Massacres de SĂ©tif, Guelma et Kherrata
Les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata sont des répressions sanglantes qui suivent les manifestations nationalistes, indépendantistes et anticolonialistes survenues le dans le département de Constantine pendant la colonisation française de l'Algérie. Ces évÚnements se déroulent pendant le mandat du président du gouvernement provisoire de la République française, Charles de Gaulle. Ils durent sept semaines et prennent fin le .
Date |
â (1 mois et 18 jours) |
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Lieu | SĂ©tif, Guelma, Kherrata (Constantinois) |
Issue | RĂ©pression sanglante |
Manifestants nationalistes | Forces de l'ordre françaises Français d'Algérie |
Algériens | Police, armée française et milices européennes |
Annonces : 45 000 morts Estimations : 3 000 Ă 30 000 morts | 102 morts |
Coordonnées | 28° nord, 2° est |
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Pour fĂȘter la fin des hostilitĂ©s de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des AlliĂ©s sur les forces de l'Axe en Europe, un dĂ©filĂ© est organisĂ©. Les partis nationalistes algĂ©riens, profitant de l'audience particuliĂšre donnĂ©e Ă cette journĂ©e, appellent Ă des manifestations pour rappeler leurs revendications. Les manifestations sont autorisĂ©es par les autoritĂ©s Ă la condition que seuls des drapeaux français soient agitĂ©s. Ă SĂ©tif, aprĂšs des heurts, un policier tire sur Bouzid SaĂąl, un scout musulman ĂągĂ© de 26 ans, tenant un drapeau de l'AlgĂ©rie, et le tue, ce qui dĂ©clenche plusieurs Ă©meutes et actions meurtriĂšres des manifestants, avant que l'armĂ©e n'intervienne.
Il y a parmi les Européens 102 morts[1]. Le nombre des victimes algériennes, difficile à établir, est encore sujet à débat 70 ans plus tard. Les autorités françaises de l'époque fixent le nombre de tués à 1 165 (rapport du général Duval). Le gouvernement algérien reprend, par la suite, le nombre de 45 000 morts avancé par le Parti du peuple algérien (PPA). En juillet 1945, devant l'Assemblée, il est demandé au ministre de l'intérieur d'annoncer 15 000 victimes[2]. Selon François Cochet, Maurice Faivre, Guy Pervillé et Roger Vétillard, certains historiens évalueraient le nombre des victimes dans une fourchette allant de 3 000 à 8 000 victimes[3] alors que Jean-Louis Planche ou Gilbert Meynier donnent pour plausible une fourchette allant de 20 000 à 30 000 morts.
CommĂ©morĂ©e chaque annĂ©e en AlgĂ©rie, « la tentative insurrectionnelle avortĂ©e de 1945 a servi de rĂ©fĂ©rence et de rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale Ă l'insurrection victorieuse de 1954[4] » et mĂȘme de « premier acte de la guerre d'AlgĂ©rie[5] ». L'ambassadeur de France en AlgĂ©rie, dans un discours officiel Ă l'universitĂ© de SĂ©tif en , a dĂ©crit cet Ă©vĂ©nement comme une « tragĂ©die inexcusable »[6].
Prélude
Le contexte
La mise en Ćuvre des principes de la rĂ©volution nationale et des lois du rĂ©gime de Vichy en AlgĂ©rie, en particulier par Weygand, avait concouru Ă y maintenir l'ordre colonial[7]. Mais, avec le dĂ©barquement amĂ©ricain en novembre 1942, les conditions politiques changent. L'entrĂ©e en guerre de l'Afrique du Nord aux cĂŽtĂ©s des AlliĂ©s qui se prĂ©pare se traduit par une importante mobilisation : 168 000 Français d'Afrique du Nord sont mobilisĂ©s, soit vingt classes. La population d'EuropĂ©ens en Afrique du Nord Ă©tant Ă cette Ă©poque de 1 076 000 personnes[8], l'effectif sous les drapeaux en reprĂ©sentait 15,6 %, soit une personne sur six ou sept. Il faut donc souligner la faiblesse des effectifs laissĂ©s sur place[9].
Pour la premiĂšre fois est appliquĂ©e la conscription aux musulmans qui jusqu'alors en Ă©taient dispensĂ©s, ce qui en conduit environ, sur quelque sept millions, 150 000 sous les drapeaux. Messali Hadj, chef du principal mouvement nationaliste algĂ©rien, le Parti du peuple algĂ©rien, interdit, reste emprisonnĂ© et c'est le et le que plusieurs manifestants ont appelĂ© Ă la libĂ©ration de Messali Hadj[10]. Ferhat Abbas, dirigeant des Amis du manifeste et de la libertĂ©, demande que les musulmans qui s'apprĂȘtent Ă entrer en guerre soient assurĂ©s de ne pas rester « privĂ©s des droits et des libertĂ©s essentielles dont jouissent les autres habitants de ce pays »[11].
Le , le Comité français de libération nationale adopte une ordonnance attribuant d'office la citoyenneté française, sans modification de leur statut civil religieux (qui était considérée comme une apostasie de l'islam par l'association des ouléma lors de la décennie précédente[12]), à tous les indigÚnes disposant de décorations militaires et de divers diplÎmes tels que le certificat d'études, etc. En 1945, environ 62 000 combattants en bénéficient, ce qui suscite diverses oppositions dans certains milieux européens en Algérie. Les dirigeants nationalistes algériens espÚrent alors beaucoup de la premiÚre réunion de l'Organisation des Nations unies à San Francisco le .
Mouvement nationaliste
Le , Messali Hadj fonde le parti nationaliste Parti du peuple algérien (PPA), qui réclame l'indépendance. à Guelma, dÚs le mois d', Messali Hadj rassemble 600 partisans lors d'une réunion publique. En 1939, Guelma comptait une section PPA, composée essentiellement de trÚs jeunes hommes qui diffusaient le journal messaliste El Ouma[13].
Le est adoptée la charte de l'Atlantique, une déclaration solennelle de Franklin Delano Roosevelt qui appelle à respecter « le droit qu'ont tous les peuples de choisir la forme de Gouvernement sous laquelle ils entendent vivre », qui est largement commentée dans les milieux nationalistes.
DĂšs l'Ă©tĂ© 1943, les services de renseignements alliĂ©s et français constataient que l'AlgĂ©rie Ă©tait au bord de l'explosion. Un rapport du Psychological Warfare Branch (PWB), portant sur la pĂ©riode - et que relate l'historien Alfred Salinas dans son ouvrage Les AmĂ©ricains en AlgĂ©rie 1942-1945 (L'Harmattan, 2013, p. 370), fait Ă©tat des observations recueillies dans le Constantinois par un informateur français qui Ă©crit notamment : « Les sentiments anti-alliĂ©s dominent maintenant trĂšs nettement chez les Arabes et la proportion des agitateurs ne cesse de grandir. Le sabotage pour crĂ©er des mĂ©contents continue de plus belle dans les douars oĂč aucune surveillance n'est opĂ©rĂ©e. Le ravitaillement est toujours aussi lamentable [âŠ] il y a collusion pour envoyer Ă l'ArmĂ©e des ĂȘtres mal formĂ©s, des estropiĂ©s. Les Ă©lĂ©ments sains restent chez eux. L'insoumission devient une rĂšgle. Toute cette contrĂ©e est acquise Ă Ferhat Abbas et professe maintenant les idĂ©es de son chef. Elle oppose aux dĂ©cisions de l'autoritĂ© une rĂ©sistance passive et quelquefois active. Les gendarmes et les autoritĂ©s sont exĂ©crĂ©es, les EuropĂ©ens deviennent des ennemis ouverts [âŠ], les vols se succĂšdent, le marchĂ© noir reprend une ardeur inaccoutumĂ©e, en un mot on distingue les signes prĂ©curseurs d'un mauvais Ă©tat moral de ces populations jusque-lĂ assez calmes ».
Le , Ă Guelma, ont lieu des rĂ©unions privĂ©es entre colons Ă la caisse agricole pour la crĂ©ation d'une milice armĂ©e illĂ©gale. Des armes sont distribuĂ©es aux 176 colons miliciens, ainsi que 23 vĂ©hicules et les camions du minotier Marcel Lavie sont mis Ă leur disposition par le sous-prĂ©fet AndrĂ© Achiary. Le , le bureau des AML organise un repas Ă l'hĂŽtel grand Orient de Mohamed Reggi, oĂč Ferhat Abbas soutient Mohamed Reggi pour reprĂ©senter les musulmans aux futures Ă©lections locales[13].
