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La Maison dorée de Samarkand

La Maison dorée de Samarkand est une bande dessinée de l'Italien Hugo Pratt, 26e aventure de Corto Maltese.

La Maison dorée de Samarkand
8e album de la série Corto Maltese
Entrée du port de Rhodes, point de départ de cette aventure.
Entrée du port de Rhodes, point de départ de cette aventure.

Auteur Hugo Pratt
Dessin noir et blanc

Personnages principaux Corto Maltese
Timur Chevket
Cassandre
Marianne
Venexiana Stevenson

Éditeur Casterman
PremiĂšre publication Drapeau de la France France : novembre 1986
ISBN 2-203-33208-5
Nb. de pages 144

Prépublication Drapeau de l'Italie Italie : La casa dorata di Samarcanda,
mensuel Linus à partir du n° 9, 1980.
Drapeau de la France France : mensuel (À SUIVRE) à partir du n° 31-32, 1980.
Albums de la série

Le rĂ©cit dĂ©bute en dĂ©cembre 1921 Ă  Rhodes et se termine au mois de septembre 1922[alpha 1] Ă  la frontiĂšre qui sĂ©pare l’Afghanistan des Indes.
Corto est Ă  la recherche du trĂ©sor du roi perse, Cyrus II — cachĂ© par Alexandre le Grand —, prĂ©texte pour libĂ©rer le prisonnier Raspoutine. Pour ce faire, il traverse trois États naissants : la RĂ©publique turque, l'Union soviĂ©tique et l'Iran de Reza Pahlavi.

Protagonistes

Personnages historiques

Personnages de fiction

  • Corto Maltese
  • Raspoutine, marin russe, Ă©ternel ami/ennemi de Corto.
  • Le gĂ©nĂ©ral Timur Chevket, sosie de Corto, chef du mouvement Pantouranien, ami d’Enver Pacha et redoutĂ© de la GrĂšce Ă  l'Arabistan[alpha 2].
  • Cassandre, amie de Corto Ă  Rhodes, lisant l'avenir dans le marc de cafĂ© (du cafĂ© grec, en l’occurrence). Elle porte le nom de Cassandre, personnage de la mythologie grecque, ayant reçu d'Apollon le don de dire l'avenir. Son physique est caractĂ©risĂ© par des boucles en accroche-cƓur Ă  la minoenne et, comme son frĂšre, d'un "profil grec", avec un nez rectiligne[1].
  • Narcisse, frĂšre de Cassandre, est un marin qui aide Corto Ă  se rendre en Turquie. Bien que chrĂ©tien, il offre un poisson au dieu de la mer, pour lui porter chance. Selon lui, sa sƓur ne s'est jamais trompĂ©e, mais elle ne prĂ©dit que les malheurs (comme son homonyme). Quant Ă  lui, il porte le nom de Narcisse, personnage de la mythologie grecque.
  • Marianne, actrice dĂ©guisĂ©e en Marianne, jouant des spectacles en Turquie avec son collĂšgue "John Bull"[alpha 3].
  • Venexiana Stevenson, aventuriĂšre rĂ©currente des aventures de Corto.
  • Le commandant Bahiar, membre du groupe militaire pantouranien d'Enver Bey, qui n'hĂ©site pas Ă  assassiner ses opposants. Il trahira les siens pour partir Ă  la recherche du trĂ©sor.
  • Sevan VartkĂšs : fillette armĂ©nienne de onze ans dont les parents ont Ă©tĂ© rĂ©cemment tuĂ©s par les turcs. Elle Ă©tait alors otage, jusqu'Ă  ce que Corto la libĂšre, ensemble ils continuent la chasse au trĂ©sor. AprĂšs le voyage, ils prennent la mer pour Venise, oĂč elle est hĂ©bergĂ©e par la communautĂ© armĂ©nienne de Venise.

L'histoire

Rappelons qu’à la fin de Fable de Venise, Corto Maltese a franchi le seuil de la porte d’une cour secrĂšte de Venise pour entrer dans une autre histoire. Les coupoles de Saint-Marc, encore prĂ©sentes dans son esprit, rendent ses premiĂšres pensĂ©es confuses alors qu'il se trouve sur les quais du port de Rhodes, en GrĂšce.

Reprenant ses esprits, il part aussitĂŽt en quĂȘte d’un manuscrit dont il a dĂ©couvert l’existence en lisant les notes du baron Corvo. Il a ainsi appris que l'Ă©crivain Edward Trelawnay aurait cachĂ© les mĂ©moires grecs de son ami Lord Byron « sous la lune sur la mosquĂ©e Kawakly ».

AprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  trouver le manuscrit, il est interpellĂ© par un individu qui le prend pour un certain Timur Chevket. Ses dĂ©nĂ©gations sont inutiles, car la ressemblance est telle, qu'elle ne rĂ©siste Ă  aucun dĂ©menti. Il est donc conduit Ă  une rĂ©union d’un mouvement nationaliste oĂč ce Chevket est attendu. Le commandant Bahiar raconte que le gĂ©nĂ©ral Enver Pacha, Ă©vincĂ© par Kemal, devenu prĂ©sident de Turquie, veut prendre sa revanche. Pour conquĂ©rir le pouvoir, il a rompu avec les Bolcheviks et rejoint les musulmans anticommunistes. Chevket/Corto doit retrouver Bahiar Ă  Adana (Turquie), avant de partir ensemble pour le Turkestan. Au sortir de la rĂ©union, Corto ne pense qu’à une chose : disparaĂźtre au plus vite.

HĂ©bergĂ© chez son amie Cassandre, il lui conte sa mĂ©saventure. Elle le met en garde en lui prĂ©disant qu’il court au devant de grands dangers. Le soir, il Ă©tudie la carte et le manuscrit trouvĂ©s, qui le met sur la piste du trĂ©sor cachĂ© par Alexandre le Grand en Asie centrale. Pendant ce temps, son ami Ibahiyah lui rend visite, lui donne des informations sur Chevket[alpha 2] et lui donne un emblĂšme de SalĂąh-Ad-Din pour obtenir de l'aide des Derviches d'Adana.

Deux jours aprÚs, à bord du voilier de Narcisse, le frÚre de Cassandre, il traverse la Méditerranée pour se rendre en Asie Mineure.

Quand il dĂ©barque sur les cĂŽtes du golfe d’Adalia, de premiĂšres pĂ©ripĂ©ties le conduisent Ă  ĂȘtre repĂ©rĂ© par une patrouille qui le prend Ă  nouveau pour Chevket. EmmenĂ© dans un camp oĂč se trouvent des dĂ©serteurs turcs kurdes, il fait la connaissance d'une actrice nommĂ©e Marianne...

