Jacky au royaume des filles
Jacky au royaume des filles est une comédie française écrite et réalisée par Riad Sattouf, sortie en 2014.
RĂ©alisation | Riad Sattouf |
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Scénario | Riad Sattouf |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | Les Films des Tournelles |
Pays de production | France |
Genre | Comédie |
Durée | 90 minutes |
Sortie | 2014 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
DeuxiĂšme long mĂ©trage de l'auteur de bandes dessinĂ©es Riad Sattouf, aprĂšs Les Beaux Gosses, ce film imagine une sociĂ©tĂ© gynocratique et dictatoriale, oĂč les hommes sont socialement infĂ©riorisĂ©s. Le rĂ©alisateur affiche sa volontĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă la notion de genre et de critiquer les inĂ©galitĂ©s entre hommes et femmes.
Pour créer cette dystopie, il fait tout autant référence au monde musulman qu'aux régimes communistes et aux sociétés patriarcales occidentales, s'inspirant en partie de sa propre famille, surtout du cÎté syrien. Il détourne aussi le conte de Cendrillon et la symbolique du cheval, et crée un langage rappelant la novlangue de George Orwell. Il reprend également des idées qu'il a déjà développées dans sa série de bande dessinée Pascal Brutal.
La majeure partie du film est tournĂ©e dans des dĂ©cors rĂ©els en GĂ©orgie. Sattouf retrouve certains interprĂštes de son premier film, dont Vincent Lacoste dans le rĂŽle-titre, et fait Ă©galement jouer, dans les principaux rĂŽles, Charlotte Gainsbourg, AnĂ©mone, Didier Bourdon, ValĂ©rie Bonneton et Michel Hazanavicius. Il bĂ©nĂ©ficie d'un accueil critique plutĂŽt favorable dans l'ensemble, mais il est Ă©galement visĂ© par des critiques plus nĂ©gatives, par exemple dans les Cahiers du cinĂ©ma et Positif. Peu exploitĂ© Ă l'Ă©tranger, le film est un Ă©chec au box-office français. Il reçoit par ailleurs une unique rĂ©compense lors du festival de Rotterdam, oĂč il a Ă©tĂ© montrĂ© pour la premiĂšre fois au public.
Synopsis
Synopsis général
Vidéo externe | |
Bande-annonce sur le compte YouTube de Pathé |
Dans la « République populaire et démocratique de Bubunne »[n 1], les femmes commandent et travaillent, alors que les hommes restent au foyer et sont soumis aux désirs des femmes. Jacky a vingt ans, vit dans un village isolé et aime en secret la Colonelle, fille de la Générale, la dictatrice du pays. Cette derniÚre annonce la tenue de la « Grande Bubunerie », une cérémonie pendant laquelle la Colonelle devra se choisir un mari, qui deviendra « Grand Couillon ». C'est l'effervescence chez tous les jeunes hommes nubiles du pays.
Synopsis détaillé
Jacky habite un modeste village appelĂ© Museau. Il est amoureux de la Colonelle Bubunne XVII, l'hĂ©ritiĂšre du pouvoir, et se masturbe rĂ©guliĂšrement devant son portrait officiel. La tĂ©lĂ©vision diffuse une allocution de Bubunne XVI (au pouvoir depuis 34 ans) depuis le Palais prĂ©sidentiel de la Grande Bouilleuse, Ă Fontaine, la capitale. Avant lâarrivĂ©e de la GĂ©nĂ©rale, sont prĂ©sentĂ©es les ministres, puis les condamnations Ă mort du jour, puis la Colonelle accompagnĂ©e de son aide de camp, Zonia. Pendant le discours, Jacky prĂ©pare pour sa mĂšre de la bouillie, l'alimentation unique pour la population de ce pays, acheminĂ©e par des canalisations dans chaque habitation. Lorsque celle-ci rentre du travail, elle lui montre un tract appelant les hommes Ă se rĂ©volter contre les femmes, message que tous deux considĂšrent comme une « blasphĂšmerie ». Elle lui annonce aussi que quatre femmes lui ont demandĂ© la main de Jacky ce jour-lĂ , mais qu'elle a refusĂ©. Ă la tĂ©lĂ©vision, la GĂ©nĂ©rale annonce que les « juments sacrĂ©es » lui ont suggĂ©rĂ© d'organiser le « Bal de la Grande Bubunnerie » avec tous les cĂ©libataires du pays, afin de trouver le « Grand Couillon », soit le futur mari de la Colonelle. Jacky et tous les jeunes villageois se prĂ©cipitent dehors pour partager leur enthousiasme et pour prier devant le « petit chevalin sacrĂ© » du village (un poney). Juto, cousin de Jacky, prĂ©tend que le chevalin lui a rĂ©vĂ©lĂ© que son grand frĂšre Vergio serait choisi par la Colonelle. Tous les jeunes hommes partent, déçus, sauf Jacky qui accuse Juto de mentir.
Les trois jeunes hommes vont ensuite dans le magasin du village. Jacky aimerait sâacheter une nouvelle « voilerie » mais les plus belles que propose la vendeuse, Corune, sont trop chĂšres pour lui, alors que ses cousins en achĂštent deux pour le rendre jaloux. Jacky demande des crayons et des feuilles car il apprend l'« art de lâĂ©criture ». Vergio se moque de lui en suggĂ©rant quâil est l'auteur des tracts et Juto montre fiĂšrement le poĂšme de son frĂšre que le journal national a publiĂ©. AprĂšs le dĂ©part de ses cousins, Jacky est draguĂ© par Corune, puis la mĂšre de celle-ci lui propose avec insistance de se marier avec sa fille. Le soir, Jacky va apprendre Ă Ă©crire chez Julin, un cĂ©libataire qui se prostitue. Celui-ci tente dâouvrir lâesprit de Jacky en lui parlant des libertĂ©s dont les gens bĂ©nĂ©ficient Ă lâĂ©tranger. Mais le jeune homme annonce Ă Julin qu'il ne veut plus partir Ă lâĂ©tranger avec lui comme ils l'avaient prĂ©vu. Julin lui reproche de trahir la mĂ©moire de son pĂšre, dont il Ă©tait l'ami.
Le lendemain, les habitants manifestent quand ils apprennent que la participation au Bal est payante et bien trop chĂšre, mais ils sont dispersĂ©s par la ChĂ©rife. Seul Vergio a achetĂ© une place et sa famille prend plaisir Ă narguer et rabaisser Jacky et sa mĂšre. Le soir, Jacky est en pleurs. Sa mĂšre fait fuir Corune, qui chante sous la fenĂȘtre de son fils pour lui faire la cour. Jacky repense alors au prĂ©tendu trĂ©sor de son pĂšre que Julin aurait conservĂ© pour lui mais refuse toujours de lui donner. Estimant que c'est l'unique moyen d'aller au bal, il s'empresse d'aller voir la ChĂ©rife pour porter plainte. Julin se dĂ©fend en arguant que ce mot n'est qu'une image qu'il utilise pour motiver Jacky. La ChĂ©rife ordonne Ă ses femmes de fouiller sa maison ; elles trouvent alors des preuves quâil est lâauteur des tracts. Pour le rĂ©compenser dâavoir aidĂ© Ă arrĂȘter Julin, la ChĂ©rife offre Ă Jacky une invitation pour le bal, en espĂ©rant implicitement une promotion sâil est choisi par la Colonelle et en lui demandant sa main dans le cas contraire.
Plein d'espoir, Jacky retourne Ă la boutique, oĂč il nĂ©gocie une voilerie luxueuse avec « capotin » et « laisson », contre la promesse de faire travailler lâĂ©piciĂšre au Grand Palais sâil est lâheureux Ă©lu. Cette derniĂšre lui annonce joyeusement que Julin va ĂȘtre pendu. Jacky entend alors un hurlement et se prĂ©cipite dehors : sa mĂšre, victime d'un accident, meurt devant lui. Il est alors contraint de vivre chez sa tante, oĂč il est rapidement utilisĂ© comme bonniche et mĂ©prisĂ© par ses cousins et leur pĂšre Brunu. Il apprend que Julin sâest Ă©vadĂ© de prison mais qu'il est peut-ĂȘtre mort par la suite dans lâincendie de sa maison. Plus tard, Corune abuse sexuellement de lui contre la promesse de l'emmener au bal, car sa tante et son oncle l'empĂȘcheront d'y aller. Ils sont dĂ©couverts par la mĂšre de Corune, qui vient lui prĂ©senter son futur « marion ». Pour Ă©viter un scandale, lâĂ©piciĂšre propose Ă Tata de marier Jacky Ă Corune. Brunu y est favorable mais Tata prĂ©fĂšre rĂ©flĂ©chir.
