Queer
Queer est un mot anglais signifiant « étrange », « peu commun » ou « bizarre », il est utilisé pour désigner l'ensemble des minorités sexuelles et de genres, c'est-à -dire les personnes ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre différentes de l'hétérosexualité ou la cisidentité[1] - [2].
Le vocable queer qui convoque l'extravagance, le hors-norme, a longtemps Ă©tĂ© une injure homophobe avant que les militants amĂ©ricains du mouvement homosexuel, au dĂ©but des annĂ©es 1990, ne s'approprient ce terme pour se dĂ©signer eux-mĂȘmes, et lui attribuent une connotation positive[3]. Bien que les personnes queer ne se reconnaissent pas nĂ©cessairement dans la thĂ©orie queer post-moderne forgĂ©e Ă partir de Judith Butler, l'amalgame s'est gĂ©nĂ©ralisĂ© avec le temps.
Sous la plume de Teresa de Lauretis, thĂ©oricienne majeure de la thĂ©orie queer, ce regroupement propose une nĂ©cessaire complĂ©mentaritĂ© au fĂ©minisme matĂ©rialiste : dĂ©finir et construire une alternative crĂ©dible au patriarcat hĂ©tĂ©ronormatif et cisnormatif, Ă savoir un espace Ă la fois conceptuel et politique aux genres et aux orientations sexuelles dĂ©catĂ©gorisĂ©es. Cela est tout aussi nĂ©cessaire et ne vient pas en contradiction avec le matĂ©rialisme. Il veut lutter contre lâoppression rĂ©elle, matĂ©rielle des femmes et des personnes trans, tout en prenant soin de laisser cette oppression dans son contexte historique et social, Ă savoir la structure patriarcale et capitaliste de la sociĂ©tĂ©, pour Ă©viter dâen faire un « Ă©tant-toujours-dĂ©jĂ -là »[4], ce qui rendrait sa destruction impossible.
Histoire
Le mot avait été utilisé comme titre pour le roman Queer (en), texte partiellement autobiographique de William S. Burroughs en 1953 (publication en 1985), qui y parlait de son homosexualité.
En 1969, dans un bar appelĂ© Stonewall Inn Ă New York, des Ă©meutes ont Ă©clatĂ©, rĂ©ponse de la clientĂšle gay, lesbienne et trans Ă leur arrestation par la police. La cause de cette arrestation manquĂ©e Ă©tait une loi qui interdisait le port des vĂȘtements masculins par une personne du sexe fĂ©minin ou de vĂȘtements fĂ©minins par une personne masculine. Ces Ă©meutes, dont l'anniversaire se cĂ©lĂšbre annuellement sous le nom de Marche des fiertĂ©s, marquent la naissance du mouvement lesbien, gay, bi et trans (LGBT).
Un des buts prioritaires de ce nouveau mouvement concernait la suppression en tant que maladie mentale de l'homosexualité, de la bisexualité et de la transidentité, du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), qui fournit la nosologie définitive de l'Association américaine de psychiatrie (APA).
La question du statut médical dominait l'identité homosexuelle depuis le XIXe siÚcle, et avait été l'élément décisif dans la conception de l'homosexualité en tant que catégorie. Cependant la honte de l'homosexualité travaillait toujours à l'intérieur de cette identité. Avec l'élimination de la classification officielle de perversion par l'APA, le « coming out », qui consiste à révéler sa propre homosexualité est devenu l'un des traits prépondérants de la nouvelle homosexualité. La pratique de faire son coming out constitue une revendication identitaire.
Avec la prédominance du coming out et donc la présence reconnaissable des homosexuels, l'homosexualité est devenue une identité basée autant, sinon plus, sur la discursivité et le comportement que sur la pratique des actes homosexuels.
Une autre différence entre ces mouvements et le mouvement LGBT est qu'il n'a pas eu de précédent au XIXe siÚcle. Il était donc nécessaire pour les militants gays et lesbiennes de choisir un modÚle pour leur nouveau mouvement, et le succÚs récent des militants noirs a été déterminant.
Les racines idéologiques de la théorie queer se trouvent dans le féminisme américain des années 1980. Avant cette date, le féminisme, comme d'autres mouvements semblables, espérait que le progrÚs social viendrait par un changement de législation. Les arguments pour le passage de législations progressistes ont perpétuellement fait la comparaison entre le groupe minoritaire en question et le citoyen universel, c'est-à -dire l'homme cisgenre hétéro riche et blanc. Quelle que soit la raison, plusieurs mouvements ont commencé aprÚs les années 1970 à contester cette image du citoyen universel, et à valoriser leur propre pouvoir, capacité d'action, (agency). Cette tendance (notablement postmoderniste) a provoqué une rupture plus grande encore entre l'homme et la femme et a essentialisé ce qui constituait le féminin. Cette tendance se montre surtout dans La Femme mystifiée (original en anglais/américain : The Feminine Mystique) de Betty Friedan, chef de la National Organization for Women (NOW), qui a été d'ailleurs critiqué parce qu'il ignorait toute la population des femmes qui n'étaient pas blanches ou d'une classe sociale aisée.
Cette vague de fĂ©minisme se situait donc dans la notion de la diffĂ©rence : soit la diffĂ©rence entre les hommes et les femmes, soit la conceptualisation du sujet et de l'objet de plusieurs phĂ©nomĂšnes sociaux (le discours, l'art, le mariageâŠ). Pourtant ce mouvement radical de la deuxiĂšme vague du fĂ©minisme a Ă©tĂ© troublĂ© par deux phĂ©nomĂšnes idĂ©ologiques, et tous les deux s'articulaient aux questions de sexualitĂ© et de genre.
Le premier concernait les « Sex Wars » qui divisaient les théoriciennes et militantes féministes sur le rÎle de la pornographie dans l'oppression des femmes.
L'autre fĂȘlure, la « menace mauve », concernait la prĂ©sence de lesbiennes dans les rangs de fĂ©ministes. Comme les ennemis du fĂ©minisme utilisaient (et utilisent encore) souvent le « lesbian baiting » (le harcĂšlement (homophobique) des fĂ©ministes, qui essayait de rĂ©duire ce qu'elles disaient en les accusant d'ĂȘtre des lesbiennes) contre les arguments fĂ©ministes, une grande partie de militantes montraient leur propre homophobie en hĂ©sitant Ă avouer que quelques-unes parmi elles Ă©taient bien des lesbiennes. Les lesbiennes de la « menace mauve » affirmaient qu'elles Ă©taient plus fĂ©ministes grĂące Ă leur distance des hommes, tandis que les fĂ©ministes hĂ©tĂ©rosexuelles rĂ©cusaient cet argument, disant que les rĂŽles garçon et femme des lesbiennes ne font que singer le mariage hĂ©tĂ©rosexuel.
L'homophobie prévalente de la deuxiÚme vague, sa concentration sur les pratiques sexuelles, et surtout la division qu'elle engendrait, ont fait naßtre la théorie queer au début des années 1990.
Notes et références
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- Alain Vest, « Histoire du terme Queer », sur bearwww.com (consulté le ).
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Annexes
En anglais
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Articles connexes
Liens externes
- Le laboratoire politique Think Tank Different : Une théorie queer de l'espace public Virginie Martin, Pierre Lénel et Thomas Hollande
- [vidĂ©o] FĂMINISME - FĂ©minisme Queer sur YouTube, chaine Game Of Hearth