Pyrophoricité
La pyrophoricité ou le pyrophorisme (du grec purophoros, « qui porte le feu ») est la propriété de certaines substances dont la température d'auto-inflammation est inférieure à la température ambiante et qui peuvent par conséquent s'enflammer spontanément aux températures ambiantes. Cette température d'auto-inflammation n'est pas intrinsÚque aux matériaux mais dépend du type et de la configuration des éléments étudiés[1].
Selon le glossaire de l'Agence europĂ©enne des produits chimiques, est pyrophorique un matĂ©riau solide ou liquide qui « mĂȘme en petites quantitĂ©s, est susceptible de sâenflammer en moins de cinq minutes lorsquâil ou elle entre au contact de lâair ». Il peut s'agir d'une substance liquide ou d'un mĂ©lange solide[2].
La rĂ©action pyrophorique est une sous-catĂ©gorie de la combustion spontanĂ©e, au mĂȘme titre que la rĂ©action hypergolique. La diffĂ©rence entre ces deux rĂ©actions provient de l'Ă©lĂ©ment qui provoque la combustion : un Ă©lĂ©ment oxydant pour la rĂ©action hypergolique et l'air pour la rĂ©action pyrophorique[3].
Liste de matériaux pyrophoriques
Solides
- Zirconium ;
- Rubidium et césium ;
- Uranium : utilisé comme pénétrateurs à base d'uranium appauvri[4] dont la poussiÚre et les débris lors de l'impact sur la cible s'enflamment et propagent l'incendie. Sous forme finement divisée, il est aisément inflammable et les débris d'uranium des différents usinages sont susceptibles d'ignition spontanée[5] ;
- Carbonyles métalliques : (octacarbonyle de dicobalt, carbonyle de nickel) ;
- MĂ©thanetellurlol (CH3TeH) ;
- Phosphore blanc ;
- Plutonium.
Liquides
- Hydrazine
- Composés organométalliques des principaux groupes métalliques : aluminium, gallium, indium, zinc, cadmium, etc.
- Triéthylborane
MĂ©taux
La pyrophoricitĂ© de certains mĂ©taux est gĂ©nĂ©ralement liĂ©e Ă l'inflammation de trĂšs fines particules. Cette rĂ©action se produit lorsqu'elles entrent en contact avec l'air ou d'autres Ă©lĂ©ments oxydants, et qu'une couche d'oxyde se forme Ă leur surface. La chaleur engendrĂ©e par cette oxydation n'est pas dissipĂ©e assez rapidement pour rĂ©duire la tempĂ©rature du mĂ©tal, qui atteint alors sa tempĂ©rature d'auto-inflammation. Pour atteindre cette tempĂ©rature facilement, il faut que le rapport superficie/quantitĂ© de matiĂšre du mĂ©tal (c'est-Ă -dire sa surface spĂ©cifique) soit Ă©levĂ© et que les particules de mĂ©tal ne soient pas ou que trĂšs peu oxydĂ©es lorsqu'elles entrent en contact avec l'air. Cette disposition peut ĂȘtre trouvĂ©e lors de l'utilisation de mĂ©taux en poudre dans un environnement inerte[6].
Exemples de métaux pyrophoriques :
Détermination de la température d'auto-inflammation pyrophorique
La dĂ©termination de la tempĂ©rature d'auto-inflammation d'un mĂ©tal se fait dans le cas de vapeur mĂ©tallique ou de poudre de mĂ©tal avec des particules considĂ©rĂ©es comme sphĂ©riques, car le rapport surface sur volume est une condition critique[7]. Cette condition permet d'Ă©mettre l'hypothĂšse que le dĂ©gagement de chaleur provoquĂ© par la formation d'une couche d'oxyde sur une sphĂšre naissante mĂ©tallique Ă tempĂ©rature ambiante doit ĂȘtre suffisant pour augmenter la tempĂ©rature du mĂ©tal jusqu'Ă son point de vaporisation et fournir suffisamment de chaleur pour vaporiser le mĂ©tal restant. Dans ces conditions, le bilan thermique critique pour la pyrophoricitĂ© contient trois facteurs :
- (1) : la chaleur produite/disponible ;
- (2) : la chaleur nécessaire pour évaporer le métal ;
- (3) : la chaleur nécessaire pour allumer la couche d'oxyde ;
avec :
- , le rayon de la particule métallique ;
- , l'Ă©paisseur de la couche d'oxyde ;
- , le rayon du métal pur ;
- , la masse volumique ;
- , la chaleur d'Ă©tat standard de formation massique de l'oxyde Ă 298 K ;
- , l'enthalpie d'état standard massique à la température T ;
- (« boiling point temperature »), indice désignant la température de vaporisation du métal ;
- , indice désignant le métal ;
- , indice désignant l'oxyde ;
- , la chaleur latente de vaporisation.
Pour qu'une combustion spontanée se produise, il faut que (1) = (2) + (3). Cela donne l'équation suivante, aprÚs simplification :
Cette formule permet de déterminer, complétée des données associées à un métal donné, le rapport . Plus ce rapport est faible, plus le métal est pyrophorique[8].
