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Paul B. Preciado

Paul B. Preciado, connu sous le nom de Beatriz Preciado jusqu'en 2015, est un chercheur, commissaire d'exposition et écrivain espagnol né le à Burgos. Il est notamment connu pour son livre Testo Junkie : sexe, drogue et biopolitique publié en 2008.

Paul B. Preciado
Paul B. Preciado Ă  la Berlinale 2023.
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ƒuvres principales

Proche des mouvements fĂ©ministe, queer, transgenre et pro-sexe, Preciado thĂ©orise notamment dans son Ɠuvre l'abolition des diffĂ©rences entre les sexes, les genres et les sexualitĂ©s. Preciado se considĂšre dans un premier temps comme une femme lesbienne, puis comme « gouine trans » et « garçon-fille », revendiquant de n'appartenir Ă  aucun des genres masculin et fĂ©minin. En , il se dĂ©clare « trans in between non opĂ©rĂ© », puis dĂ©cide en d'utiliser le nom « Paul B. Preciado » et choisit le masculin pour s’identifier.

Biographie

Preciado, né Béatriz Preciado, grandit dans une famille catholique qui le place dans une école religieuse non mixte[1].

Dans les années 1990, il étudie à la New School for Social Research de New York grùce à une bourse Fulbright[2]. Ses professeurs sont notamment Jacques Derrida[1] et Ágnes Heller[2].

En 2000, il s’installe Ă  Paris, et en 2002, organise le premier atelier dragking en France[1]. Il retourne aux États-Unis et obtient en 2004 un doctorat de thĂ©orie de l'architecture Ă  l'universitĂ© de Princeton[3]. Sa thĂšse est consacrĂ©e Ă  la place de l'architecture dans le magazine Playboy[4]. Il en tire ensuite l'ouvrage Pornotopie : Playboy et l'invention de la sexualitĂ© multimĂ©dia[5].

Preciado est chercheur associé au centre de recherche sur la danse de l'université Paris-VIII[6]. Preciado a dirigé le projet « Technologies du Genre » au sein du programme d'études indépendantes du musée d'Art contemporain de Barcelone[7].

Preciado a Ă©tĂ© en couple avec l'Ă©crivaine Virginie Despentes[8] (laquelle s’est alors dĂ©clarĂ©e publiquement comme lesbienne) de 2005[9] Ă  2014[10].

En , Preciado s'oppose aux limitations de l'avortement promulguĂ©es par le gouvernement de Mariano Rajoy. Dans un texte intitulĂ© « dĂ©clarer la grĂšve des utĂ©rus », il appelle les femmes Ă  « [s'affirmer] en tant que citoyens entiers et non plus comme utĂ©rus reproductifs. Par l’abstinence et par l'homosexualitĂ©, mais aussi par la masturbation, la sodomie, le fĂ©tichisme, la coprophagie, la zoophilie
 et l'avortement » et Ă  « [ne pas laisser] pĂ©nĂ©trer dans nos vagins une seule goutte de sperme national catholique[11]. »

Preciado collabore comme consultant et commissaire d’exposition avec le musĂ©e Reina Sofia Ă  Madrid[12]. En 2014-2015, Paul Preciado est professeur invitĂ© Ă  l'universitĂ© de New York et Ă  l'universitĂ© de Princeton[13].

Paul B. Preciado en 2018.

Identité de genre

En 2008, Ă  la publication de Testo-Junkie qui raconte son expĂ©rience de prise de testostĂ©rone, Preciado se prĂ©sente comme lesbienne, puis comme « gouine trans » et « garçon-fille », revendiquant de n'appartenir Ă  aucun des deux genres masculin et fĂ©minin[1]. En , Preciado se dĂ©clare « trans in between non opĂ©rĂ© »[10], puis dĂ©cide en d'utiliser le nom « Paul B. Preciado » et choisit le masculin pour s’identifier[14].

