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Histoire de l'empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale

L’empire colonial français a connu, pendant la pĂ©riode 1940-1945 de la Seconde Guerre mondiale, une situation Ă©volutive et contrastĂ©e. À l'issue de la bataille de France, la mĂ©tropole a Ă©tĂ© occupĂ©e par l'Allemagne nazie et l'Italie. Selon l'armistice du 22 juin 1940, les divers territoires du second espace colonial français, incluant l'actuelle France d'outre-mer, restaient sous la souverainetĂ© du nouveau gouvernement de Vichy. À de rares exceptions prĂšs, comme le Protectorat français de Tunisie Ă  partir de la fin 1942, les territoires de l'Empire français n'ont pas Ă©tĂ© occupĂ©s par la Wehrmacht. DĂšs l'Ă©tĂ© 1940, des colonies et des territoires d'outre-mer commencent Ă  se rallier Ă  la France libre. Des rĂ©seaux de rĂ©sistance se mettent Ă©galement en place, notamment en AlgĂ©rie française. À la mi-1943, l'intĂ©gralitĂ© du territoire colonial et d'outre-mer a basculĂ© dans le camp de la rĂ©sistance, Ă  l'exception de quelques possessions asiatiques, dont la principale est l'Indochine française. Ce dernier territoire occupe une place particuliĂšre, Ă©tant concernĂ© par les visĂ©es de l'empire du Japon.

Le gouverneur FĂ©lix ÉbouĂ© accueille Charles de Gaulle au Tchad en 1940.
Carte des changements de souveraineté des territoires de l'empire colonial français de 1940 à 1944.

L'Empire français, de la défaite de 1940 à 1942

Le , le président du conseil Paul Reynaud écrit au général en chef Maxime Weygand :

« Je vous demande de bien vouloir Ă©tudier la mise en Ă©tat de dĂ©fense d'un rĂ©duit national autour d'un port de guerre nous permettant d'utiliser la libertĂ© des mers et notamment de communiquer avec nos AlliĂ©s. Ce rĂ©duit national devra ĂȘtre amĂ©nagĂ© et approvisionnĂ© notamment en explosifs comme une vĂ©ritable forteresse. Ainsi le gouvernement resterait fixĂ© dans la mĂ©tropole et continuerait la guerre en utilisant nos forces navales et notre aviation qui seraient envoyĂ©es en Afrique du Nord. J'ajoute que mon intention est de lever deux classes et de les envoyer en Afrique du Nord pour les faire contribuer Ă  sa dĂ©fense avec des armes achetĂ©es Ă  l'Ă©tranger[1] »

En fait, Paul Reynaud ne donne pas suite à son intention et il présente sa démission le . Son successeur Philippe Pétain, suivant les conseils de Weygand, demande un armistice le lendemain de sa nomination. L'Armistice du 22 juin 1940 prévoit qu'une zone dans le Sud de la France ne soit pas occupée par l'armée allemande et que l'empire colonial français qui reste sous l'autorité du gouvernement français ne soit pas non plus occupé par les Allemands.

Le choix d'Hitler de laisser Ă  la France vaincue son empire peut paraĂźtre aujourd'hui tout Ă  fait surprenant. À l'Ă©poque, dans une lettre au Duce, Hitler a justifiĂ© ce choix (ainsi que celui de maintenir une zone non occupĂ©e), par le souci de ne pas pousser la France et sa puissante flotte Ă  continuer la guerre Ă  partir de ses colonies.

Dans son appel du 18 Juin, Charles de Gaulle renouvelle le souhait de Paul Reynaud de continuer la guerre Ă  partir de l'empire : « [
] La France n'est pas seule [
] Elle a un vaste empire. Elle peut continuer Ă  faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte [
] ».

DÚs lors, l'Empire français sera le principal terrain d'affrontement entre le gouvernement de Vichy et la France libre de De Gaulle, mais certaines colonies, trÚs éloignées de la métropole vivront une tranche d'histoire à un autre rythme que la France de Vichy.

L'Afrique française du Nord (AFN) sous administration vichyste

En AlgĂ©rie française, la nouvelle de la capitulation française dĂ©soriente l'opinion, qui accueille le discours du marĂ©chal PĂ©tain avec un certain malaise. Des secteurs de l'opinion lui sont cependant immĂ©diatement favorables : les quotidiens L'Écho d'Oran et La DĂ©pĂȘche algĂ©rienne sont parmi les premiers Ă  prĂŽner le ralliement Ă  PĂ©tain. Le gĂ©nĂ©ral NoguĂšs, commandant en chef du thĂ©Ăątre d'opĂ©ration d'Afrique du Nord et, depuis 1936, rĂ©sident gĂ©nĂ©ral au Protectorat du Maroc, fait censurer l'appel du 18 Juin du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, qu'il juge « inconvenant »[2]:36-39.

L'amiral Jean-Pierre Esteva, homme de confiance du maréchal Pétain, est nommé en juillet 1940 au poste de résident général pour le Protectorat de Tunisie. L'amiral Jean-Marie Charles Abrial, nommé, également en juillet 1940, gouverneur général de l'Algérie, arrive le 1er août. Son cabinet, composé de marins, est dirigé par son gendre et compte davantage de proches que de véritables connaisseurs des réalités algériennes. L'équipe Abrial s'attache à rationaliser l'administration, en refondant l'organigramme du gouvernement général en dix directions, écartant au passage certains hauts fonctionnaires appartenant à la franc-maçonnerie[2]:47-51. L'application des premiÚres lois relatives aux étrangers et restreignant les conditions d'accÚs aux emplois publics pour les personnes d'origine étrangÚre touche l'Algérie comme la métropole. Parmi les fonctionnaires, environ 5 % des enseignants en Algérie sont inquiétés du fait de cette loi. Les lois contre la franc-maçonnerie touchent un certain nombre de hauts fonctionnaires, écartés de leurs fonctions[2]:68-71.

Le décret Crémieux est abrogé le par Marcel Peyrouton, ministre de l'Intérieur de Vichy et ancien secrétaire général du Gouvernement général à Alger. Cette abrogation, qui se conjugue avec l'application du statut des juifs, prive la communauté juive d'Algérie de sa nationalité française, avec quelques exceptions pour les anciens combattants décorés et les individus reconnus comme ayant rendu des services au pays. Les Juifs d'Algérie sont désormais placés dans une situation d'infériorité légale par rapport aux Musulmans, qui peuvent toujours demander la naturalisation à titre individuel[2]:73-74 - [3].

Les mesures antisĂ©mites sont par ailleurs applicables aux « pays de protectorat »[4]. En Tunisie, Esteva Ă©dicte un statut particulier, distinct de celui de Vichy mais Ă©galement discriminatoire, pour les 69 500 Juifs du pays. Un dĂ©cret, signĂ© par le bey de Tunis Ahmed II le 30 novembre, les exclut de la fonction publique et des professions touchant Ă  la presse, Ă  la radio, au thĂ©Ăątre et au cinĂ©ma, en permettant toutefois la publication d’un « Journal israĂ©lite de Tunisie ». Un numerus clausus est appliquĂ© aux professions libĂ©rales. L’accĂšs Ă  l’enseignement secondaire leur est limitĂ©[5] - [6]. Au Maroc, par contre, l'application des lois discriminatoires est limitĂ©e par NoguĂšs[7]. Le rĂ©sident gĂ©nĂ©ral demande cependant au sultan Mohammed V d'Ă©tendre le statut des Juifs aux sujets marocains, mais ce dernier refuse[8]. Le sultan, qui affiche par ailleurs une fidĂ©litĂ© parfaite au gouvernement de PĂ©tain, refuse en outre tout contact personnel et direct avec l'Italie et l'Allemagne. Des consulats de ces deux pays ayant cependant Ă©tĂ© ouverts pour contrĂŽler l'application des conditions d'armistice, les autoritĂ©s du protectorat s'attachent Ă  dissimuler des armements et Ă  camoufler des effectifs militaires marocains, les faisant passer pour des policiers[9]. Plusieurs centaines de Juifs europĂ©ens se rĂ©fugient par ailleurs au Maroc, dans l'espoir de transiter vers l'AmĂ©rique du Nord : ils font l'objet de relĂ©gation dans des camps de transit, voire parfois dans des centres d'internement gardĂ©s par des militaires[10].

L'Ă©quipe Abrial s'attache Ă  refondre les institutions locales de l'AlgĂ©rie, mettant en place des conseils de notables nommĂ©s. Les pouvoirs des conseils gĂ©nĂ©raux sont suspendus et transfĂ©rĂ©s aux prĂ©fets. Les Ă©quipes dirigeantes des municipalitĂ©s sont Ă©galement renouvelĂ©es, Ă  hauteur de 30 % environ, pour ĂȘtre remplacĂ©es par des administrations nommĂ©es. Les institutions locales sont ainsi mises sous un contrĂŽle Ă©troit[2]:82-92. La crĂ©ation des Chantiers de la jeunesse française, qui s'implantent Ă©galement en AFN, participent de cette volontĂ© d'encadrement de la sociĂ©tĂ©, Ă  commencer par la « rĂ©gĂ©nĂ©ration » de sa jeunesse. La LĂ©gion française des combattants, implantĂ©e en AFN dĂšs l'automne 1940, constitue un puissant relais d'opinion au service du nouveau rĂ©gime, et connaĂźt un afflux de membres, comprenant en juin 1941 plus de 107 000 membres, 64 000 europĂ©ens et 43 000 musulmans[2]:198, 206, 299.