Au printemps 1945, l'ambiance est tendue parmi la population europĂ©enne oĂč circulent des bruits alarmistes prĂ©disant un soulĂšvement musulman, d'autant que l'AlgĂ©rie connaĂźt depuis quelques mois une situation alimentaire catastrophique, rĂ©sultat de l'absence de presque tous les hommes valides. Messali Hadj, principal dirigeant du Parti du peuple algĂ©rien (PPA), est dĂ©portĂ© Ă Brazzaville le . Le PPA organise le 1er mai, dans tout le pays, des manifestations qui se veulent pacifiques et sans armes, et pour la premiĂšre fois est brandi un « drapeau algĂ©rien ». Les manifestations se passent dans le calme sauf Ă Alger et Oran oĂč ont lieu des affrontements avec la police ; la rĂ©pression est brutale et fait plusieurs morts, deux Ă Alger et un Ă Oran[14]. Quelques jours plus tard, c'est l'annonce de la reddition allemande et de la fin de la guerre : des manifestations sont prĂ©vues un peu partout pour le .
Selon Benjamin Stora[15], les Français pensaient déjà depuis 1939 que les nationalistes d'Afrique du Nord étaient pilotés par les fascistes italiens ou les nazis allemands et que le Parti du peuple algérien était proche du Parti populaire français, bien que Messali Hadj ait soutenu avant guerre le Front populaire et la République espagnole. Ce sentiment fut renforcé par le fait que le soulÚvement eut lieu le jour de la victoire.
Projet d'insurrection nationaliste
Pour les historiens François Cochet, Maurice Faivre, Guy PervillĂ© et Roger VĂ©tillard, les manifestations et l'explosion de violence qui les accompagne ont pour origine un projet d'insurrection nationaliste pour crĂ©er une « zone libĂ©rĂ©e » avec un gouvernement provisoire, qui serait dirigĂ© par Messali Hadj, mais ces plans doivent ĂȘtre abandonnĂ©s aprĂšs son Ă©vasion ratĂ©e de rĂ©sidence surveillĂ©e et son transfert Ă Brazzaville. Ils affirment que l'Ă©meute de SĂ©tif n'est pas une rĂ©action Ă la mort du porte-drapeau Bouzid SaĂąl « mais Ă une vĂ©ritable insurrection armĂ©e qui a fait 23 morts et 80 blessĂ©s europĂ©ens »[3].
Le 8 mai 1945 Ă SĂ©tif
Ă SĂ©tif, une manifestation nationaliste, gĂ©ographiquement sĂ©parĂ©e des manifestations officielles, est autorisĂ©e Ă condition qu'elle n'ait pas de caractĂšre politique : « aucune banniĂšre ou autre symbole revendicatifs, aucun drapeau autre que celui de la France ne doit ĂȘtre dĂ©ployĂ©. Les slogans anti-français ne doivent pas ĂȘtre scandĂ©s. Aucune arme, ni bĂątons, ni couteaux ne sont admis[16] ».
Cette manifestation commence Ă envahir les rues dĂšs 8 h, estimĂ©e Ă plus de 10 000 personnes[17], chantant l'hymne nationaliste Min Djibalina (De nos montagnes), dĂ©file avec des drapeaux des pays alliĂ©s vainqueurs et des pancartes « LibĂ©rez Messali », « Nous voulons ĂȘtre vos Ă©gaux » et « Ă bas le colonialisme ». Vers 8 h 45 surgissent des pancartes « Vive l'AlgĂ©rie libre et indĂ©pendante » et en tĂȘte de la manifestation AĂŻssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore un drapeau vert et rouge. Tout dĂ©rape alors : devant le cafĂ© de France, avenue Georges Clemenceau[18], le commissaire Olivieri tente de sâemparer du drapeau, mais est jetĂ© Ă terre. Selon un tĂ©moignage, des EuropĂ©ens en marge de la manifestation assistant Ă la scĂšne se prĂ©cipitent dans la foule[19]. Les porteurs de banderoles et du drapeau refusent[20] de cĂ©der aux injonctions des policiers[21]. Des tirs sont Ă©changĂ©s entre policiers et manifestants[22].
Un jeune homme de 26 ans[23], Bouzid Saùl, s'empare du drapeau (blanc et vert avec croissant et étoile rouges[24], couleurs et symbole qui deviendront, en 1962, le drapeau officiel de l'Algérie) mais est abattu par un policier[19]. Immédiatement, des tirs provenant de policiers provoquent la panique. Les manifestants en colÚre s'en prennent aux Français, au cri de « n'katlou ennessara » (tuons les Européens)[25], et font en quelques heures 28 morts et 48 blessés chez les Européens. Il y aurait de 20 à 40 morts et de 40 à 80 blessés chez les « indigÚnes »[26]. Albert Denier, secrétaire local du Parti communiste algérien, a les deux mains tranchées à coup de serpe par des émeutiers l'ayant pris pour un colonialiste en raison de son chapeau[27] - [28]. Selon Le Maitron, il subit plutÎt, aprÚs-coup, une amputation médicale en raison de ses blessures aux poignets[29].
L'armĂ©e fait dĂ©filer les tirailleurs algĂ©riens, qui n'ont pas tirĂ©[30], mais, alors que l'Ă©meute se calme Ă SĂ©tif, dans le mĂȘme temps, des Ă©meutes Ă©clatent aux cris du « djihad » dans la rĂ©gion montagneuse de petite Kabylie, dans les petits villages entre Bougie et Djidjelli[17]. Des fermes europĂ©ennes isolĂ©es et des maisons forestiĂšres sont attaquĂ©es et leurs occupants assassinĂ©s, souvent dans des conditions particuliĂšrement atroces.
Le 8 mai 1945 Ă Guelma
Le mouvement s'Ă©tend trĂšs rapidement, et, l'aprĂšs-midi mĂȘme Ă Guelma[13], une manifestation s'Ă©branle. Ă 16 h, les manifestants dĂ©marrent du cimetiĂšre Kermat (place des figuiers). Ils ont pour consigne de ne pas porter dâarmes blanches. Ils sont de 1 500 Ă 2 000 jeunes et enfants de Guelma, et de 400 Ă 500 paysans des douars des environs venus pour le marchĂ©. Ils arboraient les drapeaux de la France, des alliĂ©s et de l'AlgĂ©rie et des pancartes « Vive la dĂ©mocratie », « Vive l'AlgĂ©rie », « LibĂ©rez Messali », « Vive la charte transatlantique » ou encore « Ă bas le colonialisme ». Les manifestants marchaient en ordre, et chantaient l'hymne nationaliste Min Djibalina, en criant Ă intervalles rĂ©guliers « Vive la libertĂ© algĂ©rienne », en soulevant l'index de la main droite, symbole du monothĂ©isme musulman (tawhid). Ă 18 h 30, le cortĂšge arrive Ă la place Saint-Augustin, au centre-ville, oĂč venaient de s'achever les cĂ©rĂ©monies officielles françaises de cĂ©lĂ©bration du que suivaient la plupart des chefs des AML de Guelma Ă partir du cafĂ© glacier de Mohamed Reggui. Les Français furent effrayĂ©s par le bruit de la manifestation arrivĂ©e en plein quartier europĂ©en, notamment le sous-prĂ©fet AndrĂ© Achiary. Il se prĂ©cipita, en compagnie du premier adjoint au maire socialiste Marcel Champ, du militant communiste Fauqueux, de l'instituteur socialiste Henri Garrivet (futur maire), du prĂ©sident du consistoire israĂ©lite Attali, et de huit policiers, et dix gendarmes. Le prĂ©fet demanda aux jeunes de se disperser. Les 40 scouts de la troupe Enoudjoum figuraient en costume au premier rang. Mais sous la pression des derniers rangs, le cortĂšge continua d'avancer, Achiary fut bousculĂ© par Ali Abda (20 ans) et frappĂ© par un manifestant. Achiary sortit son revolver et tira un coup en l'air, sur le drapeau algĂ©rien, qu'il arracha. Les policiers et les gendarmes l'imitĂšrent, puis chargĂšrent[31]. Le secrĂ©taire des AML de MillĂ©simo, Mohamed Salah Boumaaza, fut tuĂ© d'un coup de feu, et six autres musulmans furent griĂšvement blessĂ©s. Alors il y eut un mouvement de panique parmi les manifestants. Les jeunes fuyaient, les gendarmes les suivaient, les frappaient et tiraient en l'air. Des coups de feu Ă©taient tirĂ©s Ă©galement des maisons sur les manifestants. Il y eut beaucoup de blessĂ©s, dont un mortellement blessĂ© qui dĂ©cĂ©da Ă minuit. Les manifestants sont refoulĂ©s hors Guelma. Les officiers de garnison occupĂšrent alors les carrefours en faisant des barrages (avec mot de passe), les cafĂ©s furent fermĂ©s et un couvre-feu fut instaurĂ©.
