Zadig (livre)
Zadig ou la Destinée est un conte philosophique de Voltaire, publié pour la premiÚre fois en 1747 sous le nom de Memnon. Allongé de quelques chapitres, il fut publié une nouvelle fois en 1748 sous son titre actuel.
Zadig ou la Destinée | |
Ădition de 1748. | |
Auteur | Voltaire |
---|---|
Pays | France |
Genre | Conte philosophique |
Lieu de parution | Lyon[1] |
Date de parution | 1748 |
Nombre de pages | 60 |
DâaprĂšs Longchamp, secrĂ©taire de Voltaire, câest au cours des soirĂ©es mondaines donnĂ©es Ă Sceaux, chez la duchesse du Maine, que lâidĂ©e dâĂ©crire des contes inspire Ă Voltaire ce petit roman, qualifiĂ© aussi de conte philosophique, qui connaĂźt plusieurs Ă©ditions Ă partir de 1747. Il sâest par ailleurs dĂ©fendu dâen ĂȘtre lâauteur, le considĂ©rant comme une simple « couillonnerie »[2].
Cette Ćuvre est inspirĂ©e d'un conte persan intitulĂ© Voyages et aventures des trois princes de Serendip[3]. Cependant Zadig va plus loin que les trois princes de Serendip en ce sens qu'il utilise la science de son temps, un « profond et subtil discernement », pour parvenir Ă ses conclusions. Il a acquis « une sagacitĂ© qui lui dĂ©couvrait mille diffĂ©rences oĂč les autres hommes ne voient rien que d'uniforme ». Voltaire n'Ă©voque pas le hasard mais parle d'une « bizarrerie de la providence »[4]. Il introduit Ă©galement le suspense dans son rĂ©cit, alors que dans la tradition du conte oriental le lecteur est averti dĂšs le dĂ©part que les trois frĂšres n'ont pas vu l'animal, ce qui rapproche le raisonnement par dĂ©duction de Zadig de la mĂ©thode scientifique.
Résumé
Voltaire retrace les mĂ©saventures dâun jeune homme, nommĂ© Zadig[alpha 1], qui fait lâexpĂ©rience du monde dans un Orient de fantaisie.
Tour à tour favorable ou cruelle, toujours changeante, la fortune du héros passe par des hauts et des bas qui rythment le texte : tantÎt victime d'injustices, tantÎt accusé à tort, Zadig échappe plusieurs fois à des amendes ou à la prison. Quand il devient Premier ministre du roi de Babylone, celui-ci l'apprécie fort, car Zadig mÚne une politique équitable, et ses décisions ou jugements ne prennent pas en compte la richesse de ses administrés.
Malheureusement pour lui, lâamour compromettant quâil porte Ă la reine AstartĂ© est dĂ©couvert par la Cour. Zadig, craignant que le roi n'assassine la reine par vengeance, se rĂ©sout Ă fuir le royaume de Babylone.
Durant son voyage Ă travers le monde, Zadig rencontre de nombreux personnages hauts en couleur, se trouve parfois en proie au dĂ©sespoir ou Ă la souffrance, doit faire face Ă lâinjustice et Ă la superstition, ainsi quâĂ tous les dangers d'une telle errance, mais ne perd pas l'espoir de retrouver un jour AstartĂ©. Il revient finalement Ă Babylone, dĂ©fie le roi et, vainqueur, prend sa place.
C'est du chapitre VI qu'est extraite la célÚbre citation « il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent »[5].
Résumé par chapitre
- I. Le borgne : Zadig est un babylonien vertueux, suivant pieusement les prĂ©ceptes de Zoroastre[6] - [7]. Alors qu'il s'apprĂȘte Ă Ă©pouser SĂ©mire, femme belle, riche et de haute naissance[8], Orcan, jaloux, vient enlever cette derniĂšre. Zadig dĂ©fend fiĂšrement sa dame[9] mais il est griĂšvement blessĂ©[10]. On fait venir un mĂ©decin de Memphis, HermĂšs, lequel lui annonce que Zadig sera borgne[11]. Toutefois, Zadig guĂ©rit deux jours aprĂšs[12]. Il apprend alors que SĂ©mire, figure de l'inconstance, l'a quittĂ© et s'est mariĂ© Ă Orcan[13]. Zadig en souffre longuement, mais s'en remet. Il dĂ©cide d'Ă©pouser Azora, une riche bourgeoise[14].
