Accueil🇫🇷Chercher

Cristal (verre)

Le cristal est un type de verre riche en plomb (contenant au moins 23 % d'oxyde de plomb en masse).

Verre en cristal, gravé, à motif d'oiseau.

Le plomb abaisse le point de fusion du verre, tout en stabilisant sa composition. Il le rend plus lumineux (effet « arc en ciel »), plus dense (typiquement 30% de surcroît par rapport au verre de silice, voire beaucoup plus pour des concentrations élevées de plomb) et lui confère une sonorité particulière. Par ailleurs, le cristal, plus « tendre » que le verre, peut être plus facilement taillé[1].

Le mot « cristal », issu du monde des minéralogistes et repris par les verriers[2], est trompeur, car il s'agit d'un matériau amorphe ; ce n'est donc pas un cristal au sens physique ou physico-chimique du mot.

Histoire

Illustration technique : coupe d'un ancien fourneau Ă  cristal.
Grand atelier pour la taille et le polissage du cristal.

La découverte du cristal a été, comme beaucoup d’autres inventions, fortuite. Elle remonte au XVIIe siècle, en Angleterre lorsque l’Amirauté britannique pour assurer la production des mâts des navires dont elle avait besoin a décidé d’interdire l’utilisation du bois comme combustible.

Les verriers se tournèrent donc vers d’autres sources d’énergie telles que le charbon récemment découvert. Fondant le verre dans des pots réfractaires ouverts, ils constatèrent que l’oxyde de carbone teintait le verre d'une coloration brunâtre. Pour y remédier ils se mirent à travailler avec des fours couverts. Vers 1675, George Ravenscroft introduisit dans la composition un oxyde métallique (oxyde de plomb) comme « agent fondant » (techniques qu'il aurait apprises à Venise). À leur surprise, les verriers constatèrent que le verre ainsi produit avait un éclat et une sonorité exceptionnels.

La fabrication du cristal en France débute dès à la verrerie de Münzthal (ancien nom des cristalleries de Saint-Louis). La découverte du cristal est attribuée à Stephen Falango en Angleterre vers , mais la qualité du verre pour la table n'arrive qu'au XVIIIe siècle avec le cristal de Bohême[3].

Composition

Depuis 1969, l'appellation « cristal » est protégée en Europe et dans de nombreux pays par des normes précises[4] - [5] pour garantir l'authenticité et la qualité de l'article. Pour s'appeler « cristal », le verre doit répondre à différents critères portant sur la concentration d'oxydes métalliques (notamment l'oxyde de plomb PbO), la densité et l'indice de réfraction. En deçà de ces mesures, il convient de parler de « verre sonore » ou « cristallin ».

DénominationOxydes métalliquesDensitéIndice de réfraction
Cristal supérieur 30 %PbO ⩾ 30 %⩾ 3,00⩾ 1,545
Cristal au plomb 24 %PbO â©ľ 24 %â©ľ 2,90â©ľ 1,545
CristallinZnO, PbO, BaO, K2O (ensemble ou séparément) ⩾ 10 %⩾ 2,45⩾ 1,520
Verre sonorePbO, BaO, K2O (ensemble ou séparément) ⩾ 10 %⩾ 2,40--

Caractéristiques

La haute teneur en plomb du verre a pour effet :

  • d'abaisser sa tempĂ©rature de travail
  • d'augmenter sa pĂ©riode de mallĂ©abilitĂ©
  • de favoriser la taille et le polissage Ă  froid
  • d'augmenter son Ă©clat par accroissement de son indice de rĂ©fraction
  • de le rendre opaque aux rayons X et dans une certaine mesure Ă  la radioactivitĂ© (utile pour les fenĂŞtres de protection radiologique)

Types de décors

Carafe de cristal taillé.

La taille

Verre en cristal, taillé à la meule.

Ce procédé offre des possibilités multiples (taille biseau, taille diamant, taille mate, etc.) grâce à divers types de meules, chacune correspondant à une forme d’entaille. Le cristal est donc finement incisé, sillonné, creusé sur différentes épaisseurs.

À cette étape de l’ornement, l’article est dit « taillé mat ». Pour obtenir une « taille lisse », c’est-à-dire un rendu brillant, il est à nouveau poli. L’immersion dans un bain d’acide ou le polissage mécanique lui redonne tout son éclat.

Le matage

Pour opacifier le cristal, le maître cristallier a recours au matage, également appelé « satinage ». Ce traitement par dépolissage consiste à enlever son aspect lisse et brillant au cristal sur une ou plusieurs parties, les autres étant protégées par un cache pour rester claires et transparentes. Le cristal est donc lustré par attaque chimique ou par sablage. Enfin, l’article est nettoyé par brossage.

