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Thé en France

La consommation de thé en France remonte au XVIIe siècle et s'y est depuis lentement développée. Le marché y est très fragmenté, avec des marques de thé haut de gamme qui construisent une image de « thé à la française » s'exportant facilement, et des classes populaires plutôt consommatrices de thé en sachet britannique.

Des tables sur lesquelles sont posées des tasses et soucoupes blanches, des boissons dans des verres, et des pâtisseries.
Salon de thé gastronomique, Paris.

Le thé arrive en France sous le règne de Louis XIII, au même moment que d'autres produits coloniaux de luxe, le chocolat et le café, et gagne en popularité à l’arrivée de Jules Mazarin à la cour, qui prête au thé des vertus médicinales. Le prix est cependant élevé et le thé est réservé aux aristocrates, qui ne se contentent pas de le boire : il sert aussi de plante à fumer, d'herbe à salade ou d'ingrédient pour onguent. L’usage de mettre du lait dans le thé se développe à la cour française, le liquide trop chaud pouvant abîmer les tasses en porcelaine. À la Révolution française, le thé est vu comme un produit de luxe et on décourage sa consommation. Sous le Second Empire, l'anglomanie donne un nouveau souffle à la consommation de thé et l’impératrice Eugénie ouvre un salon de thé privé inspiré des salons littéraires du siècle précédent. D’autres salons de thé français, ouverts au public, font leur apparition à la même époque, dont Ladurée. Le thé commence à être consommé dans toute la France, mais reste réservé aux notables. Au XIXe siècle, les classes populaires prennent l'habitude de faire bouillir l’eau pour se protéger des épidémies de choléra et s’habituent au thé, qui est cependant concurrencé par le café. La fin du XIXe siècle est marquée par le courant japoniste et la fascination des élites culturelles parisiennes pour l'Extrême-Orient, ce qui donne un nouvel élan au thé. Le thé noir domine la consommation française jusque dans les années 1970, puis les thés parfumés prennent le pas jusqu'au début du XXIe siècle, où la tendance est au retour au thé vert, vu comme naturel et sain.

La production de thé au XIXe siècle est coloniale, essentiellement en Indochine. Une tentative d'acclimatation en Guyane se solde par un échec. Des tentatives de produire du thé en France ont lieu au cours de ce siècle, mais les spécimens restent cantonnés aux jardins botaniques. Une tentative de production de thé à La Réunion est abandonnée en 1972 pour ne reprendre qu'au début du XXIe siècle, tandis que des expériences locales sont organisées en Bretagne et à Nantes. Si la production française reste anecdotique, les maisons de thé françaises jouissent d’une bonne réputation. Plusieurs grandes marques, telles que Kusmi Tea, Mariage Frères ou Dammann Frères, transforment le thé en France, avant de l'expédier vers l'Europe ou le Japon.

Histoire

Période aristocratique : du XVIIe siècle à la Révolution française

Une peinture représentant un grand groupe de personnes dans une pièce au plafond très haut.
Le Thé à l'anglaise servi dans le salon des quatre-glaces au Palais du Temple à Paris, Michel-Barthélemy Ollivier, 1766, Château de Versailles. Le thé est initialement consommé en France par les milieux aristocratiques.

La France consomme du thé dès le règne de Louis XIII, à égalité avec les autres produits coloniaux de luxe que sont le chocolat et le café. Les sources divergent quant à son introduction précise : soit via les Néerlandais qui reçoivent leur première cargaison de thé à Amsterdam en 1610 et le redistribuent ensuite en Europe, soit directement par les jésuites et notamment Alexandre de Rhodes missionnaire mandaté en Chine de 1618 à 1653[o 1]. L'arrivée de Jules Mazarin à la cour augmente la popularité du thé dans l’aristocratie : on pense en effet alors que le thé a guéri sa goutte, et les traités français de médecine du XVIIe siècle ne cessent de vanter les mérites du thé[a 1]. Toutefois, en raison de son prix élevé, les médecins cherchent des alternatives parmi les plantes européennes, telles que la sauge ou la véronique officinale[l 1]. Au XVIIe siècle, l'usage du thé en France n'est pas limité à la boisson. Il est aussi consommé comme plante à fumer, herbe à salade ou utilisé en onguent[o 1].

C'est à la cour française que se met en place l'usage de mettre du lait dans le thé ; en effet verser préalablement quelques gouttes froides dans la tasse en porcelaine permet de protéger l'objet du choc thermique que provoque le versement du thé chaud[o 2].

Une sculpture dorée représentant une colonne autour de laquelle évoluent trois personnages, une femme, un homme et une personne portant un chapeau de paille.
Sculpture dans la maison chinoise de Potsdam, copie de la Maison du trèfle telle qu'elle existait en 1738 au Château de Lunéville, à la cour de Stanislas Leszczynski, typique de l'orientalisme de l'époque.