- II. Le nez : Azora rentre au domicile hors d'elle. Alors que Cosrou, une jeune veuve, avait juré de rester à cÎté de la tombe de son mari tant que le ruisseau auprÚs duquel il est enterré coulerait à cÎté, Azora l'a vue détourner le ruisseau. Azora surréagit et s'emporte. Zadig n'aime pas sa réaction, feinte. Il imagine un stratagÚme pour vérifier la probité de sa femme : Il se fait passer pour mort et demande à son ami Cador de feindre une maladie dont le remÚde est un bout du nez d'un mort récent. Azora, déjà intéressée par Cador, n'hésite pas à aller chercher le nez de Zadig. Ce chapitre est inspiré d'un conte Chinois[15].
- III. Le chien et le cheval : On recherche la chienne de la reine, et Zadig arrive Ă dĂ©crire parfaitement l'allure de la chienne mais dit qu'il ne l'a point vue. Il arrive la mĂȘme histoire pour le cheval. On le soupçonne donc du vol des animaux. Il explique qu'il avait devinĂ© leur apparence par les traces qu'ils avaient laissĂ©es dans la forĂȘt. On admire son gĂ©nie mais la justice lui prend plus en frais que l'amende Ă laquelle il avait Ă©tĂ© condamnĂ©. Un prisonnier politique passe ensuite sous sa fenĂȘtre, mais il ne rĂ©agit pas, par crainte de s'attirer de nouveaux ennuis. Il est condamnĂ© Ă verser 500 onces d'or. Ce chapitre s'inspire du conte persan Voyages et aventures des trois princes de Serendip.
- IV. L'envieux : Pour avoir contredit un mage sur le griffon, Zadig est menacĂ© d'exĂ©cution. Un homme jaloux de la renommĂ©e de Zadig, Arimaze, est prĂ©sent un soir chez lui et voit Zadig Ă©crire un poĂšme au sujet du roi sur une tablette puis, insatisfait, la rompre verticalement en deux et la jeter. Arimaze en retrouve une moitiĂ©, y trouve une injure contre le roi Moabdar, se dĂ©pĂȘche de faire incarcĂ©rer Zadig. Pendant son procĂšs, un perroquet rapporte l'autre partie : il apparaĂźt que le texte complet Ă©tait une louange au roi ; Zadig est disculpĂ© et se trouve apprĂ©ciĂ© du roi.
- V. Les généreux : Pour un événement qui a lieu tous les cinq ans, Zadig est choisi comme le plus vertueux car il a osé parler en bien d'un ministre que le roi venait de renvoyer. Cette marque de courage et d'intégrité lui vaut le titre de citoyen ayant fait la meilleure action, tandis que le roi acquiert une réputation de prince magnanime.
- VI. Le ministre : Zadig devient premier ministre et il est trĂšs aimĂ©. Il dĂ©mĂȘle beaucoup de problĂšmes complexes en donnant raison Ă celui qui est le plus juste et le moins avare.
- VII. Les disputes et les audiences : Zadig rÚgle une dispute entre les adeptes d'un temple dont certains disaient qu'il fallait y entrer du pied gauche et les autres du pied droit, en y entrant à pieds joints. Il accorde aussi de nombreuses audiences aux dames qui veulent le voir, mais on dit qu'il semble préoccupé et ne succombe jamais à leurs charmes.
- VIII. La jalousie : Il tombe amoureux de la reine, AstartĂ©. La femme de l'envieux envoie sa jarretiĂšre de la mĂȘme couleur que celle de la reine au roi et celui-ci se rend compte que les rubans de cette derniĂšre sont de la mĂȘme couleur que le chapeau de Zadig, ce qui suffit au roi, trĂšs jaloux, pour tirer ses conclusions. Il veut les tuer dans la nuit mais le muet de la reine l'avertit et Zadig s'enfuit, demandant Ă Cador de s'occuper de la reine. Cador prĂ©tend que Zadig est allĂ© vers la route des Indes alors que celui-ci est allĂ© vers l'Ăgypte.
