Silane (composé)
Le silane est un composĂ© chimique de formule SiH4. Il se prĂ©sente comme un gaz pyrophorique incolore Ă l'odeur repoussante[6]. Analogue siliciĂ© du mĂ©thane CH4, c'est le plus simple des hydrures de silicium, et le plus simple des composĂ©s de la sĂ©rie des silanes, de formule gĂ©nĂ©rale SinH2n+2, qui sont eux-mĂȘmes des analogues siliciĂ©s des alcanes CnH2n+2.
Silane | |
Structure du silane. | |
Identification | |
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Nom UICPA | silane |
Synonymes |
TĂ©trahydrure de silicium, monosilane, silicane, hydrure de silicium |
No CAS | |
No ECHA | 100.029.331 |
No CE | 232-263-4 |
No RTECS | VV1400000 |
PubChem | 23953 |
ChEBI | 29389 |
SMILES | |
InChI | |
Apparence | gaz pyrophorique incolore à l'odeur désagréable[1] |
Propriétés chimiques | |
Formule | SiH4 |
Masse molaire[2] | 32,117 3 ± 0,000 6 g/mol H 12,55 %, Si 87,45 %, |
Propriétés physiques | |
T° fusion | â185 °C[1] |
T° Ă©bullition | â112 °C[1] |
Solubilité | s'hydrolyse rapidement dans l'eau[1] |
Masse volumique | 1,44 kg/m3 à 0 °C[1] |
Limites dâexplosivitĂ© dans lâair | 1,4 % en volume, 19 g/m3[1] |
Pression de vapeur saturante | 29 bar Ă â22 °C[1] 40,8 bar Ă â10 °C[1] 48 bar Ă â3,5 °C[1] |
Point critique | 0,242 g/cm3 Ă â3,5 °C sous 48,4 bar[1] |
Point triple | â186,4 °C[1] |
Thermochimie | |
ÎvapH° | 12,1 kJ·mol-1 (1 atm, â111,9 °C)[3] |
Propriétés électroniques | |
1re énergie d'ionisation | 11,00 ± 0,02 eV (gaz)[4] |
Précautions | |
SGH[1] | |
Danger |
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SIMDUT[5] | |
A, B6, |
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Transport[1] | |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
Par extension, on peut également parler de silanes pour désigner collectivement divers dérivés substitués du silane, comme l'orthosilicate de tétraméthyle Si(OCH3)4, l'orthosilicate de tétraéthyle Si(OCH2CH3)4 ou le trichlorosilane SiHCl3, ou encore des composés organosiliciés comme le diméthylsilanediol Si(OH)2(CH3)2 ou le tétraméthylsilane Si(CH3)4.
Propriétés et réactions
L'hydrogĂšne Ă©tant plus Ă©lectronĂ©gatif que le silicium (2,2 contre 1,9 sur l'Ă©chelle de Pauling), la polarisation de la liaison SiâH est inverse de celle de la liaison CâH (l'Ă©lectronĂ©gativitĂ© du carbone est de 2,55 sur l'Ă©chelle de Pauling). Cela a plusieurs consĂ©quences, notamment la propension du silane Ă former des complexes avec les mĂ©taux de transition ou encore le fait qu'il s'enflamme spontanĂ©ment dans l'air sans devoir ĂȘtre mis Ă feu (il est pyrophorique)[7]. Les donnĂ©es de combustion du silane sont cependant souvent contradictoires car le silane lui-mĂȘme est plutĂŽt stable tandis que sa pyrophoricitĂ© serait due essentiellement Ă des impuretĂ©s telles que la formation de silanes supĂ©rieurs au cours de sa production, par la prĂ©sence de traces d'humiditĂ© et par les effets catalytiques de la surface des rĂ©cipients qui le contiennent[8] - [9].
En l'absence d'oxygĂšne et d'humiditĂ©, le silane se dĂ©compose au-dessus de 400 °C en silicium et hydrogĂšne[10], ce qui peut ĂȘtre mis Ă profit pour dĂ©poser des couches minces de silicium par dĂ©pĂŽt chimique en phase vapeur (CVD).