Le thĂ© est importĂ© de Chine via la Hollande jusqu'en 1700, date qui marque le retour du bateau L'Amphitrite de Chine et ainsi le dĂ©but des importations directes[a 1]. Dans les Lettres Ă©difiantes et curieuses, les jĂ©suites rapportent qu'ils cherchent Ă  dĂ©velopper directement le commerce du thĂ© entre Chine et France, notamment via l'Ă©tablissement de comptoirs Ă  Canton, mais que cette opĂ©ration pĂ©riclite au cours du XVIIIe siècle en raison de l'hostilitĂ© des Chinois Ă  leur Ă©gard[m 1]. Entre-temps, l'importation française de thĂ© chinois, via le port de Lorient, s'Ă©lève Ă  1 000 tonnes en 1766, et les quantitĂ©s importĂ©es sont multipliĂ©es par 400 entre 1693 et 1785[o 1]. Au cours de la RĂ©gence et du règne de Louis XV, les consommations de chocolat (prĂ©tendument aphrodisiaque) et de cafĂ© (en raison des cafĂ©s littĂ©raires) augmentent en France plus que celle du thĂ©[n 1]. La reine Marie Leszczynska reçoit Ă  la naissance du dauphin un nĂ©cessaire en porcelaine du Japon et or de France comprenant de quoi prĂ©parer thĂ©, chocolat et cafĂ©, aujourd'hui conservĂ© au Louvre[o 3] - [1]. Le thĂ© est plus populaire Ă  la cour du duchĂ© de Lorraine, oĂą le mĂ©decin de Stanislas Leszczynski lui recommande le thĂ© et oĂą la mode est Ă  l'exotisme turc et chinois[m 2] - [o 4]. Le confiseur de Stanislas, Joseph Gilliers, recommande alors de choisir des feuilles qui ont « un goĂ»t et une odeur de violette », de les faire bouillir 15 minutes dans de l'eau Ă©ventuellement enrichie de deux tranches de citron et de consommer le mĂ©lange avec un pain de sucre[o 5].

À la Révolution française, le thé, synonyme du luxe et du fossé séparant les hautes classes de la société du reste du peuple, est décrié et sa consommation découragée[w 1].

Redécouverte : anglomanie, japonisme, consommation coloniale et populaire

Une peinture représentant des personnes assises autour de tables rondes ou se tenant à un comptoir.
La Pâtisserie Gloppe aux Champs-Élysées, Jean Béraud, 1889, musée Carnavalet. Le salon de thé est une invention française du XVIIe siècle.

Au XIXe siècle et plus particulièrement sous le Second Empire, l'anglomanie donne un nouveau souffle à la consommation de thé[n 1]. Le salon de thé privé de l'impératrice Eugénie de Montijo est l'occasion de réunir les intellectuels de l'époque (Gustave Flaubert, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Auguste Delacroix, Gustave Doré, Louis Pasteur…), à la manière des salons littéraires du siècle précédent ; il sert ainsi à ancrer une filiation entre le Second Empire et la monarchie française, cette filiation étant réaffirmée dans la reprise de l'esthétique de Marie-Antoinette d'Autriche et enrichie d'une célébration assumée des richesses coloniales[o 6].

Les autres salons de thé à la française, ouverts au public, font leur apparition à Paris. Ils incluent Ladurée, où un public majoritairement féminin se fait servir des thés, d'autres boissons non-alcoolisées et des pâtisseries[n 1]. Ces salons de thé permettent aux femmes de bonne famille de sortir de chez elles sans avoir à fréquenter les établissements peu recommandables pour leur statut social que sont alors les cafés et les bistrots[o 1]. Ce service s'étend ensuite aux grands palaces parisiens mais reste cantonné aux notables de provinces et aux arrondissements bourgeois de la capitale : 7e, 8e et 16e[n 1]. Le thé est alors aussi consommé à Biarritz et sur la Riviera méditerranéenne par les plus riches et réservé à un usage médical dans les autres couches de la société[m 3] - [p 1]. La propagation de l’usage du thé aux classes moins aisées se fait très lentement, elle est en partie portée par la nécessité de faire bouillir l'eau avant de la consommer afin de se protéger du choléra qui sévit tout au long du XIXe siècle par vagues épidémiques, mais est ralentie par la concurrence du café, abondamment produit par les colonies françaises[m 3].

La France veut développer la production de thé dans ses colonies, en particulier en Indochine afin de répondre aux besoins de trois catégories de consommateurs : ceux d'Indochine, qui importent leur thé de Chine ; ceux d'Afrique du Nord, qui importent du thé vert anglais ; et enfin, ceux de la métropole, qui importent du thé noir britannique[2]. Pour les Français, la production locale est de très mauvaise qualité, et il leur apparaît nécessaire de fonder de nouvelles plantations tenues par des colons[2].

Une tentative de cultiver du thé en Guyane, colonie peu développée où les colons voient leurs opportunités d'enrichissement décroître avec l'interdiction de la traite des Noirs en 1815, échoue lamentablement : une trentaine de Chinois et de Malais, issus de la communauté de Manille, sont engagés et installés en 1820 dans une habitation des marais de Kaw. Mais le projet n'a manifestement pas été correctement planifié, la question de savoir si le lieu était propre à la culture du thé n'ayant pas été posée, tandis que les ouvriers sont installés dans de mauvaises conditions, subissent des mauvais traitements. La majorité meurt de maladie dans ce lieu insalubre, quatre survivants étant ramenés en Asie en 1835[3].

