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Mansplaining

Le mansplaining (de l'anglais « man », homme, et « explaining », explication) est un concept féministe né dans les années 2010 qui désigne une situation dans laquelle un homme explique à une femme quelque chose qu'elle sait déjà, voire dont elle est experte, souvent sur un ton paternaliste ou condescendant[1] - [2] - [3].

Le terme est apparu en 2008 aux États-Unis dans un article de Rebecca Solnit paru sur le site TomDispatch. L’article, intitulĂ© Ces hommes qui m’expliquent ma vie, raconte comment un homme a voulu lui expliquer le sens d'un livre qu'elle avait elle-mĂȘme Ă©crit, sans l'Ă©couter quand elle disait en ĂȘtre l'autrice. Elle voit dans ce phĂ©nomĂšne une combinaison d'excĂšs de confiance et d'ignorance de la part de l'interlocuteur[4] - [5].

Lily Rothman, du magazine The Atlantic, dĂ©finit cette notion comme une explication, souvent donnĂ©e par un homme Ă  une femme, qui ne prend pas en compte le fait que la personne qui reçoit l'explication en sait plus que celui qui la donne[6]. Pour le site Madmoizelle.com, il s'agit d'un homme expliquant Ă  une personne concernĂ©e, alors que lui-mĂȘme n'est pas affectĂ© par la question, ce qu'elle doit faire ou penser, sans prendre en compte le vĂ©cu personnel de son interlocutrice[7].

Des équivalents en français ont été proposés : mecsplication en France[8] et en Belgique[9], pénispliquer au Québec[10] ; mais aucune forme ne s'est imposée.

Concept

Histoire

Il s'agit d'un mot-valise qui tire son Ă©tymologie des mots anglais man (homme) et explaining (qui explique).

Le terme « splaining » et le verbe « splain » en anglais existent depuis 1989 et dĂ©crivent en gĂ©nĂ©ral des explications condescendantes qu'elles soient courtes ou Ă©tendues. DĂšs lors, le terme a connu plusieurs prĂ©fixes se rĂ©fĂ©rant Ă  la personne qui fait l'explication[11]. Le terme « mansplaining » est celui qui est le plus communĂ©ment utilisĂ© et serait apparu en 2008 aprĂšs la publication d'un article de l'Ă©crivaine Rebecca Solnit dans le Los Angeles Times, oĂč elle racontait comment son interlocuteur lui avait longuement parlĂ© d'un livre, sans qu'elle parvienne Ă  lui expliquer qu'elle en Ă©tait l'auteure[12] - [13]. Elle n'utilise pas le terme « mansplaining » mais dĂ©crit le phĂ©nomĂšne comme quelque chose que toutes les femmes connaissent, et les premiĂšres occurrences du mot apparaissent sur Internet Ă  ce moment-lĂ [14].

À l'occasion de la publication en français en 2018 de son livre Ces hommes qui m’expliquent la vie, Rebecca Solnit dĂ©clare que « tandis que j’hĂ©sitais toujours Ă  en faire usage, une jeune Ă©tudiante Ă  l’universitĂ© de Berkeley m’a fait remarquer que ce mot Ă©tait important, voire prĂ©cieux, parce qu’il permettait de nommer une expĂ©rience qu’elle - comme beaucoup d’autres - avait connue. Nommer, identifier ce phĂ©nomĂšne permet de comprendre que c’est un schĂ©ma, un syndrome, pas seulement une expĂ©rience personnelle malheureuse. Diagnostiquer un mal est la premiĂšre Ă©tape nĂ©cessaire pour commencer Ă  l’endiguer. Je suis heureuse d’y avoir contribuĂ©. DĂ©sormais je valide le terme - quand il est employĂ© Ă  bon escient, bien sĂ»r - sans toutefois l’utiliser souvent »[15].

Au dĂ©part, le terme est devenu populaire sur les blogs fĂ©ministes, et est devenu courant au fil du temps[6]. D'ailleurs en 2010, il est apparu dans la liste des « mots de l'annĂ©e » dans le The New York Times[16], il a Ă©galement Ă©tĂ© nominĂ© pour le mot le plus crĂ©atif par l’American Dialect Society en 2012[17], et a Ă©tĂ© ajoutĂ© en 2014 dans le dictionnaire en ligne Oxford Dictionaries[18].

Vocabulaire associé

D'autres termes comme « gaysplaining » existent et n'ont pas cette connotation négative, mais décrivent une explication au sens d'origine du mot[19]. On peut aussi parler de « dadsplaining » pour plus de précision sur l'application exacte d'un cas de « mansplaining ».

Certains considÚrent qu'il existe un comportement symétrique qu'on peut nommer « womansplaining ». Dans une discussion entre femmes et hommes, ce terme désigne le comportement d'une femme qui se considÚre de par son genre comme détenant la vérité sur un ou plusieurs sujets abordés[20] - [21]. L'emploi du terme womansplaining se fait aussi dans une discussion lorsqu'un interlocuteur note que son point de vue est dévalorisé de par le genre masculin qu'il porte. Il fut employé avec ce sens par le sénateur Mitch Fifield (en) (libéral) lors d'un débat au Sénat australien en 2016[22]. Selon certaines personnes, le mot « womansplaining » nierait le problÚme sexiste à l'origine du mansplaining[23].

Le concept est à mettre en relation avec d'autres termes comme celui de « manspreading » ou « manslamming », dont les concepts ont trait à la place occupée par les hommes dans l'espace public[24], ou encore avec le manterrupting, et au fait que les hommes auraient tendance à couper la parole aux femmes plus souvent que l'inverse[25].

Exemples

Le journal The Atlantic cite comme exemple historique de « mansplaining » les propos du théologien Lyman Abbott, lequel affirmait que les femmes ne voulaient pas du droit de vote, en dépit de la montée des mouvements suffragistes.