Achiary ordonna l'arrestation des membres du bureau des AML qui Ă©taient au cafĂ© glacier. La police arrĂȘta en premier Ali Abda et son frĂšre aĂźnĂ© SmaĂŻl, membre du PPA et chef de la section AML de Guelma et leur pĂšre Amor. Ils furent brutalisĂ©s et la maison pillĂ©e. Les policiers saisirent ainsi les archives de la section des AML de Guelma, et dressĂšrent les listes des membres des AML qui seront arrĂȘtĂ©s. Les AML Mohamed Oumerzoug, sergent de rĂ©serve, Abdelmadjid Ouartzi, Ahmed Douaouria, SmaĂŻl Belazoug, Mohamed Baddache et Mohamed Boulouh furent arrĂȘtĂ©s Ă©galement le jour mĂȘme Ă leur domicile et enfermĂ©s dans le « cachot de la mort » Ă la gendarmerie oĂč ils furent torturĂ©s par les miliciens et policiers.
Au village MillĂ©simo, le garde champĂȘtre Blanc aurait arrĂȘtĂ© les frĂšres Boughalmi et Ali Drare, qui nâĂ©taient pourtant pas membres du comitĂ© local des AML. Les colons miliciens de la commune les auraient exĂ©cutĂ©s au milieu du village, pour l'exemple, et auraient pillĂ© leur ferme[13].
Pendant toute la nuit des patrouilles de gendarmes et de soldats circulÚrent dans la ville de Guelma. Des mitrailleuses furent placées à chaque carrefour[13].
Le sous-prĂ©fet dispose de trois compagnies de tirailleurs en formation, tous musulmans. Il consigne la troupe et fait mettre les armes sous clĂ©s. Un bataillon d'infanterie de Sidi-Bel-AbbĂšs, convoyĂ© par des avions prĂȘtĂ©s par les AmĂ©ricains, arrive le dans la journĂ©e pour Ă©vacuer des petits villages d'« EuropĂ©ens » qui sont encerclĂ©s par les Ă©meutiers.
Achiary officialise la milice « comitĂ© de vigilance » pour mater la « rĂ©volte intĂ©rieure des arabes » il dĂ©clare : « Jâestime les Ă©vĂ©nements assez graves pour, compte tenu de lâinsuffisance de mes moyens, recourir Ă lâaide des hommes valides de la ville ». La milice rassembla officiellement 280 hommes. 78 miliciens disposaient d'armes de guerre et 120 hommes Ă©taient armĂ©s de fusils de chasse[13].
Dans des fermes isolées des environs de Guelma , 11 Européens sont tués le en signe de représailles par la population musulmane[13].
Le 8 mai 1945 Ă Kherrata
Le , jour de marchĂ© et il n'y a pas de dĂ©filĂ© prĂ©vu pour la fin de la Seconde Guerre mondiale. Rassemblement de prĂšs de 10 000 personnes. Le lendemain vers midi, l'armĂ©e française tire sur la population de Kherrata et des villages avoisinants, suivi aprĂšs par les tirs du bateau-croiseur Duguay-Trouin sur les crĂȘtes des monts de Babor[32]. Vers 22 h, la lĂ©gion Ă©trangĂšre arrive Ă Kherrata[33].
La rĂ©pression est massive et dure jusqu'au [34] - [35]: Des centaines de personnes ont Ă©tĂ© abattues une Ă une avant d'ĂȘtre jetĂ©es mortes ou vivantes dans les ravins profonds des gorges de Kherrata[36].
Européens tués
Le témoignage de Marcel Lavie, minotier à Héliopolis, est instructif sur l'état de panique des Européens : « DÚs la fin du méchoui du 8 mai, je décide de transformer le moulin neuf pour abriter la population d'Héliopolis, et tous les colons des environs que j'ai pu joindre. Au cours de l'aprÚs-midi, je fais construire un réseau de barbelés, long de 300 mÚtres, électrifié sous 3 000 volts et alimenté par le groupe électrogÚne de la minoterie. MeurtriÚres percées dans les murs d'entrée, portes obstruées par des herses renversées sur six mÚtres de profondeur et défendues par des feux croisés. La population protégée a vécu dans ces conditions pendant un mois jusqu'à ce que l'ordre soit rétabli »[37].
Des violences contre les Européens se produisent dans le Constantinois, surtout dans les fermes isolées. Des femmes sont violées, des meurtres et des mutilations sont commis.
L'historien Jean-Pierre Peyroulou indique : « La plupart furent des colons ou de petits fonctionnaires, conformĂ©ment au peuplement dans les rĂ©gions rurales. Ils furent souvent mutilĂ©s : Ă©gorgement, Ă©masculation, Ă©viscĂ©ration, pieds et mains coupĂ©es. Ces meurtres, accompagnĂ©s de ces marques sur les corps, rĂ©sultĂšrent de la rĂ©volte dâune sociĂ©tĂ© paysanne trĂšs pauvre et trĂšs fruste, libĂ©rant une haine raciale, religieuse et sociale longtemps accumulĂ©e, et non pas de lâexpression du nationalisme. »[38].
Le nombre total d'EuropĂ©ens tuĂ©s est de 102[39]. Parmi les victimes, on trouve des modĂ©rĂ©s du « troisiĂšme camp », tels le maire radical-socialiste de SĂ©tif, Ădouard Deluca, mortellement blessĂ© au ventre par un ancien adjoint, ou Albert Denier, le secrĂ©taire local du Parti communiste, qui aura les deux mains tranchĂ©es[31] - [40].
Les massacres dans les jours suivants
Des Ă©meutes identiques ont lieu dans plusieurs autres villages au nord de SĂ©tif, oĂč des EuropĂ©ens sont assassinĂ©s : Kherrata, Amouchas, Chevreul, PĂ©rigot-Ville, et El Ouricia et SillĂšgue. L'armĂ©e française exĂ©cute 47 citoyens algĂ©riens d'Amoucha, le lieu oĂč un siĂšcle plus tĂŽt le gĂ©nĂ©ral SillĂšgue avait combattu le dernier bey de Constantine.
Les et , le croiseur Duguay-Trouin tire à 10 reprises sur la région de cap Aokas[38] et le contre-torpilleur Le Triomphant, tirent plus de 800 coups obus sur les campagnes autour de Sétif[17]. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complÚtement plusieurs agglomérations. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations.
Les blindĂ©s sont relayĂ©s par les militaires arrivĂ©s en convois sur les lieux, Ă l'image d'une milice de 200 personnes qui se forme Ă Guelma sous l'impulsion du sous-prĂ©fet Achiary qui distribue toutes les armes disponibles[31], soit les 60 fusils de guerre qui Ă©quipaient les tirailleurs et se livre Ă une vĂ©ritable chasse aux Ă©meutiers. Pendant deux mois[31], l'Est de l'AlgĂ©rie connaĂźt un dĂ©chaĂźnement de folie meurtriĂšre. De nombreux corps ne peuvent ĂȘtre enterrĂ©s, ils sont jetĂ©s dans les puits, dans les gorges de Kherrata.