Au XIXe siècle, les importations de thĂ© fluctuent fortement en France : 150 tonnes en 1829, 46 tonnes en 1830, 87 tonnes en 1831, 231 tonnes en 1842[m 3]. Le mode de prĂ©paration du thĂ© Ă©volue : il s'agit d'abord de chauffer la vaisselle, thĂ©ière et tasse, avec de l'eau bouillante, puis de verser dans la thĂ©ière 4 grammes de thĂ© par convive, qu'on recouvre entièrement d'eau bouillante Ă  laisser infuser 6 Ă  8 minutes ; de l'eau est ensuite ajoutĂ©e afin d'en avoir assez pour tous les convives, et on verse dans chaque tasse du sucre, le thĂ©, et deux cuillères de crème[m 4]. Les thĂ©ières mĂ©talliques, en particulier en argent, sont alors rĂ©putĂ©es meilleures que celles en porcelaine en raison de leur conductivitĂ© thermique et il est recommandĂ© de conserver son thĂ© dans des boĂ®tes de fer-blanc ou de plomb[m 4]. Des tentatives de produire du thĂ© en France ont lieu au cours du XIXe siècle, mais les spĂ©cimens restent cantonnĂ©s aux jardins botaniques, en partie celui du musĂ©um national d'histoire naturelle et de l'orangerie du Luxembourg[m 5].

La fin du XIXe siècle est marquée par le courant japoniste et la fascination des élites culturelles parisiennes pour l'Extrême-Orient, ce qu'incarne la fréquentation de la Porte chinoise, boutique de thés et de meubles fréquentée par Zola, Baudelaire, Champfleury, Cernushi, Manet, Degas, Monet ou Fantin-Latour[o 1].

Une gravure en couleur représentant trois femmes dans un salon d'appartement.
Algéroises distinguées dans leur intérieur, gravure de 1899, Bibliothèque du Congrès.

L'Exposition universelle de 1900 est l'occasion pour la France de découvrir le thé de Ceylan, qui prend alors une image d'exotisme et de qualité[a 2]. Au début du XXe siècle, le thé est avant tout prétexte à réunion sociale et mondaine, et les goûters dansants, où est servi du thé, se multiplient[o 1].

En 1925, dans l'empire colonial français, la consommation de thĂ© se fait pour les quatre cinquièmes en Afrique du Nord, sous forme de thĂ© vert ; ces 5 000 tonnes proviennent essentiellement de l'importation, l'Indochine française ne produisant qu'Ă  peine 500 tonnes de thĂ©[l 1]. Ă€ la fin des annĂ©es 1930, les chiffres sont relativement similaires, la production de l'Indochine Ă©tant d'environ 550 tonnes, la France important 1 350 tonnes, la Tunisie 2 093 tonnes, et l'AlgĂ©rie 1 569 tonnes[4]. Le thĂ© qui ne vient pas d'Indochine est importĂ© de Chine et d'Inde[4]. La consommation Ă©volue peu jusqu'au milieu des annĂ©es 1950 (1 614 tonnes en France, 2 482 en Tunisie) sauf en AlgĂ©rie oĂą elle fait plus que doubler, passant Ă  3 846 tonnes en 1956[4].

Lors de l'occupation de la France par l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, la population est frappée de nombreuses pénuries, notamment de thé. Le régime de Vichy affirme que ces pénuries proviennent du blocus, mais le fait que les produits de l'agriculture métropolitaine, comme les porcs, sont aussi en pénurie laissent penser à la population française que c'est l'occupant allemand qui s'approprie les ressources[o 7]. La pénurie en thé s'estompe avec les accords Churchill-Weygand où il est décidé que l'Angleterre réapprovisionnera l'Afrique du Nord en thé[o 7]. Une tentative de production de thé à La Réunion est abandonnée en 1972 pour ne reprendre qu'au début du XXIe siècle[5].

Troisième souffle : le « thĂ© Ă  la française Â», l'approche gastronomique, la diversification

Le thé noir domine la consommation française jusque dans les années 1970, puis les thés parfumés deviennent les plus porteurs jusqu'au début du XXIe siècle, où la tendance est au retour au thé vert, vu comme naturel et sain[o 1].

Les années 1980 marquent un tournant du thé français, avec en parallèle la mise en place par Mariage Frères d'une stratégie commerciale basée sur l'image du luxe à la française et la fondation de la maison Palais des thés plutôt axée sur le voyage et la découverte culturelle[n 1]. Ces initiatives sont renforcées par un important investissement publicitaire des grandes marques de thé dans les années 1990[n 1].

La consommation de thé augmente fortement au tournant du XXIe siècle, doublant de 1995 à 2005 et triplant de 1995 à 2015[n 1] - [p 2]. Elle se déplace de plus en plus vers les grandes maisons de thés, par opposition aux marques de distributeurs qui affichent une croissance de 10 % par an et restent majoritaires[n 1]. Cette croissance s'accompagne d'une démocratisation de la fréquentation des salons de thé[p 3].

Consommation

Demande

Rayonnage de supermarché avec trois rayons horizontaux comportant plusieurs séries de boîtes de thé.
Partie du rayon thé d'un hypermarché Carrefour de Paris, 2019.

