ©sunate, peut s'avĂ©rer particuliĂšrement utile dans les cas de paludisme simple quand les patients sont incapables d'ingĂ©rer (vomissements rĂ©pĂ©tĂ©s, impossibilitĂ© de manger/boire/tĂ©ter, convulsions rĂ©currentes, absence de rĂ©actions Ă  la douleur, coma, absence de rĂ©actions psychomotrices) ou quand les prĂ©sentations injectables ne sont pas disponibles ou qu'elles sont impossibles Ă  administrer[26]. À noter, aussi, que l'utilisation d'une capsule rectale est prĂ©fĂ©rable Ă  une injection intramusculaire (IM) car n'importe qui est capable de l'administrer, il n'y a aucun risque d'infection par l'aiguille et la durĂ©e de rĂ©ponse du produit est plus rapide. Elle est aussi prĂ©conisĂ©e par injection intraveineuse (IV) en traitement de premiĂšre intention dans les cas de paludisme sĂ©vĂšre.

Cette monothĂ©rapie (monodose de 10 mg kg−1, ce qui est le plus communĂ©ment conseillĂ©, ou de minimum 8,5 mg kg−1) induit une rĂ©action parasitaire dans les douze heures et est supĂ©rieure Ă  la quinine dans les vingt-quatre heures[note 5]. Elle doit impĂ©rativement ĂȘtre suivie, dĂšs que possible, par un traitement avec une association mĂ©dicamenteuse d'une ACT.

Bilharziose

Au début des années 1980, des chercheurs chinois ont découvert que l'artémisinine et ses dérivés sont aussi des anthelminthiques efficaces contre Schistosoma japonicum, un des schistosomes responsables de la bilharziose[20]. Des essais cliniques de phase III furent menés, au début des années 2000 et avec succÚs, en Afrique et en Chine sur d'autres espÚces de trématodes responsables de la bilharziose et de la distomatose[27].

L'effet antiparasitaire le plus important se produit lorsque le schistosome est au stade juvénile de schistosomule[28] - [20].

Dans l'avenir, l'artémisinine et ses dérivés, au vu de leurs faibles effets secondaires et de leur demi-vie nettement plus longue (entre 1,9 et 2,6 heures pour l'artémisinine contre 0,8 et 1,5 heure pour le praziquantel) devraient prendre une place importante au cÎté du praziquantel qui est, actuellement, le médicament le plus utilisé pour traiter la bilharziose[29].

Cancers

Des recherches in vitro ont montrĂ© l'action anticancĂ©reuse de l'artĂ©misinine combinĂ©e Ă  du fer. En arrĂȘtant le facteur de transmission E2F1, l'artĂ©misine intervient dans la destruction des cellules cancĂ©reuses – essais menĂ©s sur les cancers du poumon et du sein[30].

Covid-19

L'Institut malgache de recherches appliquées (IMRA) a mis au point en 2020 le Covid-Organics, à base de plantes dont l'armoise annuelle, qui permettrait de lutter contre l'épidémie de Covid-19[31]. L'OMS, tout en se déclarant favorable aux médecines traditionnelles, rappelle toutefois que la prudence est de mise, tant que l'efficacité n'est pas prouvée scientifiquement[32].

Les recherches menĂ©es par le laboratoire californien Mateon Therapeutics indiquent que l’artĂ©misinine inhiberait fortement la multiplication du virus causant le Covid-19 avec un excellent coefficient de sĂ©curitĂ©. En juin 2020, le Dr Vuong Trieu, PDG de Mateon dĂ©clare que « l’efficacitĂ© de l’artĂ©misinine reste Ă  tester dans des essais cliniques bien contrĂŽlĂ©s et suffisamment poussĂ©s, mais elle prĂ©sente de nombreux avantages pour lutter contre le Covid-19 »[33].