Ă Guelma, le , le sous-prĂ©fet Achiary, et chef de la milice, Ă©tablit un tribunal expĂ©ditif. La milice arrĂȘtait les suspects comme les membres des AML (dont l'un de leurs chefs Hamida ben Mohamed Seridi), les professeurs, Ă©lĂšves et membres des medersas, les syndicalistes indigĂšnes de la CGT et les membres des scouts musulmans de la troupe "Enoudjoum", qui furent tous conduits Ă la prison civile. Le , huit des dirigeants AML qui Ă©taient incarcĂ©rĂ©s furent exĂ©cutĂ©s : les frĂšres Ouartzi Abdelmadjid et Amar, les frĂšres Abda Ali et Smail, Messaoud Chorfi, Abdelkrim Bensouilah, Ahmed Douaouria, et Mohamed Oumerzoug qui aurait confectionnĂ© un drapeau vert avec croissant. Ils furent exĂ©cutĂ©s par la milice. Les membres du tribunal jugĂšrent cette exĂ©cution tout Ă fait lĂ©gitime[13].
Par un tĂ©lĂ©gramme datĂ© du [41], le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la rĂ©publique française, ordonne l'intervention de l'armĂ©e[42] sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Duval, qui mĂšne une rĂ©pression violente contre la population indigĂšne. La marine y participe grĂące Ă son artillerie, ainsi que l'aviation. Le gĂ©nĂ©ral Duval rassemble toutes les troupes disponibles, soit deux mille hommes[17]. Ces troupes viennent de la LĂ©gion Ă©trangĂšre, des tabors marocains qui se trouvaient Ă Oran en passe d'ĂȘtre dĂ©mobilisĂ©s et qui protestent contre cette augmentation de service imprĂ©vue, une compagnie de rĂ©serve de tirailleurs sĂ©nĂ©galais d'Oran, des spahis de Tunis, et les tirailleurs algĂ©riens en garnison Ă SĂ©tif, Kherrata et Ă Guelma.
Ă Guelma, les musulmans Ă©taient arrĂȘtĂ©s en trĂšs grand nombre, il suffisait au milicien de dĂ©signer un musulman pour que celui-ci soit conduit Ă la prison. Comme leur nombre augmentait (125 dĂ©tenus dans la prison pleine Ă craquer), de nouveaux locaux furent rĂ©quisitionnĂ©s : caserne, local des scouts, garage, huilerie⊠Ils y Ă©taient entassĂ©s aprĂšs avoir Ă©tĂ© rouĂ©s de coups. JugĂ©s hĂątivement, les condamnĂ©s Ă©taient emmenĂ©s par camions entiers vers les lieux d'exĂ©cution en dehors de la ville (Kef El Bouma, le cimetiĂšre musulman Errihane, la carriĂšre Ain Defla). La rĂ©pression, menĂ©e par l'armĂ©e et la milice de Guelma, Ă©tait d'une trĂšs grande violence : exĂ©cutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Le , Mohamed Reggui (propriĂ©taire du grand hĂŽtel d'orient et cafĂ© glacier) est exĂ©cutĂ© dans la rue devant son hĂŽtel. Le , les frĂšres Seridi Ahmed et Hachemi (trĂ©sorier adjoint AML) sont exĂ©cutĂ©s. Le , le PrĂ©fet de Constantine Lestrade-Carbonel, accompagnĂ© du gĂ©nĂ©ral Duval, commandant de la division de Constantine, arrive Ă Guelma. Devant les corps des EuropĂ©ens tuĂ©s le prĂ©fet dĂ©clare « Quelles que soient les bĂȘtises que vous commettrez, je les couvrirai ! Messieurs, vengez-vous ! »
Le , les 45 scouts musulmans de la troupe "Enoudjoum" sont exĂ©cutĂ©s. Le , Hafid et Zohra Reggui (frĂšre et sĆur de Mohamed), sont exĂ©cutĂ©s. Les AlgĂ©riens, dans les campagnes, se dĂ©plaçaient le long des routes et fuyaient pour se mettre Ă l'abri au bruit de chaque voiture. L'historien algĂ©rien Boucif Mekhaled, raconte : « Ă Kef-El-Boumba, jâai vu des Français faire descendre dâun camion cinq personnes les mains ligotĂ©es, les mettre sur la route, les arroser dâessence avant de les brĂ»ler vivantes »[43]. Les cadavres des musulmans s'entassent, ils sont alors enterrĂ©s dans des charniers. Les massacres continuĂšrent jusqu'Ă ce que le ministre de l'IntĂ©rieur en France, Adrien Tixier, commence Ă s'intĂ©resser aux "Ă©vĂ©nements" du Constantinois. Mais les charniers posaient problĂšme, il fallait faire disparaĂźtre les cadavres. Il fallait les dĂ©terrer des charniers trop proches de Guelma (Kef El Bouma, cimetiĂšre El Rihane, carriĂšre Ain Defla), les transporter et les brĂ»ler dans les fours Ă chaux de la ferme de Marcel Lavie[44]. Ainsi, le long des routes les travailleurs municipaux furent alors mobilisĂ©s pour des « travaux de rĂ©fection ». Les 17 camions Ă©taient chargĂ©s avec l'aide de la gendarmerie.
Câest ainsi que le four crĂ©matoire Lavie (Le four, de forme ovoĂŻde, mesurait environ 7 m de long et 3 m de haut) est devenu Ă jamais tristement cĂ©lĂšbre. Pendant 10 jours on brĂ»lait les corps. L'odeur Ă la ronde Ă©tait insupportable. Saci Benhamla, qui habitait Ă quelques centaines de mĂštres du four Ă chaux d'HĂ©liopolis, dĂ©crit l'insupportable odeur de chair brĂ»lĂ©e et l'incessant va-et-vient des camions venant dĂ©charger les cadavres, qui brĂ»laient ensuite en dĂ©gageant une fumĂ©e bleuĂątre[43], jusqu'Ă l'arrivĂ©e du ministre de l'IntĂ©rieur, le , qui marqua la fin des massacres Ă Guelma[13].
Réactions immédiates
Le , Ă la demande du ministre de l'IntĂ©rieur Adrien Tixier, de Gaulle nomme le gĂ©nĂ©ral de gendarmerie Tubert, rĂ©sistant, membre depuis 1943 du ComitĂ© central provisoire de la Ligue des droits de l'homme (oĂč siĂšgent Ă©galement RenĂ© Cassin, Pierre Cot, FĂ©lix Gouin et Henri Laugier), membre de l'AssemblĂ©e consultative provisoire, dans le but d'enquĂȘter sur les Ă©vĂšnements. Mais, pendant six jours, du au , la commission fait du sur-place Ă Alger. Officiellement on attendait l'un de ses membres « retenu » Ă Tlemcen. Dans les faits, c'est bien Tubert qui est retenu Ă Alger. On ne le laisse partir pour SĂ©tif que le , quand tout y Ă©tait terminĂ©. Et, Ă peine arrivĂ© Ă SĂ©tif, il est rappelĂ© Ă Alger le lendemain, sur ordre du gouvernement, par le gouverneur gĂ©nĂ©ral Chataigneau. Si bien quâil ne peut se rendre Ă Guelma.
La rĂ©pression prend fin officiellement le . L'armĂ©e organise des cĂ©rĂ©monies de soumission oĂč tous les hommes doivent se prosterner devant le drapeau français et rĂ©pĂ©ter en chĆur : « Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien »[39] - [45]. Des officiers exigent la soumission publique des derniers insurgĂ©s sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata. Certains, aprĂšs ces cĂ©rĂ©monies, sont embarquĂ©s et assassinĂ©s[43].
Peu d'Européens protestent contre ces massacres tandis que Henri Aboulker (he), médecin juif et résistant (l'un des organisateurs du putsch du 8 novembre 1942, qui a permis le succÚs de l'opération Torch à Alger), s'élÚve contre ces derniers. Il publie plusieurs articles dans le quotidien Alger Républicain, réclamant certes la sanction sévÚre des meurtriers provocateurs qui avaient assassiné 102 Français, mais à l'issue d'une procédure légale réguliÚre. Et surtout, il dénonce sans réserve les massacres massifs et aveugles de milliers d'Algériens innocents. Il réclame aussi la libération immédiate de Ferhat Abbas, dont tout le monde savait qu'il avait toujours cantonné son action dans le cadre de la légalité. Henri Aboulker estimait que la défense des innocents devait primer toute considération politique.