En 2022, la consommation moyenne de thĂ© en France est de 250g par personne et par an[p 4] contre trois kilos en Irlande ou en Angleterre. En 2015, la France est le 30e pays du monde au regard de la consommation, avec une moyenne de 230 grammes par personne et par an[n 1]. En 2005, le marchĂ© reprĂ©sente 500 millions d'euros[p 5] avec une clientèle aisĂ©e et pouvant accepter de payer plus cher pour un produit de qualitĂ©. Cette faiblesse par rapport Ă  d'autres pays europĂ©ens, tel que l'Allemagne, s'explique : Ă  peine deux Français sur trois, en 2005, consomment du thĂ© (ils n'Ă©taient qu'un sur deux Ă  la fin des annĂ©es 1990)[l 2] - [p 5]. Le marchĂ©, bien que très fragmentĂ©, est fortement dominĂ© par des marques vendues en grande surface : Lipton reprĂ©sente ainsi la moitiĂ© des ventes en volume, suivie par Twinings[n 1]. Les maisons de thĂ©, toutes confondues, ne reprĂ©sentent que 20 % du marchĂ©[n 1]. Le thĂ© biologique progresse et atteint 7 % des ventes de thĂ© vert en 2017[6].

Malgré un intérêt général du pays pour le commerce équitable, celui-ci se traduit peu sur le marché du thé. Quand Unilever a voulu communiquer sur la certification Rainforest Alliance de son thé, il s'est rendu compte que les boîtes de thé portant cette certification clairement visible se vendaient moins que les boîtes classiques[7]. Toutefois, sur le marché des thés glacés, la marque May Tea choisit de renforcer la mise en valeur de cette certification[8]. François-Xavier Delmas, fondateur du Palais des thés, confirme ce désintérêt en ne commercialisant pas de thé certifié commerce équitable et en se montrant d'ailleurs critique, expliquant que la certification peut être une manière pour les producteurs de thé d'augmenter leurs prix sans que la qualité gustative de leurs produits ne suive[o 8].

Modes de consommation

Sur une terrasse de café, gros plan sur une verre posé sur une soucoupe avec des dosettes de sucre et, au second plan, une théière blanche
Thé servi en terrasse, Bretagne.

Les Français boivent généralement du thé chaud au petit déjeuner ou dans l'après-midi. À la période de la Restauration, les Français de la haute société déjeunaient vers 11 h et dînaient à 18 h, et le thé était alors pris vers 23 h avec des pâtisseries légères, généralement après le théâtre[9]. Avec le décalage du dîner plus tard dans la soirée, le thé est alors consommé vers 17 h, à la mode anglaise, avec des collations plus consistantes[9].

La plupart des gens ajoutent du sucre dans leur thé (65 %), du citron (30 %), du lait (25 %) ou rien (32 %)[10]. La moitié du thé consommé en France en 2011 est du thé noir[11]. Un profil d'évolution classique de consommateur français de thé est de commencer par les thés aromatisés pour ensuite passer aux thés natures[p 6].

Dans la gastronomie française, le thé est de plus en plus un moyen de proposer, au déjeuner, une alternative au vin qui soit à la fois sans alcool et raffinée[p 1]. Dans les bars et restaurants, Lipton est la marque quasi-systématiquement servie en raison de son prix très abordable et de la faible demande des clients ; seuls les bars et cafés cherchant spécifiquement à servir du bon thé proposent des alternatives : Palais des thés, Kusmi Tea ou Mariage Frères[p 7]. En plus du prix et de la qualité du thé, les restaurateurs privilégient les fournisseurs qui proposent des thés en sachet, pour éviter les vols d'infuseurs, et ceux qui peuvent fournir de la vaisselle, comme des théières[p 7].

Contrairement aux consommateurs russes ou chinois, les consommateurs français ne pratiquent en général pas les infusions multiples d'une même feuille de thé, sans doute en raison d'un attachement culturel à la constante du goût et aussi afin que l'harmonie avec les aliments ne change pas[o 1].

Depuis les années 1980, les Français consomment du thé de Noël, parfumé généralement aux épices, fruits secs et fruits confits, dont il existe de nombreuses variantes suivant les marques[p 8]. Ces thés sont notamment vendus chauds et préparés lors des marchés de Noël, en alternative au vin chaud[p 9] - [p 10] - [p 11].

Sur une tablette contre un mur, deux bubble teas. En fond, un stand de chupa chups.
Thé aux perles, l'un aux fruits, l'autre au lait, dans une boutique de Paris, 2019.