L'administration Weygand

Le , le gĂ©nĂ©ral Maxime Weygand est nommĂ© DĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral du gouvernement en Afrique française. Le 4 octobre, il devient Ă©galement commandant en chef des forces françaises en Afrique. AttachĂ© Ă  protĂ©ger l'Empire, Weygand considĂšre en outre qu'aprĂšs l'attaque britannique sur Mers el-KĂ©bir, la France « se trouve de fait en Ă©tat d'hostilitĂ© » avec le Royaume-Uni. La DĂ©lĂ©gation gĂ©nĂ©rale dirigĂ©e par Weygand, qui s'installe Ă  Alger dĂ©but , est composĂ©e d'un Ă©tat-major et d'un secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral confiĂ© au fonctionnaire colonial Yves ChĂątel, prĂ©cĂ©demment en poste en Indochine française. Weygand, opposĂ© Ă  « la propagande du traĂźtre de Gaulle », dĂ©finit une doctrine militaire consistant Ă  assurer la dĂ©fense « contre quiconque » des possessions africaines de la France. Sans condamner ouvertement la politique de collaboration menĂ©e par PĂ©tain, le DĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral dĂ©conseille au gouvernement de faire en Afrique des concessions Ă  l'Allemagne et Ă  l'Italie, afin de ne pas affaiblir l'autoritĂ© de la puissance impĂ©riale. S'il refuse tout contact avec la France libre, Weygand couvre par contre de son autoritĂ© des camouflages d'armement par l'ArmĂ©e d'Afrique. Les États-Unis Ă©tant alors neutres, Weygand entretient des contacts avec le diplomate amĂ©ricain Robert Murphy : un mĂ©morandum (dit « accords Murphy-Weygand ») est signĂ© le , par lequel les États-Unis s'engagent Ă  contribuer au ravitaillement de l'Afrique française du Nord, en contrĂŽlant que les produits ne soient pas exportĂ©s vers la mĂ©tropole. Des vice-consuls amĂ©ricains sont installĂ©s. Les Allemands et les partisans de la collaboration sont mĂ©fiants vis-Ă -vis de Weygand, qu'ils soupçonnent de prĂ©parer des actions de rĂ©sistance. Cependant, si le DĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral demeure hostile Ă  l'Allemagne en privĂ©, il tend surtout Ă  imposer l'attentisme, y compris Ă  des officiers français qui souhaiteraient prĂ©parer plus activement la revanche[2]:100-109.

L'économie et la société de l'AFN, et tout particuliÚrement celles de l'Algérie, sont touchées par l'interdiction de l'émigration vers la métropole des travailleurs immigrés, et par la pénurie de nombreuses denrées, à laquelle l'équipe Weygand tente de parer. Les populations indigÚnes donnent des signes de mécontentement : le , 570 soldats se mutinent dans le quartier de Maison-Carrée à Alger, un évÚnement que Weygand attribue en partie à l'action du Parti du peuple algérien de Messali Hadj, et à la propagande allemande. L'Allemagne nazie mÚne en effet des opérations de séduction envers le monde musulman, et diffuse des émissions de radio en langue arabe : au début 1941, YounÚs Bahri, speaker irakien de Radio-Berlin, promet que l'Allemagne apportera la liberté aux Algériens. Une partie de l'opinion musulmane n'est pas insensible à ces efforts de propagande. Dans une moindre mesure, l'Italie et l'Espagne mÚnent des actions de propagandes revendiquant le Constantinois et l'Oranie[2]:110-114, 144-145.

En juillet 1941, Weygand obtient de l'amiral Darlan le rappel d'Abrial, et assume lui-mĂȘme la fonction de gouverneur gĂ©nĂ©ral de l'AlgĂ©rie, tout en conservant celui de dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral pour l'ensemble de l'Afrique. Yves ChĂątel occupe la nouvelle fonction de gouverneur gĂ©nĂ©ral adjoint, tandis qu'un proche de Darlan, l'amiral Fenard, devient secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. L'administration de Weygand se signale en AlgĂ©rie par une volontĂ© rĂ©formatrice, s'attachant Ă  dĂ©velopper les services juridiques et sociaux, Ă  industrialiser les dĂ©partements, et Ă  dĂ©velopper l'agriculture pour la rendre capable de subvenir aux besoins des populations locales[2]:110, 116-118.

Concernant la mise en Ɠuvre de l'antisĂ©mitisme d'État, l'AlgĂ©rie est le seul des trois pays de l'AFN Ă  cĂ©der aux demandes de Xavier Vallat, en mettant en place un service spĂ©cial pour le rĂšglement de la question juive, chargĂ© de veiller Ă  l'application du statut des Juifs[2]:132.

En mai 1941, Weygand proteste contre la signature par Darlan des protocoles de Paris, qui prĂ©voient notamment d'autoriser l'Allemagne Ă  utiliser les aĂ©rodromes français au Levant ainsi que le port de Dakar, et Ă  s'appuyer les ressources logistiques et en armement de l'AFN. ConvoquĂ© Ă  Vichy en juin, il expose ses vues au gouvernement, arguant que ces concessions ne pourraient que provoquer une « crise morale », et compromettre la doctrine de dĂ©fense de l'Afrique « contre quiconque ». Darlan semble tout d'abord accepter les positions de Weygand mais, dĂšs l'Ă©tĂ©, use de l'appui des Allemands pour obtenir la disgrĂące du DĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral. RappelĂ© Ă  Vichy, Weygand se voit notifier le 18 novembre sa disgrĂące. Il est mis Ă  la retraite deux jours plus tard et se voit interdire de rentrer en AlgĂ©rie pour y faire ses adieux. Son appel Ă  assurer la continuitĂ© de l'administration est cependant entendu, et son ancienne Ă©quipe assure la succession. Yves ChĂątel assume le poste de gouverneur gĂ©nĂ©ral. Le secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral permanent, innovation conçue par l'Ă©quipe Weygand pour centraliser la gestion des ressources de l'Afrique française, est maintenu. Le gĂ©nĂ©ral Alphonse Juin, nommĂ© en Ă  la tĂȘte des troupes françaises au Protectorat du Maroc, succĂšde Ă  Weygand au commandement de l'armĂ©e en Afrique du Nord, et maintient la ligne de la « dĂ©fense contre quiconque », souhaitant avant tout temporiser. Murphy, jugeant Juin trop proche de Vichy, s'abstient jusqu'en de tout contact avec lui[2]:135-140, 144-145, 153-156.

RĂ©pression politique et tension sociale

Le gouvernement de Vichy s'attache Ă  renforcer son contrĂŽle sur la sociĂ©tĂ© nord-africaine : au printemps 1942, le ministre de l'intĂ©rieur Pierre Pucheu rĂ©alise une grande tournĂ©e en AFN. La propagande vichyste se renforce tout au long de la pĂ©riode 1940-1942, avec une influence croissante des collaborationnistes. La section presse et propagande du gouvernement gĂ©nĂ©ral de l'AlgĂ©rie est, Ă  partir du dĂ©but 1942, dirigĂ©e par Paul Guitard, ancien membre du Parti communiste français et du Parti populaire français de Jacques Doriot. L'organisation de la propagande sociale est Ă©galement confiĂ©e en Ă  un doriotiste, Georges Guilbaud. À partir de , des travailleurs algĂ©riens, principalement musulmans, commencent d'ĂȘtre envoyĂ©s en Allemagne. L'attrait des salaires, dans la situation de misĂšre existant notamment en Kabylie, entraĂźne 10 000 actes de volontariat en quinze jours[2]:156-159, 166-162.

La rĂ©pression policiĂšre et judiciaire se fait de plus en plus sensible en AlgĂ©rie, Ă  partir de l'Ă©tĂ© 1941. Un tribunal militaire permanent est crĂ©Ă© Ă  Alger, en vertu de la loi du 14 aoĂ»t « rĂ©primant l'activitĂ© communiste ou anarchiste ». Le commence Ă  Alger le « procĂšs des 61 », concernant les dirigeants du Parti communiste clandestin, arrĂȘtĂ©s pour la plupart dans le courant de l'annĂ©e 1941. Six condamnations Ă  mort et neuf peines de travaux forcĂ©s Ă  perpĂ©tuitĂ© sont prononcĂ©es, de lourdes peines frappant la majoritĂ© des autres inculpĂ©s (quelques-uns Ă©tant acquittĂ©s)[2]:160-161.

Le contexte de la guerre, avec notamment l'occupation par l'Allemagne des principales régions de production textile, ainsi que l'insuffisance des stocks locaux, provoque bientÎt en Afrique du nord une pénurie de textiles. La pénurie touche également les produits alimentaires, et, en 1942, entraßne en Algérie de véritables situations de disette, qui touchent en particulier les populations musulmanes, et contribuent à une tension accrue entre communautés[2]:176-185.