La gravure

Le motif – monogramme ou arabesque – est obtenu par attaque du cristal : soit par un acide, soit par un laser.

Dans le premier cas, l’article est plongé dans un bain d’acide. Le décor est creusé sur le cristal par la morsure du liquide tandis que les parties dites « en réserve », préalablement protégées, demeurent intactes.

Dans le second, les ornements sont dessinés au laser, donc brûlés, marqués avec précision par un faisceau lumineux très fin mais de forte intensité, au travers d'une lentille. En 1976, la gravure au laser en 3D (ou en relief), récemment mise au point, permit de graver mécaniquement le cristal.

Le secteur du cristal en France

Symbole du savoir-faire et du savoir-vivre français, le cristal est prĂ©sent dans les secteurs des arts de la table, de la bijouterie et de la lustrerie.

La Lorraine et l’Alsace, dans l'actuelle région Grand Est, sont les terres de tradition des cristalleries françaises. Leurs ressources naturelles multiples et abondantes (sable, grès, bois, eau) ont permis l’implantation, dès le XVIe siècle, de la plus ancienne manufacture de cristal en Europe, la cristallerie de Saint-Louis, fondée en 1586. Des générations de verriers y ont développé au fil des siècles leurs techniques et savoir-faire. Baccarat a été créée au milieu du XVIIIe siècle, puis au XIXe siècle et au XXe siècle, Lalique, Gallé et Daum ont relancé l’essor des verreries et cristalleries en apportant des contributions essentielles au succès des mouvements de l’Art Nouveau et des Arts décoratifs.

Baccarat, Daum, Saint-Louis et Lalique d’une part mais également les tailleurs et graveurs de cristal comme la cristallerie de Montbronn d’autre part détiennent toutes le label «Entreprise du patrimoine vivant», marque de reconnaissance de l’État mise en place pour distinguer les entreprises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. Les principales cristalleries françaises sont regroupées au sein d’une organisation professionnelle, la Fédération des cristalleries et verreries à la main et mixtes (FCVMM), qui défend leurs intérêts sur le plan social, réglementaire et fiscal.

Ă€ l’origine l’ensemble des cristalleries fabriquait quasi exclusivement des services de table. L’évolution des rĂ©seaux de distribution et des modes de consommation a cependant largement changĂ© la donne. Ă€ titre d’exemple, les listes de mariages pouvaient il y a 25 ans reprĂ©senter près de 40 % du chiffre d’affaires contre moins de 3 % aujourd’hui. Les cristalleries ont ainsi Ă©tĂ© confrontĂ©es Ă  la nĂ©cessitĂ© de trouver de nouveaux dĂ©bouchĂ©s.

Les cristalleries se sont diversifiées vers la décoration intérieure, le luminaire, la bijouterie ou de l’édition d’art en s’appuyant sur la créativité de grands noms du design.

Pour se faire mieux connaître elles ont également ciblé le tourisme, en développant des musées attirant de nombreux visiteurs séduits par la beauté des gestes et des véritables œuvres d’art réalisées par les artisans (La Grande Place - Musée du Cristal de Saint-Louis, musée Lalique, maison du Verre et du Cristal de Meisenthal).

Emploi : En 2015 le secteur emploie près de 1 600 salariĂ©s. La taille des entreprises varie entre 10 et 600 salariĂ©s. D’une manière gĂ©nĂ©rale, 76 % des mĂ©tiers sont exercĂ©s dans le secteur de la fabrication (rĂ©fĂ©rence : enquĂŞte sociale de la FCVMM au 31 dĂ©cembre 2015). Les manufactures mettent en Ĺ“uvre des plans de formation visant la prĂ©servation des savoir-faire pour rĂ©pondre, notamment, au dĂ©fi dĂ©mographique (1 salariĂ© sur 2 en 2015 a plus de 15 ans d’anciennetĂ©). En 2011, par exemple, 10 % des effectifs de Saint-Louis se sont inscrits dans un parcours de validation des acquis de l’expĂ©rience (VAE). Les partenaires institutionnels ont soutenu les diffĂ©rents projets qui ont donnĂ© lieu Ă  un bilan positif avec le maintien des salariĂ©s dans l’emploi, le renforcement des qualifications et finalement une reprise optimisĂ©e de l’activitĂ©.  Le contexte est cependant très difficile comme en tĂ©moigne en 2016 la fermeture dĂ©finitive de la cristallerie royale de Champagne de Bayel (30 salariĂ©s)[6].

