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Manspreading

Le manspreading, en anglais manspreading ou man-sitting, est un concept développé par des féministes américaines accusant certains hommes d'adopter une posture dans les transports en commun, consistant à s'asseoir en écartant les cuisses et en occupant alors plus que la largeur d'un siÚge[1] - [2].

Exemple de manspreading dans le métro de Stockholm : un homme les jambes écartées est assis à cÎté d'une femme qui a les jambes serrées.
Un autre exemple de manspreading dans un métro, à Busan en Corée du Sud.

Composé des termes man (« homme ») et spreading (« étalement »), le mot peut se traduire en français par « étalement masculin »[3]. Le terme naßt en 2008 sur internet et se propage dans les années 2010 sous l'impulsion de militantes féministes. Il est particuliÚrement relayé sur les réseaux sociaux par hashtag. Il s'oppose à la pratique du womancrossing qui est une tendance féminine qui consiste à croiser les jambes dans les transports en commun. La dénonciation par les féministes du manspreading a provoqué des débats, et a été notamment critiquée par les mouvements masculiniste.

Description

Le manspreading dĂ©signe une posture genrĂ©e « masculine » dans l'espace public, particuliĂšrement dans les transports en commun, oĂč certains hommes se tiennent assis les jambes Ă©cartĂ©es et prennent de la place, dĂ©bordant sur les siĂšges adjacents[4]. Ce phĂ©nomĂšne est prĂ©sent dans de nombreuses cultures[5].

Le terme est à mettre en relation avec d'autres termes débutant en anglais par le préfixe man pour décrire des comportements masculins induits et inconscients de domination masculine[6] : mansplaining traduit par mecsplication[7], manslamming en sont des exemples[8]. La dénonciation de ces comportements fait écho au travail de féministes comme Brigitte Grésy qui ont décrit ces derniÚres années les comportements de sexisme ordinaire et préconisent des prises de position institutionnelles et des campagnes de communication à grande échelle pour susciter la réflexion autour de ces comportements dits de sexisme ordinaire[9] - [10] - [11].

D'aprÚs Emma A. Jane, le manspreading « n'est pas simplement un manque de savoir-vivre, mais un exemple flagrant du sexisme "ordinaire" que subissent les femmes à cause de l'impression qu'ont les hommes que tout leur est dû »[Note 1] - [12]. Le manspreading reflÚterait ainsi la tendance des hommes à agir sans se préoccuper de l'impact de leur comportement sur les autres[13].

Pour Burgoon et Dunbar (2006), le manspreading est une affirmation du pouvoir masculin qui se manifeste dans l'occupation de l'espace[14]. Les personnes adoptant cette posture montrent par le manspreading leur sentiment d'avoir le droit de ne pas respecter les normes Ă©tablies (comme s'assoir sur un seul siĂšge)[15].

Historique

Étude des postures masculines et fĂ©minines

Manspreading en 1870, le prince impérial, Louis-Napoléon Bonaparte (1856-1879).

Dans les années 1970, la sociologue Colette Guillaumin étudie les postures des hommes et des femmes dans l'espace public, notant que les hommes ont tendance à écarter les jambes et les femmes à les croiser[16] - [17].

Emma A Jane note que la tendance des hommes Ă  s'asseoir en Ă©cartant les jambes n'est pas nouvelle et s'observe dans de nombreuses Ɠuvres d'art mettant en scĂšne des dirigeants politiques comme des rois et des princes[5]. Historiquement, les hommes auraient davantage tendance Ă  ouvrir leurs jambes quand ils s'assoient, tandis qu'il serait attendu des femmes qu'elles gardent leurs jambes fermĂ©es, afin notamment de prĂ©server leur pudeur ou ce qui est perçu comme des bonnes maniĂšres. Au XIXe siĂšcle au Royaume-Uni, les femmes devaient ainsi monter Ă  cheval sur le cĂŽtĂ© (en amazone), ou ne pas faire de violoncelle les jambes Ă©cartĂ©es[15].

Statue de la violonceliste Jacqueline du Pré.

