Substitution nucléophile d'acyle
La substitution nuclĂ©ophile d'acyle est un type de rĂ©action de substitution entre un nuclĂ©ophile et un composĂ© porteur d'un groupe acyle. Dans ce type de rĂ©action, le nuclĂ©ophile (un alcool, une amine, ou un Ă©nolate par exemple) va se substituer au nuclĂ©ofuge (ou groupe partant) du dĂ©rivĂ© acyle (halogĂ©nure d'acyle, anhydride, ou ester). Comme les dĂ©rivĂ©s acyle rĂ©agissent avec un grand nombre de nuclĂ©ophiles, et comme le produit final dĂ©pend du type particulier de dĂ©rivĂ© d'acyle impliquĂ©, les rĂ©actions de substitution nuclĂ©ophile d'acyle peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour synthĂ©tiser une large gamme de produits.
Mécanisme réactionnel
Les composĂ©s carbonylĂ©s rĂ©agissent avec les nuclĂ©ophiles par un mĂ©canisme deux Ă©tapes. La premiĂšre est une Ă©tape de type addition : le nuclĂ©ophile attaque le carbone du carbonyle, formant un intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique (en). Cette rĂ©action peut ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ©e en conditions acides, ce qui rend le carbonyle plus Ă©lectrophile, ou basiques, ce qui rend le nuclĂ©ophile plus anionique et donc plus rĂ©actif. L'intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique peut lui-mĂȘme ĂȘtre un alcool ou un alcoolate, en fonction du pH du milieu rĂ©actionnel.
La seconde Ă©tape est du type Ă©limination : l'intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique contient un substituant attachĂ© au carbone central qui peut agir comme nuclĂ©ofuge. Ainsi, aussitĂŽt formĂ©, l'intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique se dĂ©compose, recrĂ©ant une liaison double C=O et en Ă©jectant le nuclĂ©ofuge. Ces deux Ă©tapes sont rĂ©versibles, faisant des rĂ©actions de substitution nuclĂ©ophile d'acyle des rĂ©actions d'Ă©quilibre[1]. Comme cet Ă©quilibre favorise le produit contenant le meilleur nuclĂ©ophile, le nuclĂ©ofuge doit donc ĂȘtre comparativement un nuclĂ©ophile mĂ©diocre, afin que la rĂ©action ait un intĂ©rĂȘt pratique.
Conditions acides
En conditions acides, le groupe carbonyle du composĂ© acylĂ© (1) est protonĂ©, ce qui l'active en vue d'une attaque nuclĂ©ophile. Le carbonyle protonĂ© (2) est ensuite attaquĂ© par la nuclĂ©ophile (HâZ) pour former l'intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique (3). Un transfert de proton depuis le nuclĂ©ophile (Z) vers le nuclĂ©ofuge (X) donne l'intermĂ©diaire 4, qui se dĂ©compose en Ă©jectant le nuclĂ©ofuge protonĂ© (HâX), formant un composĂ© carbonylĂ© (5). La perte d'un proton donne le produit de substitution (6). Comme la derniĂšre Ă©tape implique la perte d'un proton, les rĂ©actions de substitution nuclĂ©ophile d'acyle sont considĂ©rĂ©es comme catalysĂ©es par les acides. Ă noter aussi que sous conditions acides, le nuclĂ©ophile sera typiquement sous forme protonĂ©e (c'est-Ă -dire HâZ au lieu de Zâ).
Conditions basiques
En conditions basiques, le nucléophile (Nuc) attaque le groupe carbonyle du composé acylé (1) pour donner un intermédiaire tétraédrique alcoolate (2). Cet intermédiaire se décompose en expulsant le nucléofuge (X), formant le produit de substitution (3). Si cette action des bases est catalytique dans certains cas de substitution nucléophile d'acyle, elle ne l'est plus si le nucléofuge est une base plus faible que le nucléophile. Contrairement aux réactions sous catalyse acide, le nucléophile et les nucléofuge sont sous forme anionique en conditions basiques.
Ce mécanisme est confirmé par des expériences avec marquage isotopique. Lorsque le propanoate d'éthyle dont le groupe éthoxy est marqué à l'oxygÚne 18 est traité par l'hydroxyde de sodium (NaOH), l'oxygÚne 18 est complÚtement absent de l'acide propanoïque formé, et est exclusivement trouvé dans l'éthanol[2].
