Drag king
Les drag kings (terme anglais construit en miroir de drag queen) sont des personnes construisant une identité masculine volontairement basée sur des archétypes de façon temporaire le temps d'un jeu de rôle ou drag. Ces personnes peuvent revendiquer toute identité de genre et orientation sexuelle. Les drag kings construisent leur identité à travers la masculinité, au cours d'un spectacle ou d'ateliers.
Le mouvement, qui trouve son origine aux débuts du XXe siècle chez les garçonnes, est une volonté, souvent issue du mouvement du féminisme radical, de refuser les stéréotypes de genre. Si les drag kings manifestent par leur apparence physique leur appartenance au genre masculin, ils ne sont pas nécessairement transgenres.
Historique
Si le terme de drag king est employé à l'écrit pour la première fois en 1972, des pratiques de travestissement au masculin existent tout au cours de l'histoire dans le monde entier[1].
En Chine, il est documenté pour la première fois des « personnages hommes féminins » (voir les roles Sheng (en)), lors de la dynastie Tang, entre 618 et 907 : les femmes représentent des hommes dans des représentations scéniques[2]. Ces pratiques se poursuivent jusqu'au début de la dynastie Qing : l'empereur Qianlong interdit aux actrices de se produire en 1722[2]. Elle est relancée à la fin des XIXe et XXe siècles lorsque l'interdiction est assouplie[2].
Des femmes se travestissent au théâtre et à l'opéra dès le dix-huitième siècle[3]. En 1837, la mime et danseuse française Madame Céleste interprète Hamet, un jeune garçon arabe, dans la pièce Victoire! au théâtre Adelphi à Londres[4]. La première travestie célèbre aux États-Unis est Annie Hindle (en), qui se met en scène à New York à partir de 1867[5]. En 1886, elle épouse sa styliste, Annie Ryan[6]. La comédienne française Sarah Bernhardt interprète de nombreux rôles masculins dont celui d'Hamlet à partir de 1899[7].
Des travesties britanniques célèbres sont Vesta Tilley, Ella Shields (en) et Hetty King (en)[8] - [9]. Des années 1920 aux années 1940, la chanteuse Gladys Bentley joue à New York, Los Angeles et San Francisco habillée en homme. Dans les années 1950 et 1960, Stormé DeLarverie accompagne une troupe de drag queens à la revue du Jewel Box[10]. En 1969, La Rue est le premier drag king à apparaître à la Royal Variety Performance[11].
En 1972, le mot drag king est utilisé pour la première fois sur un support écrit[1]. Il inclut parfois des personnes à corps féminin qui s'habillent de façon masculine, sans but de spectacle. Des femmes modernes choisissant de porter un costume, une cravate, une veste d'homme ou encore un chapeau d'homme ne sont pas des drag kings.
En 1989, Diane Torr fonde les Drag King Workshops pour apprendre aux femmes à se déguiser en hommes[12] - [13]. En 2002, elle apparaît dans le film Venus Boyz (de)[14].
Techniques
Maquillage
Pour faciliter la lecture du genre masculin, une des étapes essentielles est celle d'apporter de la pilosité sur le visage[15]’[16]’[17]’[18]’[19]’[20]’[21]′[22]. La pilosité faciale est imitée par du mascara, surnommé menscara, de mascara et men, hommes en anglais, du liner ou par des morceaux de perruque collés sur le visage[23]. Avec des sticks de contouring de différentes couleurs, les drag kings accentuent leurs mâchoires, l'arête de leur nez et leurs arcades sourcilières, les rendant saillantes. Aux États-Unis, il peut arriver que certains drag kings utilisent des mèches de leurs propres cheveux à cet effet pour plus de réalisme[24].
VĂŞtements
Le look dandy est très prisé, les artistes drag kings utilisent largement les vestes de costumes et les chemises. Les vêtements font également l'objet de beaucoup d'attention. Par exemple, les drag kings portent des hauts qui donnent un air plus carré à leurs épaules[24].
Modifications corporelles
Les drag kings utilisent le plus souvent les techniques du bandage de la poitrine (un binder ou des straps). La première technique consiste à réduire ses seins de façon temporaire en la serrant avec des bandes de tissus[23]. Une alternative permet d'utiliser du ruban adhésif de bondage pour amener les seins sous les aisselles, l'intérêt de ce scotch précis étant qu'il n'abîme pas la peau[24]. Certains drags simulent la présence d'un pénis dans le pantalon : chez les drag kings débutants il est utilisé des chaussettes, tandis que des modèles en silicone plus réalistes existent pour les plus expérimentés[23].