Preciado a depuis signé tous ses textes sous ce nom, en utilisant le masculin, que ce soit pour la revue Artforum[15], dans ses chroniques pour le journal Libération, pour le magazine Mousse[16] ou encore dans le cadre de contributions à des ouvrages collectifs[17]. Il évoque son changement de nom dans de nombreux entretiens[18], notamment pour le quotidien suisse Le Temps[19]. D'autres médias, comme Mediapart, utilisent son nouveau nom ainsi que le masculin sans pour autant aborder la question de ce changement d'identité[20] - [21] - [22] - [23].

Le , Paul B. Preciado a changé d'état civil et est administrativement un homme, abandonnant son nom de naissance[24] - [19] - [14].

ƒuvre

L'Ɠuvre de Preciado questionne les nouvelles technologies du corps (hormones, chirurgie plastique
), leurs usages mĂ©dicaux disciplinaires (comme la rĂ©assignation d'un sexe aux personnes intersexuĂ©es) et leur potentiel de subversion du systĂšme de genre par de nouveaux codages corporels. Ses textes sont souvent Ă©crits Ă  la premiĂšre personne et contiennent des dĂ©tails autobiographiques.

Manifeste contra-sexuel

Dans son Manifeste contra-sexuel, paru d'abord en France en 2000 puis en Espagne sous le titre Manifiesto contra-sexual en 2002 (Manifiesto contrasexual), Preciado tente de dĂ©finir une alternative Ă  l'hĂ©tĂ©rosexualitĂ© en dĂ©veloppant de nouvelles formes de sexualitĂ©. Pour ce faire, l'auteur dĂ©centre la connotation sexuelle traditionnellement liĂ©e au pĂ©nis et au vagin pour constituer et proclamer une sexualitĂ© dans laquelle l'anus et le godemichet (chaque partie du corps pouvant ĂȘtre ou devenir un godemichet) sont au centre du comportement sexuel.

Le manifeste de Preciado esquisse l'Ă©bauche d'un systĂšme sociĂ©tal qui se dĂ©fait des normes de genre et de la distribution traditionnelle des rĂŽles afin de crĂ©er une sociĂ©tĂ© nouvelle. La contra-sexualitĂ© est une rĂ©flexion critique sur le « contrat social hĂ©tĂ©rocentriste »[25] qui fait de l'hĂ©tĂ©rosexualitĂ© une norme et refuse toute forme de dĂ©viance. Preciado parle de « performances normatives, qui viennent s'imposer dans le corps comme des vĂ©ritĂ©s biologiques »[25]. Le Manifeste dĂ©nonce un conditionnement des ĂȘtres humains : la nature de l'homme et de la femme serait dĂ©terminĂ©e par la culture et projetĂ©e automatiquement sur l'individu. Preciado souhaite rompre avec le « contrat social hĂ©tĂ©rosexuel » et le remplacer par un « contrat social contra-sexuel », ce qui passe par une « dĂ©construction systĂ©matique de la naturalisation des pratiques sexuelles et de l'ordre sociĂ©tal »[25]. Tout comme Judith Butler, Preciado emploie le concept de « performance ». Selon Preciado, le « systĂšme hĂ©tĂ©rosexuel » fonctionnerait au travers de codes culturels, c'est-Ă -dire un cercle fait de performance, d'imitation, de production et de reproduction, grĂące auquel Ă©mergent des identitĂ©s de genre prĂ©sentĂ©es comme naturelles.