Prisons et camps d'internement en Algérie

CrĂ©Ă©s dĂšs le printemps 1939 pour gĂ©rer l'afflux de rĂ©fugiĂ©s espagnols fuyant la guerre civile dans leur pays, les camps d'internement ont Ă©tĂ© ensuite Ă©largis aux Ă©trangers « ressortissant des territoires appartenant Ă  l'ennemi ». Les camps d'AlgĂ©rie accueillent dĂšs juin 1940 communistes, indĂ©pendantistes musulmans, et rĂ©fugiĂ©s « indĂ©sirables » venus d'Europe centrale ou d'Espagne. AprĂšs la capitulation française, les camps sont utilisĂ©s pour y transfĂ©rer depuis la mĂ©tropole d'autres catĂ©gories de populations, comme les communistes et les Juifs Ă©trangers. L'Afrique française du Nord retrouve alors son rĂŽle de terre de proscription, oĂč sont Ă©loignĂ©s condamnĂ©s et « indĂ©sirables ». En janvier 1941, le gouvernement de Vichy dĂ©cide du transfert dans les camps sud algĂ©riens des « militants extrĂ©mistes les plus dangereux ». En juin, 600 Français ont Ă©tĂ© dirigĂ©s vers l'AlgĂ©rie, ainsi que 300 ressortissants Ă©trangers (Allemands, Autrichiens, et quelques anciens combattants des Brigades internationales). DĂšs mai 1942, le capacitĂ©s d'accueil des prisons d'Alger ou de LambĂšse sont saturĂ©es. Certains prisonniers sont dĂ©tenus en dehors de tout jugement, notamment les populations « indĂ©sirables » versĂ©es dans des camps de travail baptisĂ©s Groupement de travailleurs Ă©trangers. Des « Centres de sĂ©jour surveillĂ©s » sont Ă©galement mis en place pour y placer les « nationaux dangereux pour la sĂ©curitĂ© publique » et les « Ă©trangers indĂ©sirables ». Les internĂ©s politiques, relĂ©guĂ©s dans le sud algĂ©rien, sont soumis Ă  des conditions de vie particuliĂšrement dures. En cumulant les dĂ©tenus des diffĂ©rentes structures d'internement, entre sept et dix mille personnes auraient Ă©tĂ© emprisonnĂ©es en AlgĂ©rie française, du fait de leurs convictions ou de leurs origines[2]:76-81, 346-349.

Ralliement à la France libre d'une partie des colonies françaises

À la suite de l'appel du 18 Juin 1940 du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, la quasi-totalitĂ© des gouverneurs de l'empire colonial vont demeurer fidĂšles au gouvernement de Vichy et seuls quelques territoires secondaires se rallient rapidement Ă  la France libre. L'Inde française est le premier territoire Ă  rallier sous la direction du gouverneur Bonvin, aiguillonnĂ© par un ultimatum britannique[11] - [12], puis les dĂ©pendances insulaires du Pacifique : les Nouvelles-HĂ©brides, la PolynĂ©sie française et la Nouvelle-CalĂ©donie[13]. Le Tchad (dont le gouverneur FĂ©lix ÉbouĂ© proclame le le ralliement[14]), le Cameroun français (le gouverneur Richard Brunot se rallie dĂšs l'arrivĂ©e du colonel Leclerc Ă  Douala) et l'Oubangui-Chari suivent en Afrique et forment le dĂ©but de l'Afrique française libre. Le gĂ©nĂ©ral Husson, gouverneur pĂ©tainiste du Congo français, est arrĂȘtĂ© et remplacĂ© Ă  Brazzaville par Edgard de Larminat[14]:27. À la fin de l'Ă©tĂ© 1940, l'essentiel de l'Afrique-Équatoriale française (AEF) est passĂ©e dans le camp de la France libre, Ă  l'exception du Gabon, dont le gouverneur, Masson, annonce son ralliement avant de se dĂ©dire[14]:28. Le , par le manifeste de Brazzaville, de Gaulle proclame la crĂ©ation de l'organe de commandement de la France libre, sous le nom de Conseil de dĂ©fense de l'Empire. Les Forces françaises libres investissent le Gabon en , complĂ©tant l'Afrique française libre[15].

Dans le Pacifique, Wallis-et-Futuna est ralliée en par les forces françaises libres, avant que la marine américaine installe une base sur l'ßle de Wallis[16]. Les possessions françaises d'Océanie serviront ensuite de base aux opérations alliées durant la guerre du Pacifique. En Amérique, la Guyane française ne se rallie qu'en mars 1943[17].

Prise de contrÎle d'autres colonies et territoires sous mandat par les Alliés

Troupes américaines débarquant à Arzew (Algérie française) pendant l'opération Torch.

À l'automne 1940, l'Afrique-Occidentale française (AOF) demeure encore dans le giron vichyste, de mĂȘme que l'Afrique française du Nord, l'Indochine française, les Antilles françaises, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, Djibouti et Madagascar, mais aussi la Syrie et l'État du Grand Liban, administrĂ©s par la France sous un rĂ©gime de mandat de la SociĂ©tĂ© des Nations, ainsi que les concessions françaises en Chine de Kouang-TchĂ©ou-Wan et de Shanghai.

L'AOF, pratiquement coupĂ©e de la mĂ©tropole, doit compter sur l'autosuffisance pour survivre, alors que les exportations s'effondrent. L'artisanat traditionnel reprend une certaine vie Ă  cette occasion. Mais le rationnement est sĂ©vĂšre, et la surveillance sociale est gĂ©nĂ©ralisĂ©e, relayĂ©e notamment par les sections locales de la LĂ©gion française des combattants. À Madagascar, l'Ă©conomie locale, menacĂ©e d'asphyxie, est sauvĂ©e par les avances des banques et un certain renouveau de l'Ă©conomie familiale traditionnelle[18].

À la fin , Britanniques et Forces françaises libres (FFL) subissent un Ă©chec devant Dakar qui compromet temporairement la prise de contrĂŽle de l'AOF. DĂšs novembre, les Forces françaises libres placĂ©e sous le commandement de Leclerc dĂ©barquent au Gabon et en prennent le contrĂŽle par la force. Ils parachĂšvent ainsi le ralliement de l'Afrique-Équatoriale française.

Par la suite, en , les Forces navales françaises libres de l'amiral Muselier s'imposent à Saint-Pierre-et-Miquelon, contre l'avis du gouvernement américain.

Par ailleurs, aprĂšs que le gĂ©nĂ©ral Dentz commandant l'armĂ©e française au Levant ait accordĂ© une base Ă  l'aviation allemande pour bombarder les forces britanniques en Irak et livrĂ© ses rĂ©serves d'armes aux troupes irakiennes combattant les mĂȘmes Britanniques, ces derniers et les FFL et les AlliĂ©s s'emparent de la Syrie et du Liban qui passent ensuite, non sans peine, sous le contrĂŽle de la France libre.

En , Churchill fait débarquer ses forces à Madagascar, sans leur associer les FFL : les autorités vichystes ne présentent leur capitulation qu'en novembre, au moment du débarquement allié en Afrique du Nord. Madagascar connaßt alors une administration britannique durant plusieurs mois, jusqu'en : le Royaume-Uni remet alors officiellement la grande ßle à Paul Legentilhomme, représentant de la France libre.

Les Forces françaises libres prennent durant la mĂȘme pĂ©riode le contrĂŽle de l'Ăźle de La RĂ©union, oĂč un dĂ©barquement a lieu le et maĂźtrise rapidement les autoritĂ©s vichystes, ainsi que de la cĂŽte française des Somalis.

La Résistance française en Afrique du Nord et la libération de l'AFN

Troupes britanniques débarquant à Alger en novembre 1942.

En Afrique française du Nord (AFN), et plus particuliĂšrement en AlgĂ©rie française, des groupes se constituent dĂšs 1940 autour de quelques hommes comme le commissaire de police Jean Achiary, chef de la brigade de surveillance du territoire, l'ingĂ©nieur Jean L'Hostis (Ă  Alger) ou le jeune chef d'entreprise Roger Carcassonne (Ă  Oran). En , Carcassonne est mis en relation avec l'officier Henri d'Astier de la Vigerie, rĂ©cemment arrivĂ© de mĂ©tropole, qui devient l'un des meneurs de la rĂ©sistance en AlgĂ©rie. JosĂ© Aboulker, Ă©tudiant en mĂ©decine dĂ©mobilisĂ© en 1941, commence Ă  recruter dans les milieux universitaires. Les rĂ©seaux de rĂ©sistance comptent bientĂŽt, en AlgĂ©rie, une majoritĂ© de membres de la communautĂ© juive locale, bien que selon les tĂ©moignages, la qualitĂ© de « patriote français » semble avoir primĂ© sur celle de Juif. La rĂ©sistance algĂ©rienne se dĂ©veloppe en l'absence de liens concrets avec la France libre, les tentatives de prise de contact avec Londres ayant Ă©chouĂ©. D'abord composĂ©e de groupes informels, la rĂ©sistance en AlgĂ©rie s'unifie progressivement. Deux courants relativement distincts se dĂ©veloppent en Afrique du Nord française : une rĂ©sistance axĂ©e sur l'action politique et les contacts avec l'Ă©tranger, comptant une forte proportion d'hommes d'extrĂȘme-droite, et une branche davantage « paramilitaire », comptant des gaullistes et des hommes de gauche. Les deux courants parviennent Ă  s'accorder, grĂące notamment Ă  l'entente parfaite entre Henri d'Astier de la Vigerie et JosĂ© Aboulker[19]. À la fin du mois de , la branche politique de la rĂ©sistance trouve un chef en la personne du gĂ©nĂ©ral Henri Giraud qui, contactĂ© par Jacques Lemaigre Dubreuil, accepte de rejoindre la conspiration. Il est reprĂ©sentĂ© en Afrique du Nord par le gĂ©nĂ©ral Mast[2]:365. Au Protectorat français du Maroc, la conjuration est rejointe par des dirigeants civils et militaires comme le gĂ©nĂ©ral BĂ©thouart. Sur le plan des forces militaires, les activitĂ©s de rĂ©sistance de l'ArmĂ©e d'Afrique se bornent pour l'essentiel, dans les pays du Maghreb - avec la complicitĂ© de Weygand pendant le sĂ©jour africain de ce dernier - Ă  dissimuler des stocks d'armement, qui sont plus tard utilisĂ©s contre l'Axe au cours du conflit[20] - [2]:109.