Jacky aide Brunu et ses fils Ă se prĂ©parer pour le bal. Ă la tĂ©lĂ©vision, un cĂ©lĂšbre acteur, Mit Kronk, annonce quâil sera lâun des prĂ©tendants. En pleine nuit, Jacky sâenfuit mais est interceptĂ© par la ChĂ©rife, qui entreprend de le violer avec lâaide de ses femmes. Intervient alors Julin, en tenue de capitaine, qui les tue et sauve Jacky. Il lâemmĂšne dans son repaire au milieu de la forĂȘt, oĂč il cultive illĂ©galement des « plantins » (nom donnĂ© aux lĂ©gumes) quâil vend au marchĂ© noir. Julin lui raconte qu'il avait fondĂ© avec son pĂšre un mouvement politique secret, les « Hommistes », pour lutter en faveur des droits des hommes, et il lui donne enfin le trĂ©sor de son pĂšre : un costume de lieutenant que ce dernier devait utiliser pour fuir le pays. Ils partent ensuite pour Fontaine sur le dos d'un petit chevalin que Julin a dressĂ©.
DĂ©guisĂ©s en militaires, ils pĂ©nĂštrent dans le palais pour vendre des plantins Ă une militaire que connaĂźt Julin. Celle-ci souhaitant aussi avoir une relation sexuelle avec ce dernier, Jacky patiente dans le corridor. Il y croise Zonia qui lui fait comprendre quâil nâa rien Ă faire ici. Jacky erre dans le palais et arrive par hasard dans le grand hall oĂč dĂ©bute la cĂ©rĂ©monie du « Grand Couillage ». La Colonelle croise son regard, avant de sâavancer parmi la foule des prĂ©tendants, qui tendent chacun leur laisson dans lâespoir dâĂȘtre sĂ©lectionnĂ©. Surgit Brunu, qui ne reconnaĂźt pas Jacky et lui propose la main de Juto. BĂ©nĂ©ficiant de ce quiproquo, Jacky prend plaisir Ă les dĂ©prĂ©cier. Câest alors que la Colonelle sâapproche de Vergio et se dit « tentĂ©e ». Brunu, Juto et Jacky se prĂ©cipitent, les deux premiers pour soutenir la candidature de Vergio, le troisiĂšme pour persuader la Colonelle de prendre son temps. Quand la Colonelle lui demande son identitĂ©, Jacky dit ĂȘtre une « femme libre » nommĂ©e Jacqueline. Bubune XVII lui propose de partager un temps avec elle dans le salon. Elle lui confie que sa mĂšre a dĂ©jĂ dĂ©cidĂ© depuis longtemps quâelle Ă©pousera Mit Kronk, que « toute cette agitation festive, câest du folklore », et quâelle nâa pas du tout envie de succĂ©der Ă la GĂ©nĂ©rale. Elle dĂ©voile progressivement son attirance pour « Jacqueline ». Arrive alors la GĂ©nĂ©rale, qui fait partir Jacky. Julin le retrouve dans le hall et lui montre la fortune quâil a obtenue contre les plantins. La GĂ©nĂ©rale est sur le point de rĂ©vĂ©ler l'identitĂ© du Grand Couillon, quand Brunu reconnaĂźt soudainement Jacky et le dĂ©nonce. Devant les camĂ©ras qui diffusent lâĂ©vĂ©nement en direct, Jacky dĂ©clare son amour pour la Colonelle, la GĂ©nĂ©rale tente de l'abattre mais sa fille l'en empĂȘche et Jacky parvient Ă sâĂ©chapper. Se rĂ©fugiant dans des tuyaux dâaĂ©ration, il se retrouve dans la salle des commandes du systĂšme de distribution de la bouillie. Comprenant que cette alimentation est crĂ©Ă©e par recyclage de la matiĂšre organique des Ă©gouts, il sabote le systĂšme, rendant provisoirement la bouillie non comestible dans tout le pays. Le soir, la Colonelle retrouve Jacky cachĂ© sous son lit. Ils finissent par sâembrasser, puis Jacky sâĂ©vanouit littĂ©ralement de plaisir.
Le peuple est mĂ©content depuis le sabotage de la bouillie. La GĂ©nĂ©rale veut envoyer lâarmĂ©e mais la Colonelle dit quâelle rĂ©flĂ©chit Ă un plan. Elle montre Ă Jacky la foule des hommes devant le palais : le peuple le soutient, persuadĂ© quâil sâest dĂ©guisĂ© en militaire par amour et par manque de moyens pour sâinscrire au bal. Julin harangue la foule pour quâils se rebellent. Pendant ce temps, Bubunne XVII et Jacky ont fait lâamour. La Colonelle sâinterroge sur ses dĂ©sirs et sa sexualitĂ© ; Jacky lui dit quâil lâaime tel quel et lui suggĂšre de partir ensemble Ă lâĂ©tranger. Zonia pĂ©nĂštre dans la chambre et ordonne dâarrĂȘter Jacky. Dans sa cellule, celui-ci retrouve son oncle et ses cousins, eux aussi condamnĂ©s Ă mort. La GĂ©nĂ©rale vient alors proposer une solution inattendue : comme Jacky est devenu lâidole du peuple, elle trouve « plus simple » quâil devienne Grand Couillon au lieu de tuer tout le monde. Elle veut en revanche couper le « languin » de Jacky pour qu'il ne rĂ©pĂšte pas ce qu'il sait ; la Colonelle se rĂ©volte et lâĂ©trangle Ă mort, devenant de fait la nouvelle GĂ©nĂ©rale. Pendant ce temps, les hommes ont envahi le palais, mais lâannonce de la succession et du choix de Jacky calme immĂ©diatement les rebelles.
Parmi ses premiĂšres dĂ©cisions de cheffe, Bubunne XVII dĂ©cide de rĂ©former lâalimentation du pays, en autorisant notamment la culture de plantins et lâutilisation des chevalins sacrĂ©s comme bĂȘtes de trait. Jacky est accueilli en hĂ©ros Ă Museau et inaugure une des premiĂšres Ă©coles pour garçons (les « jacqueries »), oĂč Julin enseigne. Le jour du mariage, Jacky et Bubunne XVII se prĂ©sentent sur le balcon du palais, devant une foule qui les acclame. La nouvelle GĂ©nĂ©rale prononce un discours oĂč elle promet la vĂ©ritĂ© au peuple. Le couple se met alors nu devant tout le monde, dĂ©voilant l'identitĂ© rĂ©elle de Bubunne XVII, qui est en fait un homme. Le peuple est choquĂ© mais silencieux, puis une femme hurle « blasphĂšmerie ».
Fiche technique
Sauf indication contraire ou complĂ©mentaire, les informations mentionnĂ©es dans cette section peuvent ĂȘtre confirmĂ©es par la base de donnĂ©es IMDb.
- Titre original : Jacky au royaume des filles
- Titre anglais international : Jacky in the Kingdom of Women
- RĂ©alisation : Riad Sattouf
- Scénario : Riad Sattouf
- Musique : Riad Sattouf
- Photographie : Josée Deshaies
- Montage : Virginie Bruant
- DĂ©cors : Alain Guffroy
- Graphisme : Fanette Mellier[4], Georges Kafian[5], Aurore Huber et Simon Witte
- Tableaux : Yusuf Abdulahi Yahya
- Costumes : Olivier Ligen (chef costumiĂšre : Sarah Monfort)
- Photographie de plateau : Kate Barry
- Son : Yves-Marie OmnÚs (prise de son), Valérie Deloof (montage) et Jean-Pierre Laforce (mixage)
- Production : Anne-Dominique Toussaint
- Coproduction : Romain Le Grand, Florian Genetet-Morel et Frédérique Dumas
- Direction de la production : Oury Milshtein
- SociĂ©tĂ©s de production : Les Films des Tournelles ; en coproduction avec PathĂ©, Orange Studio, Alvy Distribution et France 2 CinĂ©ma ; en association avec Cofimage 24, SoficinĂ©ma 9, La Banque Postale Image 8 et CinĂ©mage 7 ; avec la participation de France TĂ©lĂ©visions, Canal+ et CinĂ©+ ; avec le soutien de la rĂ©gion Ăle-de-France en partenariat avec le CNC
- Société d'effets spéciaux numériques : Mac Guff
- Société de distribution : Pathé Distribution
- Pays d'origine : France[n 2]
- Langue originale : français
- Format : couleur - numérique - 1,85:1 - Dolby Digital
- Genre : comédie, dystopie
- Durée : 90 minutes
- Dates de sortie :
- Date de sortie en DVD et Blu-ray : (France)[7]
Distribution
- Vincent Lacoste : Jacky
- Charlotte Gainsbourg : Bubunne XVII, la Colonelle, héritiÚre de Bubunne XVI
- Didier Bourdon : Brunu, le « marion » de Tata
- Anémone : Bubunne XVI, la Générale
- Valérie Bonneton : la Chérife
- Michel Hazanavicius : Julin
- Noémie Lvovsky : Tata, la tante de Jacky
- Laure Marsac : Zani, la mĂšre de Jacky et sĆur de Tata
- William Lebghil : Vergio, le fils aßné de Brunu et Tata
- Anthony Sonigo : Juto, le fils cadet de Brunu et Tata
- India Hair : Corune, la fille de l'Ă©piciĂšre
- Béatrice de Staël : l'épiciÚre
- Fred Neidhardt : Franku, le deuxiÚme « marion » de Tata
- Anamaria Vartolomei : Zonia, l'aide de camp de la Colonelle
- Valeria Golino : Bradi Vune, l'actrice de la sĂ©rie Ăblouissement de chevalin
- Emmanuelle Devos : la présentatrice de télévision
- Riad Sattouf : Mit Kronk, l'acteur de la sĂ©rie Ăblouissement de chevalin
- Ida FĂ©vrier : Zizi, une fillette de Museau
- Olga Milshtein : une fillette de Museau
- Nia Bezarashvili : une fillette de Museau
- Ămile Bravo : un speaker (voix)
- Nicolas Maury : un speaker (voix)
- Oury Milshtein : le présentateur devant le bus des prétendants
- Solveig Maury : une militaire de Museau
- Julie Moulier : une militaire de Museau
- Valérie Trajanovski : la premiÚre cousine de Julin
- Marie Berto : la deuxiĂšme cousine de Julin
- Marina Kulumbegashvili[n 3] : une Ă©trangĂšre visitant le palais
- Mamuka Kudava : un Ă©tranger visitant le palais
- David Davitaia : un Ă©tranger visitant le palais
- Nikoloz Avaliani[n 4] : un Ă©tranger visitant le palais
- Giorgi Ramishvili[n 5] : un Ă©tranger visitant le palais
- Blutch : le pÚre du fiancé de Corune
- Pablo Aziz Eskenazi : le fiancé de Corune
- Gaspard Darley : un ami de Museau
- Nino Loseliani : la mÚre scandalisée dans la foule
- Jaouen Gouévic : Fufu, l'élÚve de Julin dans la premiÚre école pour garçons (non crédité)
- Vincent Lacoste en 2012.