Comportement
Vient ensuite l'adaptation du comportement : les drag kings adoptent souvent une masculinité exagérée, jouant avec les clichés sur les attitudes masculines[25]. Le jeu d'attitude est sur la façon de marcher et les performances sont principalement sur des musiques à voix masculines. Par exemple, ils s’assoient en position de manspreading[23]. D'autres décident de jouer avec les codes et de présenter une figure masculine soumise, fragile et docile[24].
Concours de drag kings
Il existe des concours de drag kings, dont notamment celui organisé à Londres dès 1995[26] et le Concours de drag king de San Francisco dès 1994[27] - [28].
Dans la culture
- 2001 : Venus Boyz (de), un film de Gabriel Baur (en) sur la scène drag internationale
- 2011 : Lady Gaga apparait aux MTV Video Music Awards sous les traits de son alter ego masculin Jo Calderone[29]
- 2012 :Man for a Day (de), un film documentaire de Katarina Peters sur l'atelier de drag king l'artiste-perforeuse Diane Tor
- 2016 : Parole de king !, un film documentaire de Chriss Lag sur les drag kings en France
- 2021 : King Max, un court métrage d'Adèle Vincenti-Crasson avec Julie Furton, Jay des Adelphes, Thomas Occhio[30]
- 2022 : dans le deuxième épisode de Drag Race France apparaissent trois drag kings, Jésus La Vidange, Juda La Vidange et Chico[31]’[32].
Recherche
Luca Greco s'est penché sur les pratiques de construction et de présentation de soi dans un atelier Bruxellois de Drag King. Il y interroge l'approche interactionnelle et multisémiotique du genre relativement à l’histoire individuelle et collective des participants[33].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Drag king » (voir la liste des auteurs).
- (en) Bruce Rodgers, The queens' vernacular : a gay lexicon, Straight Arrow Books, (lire en ligne)
- Chou Hui-ling, « Striking Their Own Poses: The History of Cross-Dressing on the Chinese Stage », TDR (1988-), vol. 41, no 2,‎ , p. 130–152 (ISSN 1054-2043, DOI 10.2307/1146629, lire en ligne, consulté le )
- Senelick, Laurence., The changing room : sex, drag, and theatre, Routledge, (ISBN 0-415-10078-X, 9780415100786 et 0415159865, OCLC 42752641, lire en ligne)
- Drummond, William, Graf, J. et Thomas McLean & Co, Celeste as the Arab boy, (lire en ligne)
- (en) Lesley Ferris, Crossing the Stage : Controversies on Cross-dressing, Psychology Press, , 198 p. (ISBN 978-0-415-06269-5, lire en ligne)
- (en) Lisa Duggan, Sapphic Slashers : Sex, Violence, and American Modernity, Duke University Press, , 310 p. (ISBN 978-0-8223-2617-5, lire en ligne)
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- « VIDEO. "Le drag, c'est engagé, le drag, c'est politique" : le message de Morgane, drag king », sur Franceinfo, (consulté le )
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- « "Drag Race France": Il n'y avait pas que des drag queens dans l'épisode 2 et ça n'a échappé à personne », sur Le HuffPost, (consulté le )
- Luca Greco, Dans les coulisses du genre : la fabrique de soi chez les Drag Kings, Limoges, Lambert Lucas, , 184 p. (ISBN 978-2-35935-252-8)
Annexes
Bibliographie
- (en) Jack Halberstam, Female masculinity, Duke University Press, , 329 p. (ISBN 978-0-8223-2243-6)
- Femmes travesties: un "mauvais" genre, Clio et Presses Univ. du Mirail, Univ. de Toulouse-Le Mirail, coll. « Clio », (ISBN 978-2-85816-483-7)
- Marie-Laure Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et Bernard Marcadé, Fémininmasculin: le sexe de l'art [exposition, Paris, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, Grande galerie, 24 octobre 1995-12 février 1996], Centre Georges Pompidou Gallimard-Electa, (ISBN 978-2-85850-827-3 et 978-2-07-011520-4)
- Luca Greco, Dans les coulisses du genre: la fabrique de soi chez les Drag kings, Lambert-Lucas, (ISBN 978-2-35935-252-8)