L'une des actions les plus significatives de la RĂ©sistance française extĂ©rieure, par ses circonstances et par ses effets, a lieu le Ă  Alger, permettant le succĂšs de l'opĂ©ration Torch, le dĂ©barquement alliĂ© en Afrique du Nord : selon les accords passĂ©s secrĂštement Ă  Cherchell, le , entre la RĂ©sistance algĂ©roise et le commandement alliĂ©, 400 rĂ©sistants mal armĂ©s, commandĂ©s par JosĂ© Aboulker et dont les deux tiers Ă©tait juifs, neutralisent Ă  eux seuls, le , les batteries cĂŽtiĂšres de Cherchell, ainsi que le XIXe corps d'armĂ©e d'Alger pendant une quinzaine d'heures, investissant les Ă©tats-majors, les commissariats, les centraux tĂ©lĂ©phoniques, et radio-Alger[2]:367. Ils occupent pour cela, pendant la nuit du 7 au , presque tous les points stratĂ©giques, et rĂ©ussissent Ă  arrĂȘter le gĂ©nĂ©ral Juin, commandant en chef, ainsi que l’amiral Darlan, inopinĂ©ment prĂ©sent Ă  Alger cette nuit-lĂ , contribuant largement Ă  la rĂ©ussite du dĂ©barquement alliĂ©. Le au soir, Juin obtient l'accord de Darlan pour ordonner un cessez-le-feu Ă  Alger[14]:57.

En revanche, Ă  Oran et au Maroc français, oĂč les groupes de rĂ©sistance Ă©chouent dans une action similaire, les troupes de Vichy livrent un combat sanglant contre les forces amĂ©ricaines et britanniques, et les tiennent en Ă©chec pendant trois jours. Darlan, aprĂšs avoir d'abord refusĂ© d'ordonner le cessez-le-feu Ă  Oran et au Maroc, finit par obtempĂ©rer aux injonctions et aux menaces du gĂ©nĂ©ral amĂ©ricain Clark. Mohammed V, de son cĂŽtĂ©, conseille au rĂ©sident gĂ©nĂ©ral NoguĂšs d'arrĂȘter les combats. Ceux-ci ne prennent fin que le , aprĂšs que NoguĂšs a reçu l'ordre de cessez-le-feu de Darlan[21]. Entretemps, dĂšs les premiers jours du dĂ©barquement anglo-amĂ©ricain en AlgĂ©rie et au Maroc, les troupes allemandes et italiennes envahissent le territoire tunisien. Des rafles de Juifs tunisiens sont effectuĂ©es par les Allemands dans les mois qui suivent, aboutissant Ă  la crĂ©ation de camps d'internement. La principale rafle Ă  Tunis a lieu dĂšs le [22]. Environ 5000 Juifs de Tunisie sont victimes d'internement dans des camps de travaux forcĂ©s[23].

Jusqu'Ă  la mi-1943, les territoires libĂ©rĂ©s en Afrique française du Nord connaissent une situation politique complexe, alors que les combats contre les Allemands et les Italiens se poursuivent en Tunisie. Darlan, ralliĂ© aux AlliĂ©s, est maintenu au pouvoir comme Haut-Commissaire et prĂ©tend toujours, bien que condamnĂ© par Vichy, gouverner au nom du marĂ©chal PĂ©tain. Arguant de la situation militaire en Tunisie, Darlan fait le choix de l'immobilisme politique, ne touche pas Ă  la lĂ©gislation vichyste en maintenant l'abrogation du dĂ©cret CrĂ©mieux en continuant ainsi Ă  priver les Juifs d'AlgĂ©rie de la citoyennetĂ© française et ignore les requĂȘtes de Ferhat Abbas sur l'Ă©mancipation des musulmans. AprĂšs l'assassinat de Darlan le , Giraud, devenu chef des forces militaires françaises en Afrique, exerce le pouvoir en tant que chef du Commandement en chef français civil et militaire. Lui aussi s'abstient initialement de toucher Ă  la lĂ©gislation de Vichy, s'entourant d'une Ă©quipe trĂšs marquĂ©e Ă  droite et nommant Peyrouton gouverneur gĂ©nĂ©ral de l'AlgĂ©rie en . La pression des AlliĂ©s et l'arrivĂ©e en mars de Jean Monnet, envoyĂ© par Franklin Roosevelt pour conseiller Giraud, aboutissent cependant Ă  un retour graduel Ă  la dĂ©mocratie et Ă  l'abandon progressif d'une partie de la lĂ©gislation de Vichy.

L'empire colonial réunifié et la montée des indépendantismes

François Darlan avait obtenu le ralliement Ă  sa cause de l'Afrique-Occidentale française grĂące au soutien du gouverneur gĂ©nĂ©ral Pierre Boisson. AprĂšs la mort de Darlan, l'AOF demeure dans le camp du gĂ©nĂ©ral Giraud[14]:60-63. Des contacts s'amorcent cependant entre les deux camps et, en , de Gaulle et Giraud se rencontrent, en prĂ©sence de Churchill et Roosevelt, lors de la confĂ©rence de Casablanca. En AlgĂ©rie, les conseils nommĂ©s disparaissent et les assemblĂ©es Ă©lues sont rĂ©tablies. Marcel Peyrouton, en tant que gouverneur gĂ©nĂ©ral de l'AlgĂ©rie, prĂ©side donc au dĂ©mantĂšlement progressif des rĂ©formes vichystes qu'il avait lui-mĂȘme promulguĂ©es en 1940, en tant que ministre de l'intĂ©rieur. L'abolition du dĂ©cret CrĂ©mieux est cependant maintenue en mars 1943, sur dĂ©cision de Giraud[24].

Poignée de main entre Henri Giraud et Charles de Gaulle lors de la conférence de Casablanca.
Panzers allemands pendant la campagne de Tunisie.
Membres du NĂ©o-Destour en 1934.

En Tunisie, les forces de l'Axe s'emploient Ă  favoriser les indĂ©pendantistes. Le , Ă  la demande du souverain Moncef Bey, Habib Bourguiba, chef du NĂ©o-Destour, et ses camarades sont libĂ©rĂ©s par les Allemands de leur lieu de dĂ©tention au fort militaire de Vancia prĂšs de Lyon. Accueilli Ă  Rome comme un chef d'État, il s'abstient de se compromettre trop ouvertement, bien qu'acceptant de s'exprimer Ă  la radio italienne. En janvier 1943, Moncef Bey - successeur d'Ahmed Bey mort le - nomme M'hamed Chenik Ă  la tĂȘte d'un nouveau gouvernement, sans consultation prĂ©alable du RĂ©sident GĂ©nĂ©ral Esteva, comptant des membres proches des milieux nationalistes. Revenu en Tunisie le , Bourguiba rend visite au souverain Moncef Bey, au RĂ©sident GĂ©nĂ©ral Esteva et Ă  l'ambassadeur allemand Rahn mais ne s'intĂšgre pas explicitement au camp de l'Axe. Le 7 mai 1943, Bourguiba se rĂ©fugie temporairement dans la clandestinitĂ©, pour Ă©chapper tout d'abord aux Allemands qui voulaient le faire partir en Allemagne et ensuite aux Français qui voulaient l'arrĂȘter [25]. Le les Britanniques humilient le souverain Moncef Bey en le forçant Ă  quitter son palais de Hammam-Lif et Ă  les suivre jusqu'Ă  Tunis pour l'amener Ă  stationner sa voiture devant une entrĂ©e secondaire du siĂšge du RĂ©sident GĂ©nĂ©ral de France. Il fut accueilli respectueusement par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Binoche surpris de cette prĂ©sence. Il fut ramenĂ© Ă  son palais. Les forces de l'Axe capitulent le . Le , aprĂšs sa destitution dĂ©cidĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Giraud, Moncef Bey fut amenĂ© manu militari en exil Ă  Laghouat en AlgĂ©rie. Le Bey de camp Lamine Bey lui succĂšde. Le NĂ©o-Destour est interdit et certains de ses militants les plus compromis dans la collaboration avaient fui avec l'Axe[26]. En AlgĂ©rie, Ferhat Abbas avait envoyĂ© le au marĂ©chal PĂ©tain un rapport intitulĂ© « L'AlgĂ©rie de demain », attirant son attention sur le sort des indigĂšnes musulmans et rĂ©clamant prudemment des rĂ©formes : PĂ©tain avait rĂ©pondu poliment, tout en s'abstenant de s'engager. Le , aprĂšs la libĂ©ration de l'AlgĂ©rie, Ferhat Abbas va nettement plus loin en prĂ©sentant au gouverneur gĂ©nĂ©ral Marcel Peyrouton le « Manifeste du peuple algĂ©rien », qui rĂ©clame « la condamnation et l'abolition de la colonisation », la libertĂ© et l'Ă©galitĂ© pour tous les habitants de l'AlgĂ©rie, une rĂ©forme agraire et la reconnaissance de la langue arabe. Le projet est soumis Ă  la « Commission des rĂ©formes Ă©conomiques et sociales musulmanes », tout juste crĂ©Ă©e par Peyrouton. Mais le gĂ©nĂ©ral Georges Catroux, successeur de Peyrouton, rejette ensuite catĂ©goriquement le manifeste : Ferhat Abbas est, de septembre Ă  dĂ©cembre, assignĂ© Ă  rĂ©sidence Ă  In Salah par le CFLN[27]. De Gaulle rĂ©pond par la suite en partie Ă  ces rĂ©clamations : par les dĂ©crets du , il permet l'accession de dizaines de milliers de musulmans Ă  la citoyennetĂ© française, sans pour autant toucher au statut coranique, et constitue des assemblĂ©es locales comptant deux cinquiĂšmes d'Ă©lus indigĂšnes. Abbas et ses amis jugent cependant ces concessions insuffisantes[14]:108-110.

