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Conte philosophique

Le conte philosophique, genre littĂ©raire nĂ© au XVIIIe siècle, est une histoire fictive, critique de la sociĂ©tĂ© et du pouvoir en place pour transmettre des idĂ©es, concepts Ă  portĂ©e philosophique : mĹ“urs de la noblesse, rĂ©gimes politiques, fanatisme religieux ou encore certains courants philosophiques. Il reprend la construction du conte et utilise certaines de ses formulations comme « il Ă©tait une fois Â», dans le but de se soustraire Ă  la censure qui sĂ©vit Ă  cette Ă©poque. Il appartient, comme lui, au genre de l'apologue, court rĂ©cit allĂ©gorique et argumentatif dont on tire une morale, et qui regroupe aussi, entre autres, la fable et l'utopie.

Lecture de la tragédie de l'orphelin de la Chine de Voltaire dans le salon de madame Geoffrin.

Voltaire est le principal représentant de ce genre, Candide, Micromégas et Zadig étant ses œuvres les plus représentatives.

Contexte d'Ă©mergence

Louis XIV meurt en 1715, après un règne qui a vu l’apogĂ©e du pouvoir royal et le retour Ă  un ordre moral. La monarchie absolue censure de nombreuses publications littĂ©raires. HĂ©ritiers des libertins du XVIIe siècle, des esprits critiques comme Voltaire et Diderot sont appelĂ©s les « philosophes des Lumières Â». Ils dĂ©noncent, au nom de la Raison et des valeurs morales, les oppressions qui perdurent Ă  leur Ă©poque. Ils subissent pour la plupart cette censure ou des peines d'emprisonnement. De ce fait, des publications clandestines voient le jour pour certains, pendant que d'autres se tournent vers des souverains Ă©trangers que l'on appelle les « despotes Ă©clairĂ©s Â».Pour essayer de contourner les interdits, ces philosophes imaginent de nouveaux genres littĂ©raires, et parmi eux, le conte philosophique.

Les grandes caractéristiques du conte philosophique

Un genre composite

Le conte philosophique est un genre hybride[1]. Les caractéristiques des contes de fées sont détournées et des problématiques philosophiques sont délivrées. Ainsi, dans Candide de Voltaire, les traits traditionnels du conte sont présents : l'action se déroule dans un château, l'époque est indéterminée (bien que l'on puisse observer des parallèles historiques, notamment le séisme de Lisbonne de 1755) et les personnages sont nobles pour la plupart. Certaines caractéristiques du roman d'aventures apparaissent également, comme la présence de nombreuses péripéties ou encore de longs voyages[2]. Voltaire écrit ses contes comme des contes traditionnels, mais les modifie à sa manière en y insérant une thèse philosophique ; c'est un moyen pour lui de communiquer ses idées[3]. Il y ajoute les procédés du registre comique, comme l'ironie, se rapprochant ainsi parfois du genre de la farce. Une morale et des éléments de la société contemporaine sont aussi présents, pour que le lecteur réfléchisse au conte et à la question qu'il pose. Le conte philosophique comprend également certains attributs du genre picaresque, comme le fait que le héros traverse plusieurs classes sociales, ou encore que les sentiments élevés, comme l'amour, sont tournés en dérision.

Un genre parodique

Le conte philosophique tire la plus grande partie de sa structure des contes, mais il parodie ce genre en exagĂ©rant certaines de ses caractĂ©ristiques[4]. Il comporte gĂ©nĂ©ralement des aspects merveilleux comme des personnages qui meurent, puis reviennent Ă  la vie sans plus d'explication, alors que d'autres meurent dĂ©finitivement. De plus, les personnages sont souvent caricaturaux : ils sont dĂ©finis par un seul trait de caractère. Ainsi, le personnage de Candide peut ĂŞtre compris simplement par son nom. Mais l'univers est rĂ©el et se confronte souvent avec la sociĂ©tĂ© contemporaine de l'auteur. Ce dĂ©calage est crĂ©Ă© par la parodie, un artifice littĂ©raire qui utilise le dĂ©tournement, l'inversion, la rĂ©duction, l'amplification, l'anachronisme et les jeux de mots, en dĂ©tournant les règles du genre parodiĂ©[5]. Ainsi, dans Candide, Voltaire fait un jeu de mots sur l'intitulĂ© de la philosophie du personnage de Pangloss qu'il nomme la Â« mĂ©taphysico-thĂ©ologo-cosmolonigologie Â»[6].

Un genre satirique

Homme qui va être brûlé par arrêt de l'inquisition.