Le marchĂ© français reste fragile, mais la cristallerie a connu ces dernières annĂ©es une progression des ventes Ă  l’export notamment vers l’Asie et le Moyen-Orient avec de nouveaux points de vente. L’export reprĂ©sente en 2015 près de 70 % du chiffre d’affaires des principales maisons et il a permis d’engager des investissements importants comme la construction de nouveaux fours. 

Les métiers du cristal

Deux familles de métiers du secteur du cristal sont : les métiers du verre à chaud ; les métiers du verre à froid.

En France, les compĂ©tences sont dĂ©livrĂ©es par des formations initiales de niveau V de l’Éducation nationale (le CAP Arts du Verre et du Cristal et le CAP Arts et techniques du Verre) et de niveau IV (le BMA Souffleur de Verre et le BMA Verrier dĂ©corateur). Si l’on estime couramment qu’un artisan verrier atteint la pleine maĂ®trise de son savoir-faire après 10 annĂ©es de pratiques, il est aisĂ© de comprendre que ces formations initiales ne restent qu’une Ă©tape dans la formation de l’artisan. Les entreprises s’attachent ainsi Ă  organiser le dĂ©veloppement des compĂ©tences techniques. La maĂ®trise du geste et de la matière permettra Ă  certains artisans de devenir Meilleur ouvrier de France. Aujourd’hui, au sein des cristalleries françaises, près de 40 salariĂ©s dĂ©tiennent le titre de Meilleur Ouvrier de France.

Ces investissements permettent de maintenir un niveau de qualité des productions, mais les manufactures doivent aussi adapter leur outil industriel à des normes environnementales plus exigeantes.

Vers un « cristal sans plomb »

Le plomb est un puissant neurotoxique et un polluant parmi les plus prĂ©occupants dans le monde. 

Suivant les recommandations de l'OMS, l'Europe a renforcé à partir des années 1990 la surveillance et diverses interdictions d'utilisation de composés toxiques tels que le cadmium, le plomb, le mercure et le chrome[7]. En particulier une directive européenne[8] a imposé aux fabricants de limiter les effets nocifs des métaux lourds dans la production et l’utilisation de contenants en verre[7].

Aux États-Unis le Consumer Product Safety Improvement Act—CPSIA (2008) impose (conformément aux recommandations du Consumer Product Safety Commission—CPSC) aussi aux fabricants de bijoux et d'objets décoratifs ou d'objets en verre susceptibles d'être en contact avec les enfants de moins de 12 ans de diminuer drastiquement les teneurs en plomb de ces objets[7].

En réponse à ces évolutions réglementaires plusieurs grands industriels se sont rapidement adaptés en achetant, inventant ou retrouvant et brevetant des formulations alternatives permettant de produire un verre à haut indice de réfraction (supérieur à 1,53), dense et à résistance mécanique élevée, aux propriétés très proche de celle du cristal au plomb, mais ne contenant ni plomb, ni baryum ni arsenic hautement toxiques. Divers oxydes avaient déjà été testés comme substituts aux oxydes de plomb et de baryum (MgO, CaO, SrO, ZnO, La2O3, Bi2O3, TiO2, ZrO2, SnO2, Nb2O5, Ta2O5, Y2O3, Yb2O3 et WO3) mais certains sont coûteux ou des incertitudes persistent sur leur toxicité. Finalement, de nouvelles alternatives plus sûres ont été trouvées : elles sont constituées en outre de métaux bien moins rares et moins onéreux que le plomb ou le baryum[7].

British Glass utilise un autre mélange breveté (Bi2O3, TiO2 et SrO) ; Nachtmann, emploie TiO2, ZnO et SrO ; et Swarovski utilise préférentiellement une combinaison des oxydes ZnO et de CaO, deux composés courants et respectivement très peu toxique et non toxique[7].

Santé environnementale et cristal au plomb

Afin de limiter la migration d'oxyde de plomb de la carafe vers son contenu liquide, les industriels ont mis au point un procédé de traitement de surfaces des carafes : la cémentation. Il n'y a pas de migration significative le temps d'un repas (deux heures environ).

Vers 1675, George Ravenscroft découvre les effets de l'ajout de plomb dans la composition du verre : surcroît de finesse, brillance améliorée et sonorité particulière. Depuis les verres les plus fins sont fabriqués en cristal au plomb. L'oxyde de plomb (PbO) fond a basse température et s'intègre parfaitement à la structure moléculaire de la masse vitreuse du cristal ; il est alors très peu disponible, sauf au contact d'un liquide acide susceptible de le lixivier.