En , le Commandement en chef français civil et militaire de Giraud et le Comité national français de de Gaulle réalisent leur fusion au sein du Comité français de la Libération nationale (CFLN), ce qui réunifie l'empire colonial français - à l'exception de l'Indochine - sous la tutelle des forces de résistance. Dans un discours du , de Gaulle salue « l'Empire fidÚle, base de départ pour le redressement du pays »[28]. Les derniers pans de la législation vichyste sont progressivement abandonnés en Afrique : le décret Crémieux est ainsi rétabli en octobre 1943 sous un prétexte technique, rendant leur citoyenneté française aux Juifs d'Algérie[2]:383.

L'Armée d'Afrique, au sein de l'Armée française de la Libération, tient ensuite une place importante dans les combats sur le sol européen, durant la campagne d'Italie, puis la libération de la France, sous la direction d'officiers comme Alphonse Juin (au sein du Corps expéditionnaire français en Italie), Jean de Lattre de Tassigny (au sein de la 1re armée) ou Philippe Leclerc de Hautecloque (au sein de la 2e DB).

Les visĂ©es indĂ©pendantistes se prĂ©cisent Ă©galement au Maroc, oĂč le sultan Mohammed V a Ă©tĂ© encouragĂ© en ce sens par ses contacts avec les Anglo-amĂ©ricains. Le est crĂ©Ă© le Parti de l'Istiqlal qui diffuse, le , un manifeste approuvĂ© par le sultan, rĂ©clamant « l'indĂ©pendance du Maroc dans son intĂ©gritĂ© territoriale ». Le rĂ©sident gĂ©nĂ©ral Gabriel Puaux, aprĂšs avis du CFLN, rejette catĂ©goriquement le manifeste, ce qui entraĂźne dans les semaines suivantes des Ă©meutes Ă  Rabat et Ă  Fez : quatre EuropĂ©ens sont assassinĂ©s, et plusieurs dizaines de Marocains pĂ©rissent Ă  la suite de la rĂ©pression des Ă©meutes par la troupe. Des centaines d'arrestations ont lieu[14]:103-104.

En Syrie et au Liban, les indĂ©pendantistes engagent une Ă©preuve de force avec les Français. Au Liban, Jean Helleu, nommĂ© par la France libre reprĂ©sentant au Levant, s'oppose Ă  la modification de la constitution par le prĂ©sident libanais nouvellement Ă©lu, BĂ©chara el-Khoury : la Chambre de Beyrouth passe outre et abolit le mandat français en novembre. Le , Helleu fait arrĂȘter le prĂ©sident libanais et son chef du gouvernement Riyad es-Solh. Face aux violentes manifestations qui Ă©clatent dans tout le Liban, Georges Catroux est envoyĂ© en urgence pour rĂ©tablir le calme et accepte le 22 novembre le principe de l'indĂ©pendance du Liban, qui entre en vigueur le 1er janvier suivant. L'indĂ©pendance de la Syrie est reconnue en par l'URSS et en septembre par les États-Unis. En , de violents troubles anti-français en Syrie amĂšnent les Britanniques Ă  intervenir pour ramener l'ordre. Le , civils et militaires français Ă©vacuent Damas[14]:93-95.

En Chine, dans un tout autre contexte, la France perd en 1943 le contrÎle de ses quelques territoires. Kouang-Tchéou-Wan est occupé par les Japonais. Dans la concession française de Shanghai, restée sous la lointaine tutelle de Vichy, la communauté française est parcourue de divisions entre sympathisants vichystes et gaullistes. En 1943, Vichy se résout sous la pression japonaise à abandonner la concession. Le , le consul général Roland de Margerie remet officiellement les clés de la concession française au maire de Shanghai Cheng Gengbo, rétrocédant le territoire au gouvernement collaborateur chinois de Wang Jingwei. La rétrocession des territoires chinois est avalisée, aprÚs le conflit mondial, par l'accord franco-chinois de 1946 entre la France et le gouvernement de Tchang Kaï-chek[29].

Du 30 janvier au , au Congo français, a lieu la confĂ©rence de Brazzaville, qui aboutit Ă  la suppression de l'IndigĂ©nat. Le texte final, rĂ©digĂ© conformĂ©ment aux souhaits du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, s'oppose cependant Ă  l'idĂ©e d'Ă©mancipation des peuples colonisĂ©s en repoussant « toute idĂ©e d'autonomie, toute possibilitĂ© d'Ă©volution hors du bloc français de l'Empire : la constitution Ă©ventuelle, mĂȘme lointaine, de self-governments dans les colonies est Ă  Ă©carter »[14]:76-80.

Si la confĂ©rence de Brazzaville ne constitue que les prĂ©mices de la dĂ©colonisation, les troubles Ă©clatent en AlgĂ©rie française dĂšs la fin du conflit mondial en Europe. Le 1er mai, des militants du Parti du peuple algĂ©rien de Messali Hadj se heurtent aux forces de l'ordre Ă  Alger et Ă  Oran : trois personnes trouvent la mort[14]:110. Le , au cours du dĂ©filĂ© de la victoire contre l'Allemagne, des heurts entre la police et les indĂ©pendantistes ont lieu Ă  SĂ©tif : un manifestant musulman est tuĂ©. Cet incident entraĂźne de violentes Ă©meutes, qui dĂ©gĂ©nĂšrent pour aboutir aux massacres de SĂ©tif et Guelma. À SĂ©tif, 21 EuropĂ©ens sont tuĂ©s par les musulmans : le mouvement insurrectionnel s'Ă©tend aux campagnes avoisinantes, faisant une centaine de victimes europĂ©ennes. La rĂ©pression appliquĂ©e par la troupe française est particuliĂšrement violente et fait plusieurs milliers de victimes : l'administration française reconnaĂźtra un chiffre, probablement trĂšs infĂ©rieur Ă  la rĂ©alitĂ©, de 1 500 victimes musulmanes, tandis que les indĂ©pendantistes avanceront des chiffres, sans doute exagĂ©rĂ©s, de 40 000 victimes, voire plus[30].

Si l'indépendantisme triomphe au Levant et se développe en Afrique du Nord, la situation la plus tendue est cependant, en 1945, celle vécue par l'Indochine française, qui représente un cas à part.

Le cas de l'Indochine française

Troupes de l'Armée impériale japonaise à Saïgon en 1941.

Occupation japonaise et conflit avec la ThaĂŻlande

ÉloignĂ©e du terrain d'action europĂ©en, l'Indochine française doit faire face aux exigences de l'empire du Japon, qui souhaite pouvoir y faire transiter ses troupes pour couper le ravitaillement de la RĂ©publique de Chine Ă  laquelle l'oppose une guerre depuis 1937. En , le gouverneur Georges Catroux cĂšde Ă  certaines demandes japonaises en interdisant le trafic vers Kunming. Le gouvernement de Vichy, mĂ©content, le remplace par l'amiral Jean Decoux, qui prend ses fonctions fin juillet (sur le chemin du retour, Catroux profite de son escale Ă  Singapour pour rejoindre la France libre). Le 30 aoĂ»t, Vichy signe un accord avec le Japon donnant satisfaction aux demandes de ce dernier et reconnaissant sa position privilĂ©giĂ©e en ExtrĂȘme-Orient, en Ă©change de la reconnaissance de la souverainetĂ© française sur l'Union indochinoise. Le , devant les lenteurs de l'application de l'accord, les troupes japonaises de l'ArmĂ©e du Guandong rĂ©alisent une invasion du territoire indochinois, afin d'y stationner leurs forces et de couper la route d'approvisionnement des Chinois. Dans les semaines qui suivent, l'Indochine connaĂźt un conflit avec la ThaĂŻlande qui cesse grĂące Ă  la mĂ©diation japonaise et Ă  l'issue duquel la ThaĂŻlande annexe les provinces de Battambang et Siem Reab, prises au Protectorat du Cambodge, ainsi que le Pak-Lay et le Bassac, prises au Protectorat du Laos[31]:44-46. La ThaĂŻlande soutient par ailleurs le mouvement indĂ©pendantiste cambodgien des Khmers issarak.