Effets indésirables

L'artĂ©misinine est, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, bien tolĂ©rĂ©e par voie entĂ©rale et n'a que peu d'effets secondaires de trouble du systĂšme digestif le plus souvent causĂ© par hyporexie ou dysphagie[34]. Ces effets sont plus frĂ©quents lors d'une infection par Plasmodium falciparum. Sa dose lĂ©tale mĂ©diane est lĂ©gĂšre (5 576 mg·kg-1 par voie entĂ©rale chez le Rat domestique). Une certaine neurotoxicitĂ© et des effets abortifs sont observĂ©s lors d'essais prolongĂ©s chez le Rat domestique mais vu la clairance rapide (demi-vie entre 1,9 et 2,6 heures dans le plasma sanguin) et l'exposition courte (3 Ă  5 jours) Ă  la substance active lors d'une thĂ©rapie, ces risques sont considĂ©rĂ©s comme nuls chez les patients impaludĂ©s qui ne sont pas des femmes enceintes. PossibilitĂ© d'allergie Ă  l'artĂ©misinine (en infusion et en injection).

L'administration par injection intraveineuse (IV) peut entraßner dans 10 à 25 % des cas une anémie hémolytique qui apparaitra souvent post-traitement[35] - [36].

ÉcotoxicitĂ©

L'artémisinine est écotoxique pour le plancton. Sa EC50 est toxique à partir de 100 mg/L pour les Daphnies, de 0,14 mg/L pendant 72 heures pour la Chlorophyceae Selenastrum capricornutum et de 300 mg/L pendant 3 heures pour les micro-organismes de la boue activée[37].

Notes et références

Notes

  1. Le LogP3-AA est l'atome pur en mode additif
  2. L'artémisinine est parfois aussi écrite artémisine.
  3. Pression de vapeur saturante entre 80 °C au niveau de la mer et 90 °C en trÚs haute altitude.
  4. Un Rectocap est une solution colloïdale enrobée de gélatine pour former un suppositoire résistant aux manipulations et à la chaleur
  5. La CI50 de l'artĂ©misinine et de ses dĂ©rivĂ©s est de 1 ng⁄mL contre 150 ng⁄mL pour la quinine.