- IX. La femme battue : Il rencontre en Ăgypte une femme battue, Missouf, qui lui demande de la sauver de son agresseur. Ce dernier arrive et attaque Zadig, qui se dĂ©fend et n'a d'autre choix que de le tuer. Missouf est fĂąchĂ©e de son geste. Des gens viennent l'enlever mais Zadig dĂ©cide de ne plus la sauver.
- X. L'esclavage : En entrant dans la ville, il se fait arrĂȘter pour avoir tuĂ© ClĂ©tofis, mais il est seulement vendu comme esclave Ă©tant donnĂ© la nature de lĂ©gitime dĂ©fense de son geste. SĂ©toc, un marchand, l'achĂšte et finit par le trouver intelligent. Zadig fait ses preuves alors qu'il le tire d'une affaire avec un HĂ©breu qui lui devait de l'argent : tous les tĂ©moins de l'entente sont morts mais Zadig fait avouer Ă l'HĂ©breu qu'il connaissait l'existence du lieu du pacte et donc que ce dernier avait bel et bien Ă©tĂ© conclu.
- XI. Le bûcher : Zadig trouve ridicule la tradition du bûcher de veuvage qui veut que les femmes se brûlent avec leur mari lorsqu'il décÚde. Il réussit à s'entretenir avec une veuve, Almona, et la persuade de ne pas se brûler vu tous ses charmes et ce qu'elle a encore devant elle. Il conclut que chaque veuve devra maintenant s'entretenir toute une heure avec un jeune homme avant de se brûler et éradique la tradition.
- XII. Le souper : SĂ©toc et Zadig vont Ă la grande foire de Balzora, oĂč ils assistent Ă un souper durant lequel des marchands se chicanent pour des croyances spirituelles culturelles diffĂ©rentes. Zadig finit par leur montrer qu'ils croient en fait tous au mĂȘme Dieu crĂ©ateur.
- XIII. Les rendez-vous : Les prĂȘtres n'apprĂ©cient pas la fin des bĂ»chers de veuvage et l'arrĂȘtent. Almona le sauve en priant quatre prĂȘtres de signer la libertĂ© de Zadig en Ă©change de ses faveurs. Elle leur donne rendez-vous tous au mĂȘme endroit et invite les juges Ă assister Ă leur arrivĂ©e pour montrer leur manque de vertu. Zadig est libĂ©rĂ© et SĂ©toc Ă©pouse Almona.
- XIV. Le brigand : Zadig et son accompagnateur se font arrĂȘter par des soldats qui disent qu'ils leur appartiennent. Ils se battent tout de mĂȘme courageusement et Arbogad, le maĂźtre du chĂąteau, les voit et les invite Ă entrer. Il leur explique qu'il est le plus grand des brigands. Il apprend aussi Ă Zadig que le roi Moabdar est mort et que Babylone va trĂšs mal. En revanche, il ne sait pas oĂč est AstartĂ©.
- XV. Le pĂȘcheur : Zadig croise un pĂȘcheur qui dit ĂȘtre le plus malheureux des hommes et veut mettre fin Ă ses jours. Il Ă©tait auparavant un marchand de fromage Ă la crĂšme Ă Babylone, mais un jour il n'a pas Ă©tĂ© payĂ© par Zadig et la reine car ils s'Ă©taient enfuis. Il alla par la suite chez Orcan pour demander de l'aide mais celui-ci n'aida que sa femme qu'il garda avec lui. Il voulut ensuite vendre sa maison mais elle fut brĂ»lĂ©e. Zadig lui dit d'aller voir Cador Ă Babylone et de l'attendre. Il lui donne la moitiĂ© de son argent et lui redonne espoir.