Preciado dĂ©finit la contra-sexualitĂ© comme « une thĂ©orie du corps, qui se trouve en dehors de l'opposition entre masculin et fĂ©minin, entre mĂąle et femelle, entre hĂ©tĂ©rosexuel et homosexuel. Il dĂ©finit la sexualitĂ© comme une technologie et considĂšre les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments du systĂšme de sexe et de genre (
) tout comme ses pratiques et ses identitĂ©s sexuelles »[26]. L'auteur oppose Ă  ce systĂšme l'idĂ©e que la sexualitĂ© dĂ©finit l'individu dans une sociĂ©tĂ©, et vise Ă  libĂ©rer cet individu grĂące Ă  sa sociĂ©tĂ© alternative contra-sexuelle. Celle-ci se base sur un contrat contra-sexuel adoptĂ© par deux ou plusieurs individus. Ce contrat rĂšgle le comportement sexuel des signataires jusqu'aux moindres dĂ©tails. Il est constituĂ© de principes formulĂ©s par Ă©crit avec lesquels les membres de la sociĂ©tĂ© se dĂ©clarent en accord. Les signataires renoncent d'abord Ă  toute forme d'identitĂ© sexuelle dans la mesure oĂč ils renoncent Ă  la conception naturaliste de la fĂ©minitĂ© et de la masculinitĂ© et donc aux privilĂšges et aux devoirs qui y sont liĂ©s. Ensuite, la relation interpersonnelle est dĂ©finie plus prĂ©cisĂ©ment. Le contrat n'est ni l'Ă©quivalent d'un mariage, ni celui d'une communautĂ© de vie. La reproduction n'est pas contenue dans le contrat et ne peut se produire que si les deux ou plusieurs partenaires sont d'accord. Le contrat lui-mĂȘme ne se rapporte qu'Ă  l'acte sexuel. Dans le cadre de l'abolition des stĂ©rĂ©otypes de genre, l'anus devient le nouveau « centre universel contra-sexuel »[27]. En effet, l'anus n'est pas discriminant et ne crĂ©e pas de catĂ©gories, et devient une mĂ©taphore pour l'absence de normes de genre.

Testo Junkie : sexe, drogue et biopolitique

Testo Junkie est un livre de Preciado, publiĂ© en Espagne (sous le titre Testo yonqui) et en France en 2008, traduit en anglais en 2013[28], qui relate l’expĂ©rience de Preciado s’administrant de la testostĂ©rone en gel appelĂ©e Testogel[29]. Cet acte, qui se veut politique et performatif, est dĂ©crit par Preciado comme une stratĂ©gie visant Ă  dĂ©faire le genre inscrit Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme de son corps par un systĂšme de contrĂŽle de la sexualitĂ© et de la contraception[30].

Testo Junkie est un hommage Ă  l’auteur Guillaume Dustan, ami proche de Preciado, mort d'une intoxication mĂ©dicamenteuse[31].

Preciado dĂ©crit et analyse dans l'ouvrage les changements induits par la testostĂ©rone Ă  la lumiĂšre d’une histoire d’amour avec sa partenaire de l’époque, l’écrivaine Virginie Despentes (« VD » dans le livre)[32]. Testo Junkie est Ă©galement une histoire politique des substances de transformation des corps : pilule contraceptive, Viagra, produits dopants, Prozac, androgĂšnes et ƓstrogĂšnes cliniques.