Un exemple historique plus rĂ©cent est celui de Ronald Reagan expliquant, en 1980 lors du dĂ©bat pour la prĂ©sidence face Ă  Jimmy Carter, que la discrimination en matiĂšre d'emploi Ă©tait dans l'intĂ©rĂȘt des femmes[14].

Ce concept s'est également illustré en 2016 sur le plateau télévisé de Thierry Ardisson, Salut les Terriens[26]. En effet, le plateau étant quasiment entiÚrement constitué d'hommes, ceux-ci s'exprimaient sur le droit à l'avortement ou non lorsque la comédienne Muriel Robin, alors aussi invitée, s'est insurgée contre le fait que selon elle des hommes y discutaient entre eux d'un acte qui concernerait exclusivement le corps des femmes[27].

Critiques

Une critique dans les milieux fĂ©ministes du mot mansplaining est que l'utilisation de mots-valises de ce genre permet d'avoir une expression toute simple, qui ne pousse pas Ă  la rĂ©flexion sur pourquoi le phĂ©nomĂšne existe. De plus, accuser son adversaire de mansplaining permet de couper court Ă  tout dĂ©bat sous prĂ©texte de sexisme. Enfin, l'idĂ©e de « mansplaining » semble empĂȘcher de rĂ©flĂ©chir plus largement aux oppressions au-delĂ  du dualisme homme-femme[28].

Un autre reproche couramment évoqué est l'utilisation de néologismes trÚs utilisés sur les réseaux sociaux, mais peu dans les médias et le quotidien, et qui simplifient une réalité plus complexe[29].

Notes et références

  1. « Les nouveaux mots du féminisme », sur Le Monde, (consulté le ).
  2. « PĂ©nispliquer, Manspreading
 Le lexique des fĂ©ministes derniĂšre gĂ©nĂ©ration », sur RTL, (consultĂ© le ).
  3. « Mansplaining : «Les mots sont liés au pouvoir» », sur Libération, (consulté le ).
  4. (en) Rebecca Solnit, « Men Still Explain Things to Me », sur thenation.com, (consulté le ).
  5. « Mansplaining, slutshaming, dick picking
 Les mots de la domination masculine », sur L'Obs (consultĂ© le )
  6. (en) Rothman Lily, « A Cultural History of Mansplaining », sur theatlantic.com, (consulté le ).
  7. « Je veux comprendre
 le mansplaining », madmoiZelle.com,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  8. « La mecsplication, vous connaissez ? - Les Glorieuses », sur Les Glorieuses (consulté le ).
  9. Camille Hanot, « La "mecsplication": cette manie des hommes à nous expliquer ce que l'on sait », sur Flair.be, (consulté le )
  10. « En Français SVP: remplacer mansplaining par « pénispliquer » », sur On dira ce qu'on voudra, (consulté le ).
  11. (en) « "Mansplaining" Spawns a New Suffix », sur vocabulary.com, (consulté le ).
  12. Rebecca Solnit, « Why "Mansplaining" Is Still a Problem », AlterNet,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  13. (en-US) Hugo Schwyzer, « Five Tips for the Mansplainers in Your Life », Jezebel,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  14. (en) « A cultural history of mansplaining », sur The Atlantic, .
  15. Virginie Ballet, « Mansplaining : «Les mots sont liés au pouvoir» », sur liberation.fr, (consulté le ).
  16. (en) « Mansplaining, Explained », .
  17. (en) « Tag, You're It! "Hashtag" Wins as 2012 Word of the Year », .
  18. (en) « New words added to OxfordDictionaries.com today include binge-watch, cray, and vape », .
  19. (en) « Welcome to Outward », .
  20. (en) Caroline Turner, « Mansplaining and Womansplaining: When Women Talk Down to Men », sur HuffPost, (consulté le ).
  21. (en) « Urban Dictionary: Womansplaining », sur Urban Dictionary (consulté le ).
  22. « "What's mansplaining?" Senator Mitch Fifield offended by Senator Katy Gallagher's allegation ».
  23. (en-US) « New word alert: Mansplaining », Breaking Copy,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  24. (en-US) « From Manspreading to Mansplaining — 6 Ways Men Dominate the Spaces Around Them », Everyday Feminism,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  25. « Le manterrupting : quand le sexisme coupe la parole aux femmes », sur positivR.fr, .
  26. « Muriel Robin : Son coup de gueule contre les politiques dans "Salut les terriens !" », (consulté le ).
  27. « Coup de gueule de Muriel Robin sur l’IVG : « Ça se passe bien entre vous les mecs ? » », L'Obs,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  28. (en-GB) « Allow me to explain why we don't need words like 'mansplain' », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consultĂ© le ).
  29. « Puis-je mecspliquer? », Lesoir.be,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Anne-Charlotte Husson. Feminist Thought and Online Lexical Creativity: the Case of "Mansplaining". Feminist Thought - Politics of Concepts. 5th Christina Conference on Gender Studies, May 2013, UniversitĂ© d'Helsinki, Finlande. <hal-01250695>
  • Imperatori-Lee, Natalia. “Father Knows Best: Theological ‘Mansplaining’ and the Ecclesial War on Women.” Journal of Feminist Studies in Religion, vol. 31, no. 2, 2015, p. 89–108. JSTOR
  • Poland, Bailey. “Don't Feed the Trolls: Why Advice about Cybersexism Fails.” Haters: Harassment, Abuse, and Violence Online, University of Nebraska Press, Lincoln, 2016, p. 61–88, JSTOR
  • Rebecca Solnit, Ces hommes qui m'expliquent la vie, Ă©ditions de l'Olivier, 2018.

Articles connexes

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