- XVI. Le basilic : Zadig croise des femmes qui cherchent un basilic pour soigner leur maĂźtre Ogul qui souffre d'obĂ©sitĂ©. Il voit AstartĂ© qui lui raconte toute l'histoire : le frĂšre de Cador l'a enfermĂ©e dans une statue alors que Cador donnait des fausses pistes sur leur fuite au roi. On crut alors l'avoir trouvĂ©e alors qu'il s'agissait de Missouf, mais le roi Moabdar dĂ©cida de la prendre pour femme, et elle rĂ©gna trĂšs mal sur Babylone. Moabdar vint supplier la statue oĂč AstartĂ© se trouvait et elle lui rĂ©pondit que les dieux ne l'aideraient pas. Il devint fou. AstartĂ© se trouva enlevĂ©e par un prince mais Missouf prit sa place, vu leur ressemblance, et elle s'enfuit. Cependant, le voleur Arbogad l'enleva et la vendit Ă Ogul. AprĂšs avoir appris toute l'histoire, Zadig donne un faux basilic Ă Ogul et lui dit non pas de le manger mais de le pousser et de faire un rĂ©gime. Il demande la libertĂ© d'AstartĂ© en Ă©change. Ogul maigrit et se sent mieux. Le mĂ©decin d'Ogul veut l'empoisonner, mais il est sauvĂ© Ă temps par une lettre d'AstartĂ©.
- XVII. Les combats : Astarté revient glorieusement à Babylone et on décide pour choisir le roi que le prétendant au trÎne devra réussir une épreuve de combat et une énigme. Zadig gagne les combats mais Itobad lui vole son armure durant la nuit et est proclamé vainqueur à sa place.
- XVIII. L'ermite : Zadig croise un ermite qui lit le livre des destinĂ©es et lui fait promettre d'ĂȘtre patient et de rester avec lui quelques jours. La premiĂšre nuit, ils dorment dans un riche chĂąteau abritant un vaniteux qui les sert bien mais sans chaleur. L'ermite vole un bassin d'or incrustĂ© de pierres. Ensuite, ils vont dans la petite maison d'un avare qui les traite trĂšs mal, mais l'ermite lui donne le bassin, disant Ă Zadig que le vaniteux deviendrait plus sage et que l'avare suivrait les rĂšgles de l'hospitalitĂ©. La deuxiĂšme nuit, ils dorment dans la charmante maison d'un philosophe. L'ermite y met le feu. La troisiĂšme nuit se passe chez une veuve avec son neveu de 14 ans, et l'ermite noie le neveu. En fait, l'ermite est l'ange Jesrad, qui explique Ă Zadig qu'il a fait ces choses car elles apporteront par la suite du bien (le philosophe trouvera une rĂ©serve d'or sous sa maison et le neveu aurait tuĂ© sa tante) et que les maux sont nĂ©cessaires : il n'y a pas de hasard, seulement la Providence, il est important de se faire Ă l'idĂ©e que le mal est un Ă©lĂ©ment nĂ©cessaire Ă l'ordre du monde et Ă la naissance du bien. Jesrad indique Ă Zadig qu'il doit se rendre Ă Babylone. Zadig n'est pas vraiment convaincu par le discours sur le mal nĂ©cessaire, mais se dirige vers Babylone[alpha 2]
- XIX. Les énigmes : Zadig revient à Babylone et dit que quelqu'un lui a volé sa gloire lors des combats. Il réussit les énigmes et défie Itobad qui perd. Il devient roi, peut épouser Astarté, et rÚgne en homme bon en adorant la Providence.
- Appendice (Les deux chapitres suivants sont des ajouts) XX. La Danse : Zadig est contraint d'aller sur l'ßle de Serendib à la place de Sétoc. Là -bas, le roi Nabussan recherche un trésorier qui ne le vole pas. Zadig fait passer les prétendants par une salle du trésor (non gardée), puis, en guise d'examen, leur ordonne de danser pour le roi. Les prétendants échouent tous à cause de leurs poches pleines de l'or qu'ils viennent de voler, à l'exception d'un seul qui est donc nommé trésorier.
- Appendice, XXI. Les yeux bleus : La seule femme que Zadig recommanda au roi avait les yeux bleus. Cependant, les lois interdisaient d'aimer une femme aux yeux bleus. Zadig, accusé par tous, fuit l'ßle et reprend son périple à la recherche d'Astarté.