Réactivité
Il existe cinq principaux dérivés acyle : les halogénures d'acyle, qui sont les plus réactifs envers les nucléophiles, suivis par les anhydrides, les esters, et les amides. Les ions carboxylates sont quasiment non-réactifs par substitution nucléophile d'acyle puisqu'ils ne possÚdent pas de nucléofuge. Cette différence de réactivité entre ces cinq familles de classes de composés couvre une large gamme ; par exemple, le taux de réactivé relatif entre les chlorures d'acyle et les amides diffÚre d'un facteur dix13[3].
Un facteur majeur déterminant la réactivité des dérivé acyle est la capacité du nucléofuge à partir, ce qui est lié à son acidité / sa basicité. Une espÚce avec un fort acide conjugué (par exemple l'acide chlorhydrique) sera un meilleur nucléofuge qu'une espÚce avec un acide conjugué faible (par exemple l'acide acétique) ; ainsi, les ions chlorures sont des meilleurs nucléofuges que les ions acétate. Les bases faibles sont donc de meilleurs groupes partants que les bases fortes et la réactivité des dérivés acyle envers les nucléophiles diminue quand la basicité du nucléofuge augmente[4].
Nom du composé | Structure | Nucléofuge | pKa du couple nucléofuge |
---|---|---|---|
chlorure d'acĂ©tyle | â7 | ||
anhydride acétique | 4.76 | ||
acétate d'éthyle | 15.9 | ||
acétamide | 38 | ||
anion acétate | N/a | N/a | |
Un autre facteur qui joue un rĂŽle dans la rĂ©activitĂ© des composĂ©s acyle est la mĂ©somĂ©rie. Les amides prĂ©sentent deux formes mĂ©somĂšres, chacune contribuant Ă la forme rĂ©elle de la molĂ©cule, si bien que la liaison amide entre l'atome de carbone du groupe carbonyle et l'atome d'azote possĂšde un caractĂšre important de liaison double. La barriĂšre Ă©nergĂ©tique Ă la rotation autour de la liaison amide est de 75â85 kJ/mol, bien plus grande que les valeurs observĂ©es pour les liaisons simples. Par exemple, pour la liaison simple C-C de l'Ă©thane, la barriĂšre Ă©nergĂ©tique est seulement de 12 kJ/mol[3]. Lorsqu'un nuclĂ©ophile attaque un amide formant l'intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique, cet effet mĂ©somĂšre Ă©nergĂ©tiquement favorable disparaĂźt. Ceci aide Ă comprendre pourquoi les amides sont parmi les mois rĂ©actifs des dĂ©rivĂ©s acyle[4].
Les esters possĂšdent le mĂȘme genre d'effet mĂ©somĂšre, mais bien moins fort que dans le cas des amides, ainsi la formation de l'intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique et la perte de mĂ©somĂ©rie est moins Ă©nergĂ©tiquement dĂ©favorable. Dans les anhydrides, cet effet est encore moindre, car la mĂ©somĂ©rie est partagĂ©e entre les deux groupes carbonyle, et elle est quasiment inexistante pour les halogĂ©nures d'acyle. Ceci permet une fois de plus de comprendre l'ordre de rĂ©activitĂ© entre les dĂ©rivĂ©s acyle[4].
Réactions des dérivés acyle
La plupart des substitutions nuclĂ©ophiles d'acyle sont des conversions d'un dĂ©rivĂ© acyle en un autre. En gĂ©nĂ©ral, on doit convertir un dĂ©rivĂ© acyle en un moins rĂ©actif pour que la rĂ©action soit efficace, le produit devant ĂȘtre plus stable que le composĂ© de dĂ©part. On peut ainsi facilement convertir un chlorure d'acyle en ester, mais la rĂ©action inverse est en pratique quasiment impossible.
Les substitutions nucléophiles d'acyle peuvent aussi convertir un dérivé d'acyle en une autre espÚce. Par exemple, les amides et les acides carboxyliques peuvent réagir avec les réactifs de Grignard pour produire des cétones. La suite du paragraphe présente un aperçu des réactions possibles pour chacune des classes de dérivés d'acyle.
Halogénures d'acyle
Les halogĂ©nures d'acyle sont les plus rĂ©actifs des dĂ©rivĂ© acyle et peuvent ĂȘtre facilement convertis en n'importe quel autre. Ils peuvent par exemple rĂ©agir avec les acides carboxyliques pour former des anhydrides ; si les substituants de l'acide carboxylique et de l'halogĂ©nure sont diffĂ©rents, le produit final sera un anhydride mixte.