Le conte philosophique utilise souvent la satire comme procĂ©dĂ© littĂ©raire. En effet, la satire est un bon moyen de dĂ©nonciation et de critique de la sociĂ©tĂ©. La satire s'appuie sur de nombreuses techniques comme la caricature, l'ironie et l'humour noir. La caricature permet en effet au lecteur de rire en lui fournissant une image exagĂ©rĂ©e de la rĂ©alitĂ©, c'est le but mĂŞme de la littĂ©rature satirique. C'est par ce procĂ©dĂ© que Voltaire critique la noblesse très prĂ©sente dans Candide. Il y dĂ©nonce Ă©galement la pensĂ©e de certains philosophes. Par exemple, Pangloss est une caricature du philosophe allemand Leibniz. L'humour noir fait aussi passer de nombreuses choses ignobles et immorales qui ont alors l'air tout Ă  fait banales. Par exemple, dans le chapitre 9 du mĂŞme ouvrage, Voltaire Ă©crit : « On enterre monseigneur dans une belle Ă©glise, et on jette Issachar Ă  la voirie Â»[7].

Un genre argumentatif

Le conte philosophique doit sa notoriĂ©tĂ© Ă  Voltaire dont les essais sont rendus concrets par le biais des personnages et de l'utilisation des registres comiques ou encore satiriques. L'argumentation a toujours Ă©tĂ© liĂ©e Ă  la littĂ©rature : la lĂ©gèretĂ© du rĂ©cit permet de toucher un plus grand nombre de lecteurs et donc de diffuser les thèses des philosophes. Le but de l'argumentation est de prĂ©senter de manière constructive le dĂ©veloppement de certaines idĂ©es ou avis, Ă  l'aide d'arguments. Pour dĂ©fendre les idĂ©es des Lumières, "les thèmes des Ă©crits Ă©taient fictifs car la fiction sĂ©duit le lecteur et fonctionne comme un appât : elle ensorcelle par le rĂ©cit, la moralitĂ© (ou la thèse dĂ©fendue) devient ainsi plus «digeste»"[8]. Tout texte comporte un thème, c'est-Ă -dire un sujet qu'il traite. Mais le texte argumentatif comprend aussi une thèse, c'est-Ă -dire un avis, un jugement qu'un locuteur dĂ©fend. Il faut donc identifier (et distinguer) le thème et la thèse. Ă€ la thèse soutenue par l'auteur s'oppose la thèse adverse, ou thèse rĂ©futĂ©e. Dans Candide de Voltaire, Pangloss est l'incarnation de la pensĂ©e de Leibniz dont la thèse est attaquĂ©e par l'auteur durant tout le rĂ©cit. Afin de dĂ©fendre sa thèse et transmettre des idĂ©es, l'auteur du texte emploie des arguments : idĂ©es, causes, rĂ©fĂ©rences. Il les appuie et les rend plus concrets grâce Ă  des exemples. Le conte philosophique est obligatoirement un texte d'argumentation indirecte, c'est-Ă -dire que le rĂ©cit et les situations peuvent sĂ©duire le lecteur mais la leçon que dĂ©livre le texte (implicitement ou explicitement ) doit l'instruire en lui dĂ©livrant un contenu moral. Au lieu de procĂ©der Ă  une dĂ©monstration fondĂ©e sur l'alternance d'arguments et d'exemples, l'auteur choisit, grâce Ă  ce genre, de convaincre le lecteur par l'intermĂ©diaire d'une histoire qui sert d'argument unique et d'exemples longuement dĂ©veloppĂ©s.

Principaux auteurs

Références

  1. Voltaire, Candide, Paris, Editions Belin/Editions Gallimard, , 192 p. (ISBN 978-2-7011-5970-6)
  2. Hervé Duchêne, Candide, Rosny-sous-Bois, Bréal, , 128 p. (ISBN 2-84291-153-9), p.57-63
  3. Jean Labesse, Le conte philosophique voltairien, Paris, Ellipses, , 62 p. (ISBN 2-7298-4527-5)
  4. Le Dictionnaire du littéraire, PUF, , Le Conte p.118
  5. Phillippe Van Tieghem, Dictionnaire des littératures, PUF, , p. 2983
  6. Voltaire, Candide, Paris, Belin/Gallimard, , 191 p. (ISBN 978-2-7011-5970-6), p.12
  7. Voltaire, Candide, Paris, Belin/Gallimard, , 187 p. (ISBN 978-2-7011-5970-6), Page 40
  8. « Les Formes de l'argumentation », sur Le Monde (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Xavier Damas (dir.), Terres littĂ©raires, Hatier, 2011, 554 pages.
  • BĂ©atrice Didier, Dictionnaire universel des littĂ©ratures P-Z, PUF, 1994, p. 4062-4068
  • Marie-HĂ©lène Dumeste, Candide ou L'optimiste, Hatier, collection profil d'un Ĺ“uvre, 2001,122 p.
  • Empreintes littĂ©raires, Magnard, 2011, 544 pages.
  • Serge-RenĂ© Fuchet, Le conte philosophique, Editions collections de mĂ©moire, 2017
  • Jean Marmier, Dictionnaire des Genres et Notions littĂ©raires, EncyclopĂ©die Universalis, 2014. Apologue littĂ©raire, p. 34.
  • Sophie Pailloux-Riggi et Dominique Rince, Français 2de., Nathan, 2011, 512 pages.

Articles connexes

Liens externes

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