Personnages
- Zadig : philosophe de Babylone, personnage principal de lâhistoire ;
- Astarté : reine de Babylone, dernier amour de Zadig ;
- Moabdar : le roi de Babylone ;
- Sétoc : maßtre de Zadig esclave, en hébreu « tais-toi » ;
- Cador : ami fidĂšle et confident de Zadig ;
- SĂ©mire : premier amour de Zadig ; le trahit en Ă©pousant Orcan ;
- HermÚs : grand médecin provenant de Memphis ;
- Orcan : rival de Zadig, qui lui vole sa premiĂšre femme ;
- Azora : deuxiĂšme amour de Zadig ;
- Almona : veuve, en hébreu Almana « veuve » ;
- Arbogad : riche brigand ;
- Arimaze: surnommé « l'envieux », il veut nuire à Zadig
- Ogul : le maitre d'Astarté quand celle-ci fut esclave
- Missouf : elle sera la seconde épouse de Moabdar. Elle deviendra ensuite esclave du prince d'Hyrcanie auprÚs d'Astarté ;
- L'Ermite : Il prétend se nommer Jesrad, mais il est en réalité un ange qui guidera Zadig vers le bonheur.
Zadig est le personnage principal et Ă©ponyme du conte. Son nom signifie « le vĂ©ridique » (áčŁÄdiq) ou « lâami » (áčŁadÄ«q) en langue arabe et « le juste » (áčŁaddÄ«q) en hĂ©breu. Il est prĂ©sentĂ© dĂšs le premier chapitre comme un homme trĂšs vertueux, sans aucun dĂ©faut pour la sociĂ©tĂ© de Voltaire. Son meilleur ami Cador est un beau jeune homme, dont le portrait nâest pas prĂ©cis. En arabe, Cador signifie « le tout puissant » (qaddĆ«r).
Le premier amour de Zadig, auprĂšs de laquelle celui-ci croit vivre dans le bonheur, se nomme SĂ©mire. Mais celle-ci se rĂ©vĂ©lera infidĂšle ainsi que sa deuxiĂšme Ă©pouse, Azora. La femme du roi Moabdar, son dernier amour, et qui lui fait perdre la raison sâappelle AstartĂ©, une femme trĂšs belle avec qui il se mariera Ă la fin du roman.
Depuis le premier chapitre, Voltaire fait rĂ©fĂ©rence aux principes de Zoroastre, que Zadig observe. Dans ceux-ci, le principe du mal est appelĂ© Ahriman â comme le courtisan envieux appelĂ© Arimaze au chapitre IV â, opposĂ© au principe du bien Orzmud. Lâarchimage de Zoroastre est appelĂ© YĂ©bor, anagramme de Boyer, nom de lâĂ©vĂȘque de Mirepoix et ennemi de Voltaire.
Zadig est avant tout une satire fĂ©roce de la sociĂ©tĂ© française de son Ă©poque, transposĂ©e dans un orient imaginaire, peuplĂ© de personnages outrĂ©s, sans nuance. Elle est peuplĂ©e d'hypocrites, dont les actions vont Ă l'encontre de l'amitiĂ©, de l'amour, ou des nobles principes religieux qu'ils professent en public. Les rois n'y sont pas mauvais, mais ils sont incapables de rĂ©gler leurs problĂšmes, et le rĂ©sultat ne sera bon que s'ils Ă©coutent le hĂ©ros, alors qu'ils Ă©coutent tout autant les trompeurs. Le peuple suit bĂȘtement la tradition, mais il est prĂȘt Ă y renoncer si on lui montre qu'elle est mauvaise.
Toute l'habiletĂ© du hĂ©ros le met plus souvent en mauvaise posture qu'elle ne le sauve, il ne doit son salut qu'Ă plusieurs miracles. La vertu et les bonnes actions du hĂ©ros lui attirent les mauvais sentiments de ses contemporains (jalousie, vengeance, etc.) et lui valent une suite ininterrompue d'avanies bien plus crĂ©dibles que les miracles qui le sauvent par la suite. Le monde de Zadig annonce dĂ©jĂ celui du Candide et la conception de Voltaire face au problĂšme du mal : ĂȘtre vertueux ne vous protĂšge pas du mal, au contraire, cela vous expose Ă la mĂ©chancetĂ©, et vous en aurez quand mĂȘme subi les consĂ©quences mĂȘme si finalement un miracle survient qui vous sauve. Cependant, le mĂ©chant ne triomphe pas, il finit mal, mĂȘme si ça prend du temps.