Preciado prolonge dans cet ouvrage l’Ɠuvre de Michel Foucault. Ce dernier a dĂ©crit mĂ©ticuleusement la succession d'une Ăšre de la souverainetĂ© et d'une Ăšre disciplinaire. Preciado estime qu'Ă  partir de la seconde guerre mondiale nous sommes entrĂ©s dans une nouvelle Ăšre nommĂ©e « pharmacopornographique ». InterpĂ©nĂ©tration de l’industrie pharmaceutique et de l’industrie pornographique dans un capitalisme tardif, impactant les cycles reproductifs et le contrĂŽle social par le biais d’une rĂ©gulation des corps[33]. Si l'on entend par pharmakon — le remĂšde et le poison au sens grec — et par pornographie tous les dispositifs capables de crĂ©er une rĂ©action d'excitation-frustration, alors l'Ăšre pharmacoporno prend un sens plus large et plus complexe. La catĂ©gorie du fĂ©minin s'est Ă©largie grĂące Ă  la dĂ©connexion entre le sexe et le genre. Le systĂšme Ă©conomico-politique demeurĂ© hĂ©tĂ©ro-normatif, en incorporant des biofemmes et biohommes (auto)codifiĂ©s au fĂ©minin, peut alors ĂȘtre lu comme la mise en place d'un immense bordel connectant, par les mĂ©dias, la sphĂšre du travail, et celle du social, des technocorps-prostituĂ©s Ă  des technocorps-clients-consommateurs. La prostitution dĂ©passe en ce sens la production de sperme, au sens littĂ©ral, qui Ă©tait le but de cette institution dans son ancienne forme. Le rĂŽle de la prostituĂ©e pharmacoporno est d'augmenter la potentia gaudendi, ou « force orgasmique », un concept que Preciado dĂ©finit comme la « puissance (actuelle ou virtuelle) d'excitation (totale) d'un corps »[34] c'est-Ă -dire une capacitĂ© de jouir constituant une force de travail dans le capitalisme pharmacopornographique[35].

Pornotopie : Playboy et l'invention de la sexualité multimédia

Pornotopie est la republication d’une thĂšse de doctorat d’abord publiĂ©e en espagnol en 2010[36]. Dans cet ouvrage, Preciado s’intĂ©resse au magazine Playboy crĂ©Ă© en 1953 par Hugh Hefner. Selon Preciado, Playboy est le prĂ©curseur de la mĂ©diatisation de la sphĂšre intime, telle qu’on peut la retrouver aujourd’hui aussi bien dans la tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© que dans les rĂ©seaux sociaux. Produits dĂ©rivĂ©s, hĂŽtels, clubs avec hĂŽtesses (les « bunnies » ou « Playboy Bunny »), chaĂźne de tĂ©lĂ©vision mettant en scĂšne l’intĂ©rieur du manoir Playboy, invention de la « fille d’à-cĂŽtĂ© » (girl next door) faisant de toute femme une potentielle playmate, le magazine met en place un vĂ©ritable empire qui annonce et influence l'Ăšre mĂ©diatique actuelle[37].

Le terme « pornotopie » est un emprunt Ă  Steven Marcus dans son essai The Other Victorians: A study of Sexuality and Pornography in the Mid-Nineteenth Century England[38] (1964), qu'il dĂ©finit comme « un espace plastique, un fantasme Ă  la fois familier et inavouable, qui se situe quelque part derriĂšre les yeux, Ă  l'intĂ©rieur du crĂąne, mais qui ne peut pas ĂȘtre localisĂ© dans l'espace physique[39] ». Preciado suppose que les travaux de Marcus ont probablement influencĂ© le philosophe Michel Foucault dans son travail sur la spatialisation de la connaissance et du pouvoir, et qui le mĂšnera Ă  la crĂ©ation de la notion d'hĂ©tĂ©rotopie qu'il dĂ©finit comme « des lieux rĂ©els, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinĂ©s dans l'institution mĂȘme de la sociĂ©tĂ©, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d'utopies effectivement rĂ©alisĂ©es dans lesquelles les emplacements rĂ©els, tous les autres emplacements rĂ©els que l'on peut trouver Ă  l'intĂ©rieur de la culture sont Ă  la fois reprĂ©sentĂ©s, contestĂ©s et inversĂ©s, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables[40] ».