La consommation de thĂ© glacĂ© augmente fortement en France Ă  la fin des annĂ©es 2010 en raison d'un dĂ©tournement de la clientèle Ă  l'Ă©gard des sodas, perçus comme trop sucrĂ©s[12]. Ces thĂ©s glacĂ©s sont soit prĂ©parĂ©s Ă  partir de thĂ© en vrac et conçus pour ĂŞtre bus chauds, soit Ă  partir de mĂ©langes en vrac conçus spĂ©cialement pour ĂŞtre bus glacĂ©s, soit achetĂ©s tout faits en bouteilles ; ces derniers ont gĂ©nĂ©ralement une faible teneur en sucre afin d'Ă©chapper Ă  la taxe sur les boissons sucrĂ©es[p 12] - [p 13]. Pour les boissons dĂ©jĂ  prĂ©parĂ©es, Lipton domine largement le marchĂ© en 2019 avec près de la moitiĂ© des ventes pour le Ice Tea, suivi par les marques de distributeur (23 %), May Tea (groupe Suntory, 12 %) et Fuze Tea (groupe Coca Cola[13], 7 %)[14]. En 2016, le taux de pĂ©nĂ©tration du marchĂ© des bouteilles de thĂ© glacĂ© atteint 42 % en France, en augmentation de 4,6 points par rapport Ă  l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente[15]. Depuis la fin des annĂ©es 2010, soit plus rĂ©cemment que d'autres pays occidentaux (annĂ©es 1990-2000) et asiatiques (annĂ©es 1970-1980), la France consomme du thĂ© aux perles : cette arrivĂ©e tardive vient du fait que le thĂ© aux perles est une prĂ©paration pour la cuisine de rue, consommĂ©e rapidement, en marchant, tandis que les consommateurs français restent en moyenne plus attachĂ©s aux repas longs, pris assis, que le reste du monde occidental[p 14].

Thé et cuisine

La première utilisation attestée de thé en cuisine est une recette de La Chapelle publiée en 1742 dans Le Cuisinier moderne, une crème au thé ; cette recette restera la seule utilisation du thé en cuisine française jusqu'au XIXe siècle, avant le développement, comme d'autres pays, des recettes sucrées à base de thé : financier, cakes, crème brûlée ou madeleines[o 2] - [n 1] - [o 1]. De plus, se développe en France une haute cuisine salée incorporant le thé, ainsi que toute une culture des meilleurs accords entre thés et mets, et notamment thés et fromages[n 1] - [o 9] - [o 1]. Mariage Frères propose ainsi de nombreux mets à base de thé dans ses salons, qu'ils soient salés ou sucrés : marinades, vinaigrettes, sauces accompagnent ainsi poissons et viandes[o 1].

Commerce

Marques

Une grande pièce aux murs couverts d'étagères, sur lesquelles on trouve des grands pots en métal vert.
Boutique du Palais des thés.

Les principales marques françaises de thé se répartissent en trois catégories. Les importatrices de produits coloniaux historiquement françaises, fondées au cours du XIXe siècle et important généralement d'autres produits que le thé comme la Compagnie coloniale, Mariage Frères, Olivier-Langlois, Thé Éléphant. Les importatrices fondées par des étrangers (britanniques avec George Cannon, néerlando-britanniques avec Betjeman & Barton, néerlandais avec Dammann Frères, russes avec Kusmi Tea) installées ensuite en France, et datant de la même époque. Enfin les nouveaux acteurs, apparus à la fin du XXe siècle apportant une vision propre comme le Palais des thés, avec une « approche globe-trotteur », la coopérative SCOP-TI issue de la reprise de l'usine fabricant le thé Éléphant, ou Les Jardins de Gaïa, spécialisé en thé bio[n 1]. De nombreuses autres entreprises existent, mais la plupart sont principalement disponibles à Paris[p 15].

Importations

Si certaines maisons de thĂ©, telles que le Palais des thĂ©s ou les Jardins de GaĂŻa, pratiquent l'importation directement depuis les pays producteurs, la majoritĂ© du thĂ© importĂ© en France provient d'Allemagne, les feuilles transitant par Hambourg oĂą des sociĂ©tĂ©s les aromatisent pour les revendre[o 8] - [n 1]. En 2010, la France importe plus de 19 000 tonnes de thĂ©[11]. Ces importations sont facilitĂ©es par les règles de commerce de l'Union europĂ©enne, qui n'imposent aucune taxe douanière sur le thĂ©[p 5]. En 2016, la France est le 10e plus gros importateur mondial de thĂ©, avec 2,6 % des tonnages Ă©changĂ©s pour une valeur de 161 millions de dollars amĂ©ricains[16].

Exportation

Plusieurs grandes marques, telles que Kusmi Tea, Mariage Frères ou Dammann Frères, transforment le thé en France, avant de l'expédier vers l'Europe ou le Japon ; ces exportations représentent entre 30 et 40 % de leur chiffre d'affaires[p 5].

Production

Plantations

Le jésuite Jean-Baptiste Labat tente au XVIIe siècle d'introduire le thé en Martinique à partir de graines venues de Chine ; il se rend compte, lorsque les arbres poussent, qu'il ne s'agit en fait pas de camellia sinensis mais de camellia sasanqua[m 6].

Plusieurs autres tentatives de produire du thĂ© ont lieu Ă  La RĂ©union, plus prĂ©cisĂ©ment Ă  Grand Coude, sur un plateau volcanique Ă  1 100 m d'altitude ; la production couvre près de 350 hectares dans les annĂ©es 1960, pour ĂŞtre ensuite abandonnĂ©es en 1972[5] - [w 2]. La plantation est reprise au dĂ©but du XXIe siècle : les anciens thĂ©iers, devenus hauts de plusieurs mètres, et donc impropres Ă  la cueillette, sont transformĂ©s en attraction touristique. D’autres jardins sont ouverts, en plantation mixte d’une part avec du tabac pour protĂ©ger les thĂ©iers du soleil et lutter contre les insectes et d’autre part des citrouilles pour couvrir la terre[5] - [w 2]. Leur production, de thĂ© vert, thĂ© blanc, thĂ© aromatisĂ© (cannelle, citronnelle et gĂ©ranium cultivĂ© sur place) et produits dĂ©rivĂ©s du thĂ©, atteint 53 tonnes pour 587 hectares cultivĂ©s en 2017[17] - [5].