Le cristal bĂ©nĂ©ficie d'une dĂ©rogation d’enregistrement dans le cadre du règlement REACH (relatif Ă  l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables Ă  ces substances). Il est aussi exemptĂ© des restrictions prĂ©vues Ă  l’annexe XVII car le « niveau de migration escomptĂ© est faible (cristal, Ă©maux et pierres prĂ©cieuses et semi-prĂ©cieuses) ou acceptable[9] - [10]. »

Plusieurs études scientifiques[11] ont montré qu’un relargage a lieu lors de contact prolongés avec des solutions alcooliques. Le cristal contenant normalement 25 % de PbO, et le vin étant naturellement acide, une certaine solubilisation des oxydes se produit[12]. Depuis quelques années la surface des carafes éventuellement destinées à contenir de l’alcool pendant plusieurs mois, voire années subissent un traitement particulier visant à limiter ce relargage : la cémentation (voir encadré). Cependant une étude dite VRAL[1] produite par deux consultants (américain et allemand) a conclu que le temps d'un repas (2 h) aucune migration dangereuse d'oxyde de plomb à partir de verre à boire vers un contenu liquide n’est possible. Dans la couche d'altération apparaissant en surface du cristal au contact d’une solution d’acide acétique, le plomb est lié à la matrice vitreuse sous forme Si-O-(Pb,K)[13].

L'hypothèse d'un lien entre cristal et goutte a été émise. Les symptômes de cette maladie sont les mêmes que ceux du saturnisme chronique, et qui s'est statistiquement répandue dans la bourgeoisie européenne et nord-américaine, quand on a pris l'habitude d'utiliser des carafes en cristal pour stocker ou décanter des alcools forts (whisky, brandy, cognac, armagnac…) ou certains vins[14]. En 2002, Lin et al. ont montré une corrélation statistiquement significative entre la fréquence de la goutte et celle des intoxications saturnines[15]. Néanmoins, la mise en place d'une cémentation généralisée des carafes a de facto réduit le risque.

Notes et références

  1. D'après une évaluation volontaire de risques posés par le plomb dite VRAL « Voluntary Risk Assessment Report On Lead and Some Inorganic Lead Compounds », 2008, préparée par deux consultants des sociétés de consultant ; Rodger Battersby d'EBRC Consulting GmbH de Hanovre et Craig Boreiko de l'ILZRO (International Lead Zinc Research Organization) à Durham, en Caroline du Nord|© LDA INTERNATIONAL (brouillon de mi-étape, révisé) ; voir p. 219. ; voir aussi : Radtke S.F (1974) « Les recherches de l'ILZRO sur le plomb. Quelques realisations importantes ». Matériaux & Techniques, 62(11), 446-450 (lien).
  2. Une approche ethnologique est nécessaire, à commencer par un lexique d'initiation.
  3. Société Chimique de France (Durant l'Année internationale de la chimie (AIC) 2011, la SCF propose des produits de la vie quotidienne.), « Produit du jour : Cristal », sur SCF, Paris (consulté le ).
  4. « Directive européenne 69/493/EEC du 15/12/1969 » (consulté le ).
  5. « En France : norme AFNOR B30-004, décembre 1974) » (consulté le ).
  6. France 3 (2016) La Cristallerie Royale de Champagne de Bayel annonce sa fermeture définitive ; publié le , consulté le .
  7. Miroslav Rada & al. (2011) Crystal glass having refractive index higher than 1.53 without a content of compounds of lead, barium and arsenic| Brevet (US patent US8877663B2), demandé le 2014-11-04, actif à partir du 2011-09-01.
  8. Directive européenne n° 94/62/ECC.
  9. « L_2015104FR.01000201.xml », sur eur-lex.europa.eu (consulté le ).
  10. Référence : Règlement (UE) 2015/628 de la commission du 22 avril 2015, considérant 8.
  11. Angela M. Fraser, Ph.D., Associate Professor/Food Safety Specialist, and Carolyn J. Lackey, Ph.D., R.D., L.D.N., Professor/Food and Nutrition Specialist, North Carolina State University (2004).
  12. Olivier M.J (2009), Chimie de l'environnement, 6e Ă©dition, Les productions Jacques Bernier.
  13. (en) Frédéric Angeli et al., « Structure and Chemical Durability of Lead Crystal Glass », Environ. Sci. Technol.,‎ , p. 50 (21), pp 11549–11558.
  14. Emsley, John, Oxford, Oxford University Press, 2005 (ISBN 978-0-19-280599-7), LCCN 2005299328, lire en ligne [archive].
  15. Lin, DT Tan, HH Ho et CC Yu, The American journal of medicine, 113, 7, 2002, 563–8 (PMID 12459402, DOI 10.1016/S0002-9343(02)01296-2).

Voir aussi


Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.