Le travail de Preciado sur la « pornotopie » Playboy se prĂ©sente comme une poursuite de la rĂ©flexion de Marcus et Foucault, proposant que « le complexe mĂ©diatique qui s'Ă©tait dĂ©veloppĂ© autour du Manoir Playboy fonctionnait, contre les attentes de Marcus, comme une “pornotopie” localisĂ©e, une hĂ©tĂ©rotopie sexuelle propre au capitalisme tardif des sociĂ©tĂ©s de superconsommation de la guerre froide[41] ». La dĂ©finition de « pornotopie » de Preciado est la suivante :

« Ce qui caractérise une pornotopie est sa capacité d'établir des rapports singuliers entre espace, sexualité, plaisir et technologie (audiovisuelle, biochimique, etc.), en altérant les conventions sexuelles et des genres tout en produisant la subjectivité sexuelle comme un dérivé de ces opérations spatiales[42]. »

Dans son ouvrage, Preciado définit six types particuliers de pornotopie :

  • les pornotopies « de large prolifĂ©ration », qui consistent en un territoire rĂ©gi par ses propres rĂšgles, us et coutumes (exemple des Red-light district) ;
  • les pornotopies « localisĂ©es » (Peep show, Club Ă©changiste, Love hotel) ;
  • les pornotopies « de restrictions » (prison, hĂŽpital, Ă©cole, couvent, dans leur rapport de nĂ©gation Ă  la sexualitĂ©) ;
  • les pornotopies « de transitions », oĂč le rapport Ă  l'espace est dĂ©terminĂ© par l'Ă©vĂ©nement (Nuit de noces/ Lune de miel, Tourisme sexuel) ;
  • les pornotopies « subalternes », qui se crĂ©ent en fonction de l'installation d'une minoritĂ© dissidente dans un territoire donnĂ©, rendant cette mĂȘme minoritĂ© visible et s'affirmant comme telle dans l'espace urbain et social (quartier gay) ;
  • les pornotopies « de rĂ©sistance », qui sont des manifestations Ă©phĂ©mĂšres (Ă  l'inverse des pornotopies subalternes) matĂ©rialisant des rĂ©gimes et des subjectivitĂ©s sexuelles gĂ©nĂ©ralement invisibles (Gay pride, SlutWalk, manifestations pour les droits des prostituĂ©es).

Selon Preciado, l’homme « Playboy » s’est construit contre le modĂšle traditionnel du pĂšre de famille des annĂ©es 1950 : il est cĂ©libataire, collectionne les conquĂȘtes, habite en ville, aime les gadgets technologiques et c’est un homme d’intĂ©rieur. En effet, dĂšs les premiers numĂ©ros, Hugh Hefner plaide pour une reconquĂȘte de l’espace domestique, traditionnellement assignĂ© aux femmes. Il s’intĂ©resse au design, Ă  l’architecture et Ă  la dĂ©coration[43]. Ce renversement des intĂ©rĂȘts typiquement fĂ©minins repris comme gages de la masculinitĂ© est illustrĂ© par Preciado par le modĂšle du soldat remplacĂ© par le modĂšle camĂ©lĂ©on et sophistiquĂ© de l'espion qui apparaĂźt avec le commencement de la Guerre froide. Preciado explique comment historiquement et philosophiquement Playboy se placerait dans la continuitĂ© des maisons de plaisir et des utopies sexuelles architecturales du marquis de Sade, de Claude-Nicolas Ledoux ou de Restif de La Bretonne[44].

Preciado fait Ă©galement des rapprochements entre les revendications du fĂ©minisme radical et Playboy : Hefner critique notamment l'institution du mariage, la sexualitĂ© aux fins uniquement reproductives et il remet en question l'espace domestique consacrĂ© Ă  la femme mĂ©nagĂšre. Cependant, ses revendications se concentreraient selon Preciado Ă  dĂ©velopper une nouvelle masculinitĂ© plutĂŽt qu'une nouvelle fĂ©minitĂ©. Cette nouvelle masculinitĂ© « se traduit dans une rĂ©organisation de l’espace domestique et des plaisirs sexuels[45] ». Il veut « dĂ©fĂ©miniser » des espaces traditionnellement fĂ©minins comme la cuisine, la salle Ă  manger ou la chambre Ă  coucher. Preciado dĂ©crit en dĂ©tail le lit « pharmaco-pornographique » d'Hefner. Ce lit rotatif et technologique sert Ă  une multitude de fonctions : travail, dĂ©tente, transfert d'informations et sexualitĂ©. À la diffĂ©rence du lit conjugal, « aucune femme n'Ă©tait invitĂ©e Ă  y rester plus que nĂ©cessaire[46] ».