Ă€ Nantes existe depuis 2002 une petite production de thĂ© ; un club d'amateurs cultive une centaine de thĂ©iers reçus en cadeau de Suncheon, ville jumelĂ©e avec Nantes. Il a produit 900 g de feuilles fraĂ®ches en 2011, converties ensuite en 300 g de thĂ© vert[w 3]. La rĂ©colte du thĂ© est l'occasion d'un festival ouvert au public[w 3]. Plusieurs tentatives de production de thĂ© ont aussi lieu en Bretagne, rĂ©gion suffisamment humide, ensoleillĂ©e et protĂ©gĂ©e du gel pour envisager de cultiver des thĂ©iers[p 16] - [p 17]. La première commercialisation est prĂ©vue en 2020[p 17]. Ă€ Alès, dans le Gard, le parc floral de la Prairie a une production de 2 000 thĂ©iers plantĂ©s en 2006[18].

Transformation du thé

Deux boîtes de thé en carton, l'une bleue, l'autre verte.
Boîtes de thé 1336.

Les opérations effectués en France comportent : la fabrication des emballages de thé en vrac (boîtes en métal ou sachets), le mélange de thés de plusieurs origines et l'aromatisation des feuilles[p 5] - [p 6]. Si celle-ci est généralement faite par pulvérisation d'huile essentielle, celle de la Compagnie coloniale est réalisée à la vapeur[p 6]. Les maisons de thé françaises sont particulièrement inventives dans les arômes et parfums, et leurs créations sont souvent ensuite reprises par les marques britanniques[p 6].

En 2010, Unilever dĂ©cide de dĂ©localiser son usine de thĂ© en sachet de la marque ÉlĂ©phant de GĂ©menos vers la Pologne. Le transfert de production a bien lieu mais le conflit social emblĂ©matique s’éternise et les salariĂ©s rĂ©ussissent Ă  reprendre l'usine et fondent la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative Scop-TI et la marque 1336, nommĂ©e ainsi en rĂ©fĂ©rence aux 1 336 jours de conflit social, marque de diffusion de leur production[p 18]. Au total, le thĂ© emploie peu de personnes en France : Pagès, le leader des marques de distributeur pour le thĂ©, emploie une centaine de personnes et Kusmi Tea environ 500 personnes, rĂ©parties entre les boutiques et l'usine de production situĂ©e au Havre[19] - [p 19]. Contrairement Ă  Unilever, Kusmi Tea choisit de relocaliser sa production en France (thĂ© et boĂ®te) après l'avoir fait au Maroc : le prĂ©sident explique ce revirement par l'augmentation du coĂ»t de la main-d’œuvre mondiale qui rattrape celui de la France, l'augmentation du coĂ»t du pĂ©trole, une meilleure souplesse logistique induite par la prĂ©sence des usines de production directement sur le territoire de vente, et enfin les investissements en automatisation rendus possibles par le CICE[p 19].

Ustensiles

Au XVIIIe siècle l’augmentation de la consommation de thé par les milieux aristocratiques conduit les manufactures de Vincennes puis de Sèvres à produire des porcelaines de grande qualité destinées à cet usage, après une première période durant laquelle des productions chinoises sont utilisées. Cette vaisselle n'est pas spécifique au thé, puisqu'elle sert également aux autres boissons exotiques qui gagnent en popularité à cette période, le café et le chocolat, y compris les théières qui peuvent être utilisées pour la préparation et le service du café[20]. Cette production se poursuit aux XVIIIe et XXe siècles[o 2]. Mais l’invention de la faïence fine en Angleterre au milieu du XVIIe siècle et l'anglomanie font que le marché français est alors dominé par les produits d'importation britannique. Au XIXe siècle, le blocus continental et les innovations technologiques permettant de produire des faïences de style rococo à partir de Terre de Lorraine relancent la production française, permettant l'installation de nouvelles manufactures à Apt, Bordeaux, Calais, Chantilly, Choisy-le-Roi, Creil, Douai, Forges-les-Eaux, Gien, Le Havre, Longwy, Orléans, Sarreguemines et Val-sous-Meudon[21].