Références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (de) « Artemisinin » [[PDF]], Sicherheitsdatenblatt, sur carl-roth.de, (consulté le )
  3. (en) « Artemisinin interactions », Drug interaction list, sur kegg.jp, KEGG (consulté le )
  4. (en) Christina L. White, « Cancer Smart Bomb, Part I: An Idea from Ancient Chinese Medicine », sur mwt.net, (consultĂ© le ) : « Marquis of Dai, Chancellor of Changsha, § 9 et 10 »
  5. (zh-Hans) n.c., Wu shi er bing fang [« äș”捁äșŒç—…æ–č »], PĂ©kin, Wen wu chu ban she, coll. « Mawangdui Han mu bo shu »,‎ , 208 p. (OCLC 7739642)
  6. (zh-Hans) Ge Hong, Ge Hong zhou hou bei ji fang [« 葛æŽȘè‚˜ćŸŒć‚™æ€„æ–č »], PĂ©kin, Sheng chu ban she,‎ , 262 p. (ISBN 978-7-117-00766-5, OCLC 213418179)
  7. (en) Li Shizhen (trad. Xiwen Luo), Compendium of materia medica : bencao gangmu [« ćžžèŠ‹ç—…äș”èĄŒæŒąæ–č氍症èȘżé€Šćœ–ć…ž : ćœ–è§ŁæœŹè‰ç¶±ç›ź »] (52 volumes), PĂ©kin, Foreign Languages Press,‎ , 4397 p., in-6 (ISBN 978-7-119-03260-3, OCLC 56367841)
  8. (en) Geoff Brown, « Artemisinin and a new generation of antimalarial drugs », Education in Chemistry, sur rsc.org, Royal Society of Chemistry, (consultĂ© le ) : « Section : The discovery of artemisinin »
  9. (en) Niyi Awofeso, « Project 523: transformation of Artemisinin from traditional Chinese medicine to mainstream anti-malaria chemotherapy », Spatula DD, vol. 1, no 2,‎ , p. 115 (DOI 10.5455/spatula.20110514053140).
  10. (en) Phil McKenna, « The modest woman who beat malaria for China », Health, sur newscientist.com, New Scientist, (consulté le )
  11. « L'OMS demande l'arrĂȘt immĂ©diat de la commercialisation des comprimes antipaludiques comportant uniquement de l'artemisinine », Centre des mĂ©dias, sur who.int, OMS, (consultĂ© le )
  12. (en) Arjen M. Dondrop, François Nosten et al., « Artemisinin resistance in Plasmodium falciparum Malaria », The New England Journal of Medicine, Waltham, Massachusetts Medical Society, vol. 361, no 5,‎ , p. 445-454 (ISSN 0028-4793 et 1533-4406, OCLC 1587974, DOI 10.1056/NEJMoa0808859, lire en ligne [[html]])
  13. (en) Aline Uwimana, Noella Umulisa, Meera Venkatesan, Samaly S Svigel, Zhiyong Zhou, LĂ©on Mutesa et al., « Association of Plasmodium falciparum kelch13 R561H genotypes with delayed parasite clearance in Rwanda: an open-label, single-arm, multicentre, therapeutic efficacy study », The Lancet,‎ (lire en ligne)
  14. « Le Prix Nobel de Physiologie ou de Médecine 2015 attribué pour la lutte contre les maladies parasitaires », sur Planet-Vie (consulté le )
  15. (en) Huimin Yu, Xiuhua Zhao et al., « Preparation and Characterization of Micronized Artemisinin via a Rapid Expansion of Supercritical Solutions (RESS) Method », International Journal of Molecular Sciences, BĂąle, MDPI, vol. 13, no 4,‎ , p. 5060-5073 (ISSN 1422-0067, lire en ligne [[html]])
  16. Whitty et Court 2008, p. 33
  17. Whitty et Court 2008, p. 14-15
  18. (en) Mark Peplow, « Sanofi launches malaria drug production » [[html]], sur rsc.org, Chemistry World, (consulté le )
  19. (en) « Disease categorie », artemisinine, sur ctdbase.org, Comparative Toxicogenomics Database, (consulté le )
  20. (en) Xiao Shu-Hua, « Development of antischistosomal drugs in China, with particular consideration to praziquantel and the artemisinins », Acta Tropica, Amsterdam, Elsevier, vol. 96, nos 2-3,‎ , p. 153-167 (PMID 16112072, DOI 10.1016/j.actatropica.2005.07.010, rĂ©sumĂ©)
  21. (en) Jacques Falquet, Jorge F.S. Ferreira et al., « Artemisia Annua as a Herbal Tea for Malaria », African Journal of Traditional, Complementary, and Alternative Medicines, Ife, African Ethnomedicines Network, vol. 4, no 1,‎ , p. 121-123 (ISSN 0189-6016, PMID 20162081, lire en ligne [[html]])
  22. Isabelle Huau, « Paludisme : un nouveau dĂ©part ? », Science actualitĂ©s, Paris, Universcience, biologie et santĂ©,‎ (lire en ligne [[html]])
  23. (en) Dondorp AM, Nosten F, Yi P, Das D, Phyo AP, Tarning J, Lwin KM, Ariey F, Hanpithakpong W, Lee SJ, Ringwald P, Silamut K, Imwong M, Chotivanich K, Lim P, Herdman T, An SS, Yeung S, Singhasivanon P, Day NP, Lindegardh N, Socheat D, White NJ, « Artemisinin resistance in Plasmodium falciparum malaria », N Engl J Med, vol. 361, no 5,‎ , p. 455-67. (PMID 19641202, PMCID PMC3495232, DOI 10.1056/NEJMoa0808859, lire en ligne [html])
  24. « Maßtrise de la résistance à l'artémisinine », Programmes et projets, Paludisme, sur who.int, OMS, (consulté le )
  25. n.c., Récapitulatif de la politique de l'OMS - mai 2010 : Plan mondial de lutte contre le paludisme, GenÚve, OMS, coll. « Rapport techniques », , 45 p. (lire en ligne [[PDF]])
  26. Suppositoires à base d'artémisinine, p. 12
  27. (en) Jennifer Keiser et JĂŒrg Utzinger, « Artemisinins and synthetic trioxolanes in the treatment of helminth infections », Current opinion in infectious diseases, Hagerstown MD, Lippincott Williams & Wilkins, vol. 20, no 6,‎ , p. 605-612 (ISSN 0951-7375 et 1473-6527, PMID 17975411, DOI 10.1097/QCO.0b013e3282f19ec4, rĂ©sumĂ©)
  28. « Schistosomule », Dictionnaire des sciences animales, sur cirad.fr (consulté le )
  29. Pierre Allain, « Traitement de la schistosomiase ou bilharziose », Magazine, sur pharmacorama.com, (consulté le )
  30. (en) Lai H, Sasaki T, Singh NP, Messay A, « Effects of artemisinin-tagged holotransferrin on cancer cells », Life Sci, vol. 76, no 11,‎ , p. 1267-79. (PMID 15642597)
  31. Le Point Afrique, « Covid-19 : le Covid-Organics, ce remĂšde que Madagascar a validĂ© », Le Point,‎ (lire en ligne)
  32. « L’OMS soutient une mĂ©decine traditionnelle reposant sur des Ă©lĂ©ments scientifiques probants », sur Regional Office for Africa (consultĂ© le )
  33. http://investor.mateon.com/news-releases/news-release-details/mateon-expands-its-covid-19-therapeutic-program-include
  34. (en) R. Price, M. van Vugt et al., « Adverse effects in patients with acute falciparum malaria treated with artemisinin derivatives », The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, Sheridan, The Sheridan Press, vol. 60, no 4,‎ , p. 547-555 (ISSN 0002-9637, OCLC 1724826, lire en ligne [[html]])
  35. (en) Annemarie R. Kreeftmeijer-Vegter, Perry J. van Genderen et al., « Treatment outcome of intravenous artesunate in patients with severe malaria in the Netherlands and Belgium », Malaria Journal, Londres, BioMed Central, travellers' Malaria, vol. 11, no 102,‎ (DOI 10.1186/1475-2875-11-102, lire en ligne [[html]])
  36. (en) Thomas Zoller, Thomas Junghanss et al., « Intravenous Artesunate for Severe Malaria in Travelers, Europe », Emerging Infectious Diseases, Atlanta, CDC, vol. 17, no 5,‎ , p. 771-777 (DOI 10.3201/eid1705.101229, lire en ligne [[html]])
  37. (de) « Umweltbezogene Angaben » [[PDF]], Artemisinin, sur carl-roth.de, (consulté le ), p. 6