Pornotopie est laurĂ©at du prix Sade de l’essai en 2011[47], finaliste du prix Anagrama en 2010.

Un appartement sur Uranus - Chroniques de la traversée

PubliĂ© en 2019 aux Éditions Grasset, Un appartement sur Uranus, chroniques de la traversĂ©e est un livre qui rassemble des chroniques rĂ©digĂ©es entre 2013 et 2018 et publiĂ©es dans le journal LibĂ©ration[48]. Le titre fait rĂ©fĂ©rence Ă  Karl Heinrich Ulrichs, pionnier des luttes homosexuelles, qui utilisait le terme de « uranier » pour parler des hommes homosexuels, comme l’explique la prĂ©sentation de l’édition : « Au XIXe siĂšcle, lorsque l’homosexualitĂ© est inventĂ©e comme crime et maladie mentale en Europe, l’écrivain Karl Heinrich Ulrich est le premier Ă  se dĂ©clarer « uraniste » et Ă  affirmer les droits de « ceux qui aiment diffĂ©remment ». »[49] Le terme d’uranus est similaire Ă  celui de queer mais a une connotation moins politique puisque Preciado cherche Ă  se dĂ©faire des politiques identitaires[50].

Ces chroniques ont Ă©tĂ© Ă©crites pendant des voyages mais aussi pendant sa transition de genre. Le sous-titre « chroniques de la traversĂ©e » fait donc Ă  la fois rĂ©fĂ©rence Ă  la traversĂ©e des frontiĂšres des pays mais aussi des identitĂ©s de genre[51]. Le motif du voyage est d’ailleurs un leitmotiv tout au long du livre qui matĂ©rialise le refus de se sĂ©dentariser dans une identitĂ©. RĂ©vĂ©lateur d’une volontĂ© de nomadisme identitaire, le voyage lui permet une exploration de sa propre subjectivitĂ©.

Orlando : ma biographie politique

Preciado rĂ©alise le film Orlando : ma biographie politique, dont le titre fait rĂ©fĂ©rence au roman Orlando de Virginia Woolf. Le film est prĂ©sentĂ© en fĂ©vrier Ă  la Berlinale 2023, oĂč il reçoit le prix spĂ©cial du Jury dans la section Encounters et le Teddy Award du meilleur documentaire[52]. Il est ensuite prĂ©sentĂ© au Centre Pompidou le 2 avril 2023[53].

Publications

Sous le nom de Beatriz Preciado

  • Manifeste contra-sexuel (trad. Marie-HĂ©lĂšne Bourcier), Diable Vauvert, (1re Ă©d. 2000) (ISBN 978-2-84626-231-6)
  • Testo junkie : sexe, drogue et biopolitique (trad. de l'espagnol), Paris, Grasset, , 389 p. (ISBN 978-2-246-73271-6)
  • Pornotopie : "Playboy" et l'invention de la sexualitĂ© multimĂ©dia (trad. de l'espagnol par Serge Mestre et Beatriz Preciado), Paris, Climats, , 241 p. (ISBN 978-2-08-125544-9)

Sous le nom de Paul B. Preciado

  • Un appartement sur Uranus : Chroniques de la traversĂ©e (prĂ©f. Virginie Despentes), Paris, Grasset, , 336 p. (ISBN 978-2-246-82066-6)
  • Je suis un monstre qui vous parle : Rapport pour une acadĂ©mie de psychanalystes, Grasset, , 128 p. (ISBN 9782246825562)
  • Dysphoria Mundi, Grasset, 2022