ArrivĂ© Ă  Adana, en Cilicie, en janvier 1922, il s’introduit dans une Ă©cole derviche oĂč il pense pouvoir trouver de l'aide pour libĂ©rer son ami Raspoutine de la prison appelĂ©e la « Maison dorĂ©e de Samarkand »[alpha 4].

Corto s’apprĂȘte Ă  quitter Adana quand il retrouve une Marianne Ă©namourĂ©e qui veut partir avec lui. Elle l’entraĂźne dans un ThĂ©Ăątre d'ombres oĂč se joue une reprĂ©sentation de Karagöz[alpha 5]. IntriguĂ© par une marionnette Ă  l’effigie de Raspoutine[alpha 6], il se retrouve nez Ă  nez avec une vieille connaissance qui recherche aussi le fameux trĂ©sor. AssommĂ©, dĂ©pouillĂ©, il est jetĂ© dans un camion militaire conduit par des soldats kurdes qui roulent rejoindre le commandant Chevket Ă  Van.

ArrivĂ© dans la citĂ© en , Corto redoute la rencontre avec son sosie. Il fait la connaissance du vieil iman, Zorah qui intercĂšde en sa faveur auprĂšs des prĂȘtres pour qu’il puisse traverser l’AzerbaĂŻdjan. Avant de franchir la frontiĂšre, le vieux Zorah veut lui confier Sevan VartkĂšs, une fillette armĂ©nienne de 11 ans seule rescapĂ©e du massacre de ses parents. Il faudrait qu’il l’aide Ă  rejoindre sa famille en ArmĂ©nie russe ; il lui recommande de faire confiance au Kısmet. Une automobile attend Corto. À l’intĂ©rieur, la « vieille connaissance », accompagnĂ©e de Marianne, l’invite Ă  monter pour franchir la frontiĂšre. Sa vĂ©ritable identitĂ© est maintenant reconnue par les nationalistes turcs, grĂące aux papiers trouvĂ©s sur lui aprĂšs son agression. Quant Ă  la petite armĂ©nienne, elle est retenue en otage par leur chef, en Ă©change du trĂ©sor. Le trio franchit la frontiĂšre, entre en Perse et se dirige vers la forteresse d’AlamĂŒth.

Au mĂȘme moment, dans la « Maison dorĂ©e », Raspoutine est traĂźnĂ© devant le gĂ©nĂ©ral Chevket qu’il prend, sans l'ombre d'un doute, pour Maltese et s’étonne de le voir en uniforme d’officier turc. AprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  le convaincre qu’il n’est pas celui qu’il croit, Chevket propose de le libĂ©rer s’il accepte son offre. Au vu de son dossier, il lui a trouvĂ© toutes les « qualitĂ©s » pour devenir instructeur de l’armĂ©e d’Enver Pacha, au rang de CaĂŻd.

De leur cĂŽtĂ©, Corto et ses deux accompagnatrices sont arraisonnĂ©s par des soldats de l’armĂ©e rouge peu aprĂšs leur arrivĂ©e Ă  la forteresse d’AlamĂŒth.

MenacĂ© d’ĂȘtre fusillĂ©, Corto fait intervenir son vieux camarade, Joseph Djougachvili (fraĂźchement nommĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Parti, depuis avril 1922), qu’il n’a pas revu depuis l’annĂ©e 1907, lorsqu’ils Ă©taient Ă  AncĂŽne. GrĂące Ă  cet appui, Corto Maltese obtient sans difficultĂ© les permis pour embarquer avec ses acolytes Ă  Bakou et traverser en la mer Caspienne jusqu’à Krasnovodsk.

Pendant ce temps, dans la citadelle d’Enver Pacha, prĂšs de Baldzhuan, au Turkestan (actuel Tadjikistan), Timur Chevket prĂ©sente le nouvel instructeur militaire au gĂ©nĂ©ral. Entretemps, il a eu connaissance de l’existence de celui que l’on prend pour lui ; qu’il est Ă  la recherche d’un fabuleux trĂ©sor dont la petite ArmĂ©nienne est la monnaie d'Ă©change. Il en a d'ailleurs confiĂ© la garde Ă  Raspoutine. L’attitude insolente de la fillette Ă  son Ă©gard, dĂ©plait fortement Ă  Raspoutine et il la poursuit pour la corriger. AcculĂ©e au bord d’un ravin, elle n’a d’autre recours pour se dĂ©fendre que de lui lancer un caillou bien ajustĂ© (comme David le fit avec Goliath). AssommĂ©, Raspoutine tombe dans le prĂ©cipice.

Dix jours aprĂšs, la tĂȘte enveloppĂ©e d’un pansement, Raspoutine sort de son coma. Marianne est Ă  son chevet. Il s’est passĂ© beaucoup de choses en dix jours. Corto lui apprend qu’il a rendez-vous avec Chevket au Kafiristan, qu'il sera avec la jeune ArmĂ©nienne pour l'Ă©changer contre ses indications pour trouver le trĂ©sor. AppĂątĂ© par le butin, Raspoutine veut s’y rendre avec lui.

Soudain, la citadelle est attaquĂ©e par un bataillon armĂ©nien de l'armĂ©e rouge. Le combat fait rage. Corto et Raspoutine tentent de s’y soustraire
 BientĂŽt les ArmĂ©niens se replient. Croyant que Raspoutine est le maĂźtre d’Ɠuvre de ce recul, Enver Pacha vient le fĂ©liciter. Raspoutine ne le dĂ©ment pas.

Cette trĂȘve n’est qu’un sursis, le gĂ©nĂ©ral le sait, car ses hommes l’abandonnent. Sachant sa cause perdue, il rend Ă  Raspoutine sa libertĂ© et, sabre au clair, s'Ă©lance au galop vers les fantassins ennemis. L’occasion est trop belle pour les ArmĂ©niens. Ce , ils vont enfin se venger de leur bourreau.

Il faut retrouver les femmes et fuir cet enfer. Mais l’une d’entre elles est enceinte et ne peut les suivre. Elles resteront ensemble pendant qu’ils iront au-devant de Chevket afin de dĂ©couvrir le « Grand Or », trĂ©sor d’Alexandre. , prĂšs du fleuve Kafirnagamjour, lieu du rendez-vous fixĂ© avec Chevket, la nuit tombe dĂ©jĂ  sur la frontiĂšre afghane.