- Charlotte Gainsbourg en 2010.
- Didier Bourdon en 2013.
- Anémone en 2009.
- Valérie Bonneton en 2014.
- Michel Hazanavicius en 2015.
- Noémie Lvovsky en 2014.
- William Lebghil en 2016.
- Anthony Sonigo en 2014.
- Béatrice de Staël en 2014.
- Fred Neidhardt en 2009.
- Valeria Golino en 2014.
- Emmanuelle Devos en 2013.
Production
GenÚse et développement
Le succÚs de son premier film, Les Beaux Gosses, permet à Riad Sattouf de financer un projet différent[8].
Pour ce film, et plus globalement pour sa propre conception des rapports entre hommes et femmes, Riad Sattouf s'inspire en partie de sa propre vie et celle de sa famille en Syrie. Il raconte par exemple qu'un de ses oncles avait tuĂ© sa propre fille car elle Ă©tait tombĂ©e enceinte Ă 16 ans avant de se marier, et qu'il Ă©tait ensuite « devenu une figure importante du village parce qu'il avait fait respecter son honneur »[9] - [n 6]. Il note toutefois que « ce genre d'histoire n'est pas propre au monde musulman » et qu'« en Occident, l'homme demeure la figure dominatrice », citant la Bretagne, dont est originaire sa mĂšre et oĂč lui-mĂȘme a passĂ© ses annĂ©es collĂšge, « on [le] traitait de pĂ©dĂ© parce [qu'il a] une voix effĂ©minĂ©e »[9]. Riad Sattouf explique d'ailleurs que ces insultes rĂ©guliĂšres et le rejet qu'il a subi durant sa jeunesse Ă©taient Ă©galement dus Ă son manque d'intĂ©rĂȘt pour certains aspects de la culture masculine habituelle, comme le football, les voitures ou les bagarres[10]. Il estime que cela « a Ă©veillĂ© [s]on sens critique » et lui a permis de rĂ©flĂ©chir Ă l'identitĂ© de genre, et donc de « parler du conditionnement de la sexualitĂ© au travers dâun film »[10]. La violence du film s'inspire Ă©galement des chĂątiments corporels pratiquĂ©s dans les Ă©coles syriennes[9].
Riad Sattouf commence l'Ă©criture en 2009, soit avant des actualitĂ©s comme le printemps arabe et les dĂ©bats sur le mariage pour tous auxquels le film a pu paraĂźtre faire Ă©cho au moment de sa sortie[11]. Il prend comme point de dĂ©part une histoire courte qu'il avait publiĂ©e en 2006 dans sa sĂ©rie de bande dessinĂ©e Pascal Brutal, oĂč la Belgique devenait une dictature militaire misandre[1]. Il s'inspire aussi du conte Cendrillon, « en y transfĂ©rant le pouvoir des hommes aux femmes » avec pour objectif de voir ce qu'une telle relecture « pouvait raconter sur le patriarcat et le conditionnement culturel des sexes »[12]. Il considĂšre en effet que c'est « le conte de la domination masculine par excellence »[1]. Concernant l'idĂ©e de l'inversion des rĂŽles, il affirme par ailleurs qu'il existait une tradition moyen-orientale dans laquelle « un jour par an, les femmes et les hommes Ă©changeaient leur rĂŽle », avec « les premiĂšres aux champs, les seconds en cuisine », notant que c'est « le meilleur moyen de conforter lâordre existant puisque chacun, par manque dâhabitude, se retrouvait absolument incapable dâaccomplir correctement la tĂąche de lâautre »[1].
Durant l'Ă©criture du scĂ©nario, il lit aussi le roman 1984 de George Orwell[13]. Initialement, il prĂ©voit de faire en sorte que les personnages fĂ©minins soient bien plus grands que les hommes, mais l'idĂ©e est abandonnĂ©e pour des raisons budgĂ©taires[1]. Pour le « laisson », Sattouf dit avoir pensĂ© Ă cet accessoire en se souvenant du film Baxter oĂč le chien « raconte les sentiments contradictoires que provoque en lui le contact de la laisse de sa maĂźtresse sur son cou »[1].
Riad Sattouf fait Ă nouveau tourner des interprĂštes de son premier film, notamment Vincent Lacoste, mais aussi NoĂ©mie Lvovsky, Anthony Sonigo, Emmanuelle Devos et Valeria Golino. Il fait lire le scĂ©nario Ă Lacoste dĂšs 2011[11]. Il explique par ailleurs qu'il a Ă©tĂ© convaincu que Charlotte Gainsbourg « allait faire une colonelle gĂ©niale » par la maniĂšre dont il l'a rencontrĂ©e : « Elle mâa fait attendre cinq minutes devant sa porte, sans ouvrir, alors que jâentendais des bruits dans lâappartement »[12]. Il estime par ailleurs que ce rĂŽle d'hĂ©ritiĂšre correspond Ă ce que l'actrice a elle-mĂȘme vĂ©cu, en devant composer avec l'hĂ©ritage artistique de ses parents[10]. Concernant AnĂ©mone, le rĂ©alisateur dit l'avoir choisie entre autres parce qu'elle avait dit dans une interview « qu'elle regrettait dâavoir eu des enfants, que la sociĂ©tĂ© l'y avait obligĂ©e, qu'elle aurait Ă©tĂ© plus heureuse sans ça »[10]. Pour lui, cette « brutalitĂ© » correspondait au rĂŽle de la dictatrice[10]. D'autre part, comme il l'avait dĂ©jĂ fait dans Les Beaux Gosses, Riad Sattouf attribue quelques rĂŽles secondaires Ă d'autres auteurs de bandes dessinĂ©es : Fred Neidhardt, Ămile Bravo et Blutch.
Le budget total du film est estimé à environ 11 000 000 euros[14] - [15] - [16]. Comme pour Les Beaux Gosses, la production est assurée par Anne-Dominique Toussaint et sa société Les Films des Tournelles[17]. Pathé, Studio 37 et France 2 Cinéma coproduisent le film, qui bénéficie aussi d'un préachat de Canal+ et Ciné+[17].
Tournage
Le tournage a eu lieu en GĂ©orgie et dans les studios français de Bry-sur-Marne[18]. Riad Sattouf avoue que, dans l'idĂ©al, il aurait « aimĂ© tourner en CorĂ©e du Nord »[12] mais il dit aussi qu'il Ă©tait inimaginable de tourner dans un pays non dĂ©mocratique[10]. Il souhaite en effet « que tout soit le plus vrai possible » et il a optĂ© pour la GĂ©orgie car « ce pays possĂšde de nombreux vestiges communistes, au milieu dâune nature trĂšs prĂ©sente »[12]. Pour Museau, le village fictif de Jacky, il envisage d'abord de tourner dans des corons du Nord de la France[1].