Le , le gouvernement de Vichy signe avec le Japon un accord concĂ©dant Ă  ce dernier la clause de la nation la plus favorisĂ©e et accordant concessions miniĂšres, agricoles et hydrauliques Ă  des sociĂ©tĂ©s franco-nippones, ainsi que d'importantes livraisons de riz au Japon. Le , l'amiral Darlan signe avec l'ambassadeur japonais Kato un protocole Ă©tablissant une « dĂ©fense commune » et permettant l'installation des troupes japonaises jusqu'en Cochinchine : avant mĂȘme l'application des accords Darlan-Kato, l'armĂ©e nippone s'installe en Cochinchine et au Cambodge, oĂč elle utilisera les pistes d'envol pour des missions contre la Malaisie britannique lors de l'invasion de fin 1941. La prĂ©sence japonaise, avec environ 50 000 hommes sur l'ensemble de l'Indochine française, n'est cependant pas une occupation comparable Ă  celle de la France mĂ©tropolitaine par l'Allemagne, du moins pas jusqu'en 1945[31]:47 - [32].

L'Indochine sous administration vichyste

L'Indochine française, sous le gouvernement gĂ©nĂ©ral de l'amiral Decoux nommĂ© par le marĂ©chal PĂ©tain, conserve ensuite une administration vichyste, qui demeure en place y compris aprĂšs la disparition du rĂ©gime de Vichy en Europe. Dans une Indochine trĂšs Ă©loignĂ©e de l'Europe, et oĂč les contacts avec la France sont rĂ©duits au minimum du fait du conflit mondial, les mots d'ordre de la rĂ©volution nationale sont appliquĂ©s avec un zĂšle atteignant « des sommets inconnus dans la mĂ©tropole »[33]:86. L'Indochine connaĂźt Ă©galement une grande diffusion du culte de la personnalitĂ© de PĂ©tain[31]:54-55. Juifs et francs-maçons sont Ă©purĂ©s de l'administration coloniale, et les gaullistes rĂ©els ou prĂ©sumĂ©s sont rĂ©primĂ©es : des personnes tentant de rallier la France libre sont emprisonnĂ©es, de mĂȘme que les agents des FFL tentant de pĂ©nĂ©trer dans la colonie, comme Pierre Boulle. Les articles pro-allemands publiĂ©s par certains journaux indochinois comme L'Impartial, sont par contre tolĂ©rĂ©s. Decoux, nommĂ© haut-commissaire pour le Pacifique, envisage Ă©galement d'organiser avec les Japonais une action commune pour reprendre la Nouvelle-CalĂ©donie Ă  la France libre, mais Vichy l'en dissuade[34]. Les corps Ă©lus sont mis en sommeil : un arrĂȘtĂ© du crĂ©e un Conseil fĂ©dĂ©ral, composĂ© de 25 conseillers autochtones. Mais le souci de forger « une conscience commune indochinoise » conduit le Ă  crĂ©er un Conseil fĂ©dĂ©ral de l'Indochine, dont les membres sont choisis et nommĂ©s par le gouverneur gĂ©nĂ©ral sur des listes Ă©tablies par les diverses organisations professionnelles. Les assemblĂ©es ainsi nommĂ©es ne prĂ©tendent pas reprĂ©senter autre chose que l'Ă©lite des sociĂ©tĂ©s coloniales et autochtones. Des organisations de jeunesse (centres d'accueil, colonies de vacances, activitĂ©s sportives) sont mises en place avec volontarisme[35] - [33]:85-87.

Decoux mĂšne de rĂ©els efforts en direction des populations indigĂšnes, crĂ©ant 4800 Ă©coles rurales pour combattre l'analphabĂ©tisme, favorisant l'accĂšs Ă  la fonction publique pour les autochtones, et menant de grands travaux publics, touchant aux routes, aux ponts, Ă  l'hydraulique agricole et Ă  l'urbanisme[33]:85-86. Sur le plan politique, Decoux s'attache Ă  dĂ©velopper la personnalitĂ© politique des États fĂ©dĂ©rĂ©s de l'Union indochinoise et multiplie les hommages destinĂ©s Ă  rehausser le prestige des souverains, malgrĂ© le maintien d'un contrĂŽle politique[33]:84-85. Au Protectorat du Cambodge, aprĂšs la mort du roi Sisowath Monivong, Decoux choisit en 1941 le prince Norodom Sihanouk, alors ĂągĂ© de dix-neuf ans, pour ĂȘtre le nouveau souverain[14]:119. Au Protectorat du Laos, le royaume de Luang Prabang bĂ©nĂ©ficie d'une autonomie lĂ©gĂšrement accrue, et, pour compenser les pertes de territoire au profit de la ThaĂŻlande, voit sa souverainetĂ© Ă©tendue aux provinces du Haut-MĂ©kong, de Xieng Khouang et de Vientiane. Renonçant Ă  ses droits dynastiques, le prince Phetsarath Rattanavongsa devient en contrepartie premier ministre et vice-roi Ă  Luang Prabang[36].

ParallĂšlement, en mai 1941, NguyĂȘn AĂŻ Quoc, alias HĂŽ Chi Minh, revient en Indochine aprĂšs trente ans d'absence et se cache dans les montagnes Ă  proximitĂ© de la frontiĂšre chinoise. Au cours d'une rĂ©union clandestine du Parti communiste indochinois, il prĂ©side Ă  la crĂ©ation du Việt Minh, la « Ligue pour l'indĂ©pendance du ViĂȘt Nam », qui se veut un « large front national » rassemblant l'ensemble des classes sociales vietnamiennes. Mais en aoĂ»t 1942, retournĂ© dans son repaire en Chine, HĂŽ Chi Minh est arrĂȘtĂ© par le gouvernement du Kuomintang. En son absence, le Việt Minh crĂ©e petit Ă  petit des maquis dans les montagnes et prend progressivement le contrĂŽle d'une sĂ©rie de villages, oĂč il s'impose aux minoritĂ©s locales. HĂŽ Chi Minh sort de prison Ă  l'automne 1943, dans des circonstances mal connues, probablement Ă  la suite d'un changement de politique des Chinois : certains ont Ă©voquĂ© une possible intervention en sa faveur de la part des États-Unis, qui considĂšrent le chef indĂ©pendantiste vietnamien, dont ils ignorent la vraie identitĂ© et l'affiliation communiste, comme un atout potentiel. Les rĂ©seaux Việt Minh travaillent en relation avec les services des AlliĂ©s, tant ceux de la RĂ©publique de Chine que l'OSS amĂ©ricain, auxquels ils apportent des informations et qui leur envoient des armes[37] - [38]. L'activisme indĂ©pendantiste vietnamien inquiĂšte suffisamment le gouvernement gĂ©nĂ©ral pour que les patrouilles se multiplient, contraignant le Việt Minh, Ă  la fin 1943, Ă  se replier dans les zones les plus escarpĂ©es[31]:66-68.

L'indĂ©pendantisme se manifeste Ă©galement, de maniĂšre plus modeste, au Protectorat du Cambodge, oĂč les Japonais jouent la carte de l'alliance avec les nationalistes locaux, et avec le clergĂ© bouddhiste. Le , le bonze Hem Chieu, professeur de l'Institut bouddhique et un autre moine, sont soupçonnĂ©s d'activitĂ©s subversives et arrĂȘtĂ©s par les Français. Le 20 juillet, Pach Chhoeun, rĂ©dacteur en chef du journal anticolonialiste Nagaravatta, prend la tĂȘte dans les rues de Phnom Penh de deux mille manifestants, dont de nombreux moines, pour protester contre ces arrestations. La manifestation, connue sous le nom de « rĂ©volte des ombrelles », dĂ©gĂ©nĂšre en Ă©meute, rĂ©primĂ©e par la police. Pach Chhoeun est arrĂȘtĂ©, et Hem Chieu, dĂ©portĂ© au bagne. Son Ngoc Thanh, responsable de Nagaravatta, s'enfuit en ThaĂŻlande, puis au Japon. La « rĂ©voltes des ombrelles » est la premiĂšre manifestation publique et notable du jeune nationalisme khmer[31]:50, si l'on excepte la guĂ©rilla, encore trĂšs modeste et alors quasiment inactive, des Khmers issarak.

Dans toute l'Indochine, les Japonais, en difficultĂ© dans la guerre du Pacifique, favorisent les nationalistes locaux, comme les caodaĂŻstes viĂȘts[39]. À l'hiver 1944, le Viet minh se manifeste Ă  nouveau, en formant un embryon d'armĂ©e et en attaquant quelques postes français dans les rĂ©gions montagneuses de Dinh Ca et de Nguyen Binh[40].