Le communiqué du gouvernement général le illustre la maniÚre dont les autorités de l'époque présentent ces événements :
« Des Ă©lĂ©ments troubles, d'inspiration hitlĂ©rienne, se sont livrĂ©s Ă SĂ©tif Ă une agression armĂ©e contre la population qui fĂȘtait la capitulation de l'Allemagne nazie. La police, aidĂ©e de l'armĂ©e, maintient l'ordre et les autoritĂ©s prennent toutes dĂ©cisions utiles pour assurer la sĂ©curitĂ© et rĂ©primer les tentatives de dĂ©sordre. »
Le , L'Humanité appelle à « chùtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute »[46]. Le et le les événements se précisent et L'Humanité appelle à cesser la répression, à ne pas rendre les musulmans responsables de l'ensemble des troubles et au contraire à pointer les responsabilités des hauts-fonctionnaires du gouvernement général et d'en destituer deux des membres[47] - [48].
Le , Ătienne Fajon, membre du bureau politique du Parti communiste français qui participe alors au gouvernement du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, dĂ©clare devant l'AssemblĂ©e consultative que « les tueries de SĂ©tif et de Guelma sont la manifestation d'un complot fasciste qui a trouvĂ© des agents dans les milieux nationalistes », avant d'ajouter que « le principal foyer de trahison doit ĂȘtre recherchĂ© parmi les seigneurs de la colonisation sur lesquels se sont appuyĂ©s Vichy et les Allemands »[49].
De nombreux musulmans, dirigeants politiques et militants, du Parti du peuple algĂ©rien (PPA), des Amis du manifeste et de la libertĂ© (AML) (dont le fondateur Ferhat Abbas) et de l'association des oulĂ©mas sont arrĂȘtĂ©s. Lorsqu'une faction ou un douar demande l'aman (« le pardon »), l'armĂ©e rĂ©clame les coupables. Le , le rapporteur de la loi d'amnistie (qui est votĂ©e), Jean Toujas, dĂ©clare en sĂ©ance : « Quatre mille cinq cents arrestations furent ainsi effectuĂ©es, quatre-vingt-dix neuf condamnations Ă mort dont vingt-deux ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es, soixante-quatre condamnations aux travaux forcĂ©s Ă temps et il y aurait encore deux mille cinq cents indigĂšnes Ă juger »[50].
MĂ©moires
Dans ses Mémoires de guerre, Charles de Gaulle, président du gouvernement à l'époque des faits, écrit en tout et pour tout :
« En Algérie, un commencement d'insurrection survenu dans le Constantinois et synchronisé avec les émeutes syriennes du mois de mai a été étouffé par le gouverneur général Chataigneau. »
Houari BoumédiÚne, le futur président algérien, qui a assisté à ces événements dans sa jeunesse, écrit :
« Ce jour-lĂ , jâai vieilli prĂ©maturĂ©ment. L'adolescent que jâĂ©tais est devenu un homme. Ce jour-lĂ , le monde a basculĂ©. MĂȘme les ancĂȘtres ont bougĂ© sous terre. Et les enfants ont compris qu'il faudrait se battre les armes Ă la main pour devenir des hommes libres. Personne ne peut oublier ce jour-lĂ . »
Kateb Yacine, écrivain algérien, alors lycéen à Sétif, écrit :
« Câest en 1945 que mon humanitarisme fut confrontĂ© pour la premiĂšre fois au plus atroce des spectacles. Jâavais vingt ans. Le choc que je ressentis devant lâimpitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne lâai jamais oubliĂ©. LĂ se cimente mon nationalisme. »
Albert Camus dans le journal Combat des au [51] demande qu'on applique aux AlgĂ©riens (il Ă©crit : « Le peuple arabe ») les « principes dĂ©mocratiques que nous rĂ©clamons pour nous-mĂȘmes ». Il affirme quâil y a crise â et non de simples incidents â que « le peuple arabe existe » et quâil « nâest pas infĂ©rieur sinon par les conditions oĂč il se trouve ». Plus encore, il proclame que « lâAlgĂ©rie est Ă conquĂ©rir une seconde fois ».
Ferhat Abbas, dans son testament politique, Ă©crit en 1945 et restĂ© inĂ©dit jusqu'en 1994, condamne « les organisateurs dâĂ©meutes, ceux qui avaient poussĂ© Ă la violence des paysans dĂ©sarmĂ©s [âŠ] ceux qui tels des chiens sauvages se sont jetĂ©s sur Albert Denier, secrĂ©taire de la section communiste, auquel un salaud sectionna les mains Ă coup de hache »[52].
Le nombre des victimes
Estimations contemporaines
Le nombre de victimes « europĂ©ennes » est Ă peu prĂšs admis[53] et s'Ă©lĂšve officiellement Ă 102 morts (dont 90 dans la rĂ©gion de SĂ©tif[54]) et 110 blessĂ©s (rapport officiel du gĂ©nĂ©ral Duval, chef de la division de Constantine[55]). Cette commission parle aussi de 900 musulmans tuĂ©s par les Ă©meutiers dans le mĂȘme temps.
En revanche, le chiffre du nombre de victimes « indigĂšnes », Ă la suite de la rĂ©pression par les autoritĂ©s publiques ou lors de campagnes de reprĂ©sailles privĂ©es, est actuellement source de nombreuses polĂ©miques, notamment en AlgĂ©rie oĂč la version officielle retient le nombre de 45 000 morts.
Une enquĂȘte demandĂ©e par le gouverneur gĂ©nĂ©ral Yves Chataigneau comparant le nombre de cartes d'alimentation avant et aprĂšs les Ă©vĂ©nements conclut Ă moins de 1 000 victimes[56]. Le gouverneur gĂ©nĂ©ral de l'AlgĂ©rie fixa par la suite le nombre des musulmans tuĂ©s Ă 1 165 et 14 soldats[17], 4 500 arrestations, 99 condamnations Ă la peine de mort dont 22 exĂ©cutĂ©es[50], chiffres qui seront pris pour officiels. Le gĂ©nĂ©ral Duval dĂ©clarait pour la commission Tubert de 1945 que « les troupes ont pu tuer 500 Ă 600 indigĂšnes », mais les militaires auraient dĂ©jĂ Ă©voquĂ© Ă l'Ă©poque le chiffre de 6 000 Ă 8 000 victimes. Habib affirme que le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Georges Bidault, aurait parlĂ© de 20 000 tuĂ©s, sans prĂ©ciser sa source[17].
Pour Antoine Benmebarek, l'administrateur chargé de la région de Sétif lors du massacre, il s'élÚverait à 2 500 morts[57].
Le journaliste Yves CourriÚre parle de 15 000 tués dans les populations musulmanes[58] - [59] en citant le général français Tubert dont le rapport aprÚs les massacres ne donne en réalité aucun bilan global[60].
Par la suite, André Prenant, géographe spécialiste de la démographie algérienne, se rendant sur les lieux en 1948, fixe le nombre de victimes à 20 000. Le professeur Henri Aboulker (pÚre de José Aboulker, cité précédemment), avait à l'époque estimé le bilan proche de 30 000 morts.
Dans un rapport Ă ses supĂ©rieurs datĂ© du , Edward Lawton Jr., consul gĂ©nĂ©ral des Ătats-Unis Ă Alger, affirme que quelqu'un lui a dit que le chiffre des victimes serait d'au moins 30 000[61]. Le chiffre de 40 000 sera avancĂ© par les milieux nationalistes, puis le gouvernement algĂ©rien qui, commĂ©morant ces massacres chaque annĂ©e, parle des « 45 000 morts des massacres de SĂ©tif ». RĂ©cemment, BĂ©laĂŻd Abdessalam, ancien Premier ministre algĂ©rien, dĂ©clarait dans El Khabar Hebdo que le chiffre de 45 000 a Ă©tĂ© choisi Ă des fins de propagande. Le prĂ©sident de la RĂ©publique algĂ©rienne Abdelaziz Bouteflika affirme que les massacres ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts sans qu'on puisse en prĂ©ciser le nombre exact, « mĂȘme si notre histoire officielle retient le nombre de 45 000 morts ».