Ces postures genrées sont, pour Emma A. Jane, intimement liées aux rapports de pouvoir entre les individus : « Les postures ouvertes et étendues du corps, par exemple, sont caractéristiques des individus dominants, tandis que les personnes dominées prennent moins de place en contractant leur posture, s'asseyant les jambes et les bras fermés »[Note 2] - [15].

Naissance et développement du terme

Le terme manspreading apparait aux États-Unis[18] sur internet en 2008[17] d'aprĂšs Le Monde, et le sujet est abordĂ© en 2012 dans un article de Jezebel, avant d'ĂȘtre popularisĂ© sur le blog Tumblr « Men Taking Up Too Much Space on the Train » (« les hommes qui prennent trop de place dans le train ») oĂč sont postĂ©es des photos d'hommes dans les transports publics se tenant les jambes Ă©cartĂ©es[19]. Le mot se rĂ©pand Ă  travers des memes et des hashtags sur les rĂ©seaux sociaux[19].

Le terme manspreading se dĂ©veloppe dans les annĂ©es 2010, en mĂȘme temps que d'autres termes mettant en Ă©vidence des attitudes sexistes telles que le mansplaining, le manterrupting. Ces nĂ©ologismes reposent en partie sur l'humour (en particulier la culture des memes internet) pour dĂ©noncer ces pratiques, Ă  travers des montages photographiques se moquant de l'attitude des hommes dans les transports en commun.

En français, cette attitude est parfois également appelée « syndrome des couilles de cristal »[20] - [21] - [22] - [23] - [24].

Le mot manspreading se popularise en 2014 aprÚs une campagne[25] lancée dans le Metropolitan Transportation Authority (MTA) ou métro de New York en 2013 pour promouvoir des comportements respectueux[26]. Il est utilisé pour décrire l'occupation corporelle masculine d'un espace restreint[27], particuliÚrement dans les transports en commun.

En 2017, Emma A. Jane estime que les militantes féministes ont réussi à sensibiliser l'opinion publique au problÚme de l'occupation masculine de l'espace à travers leur activisme, en particulier en ligne[28].

Par réaction, ce terme est vivement critiqué par les défenseurs des droits des hommes et les masculinistes, ce qui conduit souvent à des confrontations houleuses en ligne[28].

Campagnes de prévention

Le 6 juin 2017, la société de transport madrilÚne ajoute un pictogramme dans les bus pour demander aux usagers de ne pas occuper deux siÚges en s'asseyant les jambes écartées.

Aux États-Unis, une campagne de prĂ©vention contre le manspreading a lieu dans le mĂ©tro de New York en 2013[26], ainsi que dans d'autres villes. Au Canada, une campagne similaire a eu lieu dans le mĂ©tro de Toronto[28].

En Espagne, le parti Podemos dépose un projet de loi le au parlement de la région de Madrid, pour interdire le manspreading[29]. Le , la société de transport madrilÚne ajoute un pictogramme dans les bus pour demander aux usagers de ne pas occuper deux siÚges en s'asseyant les jambes écartées[30]. La RATP a également mené des campagnes de sensibilisation au manspreading des usagers du métro de Paris[16].

Critiques

Exemple de femme occupant deux places dans le métro londonien, avec une posture parfois appelée she-bagging.

AprÚs avoir été relayé en masse sur les réseaux sociaux, le terme a été vivement critiqué, notamment par les masculinistes.

Arguments en faveur du manspreading

Le manspreading est prĂ©sentĂ© comme la consĂ©quence d'une recherche de plus de confort et rĂ©sulterait de la morphologie masculine[3]. Au Canada, la Canadian Association for Equality (CAFE), une association canadienne de dĂ©fense des droits des hommes, a critiquĂ© les campagnes de diffusion sur le manspreading, faisant valoir qu'il est « physiquement pĂ©nible pour les hommes de fermer les jambes » et qu’elles sont comparables avec la volontĂ© « d’obliger les femmes Ă  arrĂȘter d'allaiter dans des bus ou des trains ... »[31]. Les commentateurs dans les mĂ©dias ont prĂ©sentĂ© des arguments similaires en ce qui concerne la nĂ©cessitĂ© biologique pour les hommes d’étendre leurs jambes pour bien accueillir leurs testicules[32].

Pour certains, cette position indiquerait un comportement de séduction par une posture spécifique[33] - [3].