Danger pyrophorique
Le danger pyrophorique est la possibilitĂ© qu'a un matĂ©riau Ă devenir pyrophorique. Il dĂ©pend de plusieurs facteurs chimiques, physiques et environnementaux, tels qu'une agrĂ©gation de particules rĂ©actives possĂ©dant une grande surface spĂ©cifique et possĂ©dant un couplage physique et chimique au sein de l'agrĂ©gat qui permet une rĂ©action essentiellement simultanĂ©e des particules, des conditions environnementales qui empĂȘchent les transferts de chaleur depuis l'Ă©lĂ©ment rĂ©actif, ou une production d'Ă©lĂ©ments rĂ©actifs Ă la suite d'une premiĂšre oxydation qui sont capables d'ĂȘtre exothermiques en contact avec l'air.
De maniĂšre simplifiĂ©e, ce danger peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ© par la formule suivante :
- Danger Pyrophorique =
avec :
- , la masse du matériau capable de réagir avec d'autres éléments ;
- , la surface spécifique de la masse discrÚte qui réagit ;
- , l'énergie libéré par unité de volume de la masse qui réagit ;
- , le nombre de moles de gaz produites par unité de volume de la masse qui réagit ;
- , la surface spécifique brute de la masse qui réagit[9].
Signalement de la dangerosité des produits pyrophoriques
Le systĂšme gĂ©nĂ©ral harmonisĂ© de classification et d'Ă©tiquetage des produits chimiques, dit « systĂšme gĂ©nĂ©ral harmonisĂ© » ou SGH, classe les Ă©lĂ©ments pyrophoriques en classe 1, qui regroupe les Ă©lĂ©ments rĂ©pondant au critĂšre « La matiĂšre solide sâenflamme en moins de cinq minutes lorsquâelle entre en contact avec lâair » et qui implique les consignes de sĂ©curitĂ© suivantes :
- P210 : Tenir Ă lâĂ©cart de la chaleur/ des Ă©tincelles/des flammes nues/des surfaces chaudes ; ne pas fumer ;
- P222 : Ne pas laisser au contact de lâair ;
- P280 : Porter des gants de protection/des vĂȘtements de protection/un Ă©quipement de protection des yeux/du visage ;
- P335 + P334 : Enlever avec prĂ©caution les particules dĂ©posĂ©es sur la peau. Rincer Ă lâeau fraĂźche/poser une compresse humide ;
- P370 + P378 : En cas dâincendie : utiliser ⊠pour lâextinction (« ... » correspondant Ă l'Ă©lĂ©ment utilisĂ© pour l'extinction, ex. : sable) ;
- P422 : Stocker le contenu sous[10].
Notes et références
- D. Tinet et J.J. Fripiat, « Ătude cinĂ©tique et thermodynamique de la formation du bronze H1,6MoO3 », Journal de Chimie Physique, vol. 76,â , p. 867â872 (ISSN 0021-7689, DOI 10.1051/jcp/1979760867).
- voir glossaire in Guide sur l'étiquetage et l'emballage conformément au rÚglement (CE) N° 1272/2008 (3 237,8k) , Agence européenne des produits chimiques, 2017, p. 224/228.
- « Primer on spontaneous heating and pyrophoricity », Office of Scientific and Technical Information (OSTI),â (DOI 10.2172/10196002, lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) André Gsponer, Depleted-Uranium Weapons: the Whys and Wherefores, (lire en ligne [PDF]).
- (en) « titre inconnu »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?), DOE, Office of Health, Safety and Security / Nuclear Safety and Environment.
- J. P. Evans, W. Borland et P. G. Mardon, « Pyrophoricity of Fine Metal Powders », Powder Metallurgy, vol. 19, no 1,â , p. 17â21 (ISSN 0032-5899 et 1743-2901, DOI 10.1179/pom.1976.19.1.17).
- (en) I. Glassman, P. Papas et K. Brezinsky, « A New Definition and Theory of Metal Pyrophoricity », Combustion Science and Technology, vol. 83, nos 1-3,â , p. 161â166 (ISSN 0010-2202 et 1563-521X, DOI 10.1080/00102209208951829).
- (en) Irvin Glassman, Richard A. Yetter et Nick G. Glumac, chap. 7 « Ignition », dans Combustion, Academic Press, , 5e Ă©d. (ISBN 978-0-12-407913-7, DOI 10.1016/b978-0-12-407913-7.00007-4), p. 363â391.
- (en) G.E. Zima, « Pyrophoricity of uranium in reactor environments », Office of Scientific and Technical Information (OSTI),â (DOI 10.2172/4183911, lire en ligne, consultĂ© le ).
- SystĂšme gĂ©nĂ©ral harmonisĂ© de classification et dâĂ©tiquetage des produits chimiques (SGH), , 6e Ă©d. (ISSN 2412-1746, DOI 10.18356/dffa8889-fr), partie 2, « Dangers physiques ».
Voir aussi
Articles connexes
- Combustion spontanée
- réaction hypergolique
- Point d'auto-inflammation
Liens externes
- (en) Jim Bisker (dir.) et Tom Christman (dir.), Primer on Spontaneous Heating and Pyrophoricity (manuel), Deptartment of Energy, , 75 p. (résumé, lire en ligne [PDF]), référence DOE-HDBK-1081-2014.
- (en) List of pyrophoric materials (« Liste des matériaux pyrophoriques »), sur doctorfire.com.