La figure ci-dessus présente la réaction du chlorure de benzoyle avec l'acide acétique. Dans un premier temps, l'acide va attaquer le chlorure de benzoyle (1) pour former un intermédiaire tétraédrique (2). Cet intermédiaire va se réorganiser en expulsant un ion chlorure (nucléofuge), et formant un ion oxonium (3). Cet ion va subir une déprotonation et donner l'anhydride mixte (4) et un équivalent d'acide chlorhydrique.
Les alcools et les amines réagissent avec les halogénures d'acyle pour donner des esters et des amides, respectivement, dans une réaction connue sous le nom de réaction de Schotten-Baumann[5].
Les halogénures d'acyle s'hydrolysent en présence d'eau pour donner les acides carboxyliques équivalents, mais cette réaction est rarement utile puisqu'on utilise en général les acides carboxyliques pour produire ces halogénures d'acyle (notamment par réaction avec des agents d'halogénation comme le chlorure de thionyle).
La plupart des rĂ©actions avec les halogĂ©nures d'acyle sont effectuĂ©es en prĂ©sence d'une base non-nuclĂ©ophile, comme la pyridine, pour neutraliser l'acide halogĂ©nohydrique produit en mĂȘme temps que le produit dĂ©sirĂ©.
Les halogénures d'acyle réagissent avec les carbones nucléophiles, comme les réactifs de Grignard et les énolates, donnant en général des mélanges de produits. En effet, si le carbone nucléophile réagit d'abord avec l'halogénure d'acyle pour donner une cétone, cette derniÚre peut ensuite aussi subir une attaque nucléophile pour former un alcool tertiaire.
Dans l'exemple ci-dessus, le chlorure de benzoyle (1) est traitĂ© par deux Ă©quivalents d'un rĂ©actif de Grignard, ici le bromure de mĂ©thylmagnĂ©sium (MeMgBr), formant le 2-phĂ©nylpropan-2-ol (3) avec un trĂšs bon rendement (92 %). MĂȘme si l'acĂ©tophĂ©none (2) est formĂ©e comme intermĂ©diaire de rĂ©action, il est impossible de l'isoler car elle rĂ©agit rapidement avec le second intermĂ©diaire de MeMgBr aprĂšs sa formation[6].
Contrairement aux autres carbones nuclĂ©ophiles, les dialkylcuprates lithiĂ©s â souvent appelĂ©s rĂ©actifs de Gilman â peuvent rĂ©agir une seule fois avec les halogĂ©nures d'acyle en produisant des cĂ©tones. Cette rĂ©action n'est cependant pas une substitution nuclĂ©ophile d'acyle, et on pense que le mĂ©canisme de cette rĂ©action est radicalaire[2]. La synthĂšse de cĂ©tone de Weinreb (en) peut aussi ĂȘtre utilisĂ©e pour convertir les halogĂ©nures d'acyle en cĂ©tones. Dans cette rĂ©action, l'halogĂ©nure d'acyle est d'abord converti en un NâmĂ©thoxyâNâmĂ©thylamide, appelĂ© amide de Weinreb. Lorsqu'un carbone nuclĂ©ophile (rĂ©actif de Grignard ou organolithien) rĂ©agit avec cette amide de Weinreb, le mĂ©tal est chĂ©latĂ© par les oxygĂšnes du carbonyle et du groupe NâmĂ©thoxy, empĂȘchant de nouvelle additions nuclĂ©ophiles[7].
Dans l'acylation de Friedel-Crafts, les halogénures d'acyle agissent comme électrophiles dans des réactions de substitution électrophile aromatique. Un acide de Lewis, tel que le chlorure de zinc (ZnCl2), le chlorure de fer(III) (FeCl3), ou le chlorure d'aluminium (AlCl3), se coordonne avec l'halogÚne de l'halogénure d'acyle, activant le composé pour une attaque nucléophile. Pour les cycles aromatique spécialement riches en électrons, la réaction se produit sans l'ajout d'acide de Lewis[8].
Thioesters
Les thioesters réagissent de façon similaire aux chlorures d'acyle, mais de façon plus douce.