Un autre argument avancé (notamment par les organisations de défense des droits des hommes) est que le manspreading ne serait pas un comportement social typiquement masculin étant donné que de nombreuses femmes y auraient recours[34]. Il ne s'agirait pas d'un problÚme lié au genre, mais au manque de savoir-vivre[34]. Pour illustrer cet argument, ils ont posté des photos de femmes prenant de la place dans les transports en commun[34]. En outre, le terme manspreading est perçu comme étant sexiste, car il conduirait à essentialiser les hommes[13].

Un autre reproche couramment évoqué est l'utilisation de néologismes trÚs utilisés sur les réseaux sociaux, mais peu dans les médias et le quotidien, et qui simplifient une réalité plus complexe[35].

Critiques anti-féministes

Cathy Young, journaliste féministe, dénonce la stigmatisation de postures masculines qu'elle décrit comme pseudo-féministe[36] - [37] dans son article publié dans le Time en 2014 et intitulé Stop Fem-splaining[38]. Ses positions sont relayées par un groupe formé sur les réseaux sociaux et nommé Women against feminism. La dénonciation en ligne de ces comportements s'apparente selon ces points de vue à des pratiques de doxxing[39] ou de online shaming, un type de harcÚlement en ligne par la dénonciation d'un comportement jugé problématique. Des féministes comme Clementine Ford ont réagi à cette argumentation en critiquant à leur tour ces réactions de rejet de positionnement féministes humoristiques comme étant indicatrices de la difficulté pour les femmes de dénoncer des comportements de sexisme ordinaire. En réponse, l'essayiste américaine Cathy Young note que la « misandrie ironique » défendue par certaines féministes comme Clementine Ford deviendrait parfois de la misandrie tout court[40].

Contre-arguments

Pour Emma A. Jane, une journaliste australienne, les arguments masculinistes ne reposent pas sur des arguments solides, alors que les critiques fĂ©ministes du manspreading sont soutenues par la littĂ©rature scientifique[34]. Ainsi, il n'existe aucun argument mĂ©dical sur la nĂ©cessitĂ© d'avoir les jambes ouvertes pour protĂ©ger les parties gĂ©nitales masculines[34]. De mĂȘme, l'argument selon lequel les femmes prennent elles aussi de la place dans les transports publics repose sur une fausse Ă©quivalence[34].

La critique du manspreading serait présentée par les masculinistes comme un preuve que le féminisme dans son ensemble est problématique. Ainsi, les féministes "n'auraient pas d'humour, seraient hypersensibles, idiotes et se concentreraient sur des combats inutiles en traquant les moindres comportements masculins jugés problématiques"[34]. Cela "démontrerait que le mouvement féministe n'a plus aucun argument ni combat utile à mener"[34].

Références

Bibliographie

  • (en) Emma A. Jane, « ‘Dude 
 stop the spread’: antagonism, agonism, and #manspreading on social media », International Journal of Cultural Studies, vol. 20, no 5,‎ , p. 459–475 (ISSN 1367-8779 et 1460-356X, DOI 10.1177/1367877916637151, lire en ligne, consultĂ© le )

Notes

  1. « mansplaining is not just a failure of etiquette, but a blatant example of the sorts of ‘everyday’ sexism suffered by women as a result of men’s inflated sense of entitlement »
  2. « Open and expansive body positions, for instance, are characteristics of dominant individuals, while submissive people take up less space by contracting their postures, sitting with closed arm and leg positions »