En GĂ©orgie, le tournage s'est dĂ©roulĂ© dans la capitale Tbilissi, Ă Gori, Ă Roustavi et Ă Tserovani[18]. L'hĂŽtel de ville[n 7] de Gori, ville natale de Staline, a servi de dĂ©cor pour celui de la GĂ©nĂ©rale[9]. La scĂšne de la « Grande Bubunnerie » a Ă©tĂ© filmĂ©e dans l'ancien Parlement gĂ©orgien Ă Tbilissi[19]. Les scĂšnes du village de Jacky ont Ă©tĂ© tournĂ©es Ă Tserovani[13], dans la municipalitĂ© de Mtskheta, oĂč vivent des populations qui ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©es aprĂšs la guerre d'OssĂ©tie du Sud[9]. Un poney sauvage du zoo de Tbilissi a Ă©tĂ© utilisĂ© lors du tournage, Riad Sattouf disant de lui qu'il avait une variĂ©tĂ© d'expressions « que nâont plus les chevaux domestiquĂ©s »[13].
Le rĂ©alisateur raconte que les figurants gĂ©orgiens « Ă©taient trĂšs sensibles Ă lâhistoire » car ils avaient vĂ©cu sous le rĂ©gime soviĂ©tique[13]. D'autre part, certaines femmes « n'avaient jamais mis de pantalons de leur vie avant le tournage »[13] et Ă©taient Ă©tonnĂ©es d'ĂȘtre autant Ă l'aise dans ces vĂȘtements, tout comme les figurants masculins l'Ă©taient vis-Ă -vis des robes qu'ils ont portĂ©es pour le tournage[10].
Jacky au royaume des filles a Ă©tĂ© filmĂ© en format numĂ©rique, avec une camĂ©ra Arriflex Alexa et des objectifs Zeiss Master Prime[20]. Pour la sĂ©quence du bal des prĂ©tendants, Riad Sattouf a souhaitĂ© « retrouver la lumiĂšre de la fĂȘte d'Eyes Wide Shut »[9]. Le tournage a commencĂ© le [17] et s'est achevĂ© en fĂ©vrier 2013[19], alors que la fin Ă©tait initialement annoncĂ©e pour le [17].
Les scĂšnes sont beaucoup rĂ©pĂ©tĂ©es avant d'ĂȘtre filmĂ©es, mais le rĂ©alisateur dit ne pas en demander trop Ă ses acteurs en termes de composition[10]. Toutefois, Sattouf affirme qu'il voulait de « vraies larmes » de la part de Vincent Lacoste et qu'il a tout fait pour l'« emmerder » afin qu'il ne fasse pas semblant[11]. Il explique qu'il « ne voi[t] pas lâintĂ©rĂȘt de jouer dans un film en n'essayant pas d'Ă©prouver les vraies Ă©motions », alors que Lacoste estime « quâon a besoin de faire semblant dâabord pour que lâĂ©motion vraie vienne ensuite »[11]. Par ailleurs, le rĂ©alisateur a demandĂ© Ă Lacoste de parler trĂšs bas[10]. Ce dernier souligne que les tournages avec Sattouf s'avĂšrent fatigants Ă cause des costumes, accessoires ou maquillages qui sont souvent « hyper dĂ©sagrĂ©ables » Ă supporter[21]. Sur ce film, Lacoste devait ainsi porter, outre le costume avec voile, de grosses chaussures, des faux boutons sur le visages et un faux appareil dentaire[21]. De mĂȘme, Didier Bourdon fait remarquer qu'il fallait s'habituer Ă se mouvoir avec de tels costumes et mĂȘme « apprend[re] de nouveaux gestes »[19].
Musique
Comme il l'avait dĂ©jĂ fait pour Les Beaux Gosses, Riad Sattouf compose lui-mĂȘme la bande originale[22]. Il joue lui-mĂȘme la partition Ă la guitare, accompagnĂ© de Laurent Vernerey Ă la basse et de Loic Pontieux Ă la batterie et aux percussions[23]. PlutĂŽt rock, cette musique n'a pas Ă©tĂ© Ă©ditĂ©e en album[22].
La bande-son du film reprend aussi plusieurs musiques préexistantes[22] :
- Still Loving You de Scorpions
- Lux Êterna de György Ligeti (interprétation : Helmut Franz)
- Koenig Karl Marsch de Carl Ludwig Unrath (nl) (interprétation : Das Grosse Teutonia Blasorchestra)
- Marche Yorckscher (Yorckscher Marsch) de Ludwig van Beethoven (interprétation : Das Grosse Teutonia Blasorchestra)
- Konzert La Caccia Allegro de Leopold Mozart (interprétation : Hermann Baumann)
- Le Pas de charge de la marine (interprétation : fanfare de l'armée de cavalerie)
- Piave Marsch de Franz LehĂĄr
- Saint Seiya - BGM[n 8] de Seiji Yokoyama
Exploitation et accueil
Festivals
Quatre jours avant sa sortie, Jacky au royaume des filles a Ă©tĂ© projetĂ© lors du Festival international du film de Rotterdam 2014 dans la section « Bright Future »[24], oĂč il a obtenu le MovieZone Award (prix du jury jeune)[25].
Le film a ensuite été montré dans plusieurs festivals étrangers, généralement hors compétition :
- Festival du film francophone de GrÚce 2014 (mars)[n 9] : sélection dans la section « Panorama du cinéma francophone »[26]
- Festival international du film de Budapest 2014 (avril) : sélection dans la section « European Stories »[27]
- Festival CoLCoA 2014 (avril) : sélection officielle[28]
- Festival FanTasia de Montréal 2014 (juillet) : film d'ouverture[6]
- Festival international du film de Melbourne 2014 (août) : sélection officielle[29]
- Festival Fantastic Fest d'Austin 2014 (septembre)[30]
- Festival international du film de Seattle 2014 (octobre) : sélection « French Cinema Now »[31] - [n 10]
- Festival Le Cinéma français aujourd'hui au Kazakhstan 2015 (avril) : sélection longs métrages[32]
- Festival du film français de Sacramento 2015 (juin) : projections « Late Night Screenings »[33]
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L'accueil critique du film a été relativement bienveillant mais non sans réserve, les critiques saluant généralement la distribution, l'humour dépaysant et l'originalité de la démarche et du scénario, mais considérant parfois que le film ne tenait pas le rythme. Les médias cinéphiliques ont globalement été plus sévÚres. Le site Allociné propose une moyenne de 2,8/5 à partir d'une interprétation de 26 critiques[34].
Une partie des critiques montre un grand enthousiasme pour le film. C'est le cas d'Aurélien Ferenczi, de Télérama, qui déclare que « Jacky au royaume des filles n'a guÚre d'équivalent dans le cinéma français actuel » et qualifie le film de « fable culottinée », la trouvant « irrésistible et excellemment jouée par une distribution épatante »[35]. Il parle d'une « pépite d'art brut » pour souligner que « la mise en scÚne va au plus simple, sans effets de style »[35]. Il note par ailleurs la « grande puissance burlesque », qui « n'est pas la maniÚre la plus sotte de parler du monde d'aujourd'hui »[35].
Dans Le Nouvel Observateur, Alexandre Boussageon apprĂ©cie l'« inquiĂ©tante Ă©trangetĂ© » du film, qui « excĂšde la simple pochade Ă la Groland », avec un dĂ©cor « glaçant »[9]. Selon lui, Sattouf « dĂ©construit avec l'Ăąpre allĂ©gresse d'une Femen Ă testicules la Cendrillon de Charles Perrault et des frĂšres Grimm »[9]. Ăric Loret, pour LibĂ©ration, observe que « faille et dĂ©tournement sont les deux mamelles du rire [...], alors que le simple renversement des rĂŽles [...] eĂ»t Ă©tĂ© lassant, voire lourd »[11]. Pour lui, c'est un peu « Ubu et la thĂ©orie du genre[n 11] » car « tout le monde passe Ă la trappe » grĂące à « la perversitĂ© polymorphe de Sattouf » et à « plusieurs saltos arriĂšre de lâintrigue »[11]. Sur le site Rue89, BĂ©atrice Moreno estime que cette « fable politique, humoristique, satirique, hyper structurĂ©e » est « une surprise permanente qui tient en haleine jusquâĂ sa scĂšne finale »[36]. Elle dĂ©crit les personnages fĂ©minins comme « aussi impitoyables et pĂ©remptoires que les pires des machos » et apprĂ©cie la prestation de Didier Bourdon qui « sert la dĂ©sopilante fourberie de la marĂątre Ă merveille »[36].
D'autres avis essentiellement positifs sont un peu plus nuancĂ©s. Pour Les Inrockuptibles, Jacky Goldberg fĂ©licite le culot du rĂ©alisateur qui « aurait pu choisir la facilitĂ© » aprĂšs le succĂšs des Beaux Gosses mais a prĂ©fĂ©rĂ© « se lancer dans un des projets les plus Ă©tranges que le cinĂ©ma français, pourtant peu avare en la matiĂšre, ait produits rĂ©cemment »[37]. Soulignant plusieurs fois le « beau titre »[n 12] de cette « fable trĂšs farfelue », il considĂšre que le film « finit par emporter lâadhĂ©sion » mĂȘme s'il « nâaccomplit pas toutes ses potentialitĂ©s, notamment comiques, et semble parfois sâaventurer sur les rives de la âzĂšderieâ heureuse â quoiquâun dialogue, trĂšs drĂŽle, sur la culture du navet laisserait penser que son auteur nâest pas dupe »[37]. Il clame que « Sattouf prouve que le rire et la farce sont porteurs de fruits autrement plus juteux que toutes les sĂ©rĂ©nades Ă©difiantes visant Ă dĂ©noncer la place des femmes dans la sociĂ©tĂ© », citant notamment Wajma[37]. Il estime aussi que Sattouf « reste fidĂšle Ă son Ă©thique queer », et cela « jusqu'au gĂ©nial dernier plan »[37].