Contributions Ă  des ouvrages collectifs

  • Anne Dressen, Teresa Grandas et Paul B. Preciado, La passion selon Carol Rama : [exposition, Paris, 3 avril-12 juillet 2015], MusĂ©e d'art moderne de la Ville de Paris, Paris, Paris-MusĂ©es, , 276 p. (ISBN 978-2-7596-0285-8)

Articles

  • « Multitudes Queer, Notes pour une politique des anormaux », Multitudes, no 12,‎ (DOI 10.3917/mult.012.0017, lire en ligne)
  • « Mies-conception : la maison Farnsworth et le mystĂšre du placard transparent » (trad. Anouk DevillĂ© et Anne Verheeken), Multitudes, no 20,‎ (lire en ligne)
  • « Savoirs_Vampires@War », Multitudes, no 20,‎ (lire en ligne)
  • « Biopolitique Ă  l’ùre du capitalisme pharmacopornographique », ChimĂšres, no 74,‎ , p. 310 (ISBN 9782749234083, lire en ligne)
  • (en + it) « Philippe Parreno and Paul B. Preciado in conversation with Hans Ulrich Obrist », Mousse, no 47,‎ , p. 296 (ISSN 2035-2565)[16]
  • (en) « Pop Quiz: Paul B. Preciado on the Bruce Jenner interview », Artforum,‎ (lire en ligne)

Chroniques

Projets dans l'art contemporain

Commissariat d'exposition

Autres projets

  • Postporn Marathon, MusĂ©e d'art contemporain de Barcelone (2004)[59]
  • Art After Feminism, MusĂ©e d'art contemporain de Barcelone (7–15/04/2008)[60]
  • International Cuir, MusĂ©e Reina Sofia, Madrid (15 – 19/11/2011)[61]
  • Gender Lab, Emmetrop, Bourges (2012)[62]

Filmographie

Distinctions

  • 2021 : 2e prix Pierre Giquel de la critique d'art[63]
  • 2023 : prix spĂ©cial du Jury dans la section Encounters et Teddy Award du meilleur documentaire Ă  la Berlinale pour Orlando : ma biographie politique.