Corto Maltese : « Ma mÚre disait que rencontrer son double était présage de mort[2] - [alpha 7]... »

Analyse

La Maison dorĂ©e de Samarkand accumule les pĂ©ripĂ©ties des bandes dessinĂ©es d'aventure classique tout en leur ĂŽtant leur caractĂšre conventionnel, tous les mystĂšres Ă©tant gĂ©nĂ©ralement rĂ©solus sur-le-champ[3]. Le scĂ©nario est sujet Ă  dĂ©ceptions : le trĂ©sor recherchĂ© n'est jamais trouvĂ©, Corto ne rencontre jamais son double dans la rĂ©alitĂ©. Corto y est plus perdu que dans les albums prĂ©cĂ©dents et est l'objet de multiples charges ironiques de la part de Pratt, qui le dĂ©peint plein d'incomprĂ©hension face Ă  la myriade de personnages secondaires qu'il croise. C'est que cet album, entre drogues et souvenirs, accorde une place primordiale au rĂȘve, dans une succession de « morceaux d'anthologies » (le souvenir rencontrĂ© lorsque Corto fume, la danse avec Raspoutine, l'Ă©change en ce dernier et la princesse) qui confirment l'importance de Pratt dans la bande dessinĂ©e. Il confirme le glissement de plus en plus prononcĂ© de Corto Maltese vers l'onirique, qui trouve son achĂšvement en 1992 avec MĂ».

Un long voyage, de la Méditerranée, à l'Asie centrale, puis l'Hindou Kouch

Le parcours de Corto dans cet album a fait l'objet d'une analyse de l'émission Le Dessous des Cartes sur Arte[4]. Suivant approximativement l'ancienne route de la soie (comme l'évoque le nom de Samarcande, ville ouzbÚke ayant constitué une étape importante de cette route), il est l'occasion pour le héros de traverser de nombreux pays et de découvrir leur forte diversité ethnique et religieuse.

L'Ăźle de Rhodes

Rhodes : Mosquée de Soliman

Le pĂ©riple dĂ©bute Ă  Rhodes, sur l'Ăźle grecque du mĂȘme nom, Ă  l'Ă©poque oĂč l'Italie occupait les Ăźles du DodĂ©canĂšse. Ce qui explique la prĂ©sence de troupes italiennes dans la ville. Les premiĂšres cases nous montrent Corto assis sur un muret du port Mandraki, prĂšs des colonnes surmontĂ©es de statues d'un daim et d'une daine en bronze (animal caractĂ©ristique de l'Ăźle), lĂ  oĂč se tenait autrefois le Colosse de Rhodes. Puis, alors qu'il tente de rĂ©soudre l'Ă©nigme d'Edward Trelawnay on le voit dĂ©ambuler dans le quartier du Collachio, passant prĂšs de ce qui semble ĂȘtre la mosquĂ©e de Soliman, observant les blasons sur l'auberge de la langue de France des Chevaliers de Rhodes. Il finit par arriver Ă  la mosquĂ©e du "platane ou Kawakly"[alpha 8], oĂč il dĂ©couvre les documents de l'Ă©crivain anglais[alpha 9], en dĂ©vissant le croissant de lune ornant la coupole abandonnĂ©e de l'Ă©difice.

D'ailleurs, le croissant de lune est trÚs présent dans l'histoire, que ce soit comme symbole de l'Islam (religion trÚs présente dans la plupart des pays que traversera le héros) ou pour montrer simplement que l'action se déroule la nuit.

Plus tard, Corto annonce son dĂ©part de l'Ăźle Ă  son amie Cassandre, pour chercher le trĂ©sor de Cyrus II, situĂ© selon les documents entre Bactriane et le KĂąfiristan. Celle-ci le met en garde sur les dangers de son voyage en lui Ă©voquant une autre lĂ©gende grecque, Jason, personnage de la mythologie grecque qui rechercha la contrĂ©e de mythique Colchide (qui se serait trouvĂ©e dans l’actuelle GĂ©orgie) et Ă  qui il arriva malheur.

La Turquie

Derviche tourneur de la confrĂ©rie de Konya, dansant le Samā‘.

Le marin compte partir pour Adana, en Cilicie, grĂące au bateau de Narcisse. Mais un "meltem", vent de nord-est, les poussent Ă  dĂ©barquer prĂ©maturĂ©ment sur les cĂŽtes turques, sans doute prĂšs de Tarsus[alpha 10]. Corto arrive dans un pays ayant subi les consĂ©quences de la PremiĂšre Guerre mondiale : l'Empire ottoman, qui est presque mort, a Ă©tĂ© dĂ©membrĂ© par le traitĂ© de SĂšvres. La rĂ©gion oĂč il se trouve, bien que faisant partie du territoire turc, est sous la domination des troupes françaises. D'oĂč leur prĂ©sence dans les montagnes oĂč le marin a affrontĂ© les rebelles pillards turcs kurdes.

Corto aperçoit aussi ces troupes Ă  Adana, oĂč il se rĂ©fugie dans une Ă©cole de l'ordre Mevlevi (ou Mawlaw'Ä«yya). Il arrive au moment oĂč leurs membres, souvent appelĂ©s « derviches tourneurs », sont en train de danser le samā‘. Cet ordre musulman soufi, fondĂ© au XIIIe siĂšcle en Turquie, cherche Ă  communiquer avec Allah Ă  travers cette cĂ©lĂšbre danse, tournoyant comme des toupies. Une fois chez eux, Corto leur explique qu'il veut sauver son ami Raspoutine, enfermĂ© dans la Maison dorĂ©e de Samarkand, prison situĂ©e Ă  la frontiĂšre du Khanat de Boukhara et de la RĂ©publique SoviĂ©tique du Turkestan[alpha 4].

Composition ethnique de l'Anatolie en 1910 : les Arméniens apparaissent en jaune et les Kurdes en marron.

Pendant que le marin se repose, des nationalistes ArmĂ©niens attaquent l'Ă©cole et tuent notamment l'imam, ceux-ci ayant pris le marin pour Chevket et voulant se venger du gĂ©nocide des ArmĂ©niens, causĂ© par les Turcs. Il sera Ă  plusieurs reprises Ă©voquĂ© dans cette histoire la volontĂ© de ce peuple d'obtenir leur indĂ©pendance, ce qui sera fait lors de la Dislocation de l'URSS, avec la crĂ©ation de l'ArmĂ©nie en 1991, qui formait la RĂ©publique socialiste soviĂ©tique d'ArmĂ©nie depuis 1920. D'ailleurs, Corto se trouve dans l'ancien Royaume armĂ©nien de Cilicie, qui formait un Ă©tat indĂ©pendant entre 1080 et 1375 et oĂč avaient Ă©migrĂ©s nombre d'ArmĂ©niens.