Histoire Ă©ditoriale
Une premiĂšre version plus brĂšve intitulĂ©e Memnon, histoire orientale est publiĂ©e pendant lâĂ©tĂ© 1747 en Hollande sans grand Ă©cho en France[alpha 3]. SĂ©journant Ă Sceaux chez la duchesse du Maine, Voltaire complĂšte le conte, en y ajoutant les chapitres Le Souper, Les Rendez-Vous, Le PĂȘcheur, ainsi qu'une ĂpĂźtre dĂ©dicatoire. Il paraĂźt en septembre 1747 sous le titre Zadig, ou la destinĂ©e[16].
Voltaire modifie encore plusieurs fois son texte. En 1752, pour une Ă©dition de ses Ćuvres chez l'Ă©diteur Georg Conrad Walther, il rajoute dans le chapitre LâEnvieux lâanecdote Ă propos de Yebor. En 1756, pour une Ă©dition chez Cramer, le chapitre Les Jugements est complĂ©tĂ© et scindĂ© en deux : Le Ministre et Les Disputes et les audiences. L'Ă©dition posthume de Kehl rajoutera en 1784 deux nouveaux chapitres : La Danse et Les Yeux bleus que Voltaire n'avait pas retenus de son vivant[16].
Zadig paraßt d'abord anonymement et Voltaire, comme souvent, en dénie d'abord la paternité. Les réactions virulentes sont rares et le conte connaßt un grand succÚs[16].
Analyse
L'organisation du texte est une accumulation dâaventures dans un mode de composition oĂč le dĂ©tail et lâintĂ©rĂȘt de chaque Ă©pisode lâemportent sur celui de lâensemble. Les fables sont indĂ©pendantes, mais leur sens global reflĂšte une rĂ©flexion philosophique[17].
On retrouve dans Zadig les critiques habituelles de Voltaire envers la corruption politique, les flatteurs trop Ă©coutĂ©s par les rois, lâaviditĂ© des prĂȘtres jaloux de leur pouvoir, lâavarice des riches. Et un rĂ©sumĂ© de sa philosophie : dĂ©isme, tolĂ©rance, bon usage de la raison au-delĂ des croyances immĂ©diates et des superstitions anciennes, exaltation des vertus sociales et du commerce, et de la politique Ă©clairĂ©e par la philosophie[18].
La signification du conte est toujours discutée : « Faut-il prendre Voltaire au sérieux et croire que la leçon du conte est que nous sommes tous les marionnettes de la Providence et que nous devrions nous résigner à notre destin inaltérable ? Ou faut-il plutÎt croire que Voltaire se moque de l'idée exprimée par Pope et Leibnitz et selon laquelle chaque événement fait partie de l'ordre de l'univers, et selon laquelle tout mal entraßne un plus grand bien ? Ou est-ce que le conte illustre le dilemme de Voltaire qui doit reconnaßtre l'existence ou la coexistence du mal et du bien sans pouvoir concevoir comment ils s'accordent ?[19] »
Dans son livre Le Plagiat par anticipation, en 2009, Pierre Bayard dĂ©veloppe par jeu l'idĂ©e que Voltaire aurait plagiĂ© dans Zadig en 1747 les enquĂȘtes de Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle parues quelque 150 ans aprĂšs. C'est un moyen humoristique de montrer que Zadig est un prĂ©curseur des enquĂȘtes policiĂšres Ă la Sherlock Holmes, fondĂ©es sur la recherche de preuves matĂ©rielles et une sĂ©rie de dĂ©ductions ingĂ©nieuses.
Bibliographie
Ăditions
- Xavier Darcos, Zadig, Classiques Hachette-Ăducation, 1re Ă©d. 1993, 20e rĂ©Ă©d. en 2006, (ISBN 2-01-020710-6) (BNF 35610517).