Anhydrides
La chimie des halogĂ©nures d'acyle et des anhydrides est similaire. Si les anhydrides ne peuvent ĂȘtre convertis en halogĂ©nure d'aycle, ils peuvent ĂȘtre convertis en chacun des autres dĂ©rivĂ©s acyle. Les anhydrides peuvent aussi rĂ©agir par des rĂ©actions similaires Ă la rĂ©action de Schotten-Baumann pour produire des esters et des amides Ă partir d'alcools et d'amines, et l'eau peut les hydrolyser en leurs acides correspondants. Comme les halogĂ©nures d'acyle, les anhydrides peuvent rĂ©agir avec les carbones nuclĂ©ophiles pour produire des cĂ©tones et/ou des alcools tertiaires, et peuvent participer aux acylations de FriedelâCrafts comme aux synthĂšses de cĂ©tone de Weinreb[8]. Cependant, contrairement aux halogĂ©nures d'acyle, les anhydrides ne rĂ©agissent pas avec les rĂ©actifs de Gilman[2].
La rĂ©activitĂ© des anhydrides peut ĂȘtre accrue en ajoutant une quantitĂ© catalytique de N,N-dimĂ©thylaminopyridine (DMAP). La pyridine peut aussi ĂȘtre utilisĂ©e dans ce but, et agit de façon similaire[5].
Dans un premier temps, la DMAP (2) attaque l'anhydride (1) pour former un intermédiaire tétraédrique, qui se réorganise en éjectant un ion carboxylate et donnant un amide (3). Cet amide intermédiaire est plus actif pour les attaques nucléophiles que l'anhydride initial car la diméthylaminopyridine est un meilleur nucléofuge que l'ion carboxylate. Dans une étape suivante, un nucléophile (Nuc) attaque 3 pour donner un autre intermédiaire tétraédrique qui va se réorganiser pour donner le produit final (4), en éjectant le groupe pyridine, ce qui lui rend au passage son caractÚre aromatique, un élément qui favorise grandement la réaction et explique pourquoi il est un meilleur nucléofuge que l'ion carboxylate.
Esters
Les esters sont moins rĂ©actifs que les halogĂ©nures d'acyle et les anhydrides. Comme les dĂ©rivĂ©s acyle plus rĂ©actifs, ils peuvent rĂ©agir avec l'ammoniac et les amines primaires et secondaires pour donner des amides, mais ce type de rĂ©action n'est guĂšre utilisĂ© car les rĂ©actions avec les halogĂ©nure d'acyles donnent de meilleurs rendements. Les esters peuvent ĂȘtre transformĂ©s en d'autre esters, un processus appelĂ© transestĂ©rification. La transestĂ©rification peut ĂȘtre catalysĂ©e en milieu acide ou basique, et implique la rĂ©action entre un ester et un alcool. Malheureusement, comme le nuclĂ©ofuge est un alcool, la rĂ©action directe et inverse se dĂ©roulent en mĂȘme temps, Ă des vitesses similaires. En utilisant l'alcool rĂ©actif en large excĂšs ou en extrayant l'alcool partant (par exemple par distillation) favorisera la rĂ©action dans le sens direct, selon le principe de Le Chatelier[9].
L'hydrolyse acide des esters est une réaction d'équilibre, essentiellement la réaction inverse de l'estérification de Fischer. Comme les alcools (nucléofuge) et l'eau (nucléophile) ont un pKa similaire, les réactions directes et inverses se retrouvent en compétition. Comme dans le cas de la trans-estérification, utiliser un réactif (l'eau) en large excÚs, ou extraire le produit (l'alcool) au fur et à mesure de sa production permet de favoriser la réaction directe.
L'hydrolyse basique des esters, connue sous le nom de saponification n'est en revanche pas une réaction d'équilibre ; c'est une réaction totale qui consomme un équivalent de base dans la réaction, et produit un équivalent d'alcool et un équivalent d'ion carboxylate. La saponification des esters d'acides gras est un procédé industriel important, utilisé dans la production de savon[9].
Les esters peuvent subir un certain nombre de rĂ©actions avec les carbones nuclĂ©ophiles. Comme les halogĂ©nures d'acyle et les anhydrides, ils rĂ©agissent avec les rĂ©actifs de Grignard en excĂšs pour donner des alcools tertiaires. Ils peuvent Ă©galement rĂ©agir avec les Ă©nolates. Dans la condensation de Claisen, un Ă©nolate d'un ester (1) va attaquer le carbone du groupe carboxyle d'un autre ester (2) pour former un intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique (3). Cet intermĂ©diaire se rĂ©organise en expulsant un groupe alcoolate (R'Oâ), produisant un ÎČ-cĂ©toester (4).