Notes et références

  1. CĂ©cile Daumas, « TĂȘte Ă  queue », LibĂ©ration, .
  2. Ricky Tucker, « Pharmacopornography: An Interview with Beatriz Preciado », (consulté le ).
  3. (es) « La filósofa Beatriz Preciado », RTVE, .
  4. (en) Richard Williams, « Pornotopia: An Essay on Playboy’s Architecture and Biopolitics, by Beatriz Preciado », Times Higher Education, .
  5. Joachim Haupt, « Pornotopie - Comment habite un Playboy ? », Arte, .
  6. Isabelle Ginot, Mahalia Lassibille, Isabelle Launay, Sylviane PagĂšs, Julie Perrin et Christine Roquet, « Le dĂ©partement Danse de l’universitĂ© Paris 8 Vincennes Saint Denis : quelques repĂšres », Recherches en danse, no 1,‎ (lire en ligne).
  7. « Beatriz Preciado », sur franceculture.fr (consulté le ).
  8. Entretien de Virginie Despentes accordĂ© Ă  l'Ă©mission À premiĂšre vue, Radio Suisse Romande, 27 septembre 2010.
  9. Preciado 2008.
  10. Preciado, Beatriz, « La statistique, plus forte que l'amour », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne).
  11. Beatriz Preciado, « Déclarer la grÚve des utérus », sur liberation.fr, (consulté le ).
  12. (es) « Programa de estudios avanzados en Pråcticas Críticas 2014 | Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía », sur museoreinasofia.es (consulté le ).
  13. (en) NYU Web Communications, « NYU Calendar », sur events.nyu.edu (consulté le ).
  14. Preciado, Beatriz, « Catalogne Trans », sur Libération, (consulté le ).
  15. (en) Paul B. Preciado, « Pop Quiz: Paul B. Preciado on the Bruce Jenner interview » (consulté le ).
  16. « Mousse – Les presses du rĂ©el (livre) », sur lespressesdureel.com (consultĂ© le ).
  17. « La passion selon Carol Rama - Catalogue de l'exposition (3 avril au 12 juillet 2015), d'Anne Dressen », sur franceculture.fr (consulté le ).
  18. (es) « Pågina/12 : soy », sur pagina12.com.ar (consulté le ).
  19. « Paul B. Preciado, par-delà le bien et le mùle », sur letemps.ch, (consulté le ).
  20. « Espagne : C'est une vague de soulÚvements qui commence », sur mediapart.fr (consulté le ).
  21. (en) « ANICKA YI: 6,070,430K of Digital Spit », sur brooklynrail.org (consulté le ).
  22. (es) « Ferran Barenblit serå el nuevo director del MACBA » (consulté le ).
  23. « Le roi d'Espagne sodomisé : une sculpture censurée à Barcelone », sur Les Inrocks (consulté le ).
  24. Paul B. Preciado, « La destruction fut ma Beatriz », LibĂ©ration.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  25. (de) Beatriz Preciado, Was ist KontrasexualitĂ€t (S.9-32), et Kontrasexuelle LeseĂŒbung (Deleuze), in : diess : Kontrasexuelles Manifest. Berlin : b_books, 2003, 10.
  26. Preciado 2000, p. 11.
  27. Preciado 2000, p. 25.
  28. (en) « Meet the 'Testo Junkie' Who Hacks Her Gender with Testosterone | VICE | Canada » (consulté le ).
  29. (en) « Testo Junkie: Sex, Drugs, and Biopolitics in the Pharmacopornographic Era by Beatriz Preciado », sur Lambda Literary (consulté le ).
  30. (en) Ricky Tucker, « Pharmacopornography: An Interview with Beatriz Preciado », (consulté le ).
  31. Jean Birnbaum, « Portrait de Guillaume Dustan en moraliste », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  32. (en) Johanna Fateman, « Bodies of Work » (consulté le ).
  33. (en) « Testo Junkie, by Béatriz Préciado » (consulté le ).
  34. (es) Beatriz Preciado, Testo Yonqui, Madrid, Espasa Calpe, , 324 p. (ISBN 978-84-670-2693-1, lire en ligne).
  35. « Lecture de testo Junkie de Beatriz Preciado », sur GenERe, (consulté le ).
  36. (en) « Pornotopia: An Essay on Playboy’s Architecture and Biopolitics, by Beatriz Preciado » (consultĂ© le ).
  37. « Pornotopie : Playboy et l'invention de la sexualité multimédia », sur telerama.fr (consulté le ).
  38. Steven Marcus, The Other Victorians : A study of Sexuality and Pornography in Mid-Nineteenth-Century England, New York, Basic Books, .
  39. Preciado 2011, p. 116.
  40. Michel Foucault, « Dits et écrits 1984 - Des espaces autres », dans Conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967, coll. « Architecture, Mouvement, Continuité » (no 5), , p. 46-49.
  41. « Beatriz Preciado. Pornotopie : Playboy et l'invention de la sexualité multimédia », Climats, 2011, p. 118.
  42. Preciado 2011, p. 119.
  43. « Les Inrocks - “Playboy ou l'invention de l'homme moderne” », sur Les Inrocks (consultĂ© le ).
  44. Sou-MaĂ«lla Bolmey, « Beatriz Preciado, Pornotopie : Playboy et l'invention de la sexualitĂ© multimĂ©dia », Critique d’art. ActualitĂ© internationale de la littĂ©rature critique sur l’art contemporain,‎ (ISSN 1246-8258, lire en ligne, consultĂ© le ).
  45. « Economie du chaud lapin », sur Nonfiction.fr (consulté le ).
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Voir aussi

Bibliographie

  • [portrait] Zineb Dryef, « Paul B. Preciado, la rĂ©volution du genre », Le Monde,‎ (lire en ligne)

Liens externes


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