- Pascal Debailly, Zadig de Voltaire, Profil d'une Ćuvre, Ă©ditions Hatier.
- Ćuvres complĂštes de Voltaire, volume 30B, Oxford, Voltaire Foundation, 2004. Ădition critique par Haydn T. Mason. (notice en anglais)
Articles critiques
- MarilĂšne ClĂ©ment, Zadig, ou La destinĂ©e, histoire orientale de Voltaire; Ă©tude et analyse, Collection Mellottee, Paris, Ăditions de la PensĂ©e moderne, 1972.
- Jean Goulemot, André Magnan, Didier Masseau, Inventaire Voltaire, Gallimard, collection Quarto, 1995, p. 1413-1416.
- Raymond Trousson, Jeroom Vercruysse [Dir], Dictionnaire général de Voltaire, Honoré Champion, 2020, p. 1233-1237. Notice de S. Menant.
- Roseann Runte, RĂ©pĂ©tition et instabilitĂ© : la signification de Zadig, in Man and Nature / L'homme et la nature, Volume 3, 1984, p. 63â76. Lire en ligne.
- Jean Sareil, De "Zadig" à "Candide", ou permanence de la pensée de Voltaire, Romanic Review, Vol. 52, N° 4, (Dec 1, 1961). Lire en ligne (accÚs restreint).
- Jean-François Perrin, L'orientale allĂ©gorie : le conte oriental au XVIIIe siĂšcle en France : (1704-1774), Paris : HonorĂ© Champion Ăditeur, 2015.
Dérivés
- Georges Coulonges, Zadig ou la destinée, adaptation théùtrale créée au Théùtre d'Orsay par la Compagnie Renaud-Barrault en 1979 (édition Le Cherche midi).
- Claudine Cohen, La MĂ©thode de Zadig. La trace, le fossile, la preuve, Ă©ditions du Seuil, 2011.
Notes et références
Notes
- La racine du nom Zadig pourrait ĂȘtre l'hĂ©breu tsadik qui dĂ©signe le Juif juste et vertueux. Lire en ligne
- . Ce passage a Ă©tĂ© rapprochĂ© de la cĂ©lĂšbre sourate La Caverne (S. 18. V. 60-82) du Coran, lorsque MoĂŻse accompagne un ĂȘtre mystĂ©rieux (Al-Khidr) douĂ© d'une grande connaissance Ă travers son pĂ©riple, mais l'auteur de Le Fanatisme ou Mahomet le ProphĂšte a Ă©tĂ© accusĂ© de copier quasiment mot pour mot la fable the hermit de Thomas Parnell, et il n'est pas possible de savoir si la transmission de ce conte oriental classique, prĂ©existant au Coran, est passĂ© par cette source ou par une autre.
- Voltaire reprendra ce nom dans le conte Memnon ou la sagesse humaine.
Références
- « Zadig, ou la Destinée, histoire orientale », sur BNF, consulté le=1 mars 2021.
- LâencyclopĂ©die des Ă©nigmes - Docteur Mops, p. 151.
- Voltaire, Zadig, chapitre III.
- France culture - Ămission Science publique, « La sĂ©rendipitĂ© : Quel rĂŽle joue le hasard dans la science ? » (consultĂ© le )
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Voir la note : Citation dans Zadig, sur www.lirtuose.fr
- Ćuvres complĂštes de Voltaire, volume 30B, Oxford, Voltaire Foundation, 2004, p.69-74.
- Raymond Trousson, Jeroom Vercruysse [Dir], Dictionnaire général de Voltaire, Honoré Champion, 2020, p. 1233-1237
- Jean Goulemot, André Magnan, Didier Masseau, Inventaire Voltaire, Gallimard, collection Quarto, 1995, p. 1413-1416.
- Roseann Runte, RĂ©pĂ©tition et instabilitĂ© : la signification de Zadig, in Man and Nature / L'homme et la nature, Volume 3, 1984, p. 63â76. Lire en ligne.
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative à la littérature :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (fr) Livre audio mp3 gratuit Zadig ou la destinée de Voltaire.
- Zadig, version audio intégrale
- (fr) Zadig, le texte