Estimations récentes
Dans un entretien du Monde avec l'historien Jean-Louis Planche, le journaliste Marc-Olivier Bherer évoque « une répression féroce qui durera sept semaines et fera entre 20 000 à 30 000 morts parmi la population arabe[62]. »[63], rappelant les estimations de Jean-Louis Planche[64]. Guy Pervillé, tout en saluant certains apports du livre de Jean-Louis Planche, juge l'estimation du nombre de morts proposée par l'historien basée sur un raisonnement « fragile »[65], alors que Gilbert Meynier la juge « plausible »[66].
Pour l'historien Charles-Robert Ageron, les estimations de 5 000 Ă 6 000 morts « paraissent sĂ©rieuses »[52]. Dans son Ă©tude qui se penche plus spĂ©cifiquement sur Guelma, l'historien Jean-Pierre Peyroulou Ă©value le nombre de morts pour la seule rĂ©gion de Guelma entre 646 et 2 000 personnes[67]. S'efforçant dans un article de faire le bilan total des morts, Peyroulou rejoint l'estimation fournie en 1948 par le journal de Ferhat Abbas, ĂgalitĂ©, qui donna une Ă©valuation comprise entre 15 000 et 20 000 morts[68] qu'il rĂ©actualise ensuite Ă un chiffre compris entre 10 000 et 20 000 morts[54].
Selon l'historienne Annie Rey-Goldzeiguer, « la seule affirmation possible, câest que le chiffre dĂ©passe le centuple des pertes europĂ©ennes et que reste dans les mĂ©moires de tous, le souvenir dâun massacre qui a marquĂ© cette gĂ©nĂ©ration », et l'historien Mohammed Harbi d'ajouter : « En attendant des recherches impartiales, convenons avec Annie Rey-Goldzeiguer que, pour les 102 morts europĂ©ens, il y eut des milliers de morts algĂ©riens »[53]. Pour Abbas Aroua, la magnitude et l'Ă©tendue de ces massacres les placent parmi les plus atroces de l'histoire rĂ©cente[69].
Dans un article publiĂ© dans La Nouvelle Revue d'histoire en 2015 contre le vote par le Conseil de Paris d'une motion soutenant que « la trĂšs grande majoritĂ© des historiens français [âŠ] atteste un bilan de dizaines de milliers de victimes arrĂȘtĂ©es, torturĂ©es et exĂ©cutĂ©es sommairement »[70], les historiens François Cochet, Maurice Faivre, Guy PervillĂ© et Roger VĂ©tillard affirment que « la propagande diffusĂ©e depuis 70 ans par le PPA, puis par le FLN, relancĂ©e en mai 1945 par la Fondation du 8 mai 1945, a toujours dĂ©formĂ© la rĂ©alitĂ© [âŠ] pour majorer inconsidĂ©rĂ©ment le nombre de victimes que les historiens [Charles-AndrĂ© Julien, Charles-Robert Ageron, Mohammed Harbi, Annie Rey-Goldzeiguer, Bernard Lugan, Gilbert Meynier, Roger Benmebarek, Guy PervillĂ©, Jean-Pierre Peyroulou, Roger VĂ©tillardâŠ] Ă©valuent entre 3 000 et 8 000 morts »[3].
Conséquences
Dans un rapport ultraconfidentiel adressé au général Henry Martin commandant le 19e corps d'armée à Alger, le général Duval, en charge de la répression, écrit le : « Je vous ai donné dix ans de paix mais tout doit changer en Algérie... L'épreuve de force des agitateurs s'est terminée par un échec complet dû essentiellement au fait que le mouvement n'a pas été simultané. L'intervention immédiate a brisé toutes les tentatives mais le calme n'est revenu qu'en surface. Depuis le , un fossé s'est creusé entre les deux communautés. Un fait est certain : il n'est pas possible que le maintien de la souveraineté française soit exclusivement basé sur la force. Un climat d'entente doit etre établi. »[58] - [71]. Ces propos se vérifient puisque la guerre d'Algérie commence prÚs de dix ans plus tard avec le mouvement simultané de la Toussaint rouge.
Cependant, selon l'historien Charles-Robert Ageron, l'idĂ©e qui consisterait Ă considĂ©rer que ces Ă©vĂ©nements marquent le vĂ©ritable dĂ©but de la guerre d'AlgĂ©rie, « ne peut pas ĂȘtre acceptĂ©e comme un constat scientifique »[52].
Pour de nombreux militants nationalistes comme Lakhdar Bentobbal, futur cadre du FLN, le massacre symbolise la prise de conscience que la lutte armée reste la seule solution. C'est à la suite des événements du que Krim Belkacem, l'un des six fondateurs « historiques » du FLN, décide de partir au maquis. En 1947, le PPA crée l'Organisation spéciale (OS), une branche armée, dirigée par Aït Ahmed puis par Ben Bella.
Reconnaissance de la responsabilité française
En 1946, les actualités françaises présentent les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata comme de « regrettables incidents » relevant de l'« erreur d'un jour »[72]. Le sujet est censuré jusqu'en 1960[13]. Il faut attendre le pour que, lors d'une visite à l'université de Sétif, Hubert Colin de VerdiÚre, ambassadeur de France à Alger, qualifie les « massacres du 8 mai 1945 » de « tragédie inexcusable »[6]. Cet événement constitue la premiÚre reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.
Le , son successeur, Bernard Bajolet, dĂ©clare devant les Ă©tudiants de l'universitĂ© du 8 mai 1945 de Guelma qu'« aussi durs que soient les faits, la France nâentend pas, nâentend plus, les occulter. Le temps de la dĂ©nĂ©gation est terminĂ© ». Il ajoute : « Le , alors que les AlgĂ©riens fĂȘtaient dans tout le pays, au cĂŽtĂ© des EuropĂ©ens, la large victoire sur le nazisme, Ă laquelle ils avaient pris une part, dâĂ©pouvantables massacres ont eu lieu Ă SĂ©tif, Guelma et Kherrata. [...] pour que nos relations soient pleinement apaisĂ©es, il faut que la mĂ©moire soit partagĂ©e et que lâhistoire soit Ă©crite Ă deux, par les historiens français et algĂ©riens [...]. Il faut que les tabous sautent, des deux cĂŽtĂ©s, et que les vĂ©ritĂ©s rĂ©vĂ©lĂ©es fassent place aux faits avĂ©rĂ©s. »[73]. Son discours est diversement reçu par la presse algĂ©rienne : L'Expression titre « Bernard Bajolet dĂ©nonce mais ne condamne pas » tandis qu'El Watan note « une Ă©volution aussi incontestable qu'apprĂ©ciable dans la tonalitĂ© du discours officiel français sur la guerre d'AlgĂ©rie »[74] - [75].
Une Ă©tape supplĂ©mentaire dans la reconnaissance est franchie au dĂ©but de la prĂ©sidence de François Hollande, qui voit s'oppĂ©rer un rĂ©chauffement des relations franco-algĂ©riennes[76]. Le , François Hollande, alors en visite d'Ătat Ă Alger, dĂ©clare devant les deux chambres du Parlement algĂ©rien rĂ©unies pour l'occasion : « Pendant 132 ans, l'AlgĂ©rie a Ă©tĂ© soumise Ă un systĂšme profondĂ©ment injuste et brutal, ce systĂšme a un nom, c'est la colonisation, et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligĂ©es au peuple algĂ©rien. Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de SĂ©tif, de Guelma, de Kherrata, qui, je sais, demeurent ancrĂ©s dans la conscience des AlgĂ©riens, mais aussi des Français. Parce qu'Ă SĂ©tif, le , le jour mĂȘme oĂč le monde triomphait de la barbarie, la France manquait Ă ses valeurs universelles ». Le , son secrĂ©taire d'Ătat aux Anciens combattants et Ă la MĂ©moire, Jean-Marc Todeschini, devient le premier membre d'un gouvernement français Ă assister aux commĂ©morations des massacres. Devant le mausolĂ©e de Bouzid SaĂąl, le jeune scout tuĂ© le pour avoir brandi un drapeau algĂ©rien, il dĂ©pose une gerbe de fleurs rapidement rejointe par celle de Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine. S'il ne fait pas de discours, il inscrit nĂ©anmoins dans le livre d'or du musĂ©e national de SĂ©tif : « En me rendant Ă SĂ©tif, je dis la reconnaissance par la France des souffrances endurĂ©es et rends hommage aux victimes algĂ©riennes et europĂ©ennes de SĂ©tif, de Guelma et de Kheratta [âŠ] [appelant Français et AlgĂ©riens] au nom de la mĂ©moire partagĂ©e par nos deux pays [âŠ] Ă continuer dâavancer ensemble vers ce qui les rĂ©unit. »[77].