Pour Le Monde, Isabelle Regnier trouve que « le film dĂ©ploie un burlesque noir audacieux, Ă dĂ©faut d'ĂȘtre toujours drĂŽle »[38]. Pour elle, « le rĂ©sultat, inĂ©gal, traduit l'attitude de Riad Sattouf vis-Ă -vis de son film » mais qualifie le film de « claque salutaire Ă la frilositĂ© ambiante »[38]. Dans Le Point, François-Guillaume Lorrain trouve que « le scĂ©nario est original, amusant » mais « la rĂ©alisation, un peu moins »[39]. Il se demande si c'est dĂ» au « trop grand Ă©cart entre l'ambition du sujet et la trivialitĂ© du ton » et suggĂšre qu'« on touche lĂ peut-ĂȘtre aux limites du genre »[39]. Dans 20 Minutes, Caroline ViĂ© s'enthousiasme pour « Charlotte Gainsbourg Ă©patante en colonelle, AnĂ©mone en dictatrice et Didier Bourdon en bonniche »[8]. Si elle concĂšde que le film « se rĂ©vĂšle un brin bordĂ©lique, il sĂ©duit cependant par son originalitĂ© et son humour potache »[8].
Ă l'inverse, certaines critiques sont plus nĂ©gatives. Dans l'avis « contre » de TĂ©lĂ©rama en parallĂšle Ă celui d'AurĂ©lien Ferenczi, FrĂ©dĂ©ric Strauss regrette que « tout sĂ©duit comme dans une bande-annonce » (citant « la distribution, l'imaginaire, les dĂ©cors ») mais que le film ne tienne pas ses promesses[40]. Il prend l'exemple de deux personnages : la GĂ©nĂ©rale, car il n'y a selon lui « aucune scĂšne qui vienne vraiment alimenter la fantaisie du personnage », et la ChĂ©rife, dont la scĂšne de viol « fait mouche », mais « n'est qu'une bouffĂ©e d'inspiration, aussi vite envolĂ©e »[40]. Il se dit donc déçu par « cette comĂ©die qui, tout Ă la fois, multiplie les bonnes idĂ©es et cultive l'inconsistance »[40]. Alors que le film est « susceptible de prendre du sens (politique, religieux) », Strauss considĂšre en effet que Jacky au royaume des filles est plutĂŽt une « copie brouillonne d'un Ă©lĂšve douĂ©, qui prĂ©fĂšre passer pour un cancre que de devenir le premier de la classe » car Sattouf se positionne surtout en « jeune cinĂ©aste dĂ©conneur, mal Ă©levĂ©, indomptable » et qu'il reste « Ă la surface » des sujets qu'il prĂ©tend interroger[40]. Pour L'HumanitĂ©, Vincent Ostria est sans appel : « Ăa amuse cinq minutes parce que la dictatrice est incarnĂ©e par AnĂ©mone et sa fille par Charlotte Gainsbourg, mais c'est laborieux Ă la longue »[41]. Ostria conclut que Sattouf est un « brillant auteur de BD » mais « n'a pas l'Ă©toffe dâun metteur en scĂšne »[41].
Pour les revues sur internet, la dĂ©ception est forte. Film de culte dĂ©clare que le film n'est qu'un sketch de Groland Ă©tirĂ© sur 90 minutes, que le film est alourdi par une « sous-intrigue Ă travestissement crypto-homo justifiĂ©e avec une relative maladresse » et que l'histoire aurait probablement Ă©tĂ© mieux rĂ©ussie en BD[42]. Critikat reproche au film le fait qu'il s'essouffle vite, estiment que « Sattouf rĂ©alise un nouveau fantasme pubĂšre, quand le brĂ»lot attendu reste plutĂŽt pĂ©pĂšre »[43]. Ăcran Noir regrette le ton inĂ©gal mais salue le dernier plan : « C'est couillu »[44].
Du cĂŽtĂ© des principaux mĂ©dias cinĂ©philiques, c'est plutĂŽt la dĂ©ception. Dans Positif, Yann Tobin fĂ©licite les thĂšmes traitĂ©s mĂȘme s'il note qu'ils sont convenus, ainsi que l'invention du pays et de la langue ad hoc ainsi qu'une distribution bien triĂ©e ; mais il est déçu par un film laborieux pour cause de platitude visuelle et de redondance d'effets comiques, regrettant que le long mĂ©trage soit loin du mauvais goĂ»t de Calmos de Bertrand Blier ou du fantasme de La CitĂ© des femmes de Federico Fellini[45]. Pour les Cahiers du cinĂ©ma, Joachim Lepastier loue le pari de la « comĂ©die Ă univers », mais reste déçu : « le film se retrouve ainsi dans un Ă©trange entre-deux, Ă peine plus poussĂ© que le sketch surproduit, encore trop loin du conte voltairien »[46]. Il estime que le film est timidement trop proche de la « gender comedy » et pointe le fait que les idĂ©es sont lĂ mais qu'elles ne dĂ©passent pas le pitch et ne crĂ©ent pas un emballement comique, sans oublier les dialogues explicatifs manquant de vigueur, malgrĂ© l'idĂ©e des noms fĂ©minisĂ©s, qu'il qualifie de « novlangue »[46]. Tout en soulignant le soin des dĂ©cors et des costumes, il considĂšre Ă©galement que la scĂ©nographie est maladroite, comme en tĂ©moignent les scĂšnes de foules et de bal, trop statiques, et l'architecture du palais, mal exploitĂ©e. Mais la critique s'achĂšve en souhaitant que Sattouf poursuive son travail de sape dans la comĂ©die française « bankable »[46].
Dans l'Ă©mission Le Cercle, seule Emily Barnett, du magazine Grazia, apprĂ©cie le film avec son message sur l'identitĂ© sexuelle, mais trouve le cĂŽtĂ© comique « patapouf »[47]. Les autres critiques sont déçus, malgrĂ© l'humour, le style du film ou son cĂŽtĂ© bande dessinĂ©e ne plaisant pas[47]. François BĂ©gaudeau, de Transfuge, affirme que le sous-texte sur la dictature pseudo-Ceausescu / CorĂ©e du Nord surcharge et parasite le film[47]. Ăric Neuhoff, du Figaro, estime que mĂȘme les pires films de Jean Yanne fonctionnent mieux[47]. Philippe Rouyer, de Positif, dĂ©clare qu'il aurait fallu un Wes Anderson pour sublimer l'imagerie et que les moments « hĂ©roĂŻques » du film (citant la masturbation devant la colonelle) n'empĂȘchent pas le ratage du film, Ă la maniĂšre de Calmos de Bertrand Blier[47].
Box-office
Jacky au royaume des filles est un échec en salles[15] - [16]. En France, le film réunit un total d'environ 119 000 entrées sur un total de 201 copies distribuées[16] (d'autres sources indiquant un peu plus de 118 000 entrées[48] ou seulement 110 000[14]), dont au moins 58 000 à Paris[14]. Par comparaison, le précédent film de Riad Sattouf, Les Beaux Gosses, avait frÎlé le million d'entrées[37]. Lors de sa premiÚre semaine d'exploitation, Jacky au royaume des filles attire prÚs de 79 000 spectateurs, dont plus de 35 000 sur Paris[14].
Outre les projections lors de plusieurs festivals internationaux, le film est trÚs peu exploité à l'étranger. Dans les pays francophones, il ne comptabilise qu'environ 1 300 entrées en Belgique et 750 en Suisse[48]. Il obtient de meilleurs résultats en Allemagne (plus de 9 700 entrées[48]), en Russie (17 500[49]) et au Royaume-Uni (plus de 18 000[48]).
Les recettes totales de l'exploitation en salles sont estimées à plus de 840 000 dollars dans le monde[14], à 760 000 euros en France[16] et 86 449 dollars en Russie[49]. En France, le ratio entre les recettes du distributeur et le budget est évalué à 4,1, faisant du film l'un des moins rentables du cinéma français sur l'année 2014[16]. La rentabilité mondiale est estimée à 8 %[14].