La réduction du silane par un métal alcalin dissous dans un solvant donne le dérivé silylique alcalin correspondant. Selon le solvant, deux réactions concurrentes peuvent avoir lieu, par exemple la premiÚre réaction seule dans l'hexaméthylphosphoramide [(CH3)2N]3PO (HMPA) et les deux simultanément dans le diméthoxyéthane CH3OCH2CH2OCH3, par exemple ici avec du potassium donnant le silanure de potassium KSiH3[11] :
L'Ă©nergie de la liaison SiâH vaut environ 384 kJ/mol, ce qui est environ 20 % moindre que celle de la liaison HâH dans la molĂ©cule d'hydrogĂšne H2. Il s'ensuit que les composĂ©s qui contiennent de telles liaisons SiâH sont plus rĂ©actifs que H2. L'Ă©nergie de la liaison SiâH est peu affectĂ©e par la prĂ©sence de substituants sur l'atome de silicium : elle vaut ainsi 419 kJ/mol pour le trifluorosilane SiHF3, 382 kJ/mol pour le trichlorosilane SiHCl3 et 398 kJ/mol pour le trimĂ©thylsilane SiH(CH3)3[12] - [13].
Le silane est un réducteur fort qui brûle dans l'oxygÚne, explose dans le chlore et s'hydrolyse rapidement dans l'eau basique (pH > 7) selon les réactions :
En revanche, la réaction avec l'eau pure est trÚs lente : elle est facilitée en présence de traces basiques ou d'un acide fort.
Production
MĂ©thodes industrielles
Le silane est synthétisé suivant plusieurs procédés[14]. Il se forme généralement par réaction de chlorure d'hydrogÚne HCl avec du siliciure de magnésium Mg2Si :
On peut également le produire à partir de silicium métallurgique en deux étapes. Le silicium est tout d'abord traité au chlorure d'hydrogÚne à environ 300 °C pour produire du trichlorosilane SiHCl3 avec de l'hydrogÚne H2 :
Le trichlorosilane est ensuite converti en un mélange de silicium et de tétrachlorure de silicium SiCl4 en présence d'un catalyseur :
Les catalyseurs les plus couramment utilisĂ©s dans ce procĂ©dĂ© sont les halogĂ©nures de mĂ©taux, notamment le chlorure d'aluminium AlCl3. Il s'agit d'une redistribution, qui peut Ă©galement ĂȘtre vue comme une dismutation bien que l'Ă©tat d'oxydation du silicium ne varie pas (il vaut +4 aussi bien pour le silane, le trichlorosilane, que le tĂ©trachlorure de silicium) ; cependant, le chlore Ă©tant plus Ă©lectronĂ©gatif que l'hydrogĂšne (3,16 contre 2,2 sur l'Ă©chelle de Pauling), l'atome de silicium de SiCl4 prĂ©sente un Ă©tat d'oxydation formel plus Ă©levĂ© que celui de SiH4.
Une méthode alternative de production concerne le silane de trÚs grande pureté destiné à la production de silicium de qualité électronique pour l'industrie des semiconducteurs. Ce procédé utilise également du silicium métallurgique ainsi que de l'hydrogÚne et du tétrachlorure de silicium. Il fait intervenir une série de redistributions, avec des sous-produits qui sont recyclés dans les réactions et des distillations, que l'on peut résumer ainsi :
- Si + 2 H2 + 3 SiCl4 ⶠ4 SiHCl3 ;
- 2 SiHCl3 ⶠSiH2Cl2 + SiCl4 ;
- 2 SiH2Cl2 ⶠSiHCl3 + SiH3Cl ;
- 2 SiH3Cl ⶠSiH4 + SiH2Cl2.
Le silane ainsi formĂ© peut ĂȘtre dĂ©composĂ© thermiquement pour donner en une seule passe du silicium de haute puretĂ© et de l'hydrogĂšne.
D'autres méthodes de production du silane font intervenir la réduction du tétrafluorure de silicium SiF4 par l'hydrure de sodium NaH ou la réduction du tétrachlorure de silicium SiCl4 par l'aluminohydrure de lithium LiAlH4. Il est également possible de procéder par réduction du dioxyde de silicium SiO2 sous aluminium par de l'hydrogÚne H2 dans un mélange de chlorure de sodium NaCl et de chlorure d'aluminium AlCl3 à haute pression[15] :
Ă l'Ă©chelle du laboratoire
Les chimistes allemands Heinrich Buff et Friedrich Woehler découvrirent le silane en 1857 parmi d'autres produits formés en faisant réagir de l'acide chlorhydrique HCl sur du siliciure d'aluminium Al4Si3 ; ils nommÚrent le composé hydrogÚne siliciuré[16].