Souvenir en France
La ville de Rennes, jumelĂ©e avec celle de SĂ©tif depuis 1982, crĂ©Ă©e en 1988 un « square de SĂ©tif » oĂč chaque annĂ©e, le 8 mai, un collectif d'associations dont celle du jumelage organise une commĂ©moration[78].
Depuis 2008, la ville d'Aubervilliers se souvient des victimes de ces massacres dans une cérémonie qui se tient le 9 mai[79].
En 2009, le rĂ©alisateur franco-algĂ©rien Rachid Bouchareb tourne le film Hors-la-loi, qui Ă©voque les Ă©vĂ©nements[80] - [81] - [82]. Avant mĂȘme sa sortie en septembre 2010, le film est critiquĂ© en France par des associations de pieds noirs et de harkis, certains dĂ©putĂ©s et le secrĂ©taire d'Ătat aux Anciens combattants Hubert Falco. Il est Ă©galement critiquĂ© par certains historiens[83]. En rĂ©action, le ministre de la Culture FrĂ©dĂ©ric Mitterrand est interpellĂ© Ă l'AssemblĂ©e nationale par le dĂ©putĂ© Daniel Goldberg qui juge que l'Ătat n'a pas Ă dicter une histoire officielle[84] - [85].
En 2016, des municipalités de la Ceinture rouge (Nanterre, Choisy-le-Roi) décident d'organiser, en marge des célébrations du jour de la victoire, une commémoration pour les victimes des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. Cette initiative est ouvertement critiquée par Roger Vétillard ainsi que par Dimitri Casali[86] - [87], auquel Maurice Ulrich répond par un billet dans L'Humanité[88].
ConfrontĂ©es Ă la sensibilitĂ© de la communautĂ© des rapatriĂ©s d'AlgĂ©rie et de leurs descendants, il semble que les autoritĂ©s françaises aient optĂ© pour une politique des petits pas. Lors d'une visite Ă Alger en , le prĂ©sident François Hollande avait dĂ©clarĂ© : « Pendant cent trente-deux ans, lâAlgĂ©rie a Ă©tĂ© soumise Ă un systĂšme profondĂ©ment injuste et brutal [...] Je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligĂ©es au peuple algĂ©rien. Parmi ces souffrances, il y a les massacres de SĂ©tif, Guelma et Kherrata » Il avait ajoutĂ© que « la vĂ©ritĂ© doit ĂȘtre dite sur la guerre dâAlgĂ©rie »[89].
Commémoration en Algérie
Le , 75e anniversaire du début des massacres, le président algérien Abdelmadjid Tebboune décrÚte que le sera désormais la « Journée nationale de la Mémoire »[90]
Notes et références
- Guy Pervillé, Pour une histoire de la guerre d'Algérie : 1954-1962, A. et J. Picard, , 356 p. (ISBN 978-2-7084-0637-7), p. 112.
- Par Pierre Fayet représentant des syndicats et dirigeant du parti communiste algérien, Journal officiel de la République française. Débats de l'Assemblée consultative provisoire du 11 juillet 1945
- François Cochet, Maurice Faivre, Guy Pervillé et Roger Vétillard, « Mai 1945, l'émeute de Sétif », La Nouvelle Revue d'histoire, no 79, juillet-août 2015, p. 32.
- Charles-Robert Ageron, « Les Troubles du Nord Constantinois en mai 1945 : une tentative insurrectionnelle ? » dans VingtiĂšme SiĂšcle â Revue d'histoire, no 4, octobre 1984, p. 38 [lire en ligne sur PersĂ©e].
- Claire Arsenaul, « Le 8 mai 1945, Ă SĂ©tif, premier acte de la guerre dâAlgĂ©rie », rfi.fr, 7 mai 2015.
- (en) Lisa Bryant, « Algeria Marks WWII Anniversary with Call for French Apology » [archive du ], Voice of America,
- Sylvie Thénault, « Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 57, no 4, 2002, p. 1118-1120.
- Meyer, Algérie, mémoire déracinée, p. 192-193.
- Denise Bouche, Histoire de la colonisation, t. II, p. 415.
- Benjamin Stora (propos recueillis par Caroline Venaille), « en France, certains nâont toujours pas acceptĂ© la dĂ©colonisation », Le Monde, 21 mai 2010.
- Message remis au gouvernement général et aux autorités alliées, texte dans : Kaddache Mahfoud, Histoire de l'Algérie contemporaine, t. II, PUF 1980, p. 640.
- « La France et son Empire : L'AFRIQUE DU NORD FRANĂAISE », JuvĂ©nal,â , p. 8
- Jean-Pierre Peyroulou, Guelma 1945, Une subversion française dans l'Algérie coloniale, Paris, La Découverte, , 399 p. (ISBN 978-9961-922-73-6).
- Pierre Montagnon, La France coloniale, t. 2, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1990, p. 110.
- La Tribune, 21 mai 2005.
- Maurice Villard, La vérité sur l'insurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois : Menaces sur l'Algérie française, Amicale des hauts-plateaux de Sétif, (lire en ligne).
- Ali Habib, « Mai 1945 : répression à Sétif », Le Monde, 15 mai 1995 ; repris dans La Guerre d'Algérie, 1954-1962, recueil d'articles sélectionnés et présentés par Yves Marc Ajchenbaum, Librio/Le Monde (ISBN 229033569X), p. 16-20.
- Roger VĂ©tillard, SĂ©tif, mai 1945 â Massacres en AlgĂ©rie, 2008, p. 54.
- « Témoins des massacres du 8 mai 1945 en Algérie », 8 mai 2004.
- « Les directives insistaient sur le fait qu'il fallait plutÎt mourir que de laisser les couleurs nationales tomber entre les mains de l'ennemi », témoignage de Zighad Tayeb, dans Redouane Aïnad-Tabet - 8 mai 1945 en Algérie, Alger, 1987, p. 263.
- Roger VĂ©tillard, SĂ©tif, mai 1945 â Massacres en AlgĂ©rie, op. cit., p. 56.
- Mohammed Harbi, Le dictionnaire du XXe siÚcle, 2005, p. 616 : « Qui de la police ou des manifestants a tiré le premier ? Avant l'indépendance, les nationalistes imputaient le premier tir aux policiers. AprÚs 1962, des témoignages sont venus nuancer leurs affirmations. »
- « Saùl Bouzid né le 8 janvier 1919 », El Watan, 8 mai 2005.
- Sur la description précise du drapeau les témoignages divergent, dans un entretien à Liberté Alger Chawki Mostefaï dit avoir dessiné un drapeau vert et blanc avec un croissant à cheval sur le vert et l'étoile sur le blanc. Dans son rapport écrit le 26 mai 1945, le général de gendarmerie Paul Toubert signale que la police a saisi un drapeau tricolore rouge (à la hampe) blanc et vert avec un croissant et une étoile rouges à cheval sur le blanc et le vert. Enfin Roger Vétillard (Sétif, mai 1945 : massacres en Algérie, 2008, p. 54, note 106) parle d'un drapeau vert et blanc avec croissant et étoile rouges mais également une main surmontée d'une phrase en arabe Allah Ahkbar.
- « Tuons les EuropĂ©ens », d'aprĂšs Roger VĂ©tillard, SĂ©tif, mai 1945 â Massacres en AlgĂ©rie, op. cit., p. 57.
- Roger VĂ©tillard, SĂ©tif, mai 1945 â Massacres en AlgĂ©rie, op. cit., p. 68 : « [âŠ] musulmans tombĂ©s du fait de la police ou de la gendarmerie, certains disent 20, d'autres 40. Les dĂ©cĂšs n'ont pas Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s par les familles » ; rapport Tubert, §9, message tĂ©lĂ©phonĂ© des RG du « 50 musulmans ont Ă©tĂ© hospitalisĂ©s, chiffre des morts non prĂ©cisĂ© » », dans Roger Benmebarek, ĂvĂ©nements de SĂ©tif, mai 1945, note 4, p. 10.