Les condensations de Claisen croisĂ©es, c'est-Ă -dire dans lesquelles l'Ă©nolate et le nuclĂ©ophiles sont deux esters diffĂ©rents sont possibles, mais produisent des mĂ©langes de composĂ©s qu'il faut ensuite sĂ©parer. Une condensation de Claisen intramolĂ©culaire (d'une molĂ©cule avec deux fonctions ester) est appelĂ©e condensation de Dieckmann ou cyclisation de Dieckmann, car elle est utilisĂ©e pour former des cycles. Les esters peuvent aussi subir des condensations avec des cĂ©tones et des aldĂ©hydes Ă©nolisables, pour donner des composĂ©s ÎČ-dicarbonylĂ©s[10]. Un exemple spĂ©cifique est le rĂ©arrangement de Baker-Venkataraman dans lequel une ortho-acyloxycĂ©tone aromatique subit une substitution nuclĂ©ophile d'acyle intramolĂ©culaire suivi par un rearrangement pour former une ÎČ-dicĂ©tone aromatique[11]. Le rĂ©arrangement de Chan est un autre exemple de rĂ©arrangement rĂ©sultant d'une substitution nuclĂ©ophile d'acyle intramolĂ©culaire.
Amides
Du fait de leur faible rĂ©activitĂ©, les amides ne participent pas Ă autant de types de substitution nuclĂ©ophiles que les autres dĂ©rivĂ©s acyle. Les amides sont stables en prĂ©sence d'eau, et sont environ cent fois plus stable vis-Ă -vis de l'hydrolyse que les esters[3]. Les amides peuvent cependant ĂȘtre hydrolysĂ©s en acides carboxyliques en prĂ©sence d'acide ou de base. La stabilitĂ© des liaisons amide a des implications biologiques, du fait que les acides aminĂ©s formant les protĂ©ines sont liĂ©s entre eux par des liaisons amide. Les liaisons amide sont suffisamment rĂ©sistantes Ă l'hydrolyse pour maintenir la protĂ©ine en forme dans des environnements aqueux mais peuvent cependant ĂȘtre brisĂ©es si nĂ©cessaire[3].
Les amides primaires non-substituĂ©s (R-C(=O)NH2) ou momnosubstituĂ©s (R-C(=O)NHR') ne rĂ©agissent pas favorablement avec les carbones nuclĂ©ophiles. Les organomagnĂ©siens et les organolithiens rĂ©agissent avec eux en tant que base plutĂŽt qu'en tant que nuclĂ©ophile, et vont simplement les dĂ©protoner. Les amides primaires disubstituĂ©s (R-C(=O)NR'R'') n'ont pas ce problĂšme et rĂ©agissent avec les carbones nuclĂ©ophiles pour former des cĂ©tones ; les anions amidure (NR2â) sont des bases trĂšs fortes et donc de trĂšs mauvais nuclĂ©ofuges, l'attaque nuclĂ©ophile ne se produira donc qu'une seule fois. Lorsqu'il rĂ©agit avec un des carbones nuclĂ©ophiles, le N,N-dimĂ©thylformamide (DMF) peut ĂȘtre utilisĂ© pour introduire un groupe formyle[12].
Dans l'exemple ci-dessus, le phényllithium (1) attaque le groupe carbonyle du DMF (2), formant un intermédiaire tétraédrique (3). Comme l'anion diméthylamidure est un mauvais nucléofuge, l'intermédiaire ne va pas l'expulser, et aucune autre attaque nucléophile ne peut se produire. Sous conditions acides, le groupe alcoolate va se protoner pour former un aminoalcool (4), puis le groupe amine va également se protoner pour former un ion ammonium (5). L'élimination de la diméthylamine, une molécule neutre, et la perte d'un proton, donne le benzaldéhyde (6).
Acides carboxyliques
Les acides carboxyliques ne sont pas spĂ©cialement rĂ©actifs par substitution nuclĂ©ophile, mais ils peuvent ĂȘtre convertis en d'autres dĂ©rivĂ©s acyle.
Convertir un acide carboxylique en amide est possible, mais ce n'est pas une réaction directe et simple. Au lieu de réagir comme nucléophile, une amine réagira comme une base en présence d'un acide carboxylique, produisant un carboxylate d'ammonium. Chauffer le sel ainsi obtenu au-dessus de 100 °C permettra d'éliminer l'eau et de former l'amide. Cette méthode de synthÚse des amides est importante dans le monde industriel, comme pour les applications en laboratoire[13].