Dans la ville d'Adana, le marin rencontre une jeune fille qui lui rĂ©cite un quatrain d'Omar Khayyam (Ă©crivain et savant persan musulman du XIe siĂšcle - XIIe siĂšcle), en rĂ©compense de quoi il lui offre une grenade. AprĂšs quelques mĂ©saventures, il finit assommĂ©, avant d'ĂȘtre embarquĂ© par Bahiar dans un convoi de camions de soldats kurdes jusqu'Ă  Van, au bord du lac Ă©ponyme. Durant le trajet vers le berceau historique de l'ArmĂ©nie, la question des ArmĂ©niens est de nouveau Ă©voquĂ©e, Corto soulignant qu'ils furent massacrĂ©s de 1894 Ă  1896 (sous ordre du sultan AbdĂŒlhamid II), puis en 1909 lors des Massacres d'Adana. Tandis que des militaires Kurdes rappellent les conflits qu'ils ont avec les ArmĂ©niens, qui les ont toujours combattu et ils leur reprochent de s'ĂȘtre engagĂ© dans l'armĂ©e russe en 1915, prĂ©texte qui a servi Ă  Enver Pacha pour ordonner le gĂ©nocide. Les Kurdes, quant Ă  eux, expliquent qu'ils n'apprĂ©cient pas les Turcs mais collaborent avec eux et leur chef Mustafa Kemal, parce qu'ils leur ont promis un Ă©tat indĂ©pendant. Promesse qui ne sera pas tenue car en 1923, le traitĂ© de Lausanne, signĂ© par Kemal et qui Ă©tablit les frontiĂšres de la Turquie nouvellement crĂ©Ă©e, renie cette promesse d'autonomie. Enfin, comme on le verra plus tard quand on dĂ©couvrira la jeune armĂ©nienne (qui illustre les nombreux enfants armĂ©niens enlevĂ©s Ă  cette Ă©poque lors des dĂ©portations), des femmes armĂ©niennes Ă©taient contraintes par les Turcs de porter le foulard islamique. Cet Ă©lĂ©ment contraste avec certaines femmes azĂ©ries, qui en ce dĂ©but de XXe siĂšcle, l'avaient abandonnĂ©.

PĂšlerins Yezidis Ă  la fĂȘte Ă  Lalesh, le jour du Nouvel An Yezidi, en 2017

Lorsque le marin arrive à Van, ville contrÎlé par les insurgés khurdes et les bolchevik, il doit retrouver Reshid, chef des montagnards kurdes, prÚs du Mur de Sémiramis. Corto passe devant la forteresse de Van, ou se déroula la défense de Van, en 1915 (peu avant le génocide).

Plus loin, il rencontre des Yezidis, « adorateurs du diable ». L'un d'eux, Zorah, l'amĂšne auprĂšs des coreligionnaires pour l'aider Ă  passer la frontiĂšre avec l'AzerbaĂŻdjan. Le plus jeune des prĂȘtres demande l'aide au cercle et au jeune paon (Malek Taus, chef des sept anges chargĂ©s de veiller sur le monde). Puis, il fait appel Ă  Sheitan, que Corto a dĂ©jĂ  croisĂ© en Afrique sous le nom de SamaĂ«l (dans Et d'autres RomĂ©os et d'autres Juliettes) et qui fait d'autres prĂ©dictions au marin sur son avenir[alpha 11] - [alpha 12]. Le yĂ©zidisme, souvent confondu avec le zoroastrisme, est une survivance du mithraĂŻsme et du mazdĂ©isme, nĂ©e et pratiquĂ©e au Kurdistan. Dans les pays oĂč ils vivent, ils sont souvent accusĂ©s abusivement de vĂ©nĂ©rer Satan, assimilĂ© Ă  Malek Taus par leurs dĂ©tracteurs, et font ainsi l'objet depuis des siĂšcles de persĂ©cutions, comme on le voit dans cette histoire[5].

La Perse

Forteresse d'Alamut, sur le massif de l'Alborz.

Corto, aprĂšs avoir Ă©chappĂ© aux gendarmes du Cadi dans les rues de Van, retrouve Marianne et Venexiana et tous s'enfuient en voiture vers la Perse, sur les conseils de leur chauffeur. Celui-ci, un ismaĂ©lien, les conduit dans la rĂ©gion de la forteresse d’AlamĂŒth. L'occasion pour le marin de raconter la lĂ©gende des HashĂąshĂźns, des Sarrasins vivant autrefois dans cette forteresse, appartenant Ă  la secte chiite ismaĂ©lienne des NizĂąrites. Sous l'effet du haschisch, ceux-ci massacraient ceux que leur chef leurs ordonnaient de tuer ; leur nom aurait donnĂ© le mot « assassin ». Le marin rajoute que l'existence de leur secte est Ă©tayĂ©e par les tĂ©moignages de diffĂ©rentes personnes : Gerhardus, "vice dominus" de Strasbourg envoyĂ© de FrĂ©dĂ©ric Barberousse en 1170, Anorld de Lubecque, ainsi que Marco Polo en 1273 dans son Devisement du monde[6]. Mais si ce lieu a Ă©tĂ© dĂ©truit par les Mongols, cette "sorte de main noire persane" n'a pas disparu (du moins dans cette histoire), le chauffeur rĂ©vĂ©lant aux autres qu'il en fait partie.

Ce dernier les amĂšne, en compagnie des siens, vers la forteresse de la nouvelle AlamĂčt, dans le village de Kemkoutz. Mais, il soupçonne que des ennemis occupent les lieux, peut-ĂȘtre une brigade cosaque du Khan Reza. Il envoie un jeune homme nommĂ© Abbas, que Corto accompagne. L'homme explique ne pas ĂȘtre croyant, rĂȘvant plutĂŽt de partir de son pays et s'en aller pour New York, pour vivre riche et heureux. Ce personnage illustre les rapports parfois poreux entre Orient et Occident Ă©voquĂ©s par la prĂ©diction de Sheitan. À ce propos, Hugo Pratt s'est servi pour cette histoire de l'Ă©crivain amĂ©ricain Frederic Prokosch et son roman Les Asiatiques. Tous les deux constatent que des Asiatiques veulent venir en Occident et que des Blancs veulent se faire une virginitĂ© en Orient, attirĂ©s par les drogues et les philosophies orientales.

À la forteresse, les HashĂąshĂźns prĂ©fĂšrent pendre la fuite : Corto, Marianne et Venexiana se retrouvent donc seuls. Le marin leur explique que pour la suite du voyage, il vaudrait mieux qu'il traverse la Mer Caspienne cĂŽtĂ© persan, par sĂ©curitĂ©, pour dĂ©livrer son ami, avant de partir chercher le trĂ©sor. Quand il Ă©voque le KĂąfiristan, rĂ©gion de l'actuel Afghanistan oĂč celui-ci se trouverait, Venexiana parle de Wee Willie Winkie (en). Ils'agit d'un recueil d'histoires de Rudyard Kipling, comprenant L'Homme qui voulut ĂȘtre roi, nouvelle se dĂ©roulant dans cette rĂ©gion lointaine.