Bibliographie

  • n.c., Suppositoires Ă  base d'artĂ©misinine : Rapport d'une consultation informelle de l'OMS des 27 et 28 mars 2006 (Rapport), GenĂšve, OMS, coll. « Programme mondial de lutte antipaludique » (no WHO/HTM/MAL/2006.1118), , 24 p. (ISBN 978-92-4-259560-4, lire en ligne [[PDF]]) — Classification NLM : WC 770
  • (en) Christopher Whitty, Alan Court et al., Report of the 2008 Artemisinin Enterprise Conference : Meeting the Malaria Treatment Challenge: Effective introduction of new technologies for a sustainable supply of ACTs, The Artemisinin Enterprise, , 49 p. (lire en ligne [[PDF]])
  • Y. Rao, D. Zhang et R. Li, Tu Youyou and the Discovery of Artemisinin: 2015 Nobel Laureate in Physiology or Medicine, Singapore, World Scientific Publishing Co., (ISBN 978-7-5046-6996-4, lire en ligne)
  • Y. Tu, From Artemisia annua L. to Artemisinins: The Discovery and Development of Artemisinins and Antimalarial Agents, Academic Press, (ISBN 9780128116562, lire en ligne)
  • Tu Youyou, De Artemisia Annua L. aux artemisinines - La dĂ©couverture et le dĂ©veloppement des artemisinines et des agents antipaludiques, EDP sciences, Quintesciences, 2019, (ISBN 978-2-7598-2219-5).

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.