Plus tard, Riad Sattouf se dit déçu par le mauvais score commercial, plus que par les critiques mitigĂ©es[50], mais surtout « blessĂ© » par le dĂ©sintĂ©rĂȘt[51], car il affirme que « l'essentiel, c'est l'exploration du thĂšme [...] de lâidentitĂ© sexuelle »[50]. Le rĂ©alisateur estime mĂȘme que l'Ă©chec peut s'expliquer par « un contexte de crispation gĂ©nĂ©rale », au moment des dĂ©bats sur le mariage homosexuel en France, conduisant le film Ă ĂȘtre dĂ©testĂ© Ă la fois par les fĂ©ministes et les anti-fĂ©ministes[51]. Sattouf s'est alors recentrĂ© sur la bande dessinĂ©e, publiant la mĂȘme annĂ©e le premier tome de sa sĂ©rie autobiographique Ă succĂšs L'Arabe du futur[51]. Il n'abandonne toutefois pas le cinĂ©ma car il fonde en une nouvelle sociĂ©tĂ© de production avec Florence Gastaud (ex-dĂ©lĂ©guĂ©e gĂ©nĂ©rale de l'ARP) et Michel Hazanavicius : Les Compagnons du cinĂ©ma[52]. Pour sa part, Vincent Lacoste, déçu aussi par l'Ă©chec du film, affirme malgrĂ© tout : « Mieux vaut qu'il soit rĂ©ussi et qu'il ne marche pas plutĂŽt que le contraire »[21]
Exploitation en vidéo et à la télévision
Le DVD et le Blu-ray du film, édités par Pathé, sortent le [7]. Ils proposent trois suppléments : un making-of de 33 minutes, un commentaire audio de Riad Sattouf et Vincent Lacoste, et une galerie de photos[53].
Le film est diffusé pour la premiÚre fois à la télévision le aprÚs 23 h sur Canal+ Cinéma[54], puis le aprÚs 22 h sur Canal+[55] - [n 13].
Sa premiĂšre diffusion sur une chaĂźne gratuite a lieu le sur France 2 Ă deux heures du matin[56] - [n 13]. Dans une chronique sur France Inter, Sonia Devillers analyse ce choix de programmation de la chaĂźne publique : selon elle, aprĂšs l'Ă©mission CinĂ©ma de minuit (diffusĂ©e sur France 3), France TĂ©lĂ©visions invente le « cinĂ©ma de 2 heures du matin »[57]. Ăvoquant aussi les diffusions de La grande bellezza et Jimmy P. (PsychothĂ©rapie d'un Indien des Plaines) lors des deux semaines prĂ©cĂ©dentes, elle fait l'hypothĂšse qu'un tel crĂ©neau ait pu ĂȘtre choisi pour diffuser des films coproduits par France 2 qui n'ont pas assez de potentiel d'audience pour la premiĂšre partie de soirĂ©e[57]. En fait, les chaĂźnes hertziennes ont une obligation de diffusion des films qu'elles coproduisent et il est assez courant que des crĂ©neaux confidentiels soient utilisĂ©s pour des films ayant connu un Ă©chec en salles, comme ce fut par exemple le cas pour La CroisiĂšre[58], Le Baltringue[59] ou encore La Ligne droite[60]. C'est mĂȘme une stratĂ©gie courante pour respecter le quota des productions françaises Ă diffuser, moins populaires Ă l'audience que les films amĂ©ricains[61].
Le film est rediffusé le en premiÚre partie de soirée sur TFX[62].
Analyse
Réflexions sur les différences et les inégalités entre hommes et femmes
Riad Sattouf souhaite « rire de la domination masculine », Ă la maniĂšre dont il le fait dĂ©jĂ dans ses bandes dessinĂ©es[8], par exemple dans Pascal Brutal oĂč il a dĂ©jĂ interrogĂ© les stĂ©rĂ©otypes de genre et le conditionnement social sur ces aspects[11]. Son film critique donc Ă la fois le patriarcat, la virilitĂ© et « la glorification de la famille »[9]. Il dĂ©crit la famille comme « une entrave Ă la libertĂ© de jouir »[10]. Il a donc « transfĂ©rĂ© aux femmes le pouvoir des hommes, pour montrer dans quel monde foldingo nous vivons »[9]. Les comportements de type machiste sont ainsi attribuĂ©s aux personnages fĂ©minins[41]. Dans la sociĂ©tĂ© gynocratique et fascisante de Bubunne, la soumission des hommes atteint visuellement son paroxysme lorsqu'ils portent une laisse autour du cou, symbole d'un corps qui appartient Ă quelqu'un d'autre[9]. Sattouf affirme sa volontĂ© de « conduir[e] en douceur [les spectateurs] Ă penser aux rĂŽles des hommes et des femmes dans la sociĂ©tĂ© »[8]. Il estime nĂ©cessaire que les hommes « rĂ©alisent quâils ne sont pas obligĂ©s de se comporter en macho » et pense qu'il n'y a « pas de dĂ©fi plus grand et absolu que lâĂ©galitĂ© des sexes »[63]. AurĂ©lien Ferenczi souligne que le film « brocarde, plus largement, la bĂȘtise de ceux qui hiĂ©rarchisent les sexes, dans quelque sens que ce soit »[35].
Les tenues des personnages masculins font penser aux hijabs[37] - [41], voire aux abayas[19] - [64] ou aux burqas[38] - [65], mais Sattouf considĂšre qu'elles s'inspirent tout autant des voiles musulmans que des « tenue des bonnes sĆurs » et des « couleurs des moines bouddhistes »[13], avec la volontĂ© de « noyer les rĂ©fĂ©rences »[10]. Le rĂ©alisateur dit ne pas avoir « voulu parler spĂ©cifiquement du monde musulman », affirmant qu'il aurait abordĂ© le sujet « directement » s'il avait voulu se focaliser sur cela, Ă la maniĂšre dont il l'a fait dans sa bande dessinĂ©e Ma circoncision[11]. Il Ă©voque ses grands-mĂšres, l'une bretonne, l'autre syrienne, qui avaient « une vie trĂšs semblable » et « les mĂȘmes rĂŽles sociaux », ce qui n'a donc, selon lui, « rien Ă voir avec une culture ou une religion »[11]. Plus largement, Sattouf fait remarquer que « la religion, le langage et la politique sont autant d'instruments de domination dâun sexe sur lâautre »[13]. Il affirme en outre que « la fin du film empĂȘche toute instrumentalisation »[13]. Ă l'opposĂ©, les personnages fĂ©minins, vĂȘtus d'uniformes militaires et de pantalons d'Ă©quitation, font preuve d'un comportement strict et viril[19].
Riad Sattouf a aussi eu la volontĂ© de se moquer « des codes du cinĂ©ma patriarcal » en ridiculisant « les scĂšnes dâaction potentiellement spectaculaires », comme avec la fuite Ă dos de poney et la poursuite au sein du palais[13]. Il procĂšde aussi Ă une exagĂ©ration du bruitage des armes Ă feu pour mieux s'en moquer[13].
Le rĂ©alisateur s'interroge aussi sur la sexualitĂ©, montrant que, dans une sociĂ©tĂ© inĂ©galitaire oĂč l'acte sexuel sert avant tout Ă la reproduction, cela gĂ©nĂšre de la frustration[36]. Il estime qu'« il nây a pas de rĂ©volution sans explosion de la libertĂ© sexuelle »[10]. D'autre part, dans la scĂšne du bal des prĂ©tendants, les personnages ressemblent Ă des spermatozoĂŻdes, Sattouf s'interrogeant sur ce qui fait l'identitĂ© masculine : « cent millions de trucs essaient pour un seul qui rĂ©ussit »[9]. Pour le rĂ©alisateur, « c'est Ă la fois hyper-Ă©mouvant et dĂ©sespĂ©rant » car un spermatozoĂŻde « doit tenter le tout pour le tout, c'est inscrit en lui, il gigote comme un malade, il se lance, mĂȘme si c'est vain, mĂȘme s'il n'a statistiquement aucune chance de rĂ©ussir »[9]. Pour Sattouf, cette scĂšne « rappelle aussi les boĂźtes de nuit, avec les mecs qui dansent tous autour de la mĂȘme fille »[10].
Une dystopie sur le pouvoir politique et religieux
Le film tient aussi de la dystopie[35]. Riad Sattouf dit avoir « une fascination pour les rĂ©gimes totalitaires »[13]. La sociĂ©tĂ© qu'il a imaginĂ©e rappelle autant la Syrie, oĂč Sattouf a vĂ©cu, que la CorĂ©e du Nord[35], l'Iran[10] et les anciens pays communistes[12] (le rĂ©alisateur prĂ©cisant que la Syrie dans laquelle il a vĂ©cu ressemblait plus Ă un pays communiste que musulman[10]). La bouillie qui sert d'alimentation pour tous les habitants de Bubunne « reprĂ©sente la pensĂ©e unique du rĂ©gime, le refus de se nourrir d'autres sources d'inspiration »[13]. En outre, la « grande bouilleuse » peut aussi ĂȘtre vue comme une allĂ©gorie de l'industrie agroalimentaire[36]. L'omniprĂ©sence de la tĂ©lĂ©vision fait Ă©galement penser Ă la sociĂ©tĂ© dystopique du roman 1984[19].