Tous trois finnissent entre les mains de l’armĂ©e rouge qui attaque le fort, puis les conduits prĂšs d'un poste de frontiĂšre avec l'Union soviĂ©tique. Le marin explique ses projets au commissaire. Ce dernier lui explique que la rĂ©gion oĂč il se rend est dangereuse, interdite aux civils car en pleine rĂ©bellion. En effet, le traitĂ© turco-soviĂ©tique de 1921 avec le gouvernement de Kemal Pacha a mis hors-jeu celui d'Enver Bey, dans le Caucase. Ce dernier s'est ainsi rĂ©fugiĂ© Ă  Boukhara, oĂč il prit la tĂȘte de la RĂ©volte basmatchi. AidĂ© par l'Ă©mir Alim-Khan et des nationalistes du Turkestan, il a dĂ©clarĂ© la guerre sainte contre l'Union soviĂ©tique (qui formera l'URSS en dĂ©cembre suivant), organisant des actes de sabotage contre les SoviĂ©tiques, aussi aidĂ©s par les Anglais, les AmĂ©ricains et les Français. À cette Ă©poque, les bolcheviks projettent de porter leur rĂ©volution en Asie centrale et dans le Caucase, ce Ă  quoi les Turcs s'opposent.

L'Asie centrale

Ismail Enver, dit Enver Pacha ou Enver Bey

Le commissaire suggĂšre aux trois personnages d'embarquer Ă  Bakou (actuel AzerbaĂŻdjan) pour Krasnovodsk (actuel TurkmĂ©nistan), Ă  travers la mer Caspienne. Puis, ils finissent par rejoindre Raspoutine dans le fort de Chaghan, vers Baldzhuan (actuel Tadjikistan), devenu entre-temps instructeur de l’armĂ©e d’Enver Pacha. Corto lui explique qu'il a rendez-vous avec Chevket sur la frontiĂšre afghane, prĂšs du fleuve Kafirnigan, au sud du fort. L'endroit est attaquĂ© par les ArmĂ©niens, acculant Enver Pacha ; celui-ci se fait tuer en fonçant dĂ©sespĂ©rĂ©ment sur eux, tandis que la neige tombe sur le mont Darvaz. Ce passage reprend une des hypothĂšses concernant la mort de ce personnage historique, qui a Ă©tĂ© racontĂ©e Ă  Hugo Pratt... par des ArmĂ©niens de Buenos Aires, en Argentine. À ce propos, le bĂ©dĂ©iste souhaitait parler de ce "personnage fascinant" dans une de ses Ɠuvres, aprĂšs que Jean Mabire lui ait expliquĂ© qu'il allait Ă©crire un livre sur lui. Pratt a alors rĂ©uni les documents Ă  son sujet pour Ă©crire son aventure[alpha 13].

Une fois les militaires partis, comme Venexiana Stevenson révÚle qu'elle est enceinte depuis plus de deux mois, elle ne peut pas continuer l'aventure et Marianne décide de rester avec elle. Corto leur donne donc un message pour son ami Frounzé[alpha 14] de l'Armée rouge, qui les aidera à passer la frontiÚre turque.

Les deux amis, aprĂšs un long trajet, arrivent au bord du fleuve Kafirnigan (actuel Tadjikistan). Raspoutine se dĂ©barrasse de Chevket et de ses sbires, avant de dĂ©livrer la fillette. Corto lit alors le texte de Trelawnay, qui raconte la lĂ©gende du trĂ©sor. Cyrus II, fondateur de l’Empire perse, offrit un Ă©norme trĂ©sor Ă  la Tamiris, reine des Amazones, qu'il voulait Ă©pouser. Mais celle-ci lui fit couper la tĂȘte et cacha le trĂ©sor. Des siĂšcles plus tard, Alexandre le Grand, roi de MacĂ©doine, vainquit le grand roi de Perse Darius III. Il se fit alors livrer le trĂ©sor et ordonna de le couler sous la forme d'une grande boule d'or symbolisant le soleil et de la cacher au creux d'une montagne[alpha 15].

Corto explique que Chevket, en lui donnant rendez-vous Ă  cet endroit, avait presque devinĂ©, le trĂ©sor se trouvant dans la rĂ©gion. Il rajoute que le territoire oĂč ils se trouvent est rĂ©clamĂ© par la Russie, le Raj britannique, la Chine, l'Afghanistan, le Khanat de Boukhara et le Yaghestan (royaume de l'insolence). Car dans cette zone frontiĂšre, s'entrechoquent les intĂ©rĂȘts divers, le Grand jeu dont parle Rudyard Kipling dans son roman Kim, qui a conduit entre autres Ă  la crĂ©ation de l'actuel Afghanistan. D'aprĂšs les cartes trouvĂ©es Ă  Rhodes, le trĂ©sor de trouve dans la chaĂźne de hautes montagnes d'Hindou Kouch, en Afghanistan, plus prĂ©cisĂ©ment entre le Kafiristan et le Badakhchan[alpha 16].

Suivant les indications des documents, Corto, Raspoutine et la jeune fille parviennent devant la grotte du trésor, découvrant que celle-ci est gardée par la statue de Ahriman, esprit démoniaque du zoroastrisme. Dedans, alors qu'un séisme a bouché l'entrée, ils allument une allumette. L'espace d'une seconde, les deux amis voient le grand or, avant que la lumiÚre ne s'éteigne. Quand Corto craque une autre allumette, le trésor a disparu et l'Arménienne dit ne rien avoir vu. Que s'est-il produit ? Une hallucination collective ? Un tour joué par des démons taquins ? Ou le trésor est-il simplement parti lors du tremblement de terre ?

Tous les trois doivent donc ressortir de la grotte et aboutissent... sur un campement Ă©garĂ© de la Royal Gurkha Rifles. Ils sont arrivĂ©s sur le territoire du Raj britannique, la grotte communicant visiblement avec le territoire afghan. Les militaires qui s'y trouvent leur propose de les accompagner dans le voyage vers Chitral, dans l'actuel Pakistan. De lĂ , Corto compte partir pour Venise afin de mener la jeune fille Ă  Venise, oĂč se trouve importante communautĂ© armĂ©nienne, en particulier Ă  San Lazzaro degli Armeni. Quant Ă  Raspoutine, Corto Ă©voquera dans Tango qu'il sera l'hĂŽte d'un maharadjah. Ainsi s'achĂšve le plus long voyage de Corto Maltese[1] - [4] - [7] - [8].