Pour les dĂ©monstrations en classe, le silane peut ĂȘtre produit en chauffant un mĂ©lange de sable et de poudre de magnĂ©sium pour obtenir du siliciure de magnĂ©sium Mg2Si, qui peut ensuite ĂȘtre versĂ© dans de l'acide chlorhydrique. Le siliciure de magnĂ©sium rĂ©agit avec l'acide pour produire du silane SiH4, lequel forme des bulles qui remontent Ă la surface et s'enflamment spontanĂ©ment au contact de l'air par pyrophoricitĂ© en laissant entendre un crĂ©pitement de petites explosions[17]. On peut considĂ©rer cette rĂ©action comme une rĂ©action acido-basique hĂ©tĂ©rogĂšne dans la mesure oĂč l'anion siliciure Si4â de la structure antifluorite de Mg2Si peut servir de base de BrĂžnsted acceptant quatre protons.
D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les mĂ©taux alcalino-terreux forment des siliciures ayant les stĆchiomĂ©tries MII2Si, MIISi et MIISi2. Dans tous les cas, ces substances rĂ©agissent avec les acides de BrĂžnsted pour produire des hydrures de silicium dont la nature dĂ©pend des liaisons de l'anion Si dans le siliciure. Il peut par exemple se former du silane SiH4, des silanes plus lourds de la sĂ©rie homologue de formule gĂ©nĂ©rale SinH2n+2, des hydrures de silicium polymĂ©riques, ou un acide silicique [SiOx(OH)4â2x]n. Ainsi, MIISi, qui contient une chaĂźne d'anions Si2â en zigzag sur laquelle chaque Si a deux doublet non liants susceptibles d'accepter des protons, donne l'hydrure polymĂ©rique (SiH2)x.
Enfin, une méthode de production de silane à petite échelle consiste à faire réagir un amalgame de sodium avec du dichlorosilane SiH2Cl2, ce qui donne, outre le silane, des hydrures de silicium polymérisés (SiH)x[16].
Applications
Alors que les organosilanes ont des applications variées, le silane proprement dit est utilisé de maniÚre quasi exclusive comme précurseur du silicium pur, notamment pour l'industrie des semiconducteurs. La fabrication de modules solaires photovoltïques bon marché a conduit a une consommation substantielle de silane pour le dépÎt de silicium amorphe hydrogéné (a-Si:H) dépÎt chimique en phase vapeur assisté par plasma (PECVD) sur divers substrats tels que le verre, des métaux ou des matiÚres plastiques.
Le dépÎt de silicium par PECVD est assez peu efficient puisqu'il n'utilise qu'environ 15 % du silane, le reste étant perdu. Diverses méthodes de recyclage ont été développées pour améliorer le rendement du procédé et réduire son empreinte environnementale[18] - [19].
Sécurité
Le silane Ă©tant pyrophorique, les fuites de ce gaz s'enflamment spontanĂ©ment, de sorte que de nombreux accidents mortels ont eu lieu dans des usines Ă la suite de feux et d'explosions[20] - [21] - [22]. La combustion du silane Ă faible concentration se dĂ©roulerait en deux temps, l'oxydation de l'hydrogĂšne intervenant aprĂšs la formation du dioxyde de silicium, dont la condensation accĂ©lĂ©rerait la formation d'eau sous l'effet d'une rĂ©troaction thermique[23]. Le silane diluĂ© dans des gaz inertes comme l'azote ou l'argon est encore davantage susceptible de s'enflammer dans l'air que le silane pur : mĂȘme un mĂ©lange de 1 % de silane dans l'azote pur s'enflamme facilement[24]. La dilution du silane dans de l'hydrogĂšne permet de rĂ©duire les risques industriels lors de la production de cellules solaires en silicium amorphe et prĂ©sente Ă©galement l'avantage de stabiliser les modules solaires photovoltaĂŻques ainsi produits en limitant l'effet Staebler-Wronski (WSE)[25] - [26].
Contrairement au mĂ©thane, le silane est assez toxique : la dose lĂ©tale mĂ©diane chez le rat de laboratoire est de 0,96 % (9 600 ppm) sur quatre heures. De plus, le contact avec l'Ćil peut former des acides siliciques responsables d'irritations oculaires. Le National Institute for Occupational Safety and Health amĂ©ricain recommande de ne pas dĂ©passer une exposition professionnelle au silane de 5 ppm, soit 7 mg/m3, en moyenne pondĂ©rĂ©e sur huit heures[27].
Notes et références
- Entrée « Monosilane » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accÚs le 12 janvier 2021 (JavaScript nécessaire)
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
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