Pour le langage, Sattouf part du constat que c'est un instrument de domination et qu'en grammaire, le masculin l'emporte sur le fĂ©minin[66]. Il crĂ©e des nĂ©ologismes Ă la maniĂšre de la novlangue de George Orwell[9] - [66]. Il fĂ©minise des mots qui sont importants ou qui reprĂ©sentent l'autoritĂ© dans la sociĂ©tĂ© gynocratique de Bubunne (par exemple « blasphĂšmerie », « voilerie » ou « argenterie ») et masculinise au contraire des mots associĂ©s Ă quelque chose de dĂ©gradant ou de ridicule (comme « culottin », « merdin », « salopure » ou « laisson »)[12] - [13] - [36] - [66]. Pour le mot « forĂȘterie », Sattouf explique avoir conservĂ© le fĂ©minin car la forĂȘt est symboliquement « le domaine de l'inconscient » et la sociĂ©tĂ© bubunne est « terrorisĂ©e par son inconscient »[1]. Le film donne aussi un poids nouveau au mot « couillon », utilisĂ© par les personnages fĂ©minins pour dĂ©signer les hommes, notamment leurs maris, alors que l'expression « grand couillon » est utilisĂ©e pour qualifier le futur mari de la Colonelle[66]. Ainsi, Sattouf explique que ce mot revĂȘt « un sens terrifiant dans cette sociĂ©tĂ© » car il est « l'expression hautaine de la domination des femmes »[66]. Selon lui, cela illustre « le relativisme culturel, c'est-Ă -dire la diffĂ©rence de sens que chacun accorde au mĂȘme mot selon son pays »[66]. Concernant le nom du pays, Riad Sattouf souligne : « Bubunne, c'Ă©tait le mot le plus nulnul et concon que je pouvais trouver »[1]. Il a ainsi la volontĂ© de sacraliser un mot pourtant ridicule, pour se moquer du concept de relativisme culturel[1].
Le rĂ©alisateur crĂ©e Ă©galement un « alphabet bubunne » qui uniformise la façon d'Ă©crire et revĂȘt un aspect violent et effrayant Ă la maniĂšre de l'Ă©criture gothique[12]. Il a fait appel pour cela Ă la graphiste Fanette Mellier[10], qui s'est inspirĂ©e Ă la fois des toiles d'araignĂ©e[66], des coiffes tressĂ©es et de plusieurs alphabets non latins comme le russe ou le grec[4]. Selon Fanny Mellier, la volontĂ© Ă©tait « d'insuffler de l'Ă©trangetĂ© dans certaines lettres, afin que les mots paraissent «âŻnon-familiersâŻÂ» (tout en restant lisibles) », alors que « les terminaisons arrondies de la typographie renvoient quant Ă elles Ă une dimension plus humoristique et vernaculaire »[4]. La forme de ces lettres peut aussi faire penser au brouillage des ondes dans un pays oĂč la tĂ©lĂ©vision sert la propagande[3].
Riad Sattouf crĂ©e Ă©galement toute une symbolique pour la sociĂ©tĂ© fictive de Bubunne, en travaillant aussi avec Fanette Mellier pour l'identitĂ© graphique[4]. Il choisit le cheval comme « vecteur de sacrĂ© » parce que cet animal « est reconnu comme Ă©tant trĂšs limitĂ© intellectuellement mais en mĂȘme temps, il dĂ©gage une sensation de force et de virilitĂ© intense »[13]. Il prĂ©cise que « dans toutes les cultures, le cheval est le symbole de la vigueur masculine »[1]. Il dit aussi avoir voulu « dĂ©tourner ce symbole, de jouer avec la figure Ă©questre - qui est souvent considĂ©rĂ©e comme la plus grande conquĂȘte de lâhomme »[13]. Ainsi, les femmes du film sont associĂ©es à « des juments blanches gĂ©antes et tĂ©lĂ©pathes » alors que les hommes sont reprĂ©sentĂ©s par « des poneys nains tout crottĂ©s, avec un sexe qui traĂźne par terre »[1].
Le drapeau de Bubunne est constituĂ© de deux tĂȘtes de juments rouges sur fond bleu et blanc[1], leur lien Ă la base du cou permettant d'imaginer une forme globale similaire Ă l'appareil reproducteur fĂ©minin[65].. En reprenant les couleurs du drapeau de la France, Sattouf exprime sa volontĂ© de se dĂ©tacher de « la sempiternelle rĂ©fĂ©rence au rĂ©gime nazi, noir sur fond rouge »[1]. Il dit avoir Ă©tĂ© « frappĂ© », durant la campagne de l'Ă©lection prĂ©sidentielle française de 2012, par la « marĂ©e de petits drapeaux français » brandis par les partisans de Nicolas Sarkozy lors d'un rassemblement au Champ-de-Mars, qui lui avait donnĂ© l'impression d'un « message subliminal de pensĂ©e unique »[1].
Pour expliquer son choix de crĂ©er une « religion propre Ă Bubunne », le rĂ©alisateur Ă©voque l'« instrumentalisation de la foi pour servir l'intĂ©rĂȘt d'un dictateur », qu'il a notamment connue en Syrie lorsque le pays Ă©tait un alliĂ© des SoviĂ©tiques[13]. Plus gĂ©nĂ©ralement, Sattouf se « moque ici du bigotisme, de la superstition »[63]. Il souligne les consĂ©quences du totalitarisme politico-religieux Ă travers ses personnages qui « sont en circuit fermĂ©, sans ouverture vers le monde »[63]. Il note que « dans chaque systĂšme de croyance, il convient de voir qui sont les riches qui profitent de lâignorance des masses »[63].
Critiques concernant le propos du film et son efficacité
Le propos de Riad Sattouf et l'efficacité de ses choix artistiques ont été tantÎt applaudis tantÎt questionnés, notamment au sujet de la démarche ouvertement féministe du réalisateur.
AurĂ©lien Ferenczi, dans TĂ©lĂ©rama, salue la « prĂ©sentation hilarante des modes de vie des masses opprimĂ©es », qui fait appel à « un rire grinçant quand surgit l'effet miroir : l'asservissement des hommes rappelle la condition des femmes sur une bonne partie du globe »[35]. Dans L'Avant-scĂšne cinĂ©ma, Yves Alion et RenĂ© Marx affirment que le film « remet en cause le sexisme avec une radicalitĂ© inĂ©dite, grĂące Ă la force voltairienne de son paradoxe » et qu'« un style sâinvente sous nos yeux »[10]. Selon eux, « comme il vise Ă faire rire en inversant les pires modĂšles de lâoppression patriarcale et totalitaire, il fait finalement trĂšs peur Ă son spectateur »[10]. Sur Rue89, BĂ©atrice Moreno souligne que le spectateur « ne peut ressortir indemne de cette expĂ©rience d'inversion des genres aussi inventive »[36]. Selon elle, « le sous-titre du film eĂ»t pu ĂȘtre « la guerre des sexes n'aura pas lieu[n 14] » comme une prophĂ©tie rĂ©jouissante, un idĂ©al fantasmĂ© »[36]. Dans Les Inrockuptibles, Jacky Goldberg salue l'efficacitĂ© du dispositif choisi par le rĂ©alisateur : « le retournement des conventions sexistes contre ceux qui en usent habituellement produit ainsi une puissante fascination, un trouble authentique chez le spectateur » et « dĂ©monte habilement les rouages de la domination »[37].
Dans Cheek Magazine, Myriam Levain est plus mitigĂ©e, estimant que la dĂ©nonciation de « l'ignorance qui sous-tend tout assujettissement » empĂȘche toute « compassion pour les personnages masculins » et qu'on a mĂȘme tendance Ă se moquer du sexe opprimĂ©[64]. Elle considĂšre aussi que les nĂ©ologismes des dialogues donnent l'impression que donner « le pouvoir aux femmes n'[est] rien dâautre quâune vaste blague »[64]. Elle se demande enfin si le rĂ©alisateur n'a pas tendance Ă dĂ©noncer « davantage le totalitarisme que la misogynie »[64]. Toutefois, Levain parle d'un « film ovni qui pousse Ă la rĂ©flexion », notamment sur le viol, le harcĂšlement, l'obsession du mariage pour les personnes du sexe infĂ©riorisĂ© ou encore la rĂ©partition des tĂąches mĂ©nagĂšres, et plus largement dans « sa dĂ©nonciation de la pensĂ©e unique sous toutes ses formes »[64].
Le site Le cinĂ©ma est politique est bien plus sĂ©vĂšre, voyant dans le film une « apologie de la phallocratie » car « ses procĂ©dĂ©s renforcent plutĂŽt les dysfonctionnements propres aux reprĂ©sentations des femmes, d'autant plus amplifiĂ©s qu'ils sont prĂ©texte Ă un dĂ©ferlement comique Ă©tabli au dĂ©triment de celles-ci »[65]. Cet avis s'appuie par exemple sur les scĂšnes d'abus sexuel de la part de Corune et de la ChĂ©rife car « les deux agresseuses nâentrent pas dans le stĂ©rĂ©otype de la beautĂ© fĂ©minine â ce qui corrobore lâidĂ©e selon laquelle une femme Ă lâĂ©cran ne peut pas ĂȘtre belle et drĂŽle », ou encore sur le personnage de Julin qui sait cultiver les lĂ©gumes et valide « sans complexe lâidĂ©ologie dominante qui veut que les femmes entre elles demeurent ignorantes »[65]. L'article regrette aussi que le choix des costumes « rĂ©active un fantasme raciste et islamophobe trĂšs actuel qui attribue aux Musulmans les mesures les plus rĂ©gressives envers les femmes et les homosexuels », que « le film glisse de la lesbophobie Ă une glorification de l'homophilie la plus classique », que plusieurs aspects suggĂšrent « le potentiel castrateur des femmes » et que le dispositif de renversement et d'opposition entre les sexes ne fait que mettre en avant les « reproches frĂ©quemment adressĂ©s au fĂ©minisme, accusĂ© de contester et de vouloir Ă©branler l'ordre du monde »[65].