  • Une soucoupe et une tasse en porcelaine blanche et bleue, Ă  motifs de fleurs.
    Tasse et soucoupe en porcelaine tendre. Avec marque de François Binet, peintre des fleurs, manufacture de Vincennes, vers 1753.
  • Une tasse et une sous-tasse en porcelaine blanche et liserĂ© dorĂ©, reprĂ©sentant une scène de famille.
    Gobelet litron et soucoupe en porcelaine dure, décor à la japonaise, manufacture de Sèvres, 1778.
  • Une thĂ©ière blanche au liserĂ© dorĂ© et aux motifs fleuris.
    Théière, peinture et dorure de Jean-Armand Fallot et Henri Marin Prévost l’aîné, manufacture de Sèvres, 1779.
  • Un service Ă  thĂ© dorĂ©, ornĂ© de petites peintures ovales.
    Service à thé, décor de Georgius J. Van Os, Sèvres, 1812.
  • Une thĂ©ière rouge et dorĂ©e.
    Théière couverte à godrons dite théière étrusque gaudronnée avec déversoir à tête de lion, style Empire, Sèvres, 1817[22].
  • Une tasse et une sous-tasse dorĂ©es, Ă  motifs de rois et encadrements gĂ©omĂ©triques très colorĂ©s.
    Gobelet litron et soucoupe, décor de rois francs ou français et dorures, Sèvres, 1827.
  • Une thĂ©ière noire et jaune dĂ©corĂ©e de motifs gĂ©omĂ©triques, Ă  anse large.
    Théière, Sèvres, 1832.
  • Service Ă  thĂ© et Ă  cafĂ© dorĂ© avec son plateau.
    Service à thé et à café dit « Déjeuner chinois réticulé ». Chef d’œuvre de la manufacture de Sèvres, un des dix derniers exemplaires connus, vers 1840[23].


Au XXe siècle est crĂ©Ă© le style dit du « mĂ©tissage anglais Â», qui reprend les formes de thĂ©ières en mĂ©tal argentĂ© anglaises mais produites en biscuit de porcelaine teintĂ©[o 1]. Toujours au XXe siècle, Mariage Frères collabore avec des artistes en vue : ainsi Wilhelm Wagenfeld rĂ©alise un service Ă  thĂ© dans les annĂ©es 1930, annonçant l'Ă©poque du design industriel dans les objets du thĂ© ; plus tard, c'est Le Corbusier qui rĂ©alise une thĂ©ière dans le style fonctionnaliste[o 1].

Représentation

Représentation du thé dans la culture française

Assiette de madeleines devant une tasse de thé
L'épisode de la madeleine de Proust, où le narrateur de Du côté de chez Swann replonge en enfance en dégustant une madeleine trempée dans du thé, est l'un des plus célèbres de la littérature française.

Dans le roman Du côté de chez Swann de Marcel Proust, le narrateur revit son enfance lors de la dégustation d'une madeleine trempée dans du thé :

« ... toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. »

Ce passage est si célèbre qu'il a forgé l'expression madeleine de Proust pour parler du phénomène de réminiscence induit par une odeur[n 1]. Il a aussi contribué à associer durablement dans l'esprit français le thé et les couches bourgeoises et aristocratiques de la société[n 1].

Une autre interprétation du thé dans À la recherche du temps perdu est proposée par l'universitaire Jarrod Hayes : en rappelant que le vocabulaire du thé est fortement utilisé à l'époque de Proust comme euphémisme pour les relations homosexuelles entre hommes (« tasse » et « tasse à thé » pouvant désigner des pissotières, « théière » et « tearoom » désignant spécifiquement celles où les homosexuels se rencontrent pour avoir des relations sexuelles, qui sont désignées par « prendre le thé »), il propose une lecture symbolique de nombreux passages du roman comme évocatrices de l'homosexualité du baron de Charlus[24].

Lors de la Belle Époque, en 1913, le comique Harry Fragson écrit Le Thé tango, une chanson se moquant des thés-tangos, institutions où des femmes riches et un peu âgées venaient rencontrer des jeunes hommes pauvres s'y prostituant : « ... C'est la coutume à la mode, l'hiver comme l'été, pour permettre aux gens de se ploter, tout en prenant une tasse de thé »[n 2]. Cette relation entre le thé et l'érotisme hétérosexuel se retrouve aussi chez La Cousine Bette de Balzac[a 3]. D'autres artistes du XIXe siècle célèbrent le thé, comme Théodore de Banville ou Jacques Offenbach[l 3].

Dans la culture picturale française, le thé remplit trois fonctions. Il peut d'abord servir comme accessoire à l'orientalisme, d’abord au XVIIe siècle comme turquerie, puis à partir du XIXe siècle inspiré de l'Afrique du Nord ; sont alors représentés des fantasmes français plutôt qu'une réelle vision de ces régions.

Il permet ensuite de représenter la douceur de vivre, à l'ombre des jardins ou en intérieur. Enfin, le thé et ses accessoires peuvent enrichir et renouveler les sujets représentés dans les natures mortes.

Aux XXe et XXIe siècles, le thé à la menthe est utilisé par les artistes pour parler des descendants d'immigrés en France. C'est le cas par exemple dans le Cinéma français, avec les films Le Thé à la menthe d'Abdelkrim Bahloul (1984) ou Le Thé au harem d'Archimède de Mehdi Charef (1985), qui parlent tous deux de la seconde génération d'immigrés, celle qui veut rester en France[o 10]. C'est aussi le cas, près de trente ans plus tard, chez les artistes hip-hop, comme dans Un zder un thé de Josman ou Thé à la menthe de La Caution : « Première époque bidonville, ambiance clandestine. Dans un bar à Barbès, thé à la menthe, couscous et tajine à la carte. Avec un sale accent, pas de salamalecs, me dit Hassan l’athlète originaire d'Algérie, d'Hollywood à Tamanrasset. Plus de thé à la menthe, juste des palabres amères »[n 2].