Dessins

Comme à chacune de ses histoires, Hugo Pratt a réalisé différents dessins à cÎté illustrant des thématiques évoquées ou des lieux des pays visités[9] :

Allusions aux précédentes aventures

Cet épisode comporte de nombreuses allusions aux précédentes aventures. En particulier grùce à la réapparition de personnages apparus dans des épisodes précédents, comme Raspoutine, personnage récurrent de la série, qui fait allusion devant Chevket à ses aventures vécues avec "Le Moine" (La Ballade de la mer salée). Mais aussi d'autres personnages tels que :

De mĂȘme, lors du passage du Karagöz, aprĂšs que Corto se soit fait assommer, il rĂȘve que Raspoutine le mĂšne au Paradis oĂč se trouve... Pandora Groovesnore (La Ballade de la mer salĂ©e, Ă©voquĂ©e dans Burlesque entre Zuydcoote et Bray-Dunes). Puis, lorsque Marianne demande Ă  Raspoutine si Corto a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© amoureux, il rĂ©pond qu'il y a trĂšs longtemps, peut-ĂȘtre, d'une jeune fille[alpha 18].

Passant la nuit chez les derviches tourneurs, Corto fume le narguilĂ© et se met pour la premiĂšre fois Ă  rĂȘver Ă  beaucoup de femmes Ă  la fois, rencontrĂ©es au cours de ses prĂ©cĂ©dentes aventures :

Lorsque Corto se trouve avec un HashĂąshĂźn, il lui parle de son ami musulman Cush (Les Éthiopiques) : avec lui et son autre ami Raspoutine, il pourrait conquĂ©rir la forteresse de la nouvelle AlamĂčt en quelques heures.

Enfin, lors des retrouvailles entre Corto et Raspoutine, ce dernier lui évoque le Gauguin qu'il lui avait volé dans sa maison de Hong Kong, à la fin de Corto Maltese en Sibérie.

Raspoutine comme personnage principal de l'histoire

Selon Hugo Pratt, ce n'est pas Corto qui est le personnage principal de l'histoire mais Raspoutine. Ainsi, sa libĂ©ration est l'objet de la quĂȘte de Corto, qui dĂ©sire sauver son ami emprisonnĂ© d'une condamnation Ă  mort[alpha 19]. De plus, plusieurs scĂšnes se passent avec Raspoutine uniquement, sans son compagnon d'aventure. Dans ces scĂšnes, il parle beaucoup et fait des choses dĂ©lirantes. Comme lorsqu'il se met Ă  chanter Malbrough s'en va-t-en guerre devant des soldats turcs dont il a la charge et qui, ne connaissant pas cette chanson, ne comprennent rien et le regardent de maniĂšre Ă©berluĂ©e. De mĂȘme que Pratt lui fait dire des phrases de John Kenneth Galbraith sur le conditionnement de masse. À ce propos, l'auteur achĂšte parfois des livres de ce genre et y puise des phrases qu'il met dans la bouche de son personnage.

Dans cette histoire, c'est l'amitiĂ© envers Raspoutine plus que la recherche du trĂ©sor qui pousse Corto Ă  aller le sauver. AprĂšs leurs retrouvailles et la mort d'Enver Pacha, Corto et Raspoutine manifestent leur amitiĂ© et leur joie d'ĂȘtre encore en vie en dansant. Ce qui est l'occasion pour ce dernier d'Ă©voquer ses parents[alpha 20].

Le caractĂšre du personnage est souvent Ă©voquĂ© dans cette aventure, oĂč il est caractĂ©risĂ© de fou et de psychopathe. Corto le dĂ©finit trĂšs bien, en disant Ă  Abbas que "Personne ne sait mieux que lui dĂ©truire tout ce qui risquerait de prendre une tournure sentimentale." Ce trait de caractĂšre permet au bĂ©dĂ©iste de ramener Corto Ă  la rĂ©alitĂ© lorsque, dans leurs aventures, celui-ci est sensibilisĂ© par les choses de maniĂšre romantique. De mĂȘme que lorsque la petite ArmĂ©nienne dit de Raspoutine qu'il est mĂ©chant, Corto lui rĂ©pond que c'est un mĂ©chant, mais qu'il ne le sait pas. Face Ă  Chevket, puis Enver Pacha, Raspoutine se dĂ©finit lui-mĂȘme comme un voleur Ă  part entiĂšre, dont la nationalitĂ©, c'est l'argent et qu'il se bat pour des militaires tant que ceux-ci les paient, jouant ainsi son propre rĂŽle[alpha 21] - [10].

Sa rencontre avec Chevket permet Ă  l'auteur de formidables opportunitĂ©s, les dialogues entre eux deux dĂ©finissant plus prĂ©cisĂ©ment le caractĂšre de Corto[alpha 22]. Comme ce dernier ne peut rencontrer son double parce qu'il craint que ça lui porte malheur, c'est Raspoutine qui le tue. C'est un peu comme s'il tuait Corto lui-mĂȘme, permettant une sorte de dĂ©foulement[8].

Accueil critique

Comme pour tous les albums de Corto Maltese, La Maison dorée de Samarkand est particuliÚrement bien accueillie par la critique, malgré les difficultés de publications. Ainsi, Thierry Groensteen, Yves Mayence et Arnaud de la Croix (trois articles distincts), lui consacrent leur rubrique « L'Indispensable : La Maison dorée de Samarkand », dans Les Cahiers de la bande dessinée no 72, novembre-décembre 1986, p. 4-5.

Prépublications

  • Drapeau de l'Italie Italie : La Casa dorada di Samarkand, dĂ©bute en noir et blanc dans Linus du no 9 de au no 2 de oĂč l'histoire s'interrompt.
    • Reprise de l’histoire en noir et blanc, du dĂ©but Ă  la fin, dans le mensuel CrĂ©ation Ă  venir de Corto Maltese (19 numĂ©ros) :
    • du no 1 d’octobre au no 3 de (3 numĂ©ros).
    • du no 1 de janvier au no 12 de (12 numĂ©ros).
    • du no 1 de janvier au no 4 d’ (4 numĂ©ros).
  • Drapeau de la France France : La Maison dorĂ©e de Samarkand, dans le mensuel (À SUIVRE) du no 31-32 d'aoĂ»t-septembre 1980 au no 37 de oĂč l'histoire s'interrompt.
    • Reprise de l’histoire en noir et blanc, du dĂ©but Ă  la fin, dans le magazine Corto'' du no 1 de au no 10 de (10 numĂ©ros).

Albums édités en France

Scénario et dessins de Hugo Pratt avec la collaboration de Guido Fuga pour dessiner les automobiles.