Les réseaux de résistance en Indochine

Avec l'occupation japonaise, des rĂ©seaux de rĂ©sistance française se forment, fournissant des renseignements aux AlliĂ©s, notamment aux sections de la France libre en Chine[41]. En juillet 1943, François de Langlade est envoyĂ© Ă  Calcutta par le ComitĂ© français de la LibĂ©ration nationale (CFLN), pour diriger un service de renseignements sur l'Indochine. La formation d'un corps expĂ©ditionnaire, dont la responsabilitĂ© devra ĂȘtre assumĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Blaizot, est dĂ©cidĂ©e Ă  la fin de l'annĂ©e. Decoux prend contact avec les autoritĂ©s françaises d'Alger, mais n'est pas envisagĂ© comme chef de la rĂ©sistance locale, son pĂ©tainisme le disqualifiant[31]:56-57.

En fĂ©vrier 1944, le gĂ©nĂ©ral EugĂšne Mordant, chef de l'armĂ©e française en Indochine, est choisi par le CFLN comme responsable de la libĂ©ration du territoire : il ne reçoit le message signĂ© par de Gaulle qu'en avril. À partir de , l'Indochine commence Ă  ĂȘtre bombardĂ©e par les États-Unis. Dans le courant du mois, Langlade, parachutĂ© dans le nord-Tonkin, rencontre Ă  HanoĂŻ Mordant et son second, le gĂ©nĂ©ral AymĂ©. Langlade cherche Ă  rencontrer Ă©galement Decoux, mais ce dernier est en dĂ©placement. Mordant est confirmĂ© le 23 aoĂ»t comme chef de la rĂ©sistance et, le , comme dĂ©lĂ©guĂ© du Gouvernement provisoire de la RĂ©publique française (GPRF), dĂ©sormais au pouvoir en France mĂ©tropolitaine[31]:56-57 - [14]:123. Des commandos alliĂ©s sont parachutĂ©s sur place. Entretemps, du fait de la fin du rĂ©gime de Vichy en Europe, Decoux a pris les pleins pouvoirs, comme il le prĂ©voyait « en cas de rupture des communications avec la mĂ©tropole ». Il reconnaĂźt l'autoritĂ© du GPRF, et envoie Ă  Paris des messages conseillant la prudence, qui ne reçoivent pas de rĂ©ponse. Le 27 octobre, Decoux dĂ©couvre le rĂŽle de Mordant : surpris et irritĂ©, il menace de dĂ©missionner si les pleins pouvoirs ne lui sont pas confirmĂ©s. Langlade est alors Ă  nouveau parachutĂ© en Indochine et rencontre Decoux pour lui enjoindre de demeurer Ă  son poste et de nommer Mordant inspecteur gĂ©nĂ©ral, tout en lui servant de « paravent ». Dans les faits, l'Indochine vit durant les mois suivants sous un systĂšme bicĂ©phale : Mordant, le seul Ă  ĂȘtre en communication directe avec Paris, se considĂšre comme le vĂ©ritable patron et tient Decoux en dĂ©fiance. La rĂ©sistance française demeure limitĂ©e Ă  l'activitĂ© de quelques centaines de personnes, qui imitent les mĂ©thodes de mĂ©tropole et ne font pas participer les autochtones[31]:56-60. Un plan est dĂ©fini pour mettre en place de rĂ©seaux de guĂ©rilla, en vue de la libĂ©ration de l'Indochine, mais les moyens manquent cruellement et le secret des opĂ©rations est mĂ©diocrement gardĂ©[42].

Le début de la famine en territoire vietnamien

L'Ă©conomie de l'Indochine est en outre durement Ă©prouvĂ©e par les conditions de la guerre : la pĂ©nurie alimentaire s'accompagne d'une hausse excessive du prix du riz. La rĂ©colte de 1944-45, trĂšs insuffisante, aggravĂ©e encore par la politique de rĂ©quisitions des Japonais et par les bombardements alliĂ©s qui dĂ©sorganisent les transports, provoque au dĂ©but de 1945 une terrible famine au Tonkin : en janvier-, des populations se lancent, dans des conditions dĂ©sastreuses, dans une vaste migration pour atteindre des rĂ©gions oĂč la rĂ©colte est censĂ©e avoir Ă©tĂ© meilleure. Environ 50 000 personnes pĂ©rissent durant l'exode. La famine vietnamienne se poursuit dans tout le courant de l'annĂ©e 1945 : le nombre total de victimes est inconnu, mais estimĂ© au moins Ă  plusieurs centaines de milliers. Les sociĂ©tĂ©s rurales sont dĂ©stabilisĂ©es, faisant le jeu du Việt Minh[43].

Le coup de force japonais

En , craignant une incursion alliĂ©e, les Japonais rĂ©alisent un coup de force contre les Français et prennent le contrĂŽle de l'Indochine. Decoux est mis aux arrĂȘts et Mordant, qui mĂšne durant quelques heures une rĂ©sistance militaire, est Ă©galement capturĂ©. Plusieurs milliers de Français pĂ©rissent, lors des combats ou dans les camps japonais. Les AlliĂ©s ne bougent pas : la RĂ©publique de Chine ne souhaite pas aider les colonisateurs français, pas plus que les États-Unis, qui ordonnent au chef de leur aviation en Chine, le gĂ©nĂ©ral Chennault, de ne pas intervenir. Les Japonais dĂ©crĂštent le dĂ©mantĂšlement de l'Union indochinoise et demandent aux souverains locaux de proclamer les indĂ©pendances de leurs royaumes, et leur intĂ©gration dans la SphĂšre de coprospĂ©ritĂ© de la grande Asie orientale.

BáșŁo ĐáșĄi accepte de proclamer l'indĂ©pendance du Việt Nam et de collaborer avec les Japonais : le territoire vietnamien est reconstituĂ© par l'union du Tonkin et de l'Annam, Ă  l'exception de la Cochinchine, que les Japonais administrent directement; un gouvernement est fondĂ©, prĂ©sidĂ© par Tran Trong Kim, et tente de gĂ©rer une situation critique alors que la famine s'aggrave encore au Tonkin[31]:65-66. Au Cambodge, Norodom Sihanouk proclame Ă©galement l'indĂ©pendance, et forme un gouvernement dont il prend lui-mĂȘme la tĂȘte, Ă©vitant cependant de trop se compromettre avec les Japonais. Sisavang Vong, roi de Luang Prabang, refuse par contre de proclamer l'indĂ©pendance du Protectorat du Laos, que les Japonais finissent par imposer le 4 avril, avec l'accord du premier ministre indĂ©pendantiste, le prince Phetsarath Rattanavongsa. En mai, les Japonais font revenir d'exil Son Ngoc Thanh, qui se voit attribuer le poste de ministre des affaires Ă©trangĂšres au Cambodge.

Des actions de rĂ©sistance, d'ampleur souvent rĂ©duite faute de moyens et d'ordres prĂ©cis, sont alors menĂ©es en parallĂšle, par les unitĂ©s rescapĂ©es de l'armĂ©e française qui effectuent une difficile retraite vers la Chine, par des maquis franco-laotiens[44], par des commandos français et britanniques parachutĂ©s, et dans une autre mesure par le Việt Minh, qui prend le contrĂŽle de diffĂ©rentes localitĂ©s du pays en y Ă©tablissant des « comitĂ©s rĂ©volutionnaires populaires »[45].

Le 24 mars, le GPRF Ă©met une proclamation relative Ă  l'Indochine. Le texte prĂ©conise pour l'Union indochinoise, aprĂšs sa libĂ©ration, une nouvelle organisation politique et un nouveau statut, qui concerne le reste de l'Empire : la proclamation stipule que « La FĂ©dĂ©ration indochinoise formera avec la France et les autres parties de la communautĂ© une "Union française" dont les intĂ©rĂȘts Ă  l'extĂ©rieur seront reprĂ©sentĂ©s par la France. (
) Les cinq pays qui composent la FĂ©dĂ©ration indochinoise et qui se distinguent entre eux par la civilisation, la race et les traditions, garderont leur caractĂšre propre Ă  l'intĂ©rieur de la fĂ©dĂ©ration. »[31]:287-288. C'est Ă  cette occasion que le terme d'Union française, qui dĂ©signe officiellement l'empire colonial français aprĂšs 1946, fait son apparition. De Gaulle dĂ©cide officiellement de la formation d'un Corps expĂ©ditionnaire français en ExtrĂȘme-Orient chargĂ© de combattre les Japonais, dont la responsabilitĂ© est confiĂ©e Ă  Philippe Leclerc de Hautecloque.

Les projets de la France sont cependant contrecarrĂ©s, Ă  la fois par les AlliĂ©s et par les circonstances de la fin du conflit. À la confĂ©rence de Potsdam, sans consulter ni avertir les Français, les AlliĂ©s dĂ©cident que la libĂ©ration de l'Indochine, ainsi que le maintien de l'ordre et le dĂ©sarmement des troupes japonaises, seront assurĂ©s au sud par les troupes du Royaume-Uni et au nord par celles de la RĂ©publique de Chine[46]. Les Français ne sont informĂ©s des dĂ©cisions alliĂ©es que vers le . La capitulation des Japonais, annoncĂ©e officiellement le , les prend en outre de court[47].