Sur son site, le collectif Les mots sont importants juge Ă©galement que le film « ne fait que conforter, plutĂŽt que bousculer, les prĂ©jugĂ©s - et nous laisse avec lâagrĂ©able idĂ©e que le sexisme et le racisme existent, mais bien loin de nos contrĂ©es »[3]. Cette analyse dĂ©plore notamment que l'inversion des sexes « assure plutĂŽt la permanence de la grille elle-mĂȘme, prĂ©sentant lâinsurrection comme la reproduction lĂ©gĂšrement amĂ©nagĂ©e du mĂȘme »[3].
Style du film
Outre son aspect dystopique, le film se rĂ©approprie les codes du conte de fĂ©es[8], en dĂ©tournant surtout Cendrillon[12]. Isabelle Regnier estime que cette relecture est « passĂ©e au filtre des thĂ©ories des philosophes Michel Foucault et Judith Butler »[19]. Le choix du conte tient dans la capacitĂ© de ce genre Ă instruire et faire rĂ©flĂ©chir Ă travers une histoire imaginaire, tout en permettant plusieurs grilles de lecture selon les thĂ©ories de Bruno Bettelheim[36]. Son cĂŽtĂ© conte philosophique a valu au film d'ĂȘtre comparĂ© aux Ă©crits de Voltaire[9] - [34] - [3]. Le scĂ©nario est Ă©galement un apologue qui utilise l'absurde comme technique d'argumentation[9]. Dans Le Nouvel Observateur, Alexandre Boussageon rapproche le prĂ©nom du personnage principal de Jacques Derrida, philosophe de la dĂ©construction dont Jackie Ă©tait le vrai prĂ©nom[9]. Dans sa façon de dĂ©noncer par le rire, le film tient aussi de la farce, dans la lignĂ©e de MoliĂšre[36] ainsi que de l'humour burlesque[35] - [38]. Boussageon compare aussi le ton humoristique Ă ceux de Jean Yanne et de Groland[9]. Riad Sattouf dit avoir voulu utiliser « diffĂ©rents registres comiques », y compris le « rire de malaise » comme dans la scĂšne du viol[1]. L'utilisation des chevaux a Ă©galement Ă©tĂ© mise en parallĂšle avec la domination Ă©quine des Houyhnhnms sur les Yahoos dans Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift[3].
Plusieurs films ont Ă©tĂ© citĂ©s par les critiques pour dĂ©crire le film de Riad Sattouf. Dans Les Inrockuptibles, Jacky Goldberg le compare Ă ceux de Jacques Demy : « lâhomme enceint de L'ĂvĂ©nement le plus important depuis que l'homme a marchĂ© sur la Lune, le conte dĂ©tournĂ© Ă la Peau dâĂąne, les femmes guerriĂšres de Lady Oscar »[37]. Alexandre Boussageon considĂšre que les « pieuses voileries blanches rappellent la profane panoplie des gamĂštes de Woody Allen dans Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe »[9]. Isabelle Regnier rapproche aussi le film des univers de Tex Avery et de Charlie Chaplin[19].
Personnages
Comme le film dĂ©tourne Cendrillon, les personnages reprĂ©sentent en partie ceux du conte. Si Jacky est Cendrillon et la Colonnelle le prince, le personnage de Brunu incarne celui de la marĂątre alors que Vergio et Juto sont un pendant des belles-sĆurs de Cendrillon[36]. Julin fait figure de marraine-fĂ©e pour Jacky et des lĂ©gumes permettent d'accĂ©der au palais[1] - [10]. Jacky reprend, de façon dĂ©tournĂ©e, les attributs et caractĂ©ristiques de Cendrillon : il fuit le bal lorsque son dĂ©guisement est dĂ©couvert, et la perruque remplace les pantoufles[10] - [1]. Selon Riad Sattouf, Jacky et Cendrillon ont tous deux quelque chose de « collabo » : lorsque Jacky « prend conscience de la rĂ©alitĂ© quâil ne comprenait pas, et mĂȘme quand il provoque la rĂ©volution sans le faire exprĂšs, il continue Ă ĂȘtre un collabo malgrĂ© tout »[10]. Le rĂ©alisateur dĂ©crit son personnage comme Ă©tant conservateur car il a « beaucoup de mal Ă changer » et « ne se rebelle pas contre la famille »[10].
Dans LibĂ©ration, Ăric Loret voit dans le personnage de la GĂ©nĂ©rale « une sorte de Pinochet fĂ©minin qui flingue dans tous les coins, provoquant la suspension de la satire par le grotesque, le boiteux, l'Ă©hontĂ© », alors que la Colonelle est une « lesbienne, limite frigide, entourĂ©e de garçons qui font des rĂȘves de princesse »[11]. Dans Le Nouvel Observateur, Alexandre Boussageon trouve que « NoĂ©mie Lvovsky, sanglĂ©e dans son bel uniforme, ressemble Ă Zlatan Ibrahimovic », et il surnomme la GĂ©nĂ©rale « Big Mother »[9], en rĂ©fĂ©rence au « Big Brother » du roman 1984. BĂ©atrice Moreno, sur Rue89, compare en outre AnĂ©mone, « totalement dĂ©jantĂ©e », Ă Charlie Chaplin dans le rĂŽle-titre du Dictateur[36].
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Site officiel
- Ressources relatives Ă l'audiovisuel :
- Allociné
- Centre national du cinéma et de l'image animée
- CinémathÚque québécoise
- Unifrance
- (en) AllMovie
- (en) IMDb
- (en) LUMIERE
- (de) OFDb
- (en) Rotten Tomatoes
- (mul) The Movie Database
- Dessins préparatoires de Riad Sattouf dans un article du site de Télérama publié le
Notes
- Malgré le titre du film, les personnages de la Générale et de la Colonelle parlent de république et non de royaume. Toutefois le nom varie : la Générale parle de « République populaire et démocratique de Bubunne » dans son discours du début, alors que sa fille inverse le nom dans le discours final : « République démocratique et populaire de Bubunne ».
- La principale productrice, Anne-Dominique Toussaint, est belge, mais sa société, Les Films des Tournelles, est une société française basée à Paris.
- Marina Kulumbegashvili est la premiÚre assistante mise en scÚne de l'équipe géorgienne.
- Nikoloz Avaliani, parfois crédité sous le nom d'Avi Liani, est l'un des producteurs exécutifs de l'équipe géorgienne.
- Giorgi Ramishvili est le directeur de production de l'équipe géorgienne.
- Riad Sattouf raconte en détail cette anecdote dans le deuxiÚme tome de sa bande dessinée autobiographique L'Arabe du futur.
- Les sources évoquent le terme de « palais de Gori » pour désigner l'actuel hÎtel de ville.
- Le sigle BGM signifie « Background music ». Il s'agit donc ici d'une musique de fond provenant de la bande originale de la série animée Saint Seiya.
- Les mois sont donnés à titre indicatif pour avoir un aperçu de l'ordre chronologique de projection du film. Les dates précises ne sont pas toujours disponibles dans les sources.
- French Cinema Now est un festival organisé par le Festival international du film de Seattle à une autre période que le festival principal.
- Notons que la pertinence de l'expression « théorie du genre » est contestée et que cette expression est généralement employée soit par méconnaissance du concept de genre et des études sur celui-ci, soit par volonté de s'opposer à cette notion. Pour plus d'explications, voir l'article « Genre (sciences sociales) ».
- Il est probable que l'insistance de Jacky Goldberg sur le choix du titre soit une facĂ©tie de sa part, due au fait qu'il se prĂ©nomme lui-mĂȘme Jacky.
- L'InathÚque, qui conserve l'historique de tous les programmes télévisés des chaßnes hertziennes françaises depuis 1995, dont la diffusion des longs métrages, permet de vérifier la maniÚre dont a été programmé un film. Pour Jacky au royaume des filles, la base de données récapitule 35 diffusions, dont 34 sur les chaßnes du Groupe Canal+. Voir Formulaire de recherche de l'InathÚque.
- Béatrice Moreno détourne là le titre de la piÚce de théùtre La guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux.
Références
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- Amélie Tsaag-Valren, « Quand le cheval prédit l'avenir⊠», sur cheval-savoir.com (consulté le ).
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