Album brochĂ© – noir et blanc

Album brochĂ© – noir et blanc

  • La Maison dorĂ©e de Samarkand (nouvelle couverture), Ă©d. Casterman, 2001.
  • La Maison dorĂ©e de Samarkand, Casterman 2012, coll. "Corto maltese en noir et blanc", couverture souple Ă  rabats, format 23,5/29,5 (ISBN 978-2-203-03359-7).

Albums reliĂ©s – couleurs

  • La Maison dorĂ©e de Samarkand (documents et aquarelles de Hugo Pratt), Ă©d. Casterman, 1992.
  • La Maison dorĂ©e de Samarkand (format 21.5x29, prĂ©face de Marco Steiner et photos de Marco d’Anna : Les couleurs du grenadier), Ă©d. Casterman, sĂ©rie Corto Maltese, tome 11, paru le , (ISBN 978-2-203-02487-8).

Petit format brochĂ© – couleurs

  • La Maison dorĂ©e de Samarkand, Ă©d. casterman, sĂ©rie Corto, tome 26, paru le (ISBN 978-2-203-00792-5)

Moyen métrage d'animation

Notes et références

Références

  1. Corto Maltese 1904-1925 : Récits du monde, escales du tempsHors série, L'Histoire
  2. La Maison dorée de Samarkand, Casterman, 1986, p. 10
  3. Pour ce paragraphe, sauf précision : Groensteen (1986).
  4. Le dessous des cartes : Corto Maltese : voyage en Asie Centrale de Jean-Christophe Victor et Frédéric Lernaud (réal.) (2001) (Prod. ARTE France) 10 min 40 26/01/2002
  5. « Les YĂ©zidis : enquĂȘte sur les oubliĂ©s de l'Orient », GEO,‎ , p. 102 Ă  119
  6. Lire en ligne les extraits de Marco Polo concernés ici et ici.
  7. Frank TĂ©tart, GEO - Le monde extraordinaire de Corto Maltese, "Vent de tempĂȘte sur l'Asie centrale", Casterman, p. 142 Ă  153
  8. Dominique Petitfaux (Scénario) Hugo Pratt (Dessin), De l'autre cÎté de Corto, Casterman,
  9. (en) « From Istanbul to Mû :: », sur www.world-in-words.com (consulté le )
  10. Planche 86 et 96.