- Algérie : «la chasse est ouverte»
- SĂTIF D'ALGĂRIE, 8 MAI 1945. SĂ©tif, Une gerbe pour les morts
- Eric Panthou, « DENIER Albert, Louis », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
- Roger Benmebarek, op. cit., p. 8 ; Roger VĂ©tillard, SĂ©tif, mai 1945 â Massacres en AlgĂ©rie, op. cit., p. 64 ; rapport Tubert §4.
- « « Aux origines de la guerre dâAlgĂ©rie », extraits dâun entretien avec Annie Rey-Goldzeiguer, 14 mars 2002.
- http://www.elmoudjahid.com/fr/mobile/detail-article/id/77239
- Nicolas Hubert, Editeurs et éditions pendant la guerre d'Algérie, 1954-1962, , 523 p. (ISBN 978-2-35676-098-2, lire en ligne), p. 25.
- La répression par l'armée française des manifestations algériennes du 8 mai 1945
- Le 8 mai 1945, Ă SĂ©tif, premier acte de la guerre dâAlgĂ©rie
- MASSACRES DU 8 MAI 1945 Ă BĂJAĂA: Kherrata n'a pas oubliĂ©
- Maurice Villard, La VĂ©ritĂ© sur lâinsurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois, Ă©d. Les presses littĂ©raires, 1997, p. 235.
- « Le cas de Sétif-Kherrata-Guelma (Mai 1945) | Sciences Po Violence de masse et Résistance - Réseau de recherche », sur www.sciencespo.fr (consulté le )
- Benjamin Stora, Histoire de lâAlgĂ©rie coloniale (1830-1954), Ă©d. La DĂ©couverte, Paris, 1991, p. 86.
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- « Veuillez prendre toutes mesures nécessaires pour réprimer tous agissements antifrançais d'une minorité d'agitateurs. » Cité par le romancier Stéphane Zagdanski dans Pauvre de Gaulle !, Pauvert, 2000.
- D'aprÚs le témoignage du garde des sceaux, Pierre-Henri Teitgen.
- Boucif Mekhaled, Chronique dâun massacre : 8 mai 1945, SĂ©tif-Guelma-Kherrata, Ă©d. Syros, Paris, 1995, p. 187-191.
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Annexes
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Monographies académiques
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- Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d'Algerie : de Mers-el-Kebir aux massacres de Nord Constantinois, Paris, Ăditions La DĂ©couverte, , 403 p. (ISBN 978-2-7071-3458-5 et 9782707134585).
Témoignages et monographies non-académiques
- Marcel Reggui (prĂ©f. Pierre Amrouche et Jean-Pierre Peyroulou), Les massacres de Guelma : AlgĂ©rie, Mai 1945 : une enquĂȘte inĂ©dite sur la furie des milices coloniales, Paris, La DĂ©couverte, (1re Ă©d. 2006), 188 p. (ISBN 978-2-7071-4771-4).
- EugÚne Vallet, Un drame algérien, la vérité sur les émeutes de mai 1945, Paris, Les Grandes éditions françaises, , 316 p. (lire en ligne)
- Roger VĂ©tillard (prĂ©f. Guy PervillĂ©, Prix Robert Cornevin en 2008 de l'AcadĂ©mie des Sciences d'Outre-mer), SĂ©tif, mai 1945, massacres en AlgĂ©rie, Versailles, Ăditions de Paris, (ISBN 978-2-85162-213-6 et 2-85162-213-7, OCLC 213435395).
- Guy PervillĂ©, « VĂ©tillard Roger : SĂ©tif, mai 1945, massacres en AlgĂ©rie », Outre-mers, vol. 96, no 362,â , p. 309 (lire en ligne).
- Maurice Villard, Le - SĂ©tif - Guelma - Le Constantinois, Montpellier, A.C.E.P., 2010.
- Maurice Villard, La Vérité sur l'insurrection du dans le Constantinois, menaces sur l'Algérie française, Amicale des hauts plateaux de Sétif, 1977.
Articles
- Jean-Pierre Peyroulou, « Le cas de SĂ©tif-Kherrata-Guelma (mai 1945) », Mass Violence & RĂ©sistance,â 21 mars, 2008 (ISSN 1961-9898, lire en ligne ).
Ouvrages généraux
- Yves Benot, Massacres coloniaux, Paris, Ă©d. La DĂ©couverte, 2001.
- Abderrahmane BouchÚne, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault (postface Gilbert Meynier et Tahar Khalfoune), Histoire de l'Algérie à la période coloniale (1830 - 1962), Paris, La Découverte, coll. « Poche », , 720 p. (ISBN 978-2-7071-7837-4, lire en ligne).
- Yves CourriÚre (préf. Joseph Kessel), La guerre d'Algérie, t. I : Les fils de la Toussaint, Paris, Fayard,
- Francine Dessaigne, La Paix pour dix ans, Ăditions Gandini (ISBN 2-906-431-50-8).
- Jean-Claude Pérez, L'Islamisme dans la guerre d'Algérie, logique de la nouvelle révolution mondiale, Dualpha 2004/2014 (prix Véritas 2014).
- Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre dâAlgĂ©rie 1940-1945 : de Mers El-KĂ©bir aux massacres du Nord-Constantinois, Paris, Ă©d. La DĂ©couverte, 2001.
- Alfred Salinas, Les Américains en Algérie 1942-1945, Paris, L'Harmattan, 2013.
- Benjamin Stora, Histoire de l'Algérie coloniale (1830-1954), Paris, La Découverte, (1re éd. 1991), 128 p. (ISBN 978-2-7071-4466-9).
- Benjamin Stora et Renaud de Rochebrune, La guerre d'Algérie vue par les Algériens - Tome 1 : Des origines à la bataille d'Alger, Paris, Gallimard, coll. « Folio / Histoire », , 640 p. (ISBN 978-2-0707-9374-7, lire en ligne).
- Benjamin Stora, Le Transfert d'une mémoire - De l'« Algérie française » au racisme anti-arabe, Paris, éd. La Découverte, 1999.
Littérature
- Malek Ouary, La montagne aux chacals, Ăditions Garnier, Paris, 1981 (ISBN 2-7050-0361-4) (roman).
- Yacine Kateb, Le cadavre encerclé dans Le cercle des représailles, Seuil, Paris, 1959 (ISBN 2-02-035019-X) (théùtre).
Documentaires
- Mehdi Lallaoui et Bernard Langlois, Les massacres de SĂ©tif â un certain , 1995.
- Yasmina Adi, L'autre , aux origines de la Guerre d'Algérie, 2008.
- Meriem Hamidat, MĂ©moires du , 2008.
- La Guerre d'Algérie, de Yves CourriÚre et Philippe Monnier (1972). Une toute petite partie du documentaire est consacrée au massacre.
Films
- Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (2010) porte, entre autres, sur le massacre de SĂ©tif« La polĂ©mique enfle autour du film "Hors-la-loi" », Le Monde.fr,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
Articles connexes
- Histoire de l'Algérie | Guerre d'Algérie
- Massacres d'août 1955 dans le Constantinois
- Belkheir (Millésimo), Kef l-Bomba, Hammam Ouled Ali, station de pompage de Guelma
- 8 mai 1945
- Histoire de l'empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale
Liens externes
- Rappel historique des massacres répressifs à Sétif en mai 1945 dans le journal de 20 h sur France 2 ().
- Le dĂ©but de la guerre d'AlgĂ©rie 1945-1955, colloque de l'Ăcole normale supĂ©rieure lettres et sciences humaines du 20 au ].
- Mohammed Harbi, « La guerre d'Algérie a commencé à Sétif ».
- Rapport du consul de Suisse de 1945.
- Extraits du rapport officiel de la commission Tubert de 1945 (l'intĂ©gralitĂ© du rapport est accessible sous le mĂȘme lien).
- Guy Pervillé, « Le 8 mai 1945 et sa mémoire en Algérie et en France ».
- Ătude de Roger Benmebarek, prĂ©fet honoraire.
- Les massacres de SĂ©tif â un certain 8 mai 1945, film de Mehdi Lallaoui et Bernard Langlois, 1995, diffusĂ© sur le site Mediapart.
- « Ămeutes de SĂ©tif : un Ă©vĂ©nement tragique », RFI (dossier).