Rapport des Français au thé

Des bols de thé disposés autour d'une table, chacun avec son panneau explicatif. Une personne inspire l'odeur d'un des bols.
Exposition Le Thé - Histoires d’une boisson millénaire, musée Guimet, 2013.

Face Ă  la faible popularitĂ© du thĂ© en France dans les annĂ©es 1990, une explication avancĂ©e est celle d'un problème de reprĂ©sentation : les Français croient Ă  tort que le thĂ© se limite au thĂ© en sachet de faible qualitĂ© qui est alors servi dans les cafĂ©s et hĂ´tels pour un coĂ»t modique et qu'il est forcĂ©ment corsĂ©, alors qu'il s'agit lĂ  uniquement des thĂ©s consommĂ©s en Angleterre et donc ne correspondant pas au marchĂ© français[l 2]. L'intĂ©rĂŞt croissant en France, au tournant du XXIe siècle, pour les civilisations chinoise et japonaise qui accompagne l'augmentation des ventes du thĂ©, lui donne raison[n 1]. Cet intĂ©rĂŞt vient aussi de la baisse du coĂ»t des avions long-courriers au dĂ©but du XXIe siècle, qui permet Ă  plus de Français de voyager et donc Ă  dĂ©couvrir des cultures oĂą le thĂ© est central[p 20]. Cet intĂ©rĂŞt français se manifeste notamment par les expositions Le ThĂ© – Histoires d’une boisson millĂ©naire au MusĂ©e national des Arts asiatiques - Guimet en 2013[o 11] et ThĂ©, cafĂ© ou chocolat ? L’essor des boissons exotiques au XVIIIe siècle en 2015 au musĂ©e Cognacq-Jay[25] ou par la fondation d'Ă©coles du thĂ©, l'une orientĂ©e vers la vulgarisation et fondĂ©e en 1999 par le Palais des thĂ©s, l'autre vers la gastronomie et crĂ©Ă©e 10 ans plus tard par l'institut Paul Bocuse[p 21] - [p 22].

Malgré cet intérêt renouvelé, les Français restent en retrait par rapport à d'autres cultures où le thé est omniprésent quant à leur capacité à distinguer différents thés, une étude de 2013 montrant qu'ils sont en moyenne moins capables que des Coréens de distinguer deux thés verts[26].

Le vocabulaire français de dégustation du thé emprunte fortement à l’œnologie : terroir, techniques, géographie, chimie, mais aussi subjectivité de la dégustation, description de la liqueur de thé, dont on décrit la couleur comme d'un vin sa robe, ses parfums, son astringence, sa méthode de récolte ; l'impatience autour des premières récoltes de printemps de Darjeeling rappelle la célébration des vendanges et du Beaujolais nouveau[o 1]. Mais il est aussi un terrain d'évasion et d'évocation poétique, en cohérence avec la culture de table française où l'on mange, parle, et parle de ce que l'on mange[o 1].

Pour Kitti Cha Sangmanee de Mariage Frères, ce qui caractérise le thé français, c'est une recherche de la diversité de saveurs, un mélange entre respect de normes gustatives et goût pour la nouveauté[o 1]. Il rapproche aussi le rapport français au thé à celui de Paris à la cuisine : les produits ne poussent certes pas localement, mais il s'agit d'un centre névralgique vers lequel convergent les denrées pour y être magnifiées et appréciées[o 1]. Le goût pour les arômes évolue : fruits rouges ou vanille cèdent du terrain aux agrumes, épices, curcuma, alors que rose ou jasmin restent des classiques[27].

Image du thé français dans les cultures étrangères

Une boutique aux murs blancs et aux meubles blancs et crème. En fond, un comptoir blanc et des boîtes à thé blanches.
Boutique de thé Nina's, dont l'esthétique est fortement inspirée de Marie-Antoinette.

L'image globale de la France est celle d'un pays de la gastronomie, du café et du vin, mais cette vision évolue rapidement avec l'exportation de thés français et les visites touristiques en France[p 1] - [o 1] - [p 20].

Les maisons de thé françaises réalisent un fort travail marketing pour créer l'image du « thé à la française », associé au luxe, à la sophistication, à l'image de la parfumerie ou de la haute couture française[n 1]. Cela leur permet d'exporter leurs produits dans des nations grandes amatrices de thé, telles que l'Angleterre ou le Japon[a 1].

Pour les Britanniques, le goût français du thé est plus raffiné, plus délicat que celui des Anglais et par suite proche des attentes des touristes japonais en visite à Paris[p 1]. Pour eux, les Français ont une approche du thé proche de celle du vin français, où le produit est relié à une histoire, une culture, un terroir ; cette attitude de gourmet connaisseur pouvant virer au snobisme[p 1]. Il s'agit en revanche d'un modèle à suivre pour les producteurs de thé argentins, qui développent des écoles de thé dans leurs pays afin d'augmenter le marché du thé de haute qualité dans leur pays[28].

Références

Ouvrages

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