Références

  1. « « Manspreading » : une campagne de sensibilisation dans les transports new-yorkais s'attaque aux incivilités masculines », sur Le Huffington Post (consulté le ).
  2. « Le « manspreading », tendance masculine Ă  s'asseoir les jambes Ă©cartĂ©es, entre dans le dico », 20minutes.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  3. Marie Godfrain, « Le « manspreading », une arme de sĂ©duction ? », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. Jane 2017, p. 1
  5. Jane 2017, p. 3
  6. Jane 2017, p. 6
  7. « VIDEO. "Manterrupting" : quand les hommes ne peuvent s'empĂȘcher d'interrompre les femmes », Franceinfo,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  8. (en-US) « From Manspreading to Mansplaining — 6 Ways Men Dominate the Spaces Around Them », Everyday Feminism,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  9. « Brigitte Grésy : "Il faut appeler le sexisme par son nom" - EVE », sur www.eveprogramme.com (consulté le ).
  10. GaĂ«lle Dupont, « Le gouvernement veut faire reculer le sexisme ordinaire », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le ).
  11. « « Antisexisme » : Renard, NoĂ©mie, Les attributs du pouvoir et leur confiscation aux femmes. Le genre et l’espace », .
  12. Jane 2017, p. 2
  13. (en) Ursula Lutzky et Robert Lawson, « Gender Politics and Discourses of #mansplaining, #manspreading, and #manterruption on Twitter », Social Media + Society, vol. 5, no 3,‎ , p. 205630511986180 (ISSN 2056-3051 et 2056-3051, DOI 10.1177/2056305119861807, lire en ligne, consultĂ© le )
  14. Judee K. Burgoon et Norah E. Dunbar, « Nonverbal Expressions of Dominance and Power in Human Relationships », dans The SAGE Handbook of Nonverbal Communication, SAGE Publications, Inc., (ISBN 978-1-4129-0404-9, DOI 10.4135/9781412976152.n15, lire en ligne), p. 279–298
  15. Jane 2017, p. 4
  16. Elvire DUVELLE-CHARLES, Féminisme et réseaux sociaux, Hors d'atteinte, , 200 p. (lire en ligne), p. 20
  17. « Comment le « manspreading » est devenu un objet de lutte fĂ©ministe », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  18. Grazia.fr, « Comment je me suis disputĂ©e avec... le manspreading », Grazia.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  19. Jane 2017, p. 5
  20. Claude16 juin 2017 à 8 h 35 minPermalink, « Le dangereux syndrome des couilles de cristal. », sur Feministoclic, (consulté le )
  21. Olivier Razemon, « Campagne contre la violence masculine dans le métro parisien », sur L'interconnexion n'est plus assurée, (consulté le )
  22. « C’est quoi le syndrome des couilles de cristal ? - Radio », sur Play RTS (consultĂ© le )
  23. « Le syndrome des «couilles en cristal» », sur La Presse+, (consulté le )
  24. La Libre.be, « Les hommes s’étalent-ils trop dans le mĂ©tro? Une Ă©lue Ecolo veut lutter contre le phĂ©nomĂšne des "couilles de cristal" », sur LaLibre.be, (consultĂ© le )
  25. (en-US) « New York City's MTA and the spread of 'manspreading' », OxfordWords blog,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  26. Emma G. Fitzsimmons, « ‘Manspreading’ on New York Subways Is Target of New M.T.A. Campaign », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le ).
  27. Peter Vidani, « YOUR BALLS ARE NOT THAT BIG », sur yourballsarenotthatbig.tumblr.com (consulté le ).
  28. Jane 2017, p. 7
  29. « Manspreading : vous aussi, vous ne supportez plus les hommes qui Ă©cartent les jambes dans le mĂ©tro ? - Elle », Elle,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  30. (es) « EMT Madrid amplĂ­a su señalizaciĂłn a bordo del autobĂșs para evitar el “manspreading” », Diario de Madrid,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  31. star, « Man-spreading, a transit controversy with legs », The Toronto Star,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  32. Gareth, « Is the 'manspreading' campaign just prejudice against big guys? », The Telegraph,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  33. (en-US) Olga Khazan, « When Manspreading Is Sexy », The Atlantic,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  34. Jane 2017, p. 8
  35. « Puis-je mecspliquer? », Lesoir.be,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  36. « Feminists treat men badly. It’s bad for feminism. », sur Washington Post (consultĂ© le ).
  37. (en) Cathy Young, « Young: 'Manspreading'? But women hog subway space, too », Newsday,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  38. Cathy Young, « Stop Fem-Splaining: What #womenagainstfeminism Get Right: », sur TIME.com (consulté le ).
  39. « Le doxxing : une nouvelle forme de violence sur internet | Fil santé jeunes », sur www.filsantejeunes.com (consulté le ).
  40. Aude Loriaux, « Le fĂ©minisme traite mal les hommes. Et c’est mauvais pour le fĂ©minisme », Slate.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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