À la fin de la guerre : l'Indochine en plein chaos

AprĂšs la capitulation du Japon dans la guerre du Pacifique, les troupes japonaises d'Indochine prĂ©sentent finalement leur reddition au Việt Minh, laissant dĂ©libĂ©rĂ©ment l'Indochine française dans une situation chaotique trĂšs dĂ©favorable aux Français, dont les troupes n'ont pas encore dĂ©barquĂ©. Le 14 aoĂ»t, la Cochinchine est rattachĂ©e au ViĂȘt Nam par les Japonais, 24 heures avant que le Japon n'annonce officiellement sa capitulation; le mĂȘme jour, Son Ngoc Thanh, qui s'est auto-proclamĂ© quelques jours plus tĂŽt premier ministre du Cambodge, forme son gouvernement. Au ViĂȘt Nam, HĂŽ Chi Minh dĂ©crĂšte un « soulĂšvement gĂ©nĂ©ral » afin de prendre le contrĂŽle du pays, prenant de vitesse les AlliĂ©s.

Au Laos, le gouvernement indĂ©pendantiste demeure Ă©galement en place. Leclerc arrive Ă  Kandy le 22 aoĂ»t pour prĂ©parer le dĂ©barquement de ses troupes en Indochine, mais se voit annoncer par Louis Mountbatten que Britanniques et Chinois pĂ©nĂštreront les premiers sur le territoire[31]:79. Entre le 21 et le , HĂŽ Chi Minh arrive Ă  HanoĂŻ, tandis que le Tonkin vit une situation paradoxale : vainqueurs sur le papier, les Français sont toujours gardĂ©s prisonniers par les Japonais, thĂ©oriquement vaincus. Alors que les Japonais demeurent l'arme au pied, l'organisation indĂ©pendantiste fait bientĂŽt dĂ©filer ses troupes dans la ville. Le , BáșŁo ĐáșĄi propose au Viet Minh de former un nouveau gouvernement avec eux mais, sommĂ© d'abdiquer et obtempĂšre le 25 aoĂ»t[14]:128. Au cours de l'Ă©pisode dit de la rĂ©volution d'AoĂ»t, le Việt Minh prend le contrĂŽle du nord et d'une partie du sud du territoire vietnamien : le 28 aoĂ»t, un gouvernement provisoire est formĂ© Ă  HanoĂŻ, sous la prĂ©sidence de HĂŽ Chi Minh; l'ex-empereur BáșŁo ĐáșĄi y figure comme conseiller politique. Le 2 septembre, le jour mĂȘme de la fin officielle du conflit mondial, HĂŽ Chi Minh proclame l'indĂ©pendance de la RĂ©publique dĂ©mocratique du ViĂȘt Nam. Les Français ne reprennent que progressivement et imparfaitement le contrĂŽle de l'Indochine : la situation finit en 1946 par aboutir Ă  la guerre d'Indochine.

Notes et références

  1. André Kaspi, « Musulmans et Pieds-Noirs sous les drapeaux », L'Histoire n° 140, janvier 1991.
  2. Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002.
  3. Les trois exils. Juifs d’AlgĂ©rie, Benjamin Stora, Hachette LittĂ©ratures.
  4. (fr) Loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs (Wikisource).
  5. Paul Sebag, Histoire des Juifs de Tunisie: des origines Ă  nos jours, L'Harmattan, 2000, p. 222-230.
  6. Les Juifs de Tunisie pendant la Seconde Guerre mondiale, Actualité juive no 777, 26 décembre 2002.
  7. Christine Levisse-Touzé, L'Afrique du Nord dans la guerre, 1939-1945, Paris, Albin Michel, 1998, p. 304.
  8. Victor Malka, La mémoire brisée des juifs du Maroc, Entente, 1978, p. 16.
  9. Bernard Lugan, Histoire du Maroc des origines à nos jours, Critérion, 1993, p. 361-363.
  10. Jamaù Baida, Les réfugiés juifs européens au Maroc pendant la Seconde Guerre mondiale.
  11. À la suite de la signature de l'Armistice, le gouverneur Bonvin avait immĂ©diatement reconnu le gouvernement du MarĂ©chal PĂ©tain mais peu aprĂšs le consul britannique Ă  PondichĂ©ry l'informait que les troupes anglo-indiennes occuperaient la colonie si elle ne se ralliait pas au gĂ©nĂ©ral de Gaulle. Le gouverneur Bonvin dĂ»t donc obtempĂ©rer. Jacques Weber, PondichĂ©ry et les comptoirs de l'Inde aprĂšs Dupleix, 1996, Éditions DenoĂ«l, p. 334-335.
  12. Les Indes françaises et leur ralliement à la France Libre en 1940, par Paul Vuillaume, gouverneur des colonies, France-libre.net.
  13. Le ralliement à la France Libre des colonies du Pacifique, Journal de la société des océanistes, année 1945.
  14. Pierre Montagnon, La France coloniale, tome 2, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1990, pages 26-27.
  15. Marc Michel, « Afrique française libre », dans François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, (ISBN 2-221-09997-4), p. 317-319.
  16. Claude Lestrade, « Le ralliement de Wallis Ă  la « France libre » (1942) », Journal de la SociĂ©tĂ© des OcĂ©anistes, vol. 105, no 2,‎ , p. 199–203 (DOI 10.3406/jso.1997.2029, lire en ligne, consultĂ© le ).
  17. Histoire de la Guyane.
  18. Xavier Yacono, Les étapes de la décolonisation française, Presses universitaires de France, 1991, p. 47-48.
  19. Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002, p. 358-365. José Aboulker déclarera plus tard à propos d'Henri d'Astier de la Vigerie : « Il était royaliste et antisémite. Il avait quarante-cinq ans. Je suis juif et antifasciste. J'avais vingt-deux ans. Notre motivation commune, le patriotisme, était dans ce temps-là un sentiment dont la force balayait tout le reste. » (Jacques Cantier, op.cit., p. 365).
  20. Bernard Lugan, Histoire du Maroc des origines à nos jours, Critérion, 1993, p. 362-363.
  21. Bernard Lugan, Histoire du Maroc des origines à nos jours, Critérion, 1993, p. 363.
  22. Paul Sebag, Histoire des Juifs de Tunisie: des origines Ă  nos jours, L'Harmattan, 2000, p. 235-242.
  23. Laure Wybier, Le sort méconnu des Juifs de Tunisie Jerusalem Post, édition française, 5 février 2009.
  24. Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002, p. 378-383.
  25. ProcÚs verbal de l'audition de Bourguiba le 23/06/1943 par R. Casemajor, commissaire de police, chef de la section musulmane des renseignements généraux.
  26. Omar Khlifi-Moncef Bey Roi martyr. Éditions KAHIA p. 167-180.
  27. « ABBAS, Ferhat (1899-1985) » par Guy PervillĂ©, in Parcours, L’AlgĂ©rie, les hommes et l’histoire, recherches pour un dictionnaire biographique de l’AlgĂ©rie, no 8 (novembre-dĂ©cembre 1987), p. 5-16 [(fr) lire en ligne].
  28. Xavier Yacono, Les étapes de la décolonisation française, Presses universitaires de France, 1991, page 48.
  29. Fin de la concession française (SHANGHAI, 1849-1946).
  30. Bernard Droz, Evelyne Leclerc, Histoire de la Guerre d'Algérie, Seuil, 1982, p. 32.
  31. Jacques Dalloz, La Guerre d'Indochine, Seuil, 1987.
  32. Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988, p. 164.
  33. Philippe Devillers, Histoire du ViĂȘt Nam de 1940 Ă  1952, Seuil, 1952.
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  35. Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988, p. 163-165.
  36. Carine Hahn, Le Laos, Karthala, 1999, p. 77-78.
  37. Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988, p. 193-194.
  38. Pierre Brocheux, Ho Chi Minh, Presses de Sciences Po, 2000, p. 155-157.
  39. Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988, p. 167.
  40. Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988, p. 181.
  41. Jean-Philippe Liardet, L'Indochine française pendant la Seconde Guerre mondiale.
  42. Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988, p. 180-181.
  43. Jacques Valette, La Guerre d'Indochine, Armand Colin, 1994, p. 23.
  44. Jacques Valette, La Guerre d'Indochine 1945-1954, Armand Colin, 1994, p. 41.
  45. Laurent Cesari, L'Indochine en guerres, 1945-1993, Belin Sup Prépa, 1995, p. 30-31.
  46. Jean Sainteny, Indochine 1945-1947, Amiot-Dumont, 1953, p. 49.
  47. Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988, p. 224.

Voir aussi

Sources primaires imprimées

  • Amiral Jean Decoux, À la barre de l'Indochine. Histoire de mon gouvernement gĂ©nĂ©ral (1940-1945), Plon, 1949.
  • Philippe Franchini, Les Guerres d'Indochine, tome 1, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1988.
  • Philippe Franchini, Les Mensonges de la guerre d'Indochine, Perrin, Paris, 2005.
  • Pierre Montagnon, La France coloniale, tome 2, Pygmalion-GĂ©rard Watelet, 1990.
  • Claude Paillat, L’Échiquier d'Alger, tome 1 : avantage Ă  Vichy, Robert Laffont, 1966.
  • Claude Paillat, L’Échiquier d'Alger, tome 2 : de Gaulle joue et gagne, Robert Laffont, 1967.

Bibliographie

Articles connexes

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