Notes

  1. Les dates sont issues des MĂ©moires de Corto Maltese, Michel Pierre, Casterman, 1988.
  2. D'aprĂšs Ibahiyah, Chevket serait "nĂ© en GĂ©orgie... Il a fait son service militaire chez les Turcs, et il est devenu un grand ami d'Enver Pacha... Il a participĂ©, en 1920, au congrĂšs pour la libĂ©ration des peuples sous domination coloniale, avec Radek, Bela Kun, Zinoniev et John Reed. [...] AprĂšs avoir participĂ© Ă  ce congrĂšs, sous prĂ©texte de monter les Musulmans d'Asie centrale contre l’influence britannique, Chevket s'allia Ă  Enver, et ils fondĂšrent le mouvement nationaliste pan-turc. Et maintenant ils se rebellent contre le "Komintern"..." De plus, Farid, chef des soldats turcs rencontrĂ©s prĂšs de Tarsus, raconte Ă  Corto qu'il Ă©tait avec Chevket pendant la retraite de la 7Ăšme armĂ©e, en Syrie, Ă  Alep, en octobre 1918. Ensemble, ils ont pris le trĂ©sor de la banque d'Alep et ont enlevĂ© une belle armĂ©nienne.
  3. "Marianne" et "John Bull" faisaient partie d'une troupe de comĂ©diens qui donnait des spectacles Ă  l'arriĂšre du front. À la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale, ils ont continuĂ© Ă  se produire dans la rĂ©gion pour distraire les jeunes dans les zones occupĂ©es. Mais arrivĂ©s en Turquie, des dĂ©serteurs turcs les ont capturĂ©s et leur ont fait subir nombre de sĂ©vices.
  4. La Maison dorĂ©e est "Une prison effroyable d'oĂč il est difficile de s'enfuir. Elle est gardĂ©e par de fĂ©roces gardiens qui tuent et torturent sans trĂȘve. Les vautours et les brasiers Ă©liminent les restes des victimes." Elle est appelĂ©e ainsi car on ne peut s’y Ă©vader qu’à travers les rĂȘves dorĂ©s provoquĂ©s par les volutes de haschisch. À Samarcande, il existe bien une mĂ©dersa Tilla-Qari (« Couverte d'or »), qui n'a pas grand chose Ă  voir avec la prison. Dans son entretien avec Dominique Petitfaux, Hugo Pratt explique que la Maison dorĂ©e Ă©tait le nom d'un bar Ă  Buenos Aires, en Argentine. Quant Ă  la prison fictive, elle rappelle celle de Boukhara (mais en moins impressionnante) oĂč furent enfermĂ©s Charles Stoddart et Arthur Conolly, peu avant leur exĂ©cution en 1842.
  5. Karagöz est le personnage principal du thĂ©Ăątre de marionnettes turc, c’est l’image de l’homme du peuple bourru et loyal.
  6. Cette marionnette Ă  l’effigie de Raspoutine reprend le personnage de Beherubi le simplet (ou Beberuhi), personnage basanĂ© qui parle Ă  grande vitesse, fait du bruit et pleure souvent. Voir ce lien interne pour plus d'information.
  7. Dans son entretien avec Dominique Petitfaux, Hugo Pratt affirme que sa mÚre aussi lui avait dit que rencontrer son double car l'un des deux porte malheur à l'autre. D'ailleurs, l'auteur voulait depuis longtemps créer un double de Corto Maltese et cette aventure en fut l'occasion.
  8. "Kawakly" signifie plutĂŽt "au peuplier" ("Kavak" en turc), et non "au platane" (Çınar). Quoi qu'il en soit, quand Corto tombe du toit, c'est plutĂŽt dans des figuiers de Barbarie qu'il atterrit. Cette plante Ă  Ă©pines est un signe que ses ennuis ne font que commencer...
  9. Cet ensemble de documents cachés par Trelawnay contient : Un dessin recensant les types de races caucasiennes, d'aprÚs un croquis du prince Gagarine : Tcherkesses, Mingréliens, Tatars, Géorgiens, Arméniens, Kurdes, Indiens parsis, Lesguines et Cosaques du Terek. Une lettre de Trelawnay expliquant comment, à la mort de Byron à Missolonghi, il entra en possession de son manuscrit, qu'il récupéra chez Tita Venni à Rhodes. Ce document permettrait de trouver le "Grand or". Mais Trelawnay explique aussi qu'aprÚs le décÚs de leur ami Shelley, il se lassa des recherches et invite celui qui le redécouvrira à le chercher à sa place. Une carte retraçant l'itinéraire d'Alexandre de Macédoine, permettant de retrouver le "Grand or".
  10. Comme Narcisse y fait allusion, c'est la ville d'origine de Saint Paul l'apĂŽtre.
  11. Le jeune prĂ©dit Ă  Corto qu'il croisera encore Sheitan sur son chemin, "lĂ  oĂč se trouve un arbre aux fruits Ă©tranges que tu ne pourras pas manger, lĂ  oĂč tu perdras ton ombre en rencontrant celui qui doit mourir pour vivre. Ce sera un triste voyage, oĂč l'Orient voudra devenir l'Occident et vice-versa."
  12. Dans sa prĂ©diction, Sheitan parle d'un "arbre aux fruits Ă©tranges", faisant allusion Ă  un arbre oĂč sont pendus pleins de gens. Cette expression rappelle la chanson jazz et blues Strange Fruit, interprĂ©tĂ©e par Billie Holiday et enregistrĂ©e en 1939. Celle-ci dĂ©nonce les lynchages que subissent les Afro-AmĂ©ricains, Ă  travers l'histoire de l'un d'entre eux qui finit pendu dans un arbre (le fameux « fruit Ă©trange »). Il ne faut pas oublier que Pratt Ă©tait un grand amateur de jazz et ami du musicien Dizzy Gillespie.
  13. Dans son entretien avec Dominique Petitfaux, Hugo Pratt raconte qu'il s'était déjà servi du livre de Jean Mabire sur Roman von Ungern-Sternberg, Ungern, le Baron fou, pour écrire Corto Maltese en Sibérie.
  14. MikhaĂŻl Frounze fut un dirigeant bolchevik qui prit une part active Ă  la rĂ©volution russe de 1917 et aux dĂ©buts de l'URSS. Il chassa en 1924 Alim Khan, qui fut le dernier Ă©mir de la dynastie Manghit du Khanat de Boukhara. De 1926 Ă  1992, une ville fut nommĂ©e FrounzĂ© en son honneur, avant d'ĂȘtre renommĂ©e Bichkek et de devenir la capitale de l'actuel Kirghizistan.
  15. Voir ce lien pour plus d'infos sur ce trésor. Les informations sur son sujet nous sont parvenues par l'Anabase d'Arrien et la BibliothÚque historique de Diodore de Sicile.
  16. La carte indique que le trĂ©sor se situe Ă  l'est de Djirm, ville situĂ©e prĂšs de Fayzabad. Djirm dĂ©signe probablement Jorm, dans le district de Jurm. Tandis que la croix semble se trouver au niveau du lac Kƍl-e BāshĆ«n.
  17. Il Ă©voque d'ailleurs que lorsqu’il l'a rencontrĂ© Ă  Venise, tout comme dans cette actuelle aventure, Corto cherchait quelque chose : "À l'Ă©poque, il s'agissait de la carte d'un trĂ©sor cachĂ©. Puis, toujours Ă  Venise, vous vous ĂȘtes mis Ă  rechercher autre chose, sous un escalier !" Il fait allusion aux Ă©vĂ©nements de L'Ange Ă  la FenĂȘtre d'Orient et de Fable de Venise.
  18. "Si, il y a trĂšs longtemps, peut-ĂȘtre, d'une belle jeune fille atteinte de misonĂ©isme. Il ne se passa rien. Dialogue dĂ©courageant, ils parlaient peu, se regardaient beaucoup... Et ne se touchaient jamais... Comme s'ils avaient une peur morbide, obsessionnelle de se contaminer... Puis la belle jeune fille, surpassant ses phobies, en Ă©pousa un autre et l'histoire fit un bond en avant. [...] Le beau marin reste atteint de mĂ©fiance envers la raison et d'aversion pour la logique. Il est amoureux de l'idĂ©e d'ĂȘtre amoureux. Dans le genre nostalgie et mĂ©lancolie douceĂątre." Dans un entretien avec Dominique Petitfaux au sujet de l’album Tango, Hugo Pratt prĂ©cise que Raspoutine fait bien allusion Ă  Pandora dans sa rĂ©ponse Ă  Marianne. Page 123, De l’autre cĂŽtĂ© de Corto, Casterman, 1996.
  19. Raspoutine est enfermĂ©, selon Chevket, Ă  la suite d'une condamnation Ă  mort par le tribunal islamique de l'Émirat de Boukhara. Il est accusĂ© d'agitation rĂ©volutionnaire liĂ©e au mouvement des Jeunes boukhariens, qui tentĂšrent sans succĂšs de rĂ©former l'Ă©tat.
  20. Raspoutine explique à Corto "J'ai hérité de toute la grùce de ma mÚre... Elle était danseuse au théùtre Makyinsky de Saint-Pétersbourg... Elle eut une aventure avec un Italien, le célÚbre compositeur Drigo... Et elle fut la meilleure Colombine du ballet "Les Millions d'Arlequin" avec Petipa le grand danseur... Puis elle épousa mon pÚre, un prince russe et finit déportée en Sibérie." Ce à quoi Corto lui répond que son pÚre n'était pas un prince russe mais un tailleur pour dames, comme il l'a entendu dire...
  21. Raspoutine rĂ©pond Ă  Chevket, qui lui demande s'il est un nihiliste russe ou un rĂ©volutionnaire populiste : "Vous n'y ĂȘtes pas du tout... Ces gens-lĂ  ont changĂ© de nom, Ă  prĂ©sent, la politique ne m'intĂ©ressent pas... Marxistes, bolcheviks, socialistes, populistes, rĂ©volutionnaires, paysans, ouvriers, intellectuels d'un cĂŽtĂ©, nationalistes, autocrates, ploutocrates, religieux déçus, revanchards de l'autre, ne m'attirent pas." Chevket : " Vous ĂȘtes anticollectiviste et anticapitaliste... Une sorte de philosophie individualiste... Un anarchiste Ă  la Kropotkine." Raspoutine : "Anarchiste ? Non... Ces gens-lĂ  son trop sĂ©rieux... La propriĂ©tĂ© pour eux c'est du vol. Non ! Moi je suis voleur Ă  part entiĂšre, un voleur, c'est tout !"
  22. Raspoutine explique à Chevket que Corto "ne frapperait jamais un homme sans défense et jamais il ne serait venu jusqu'ici [le délivrer, ndla] s'il n'avait été poussé par cette chose qu'on appelle l'amitié... Il est si noble qu'il en frÎle la sottise. Ce n'est pas un fils de pute comme nous... Non ! Corto Maltese ne te ressemble vraiment pas !"
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