En présence d'un acide fort catalyseur, les acides carboxyliques peuvent se condenser pour former des anhydrides d'acide. Cette condensation produit cependant de l'eau qui peut réhydrolyser l'anhydride obtenu en l'acide carboxylique initial. Cette réaction est donc une réaction d'équilibre.
Sous catalyse acide, les acides carboxyliques peuvent réagir avec les alcools pour former des esters, par l'estérification de Fischer, qui est également une réaction d'équilibre. On peut aussi utiliser le diazométhane pour convertir un acide en ester. Si cette réaction offre de bon rendements, elle ne permet cependant que de produire des esters de méthyle[13].
Le chlorure de thionyle peut ĂȘtre utilisĂ© pour convertir les acides carboxyliques en leur chlorures d'acyle Ă©quivalents. Dans un premier temps, l'acide carboxylique (1) attaque le chlorure de thionyle et provoque le dĂ©part d'un ion chlorure. L'ion oxonium (2) ainsi rĂ©sultant est activĂ© en vue d'une attaque nuclĂ©ophile, tout en possĂ©dant un bon nuclĂ©ofuge, contrairement Ă un acide carboxylique normal. Dans l'Ă©tape suivante, cet ion est attaquĂ© par un ion chlorure pour donner un intermĂ©diaire tĂ©traĂ©drique (3), un chlorosulfite. Cet intermĂ©diaire se rĂ©organise Ă©jectant un dioxyde de soufre et un ion chlorure, produisant un chlorure d'acyle protonĂ© (4). L'ion chlorure peut retirer ce proton du groupe carbonyle, donnant le chlorure d'acyle final (5), avec production de HCl.
Le chlorure de phosphore(III) (PCl3) et chlorure de phosphore(V) (PCl5) permettent également de convertir un acide carboxylique en chlorure d'acyle, par un mécanisme similaire. Un équivalent de PCl3 peut réagir avec trois équivalents d'acide, produisant un équivalent de H3PO3, ou acide phosphoreux, en plus du chlorure d'acyle désiré. PCl5 réagit avec les acides carboxyliques dans un ratio 1:1, et produit l'oxychlorure de phosphore(V) (POCl3) comme sous-produit.
Les acides carboxyliques peut réagir avec les organomagnésiens ou les organolithiens pour former des cétones. Un premier équivalent de nucléophile agira comme base qui déprotenera l'acide. Un second équivalent attaquera le groupe carbonyle pour former un anion alcoolate géminal, qui, protoné, donnera un hydrate de cétone. Comme la plupart des hydrates de cétone sont instables par rapport à leur cétone correspondante, l'équilibre entre les deux formes est fortement déplacé en faveur des cétones. Par exemple, la constante d'équilibre de la formation de l'hydrate d'acétone à partir de l'acétone est seulement de 0,002[14].
Notes et références
- Wade 2010, p. 996â997.
- John McMurry, Organic Chemistry, Pacifc Grove, CA, Brooks/Cole Publishing Company, , 4e Ă©d. (ISBN 0-534-23832-7), p. 820â821
- Francis A. Carey, Organic Chemistry, New York, McGraw-Hill, , 6e Ă©d. (ISBN 0-07-282837-4), p. 866â868
- Wade 2010, p. 998â999.
- (en) LĂĄszlĂł KĂŒrti et Barbara CzakĂł, Strategic Applications of Named Reactions in Organic Synthesis : background and detailed mechanisms, Londres, Elsevier Academic Press, , 398 p. (ISBN 0-12-429785-4)
- McMurry 1996, p. 826â827.
- KĂŒrti and CzakĂł 2005, p. 478.
- KĂŒrti and CzakĂł 2005, p. 176.
- Wade 2010, p. 1005â1009.
- Carey 2006, p. 919â924.
- KĂŒrti and CzakĂł 2005, p. 30.
- Alan R. Katritzky, Otto Meth-Cohn et Charles W. Rees, Comprehensive Organic Functional Group Transformations, vol. 3, Oxford, Pergamon Press, , 1re Ă©d. (ISBN 0-08-042324-8), p. 90
- Wade 2010, p. 964â965.
- Wade 2010, p. 838.
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Nucleophilic acyl substitution » (voir la liste des auteurs).
Voir aussi
- Abstraction nucléophile
Liens externes
- Réaction de l'anhydride acétique avec l'acétone in Organic Syntheses Coll. vol. 3, p. 16, vol. 20, p. 6, Article