Fipronil
Le fipronil est une substance active de produit phytosanitaire (ou produit phytopharmaceutique, ou pesticide) et d'antiparasitaire vétérinaire, qui présente un effet insecticide et acaricide. Il appartient à une famille chimique des phénylpyrazoles.
Fipronil | |
ĂnantiomĂšre S du fipronil (en haut) et R-fipronil (en bas) | |
Identification | |
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No CAS | |
No ECHA | 100.102.312 |
Code ATC | « QP53AX15 » |
PubChem | 3352 |
SMILES | |
InChI | |
Apparence | poudre blanche[1] |
Propriétés chimiques | |
Formule | C12H4Cl2F6N4OS [IsomĂšres] |
Masse molaire[2] | 437,148 ± 0,02 g/mol C 32,97 %, H 0,92 %, Cl 16,22 %, F 26,08 %, N 12,82 %, O 3,66 %, S 7,34 %, |
Propriétés physiques | |
T° fusion | 201 °C[1] |
Solubilité | 2,4 mg/l (eau) |
Masse volumique | 1,55 g·cm-3 |
Pression de vapeur saturante | à 20 °C : négligeable[1] |
Précautions | |
Directive 67/548/EEC | |
T N |
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Ăcotoxicologie | |
DL50 | 97 mg·kg-1 (rat, voie orale)[3] |
LogP | 4 |
DJA | 0,000 2 mg·kg-1·j-1 |
Données pharmacocinétiques | |
Demi-vie dâĂ©lim. | 120 jours |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
Le fipronil a été mis au point en France par la société RhÎne-Poulenc en 1987 et mis sur le marché en 1993. Il est ensuite devenu la propriété d'Aventis à la suite de la fusion de RhÎne-Poulenc avec Hoechst, puis a été revendu à Bayer en 2002 et finalement à BASF en 2003.
Un relatif consensus existe sur sa faible toxicitĂ© pour les animaux Ă sang chaud (dont l'Homme) quand il est prĂ©sent dans l'enrobage de semences et utilisĂ© dans de bonnes conditions[4] mais une controverse s'est dĂ©veloppĂ©e dans les annĂ©es 2000 quant Ă son Ă©cotoxicitĂ© qui semble plus importante qu'annoncĂ©e par les fabricants pour les abeilles domestiques et peut-ĂȘtre d'autres apidĂ©s sauvages (importants pollinisateurs). Depuis 2013, l'AutoritĂ© europĂ©enne de sĂ©curitĂ© des aliments (Efsa) considĂšre qu'il prĂ©sente « un risque aigu Ă©levĂ© » pour la survie des abeilles quand il est utilisĂ© comme traitement des semences de maĂŻs[5] - [6]. Cet usage a Ă©tĂ© interdit en juillet 2013 par la Commission europĂ©enne[7].
En 2017 Ă©clate en Europe un scandale sanitaire concernant la contamination d'Ćufs par le fipronil Ă la suite de son utilisation illĂ©gale pour traiter des poules pondeuses contre les poux rouges. Fin aoĂ»t 2017, selon la Commission europĂ©enne, 34 pays, dont 22 dans lâUE, s'avĂšrent concernĂ©s par cette fraude qui a commencĂ© au moins en septembre 2016[8] et plus de 40 produits [9]ont Ă©tĂ© retirĂ©s du marchĂ© car le fipronil y dĂ©passait la concentration maximale autorisĂ©e[10].
Usages
Cette molécule est couramment utilisée depuis la fin des années 1990, notamment comme :
- substance active de l'insecticide agricole Régent commercialisé par BASF, notamment pour le traitement des semences[11] ;
- acaricide, contre les agents de la gale et contre les tiques ;
- insecticide contre les puces des animaux domestiques, sous forme de spray et de spot-on de surface (sous le nom déposé Frontline) commercialisé par Merial ancienne division vétérinaire de RhÎne-Poulenc et RhÎne-Mérieux sous forme d'une coentreprise à parts égales avec Merck & Co. Depuis 2009, Merial est une filiale à 100 % de Sanofi. En 2017, Merial a été vendu à Boehringer Ingelheim ; ce produit est vendu comme insecticide domestique contre les cafards, moustiques, sauterelles (aux stades larvaire et adulte) ;
- termicide (y compris dans le sol, oĂč il peut s'accumuler puis ĂȘtre dĂ©sorbĂ© ou percoler en profondeur[12]. En laboratoire, aprĂšs cinq cycles de lavage d'un sol prĂ©alablement traitĂ© (lavage avec une eau contenant 0,003 M de CaCl2), environ 30 % de rĂ©sidus de fipronil adsorbĂ©s Ă©taient dĂ©sorbĂ©s[13]).
RĂ©sistance au Fipronil
Chez certaines espĂšces-cibles, son efficacitĂ© a diminuĂ© (ou a Ă©tĂ© perdue) en raison dâapparition de phĂ©nomĂšnes de rĂ©sistance (gĂ©nĂ©tique et transmissibles). C'est le cas chez certaines populations de mouches[14], de cicadelles (notamment la cicadelle Ă dos blanc[15] et la cicadelle brune[16], deux ravageurs des cultures de riz en Asie), d'acariens (la tique Rhipicephalus sanguineus[17] - [18] notamment, qui infeste surtout le chien).
Cette résistance, acquise via des mutations génétiques, est apparue en quelques décennies. Chez la cicadelle à dos blanc la résistance au fipronil est due à deux mutations des récepteurs GABA, une modification d'un acide aminé (Asn au lieu de Ala) dans la sous-unité LS-RDL[15] et à une mutation dans la boucle cytoplasmique entre M3 et M4[19]. Le mécanisme de désintoxication métabolique le plus utilisé par les tiques devenues résistantes est une augmentation de l'activité de l'estérase, suivie d'une augmentation de l'activité du cytochrome P450[17].
MĂ©canisme d'action
Le fipronil est un antagoniste du GABA[20], il bloque les canaux à chlorures associés aux récepteurs du GABA et du glutamate[21] ce qui en fait un puissant toxique pour de nombreux insectes et d'autres animaux à sang froid[22] - [23]. Il se lie à une haute affinité au site EBOB des récepteurs GABA chez les insectes et avec une faible intensité aux site EBOB, TBPS et BIDN des récepteurs GABA des vertébrés[20].
Il perturbe Ă©galement le complexe hypothalamo-hypophysaire en faisant chuter la concentration de thyroxine et augmenter celle du TSH[3].
Câest un puissant insecticide de contact[24]. On a montrĂ© en 2004 quâil tue par exemple directement et rapidement les fourmis exposĂ©es une minute Ă du sable traitĂ© au fipronil, mais quâil a aussi un effet indirect : si lâon place ces fourmis empoisonnĂ©es et mortes dans une colonies (les fourmis crĂ©ent des cimetiĂšres dans leur colonies), elles vont â par contact avec les fourmis qui les transportent â tuer une autre partie des fourmis de la colonie (on parle dans ces cas de « transfert horizontal de toxicitĂ© »)[24].
Ce transfert horizontal est liĂ© Ă la nĂ©crophorĂšse mais aussi aux comportements de toilettage et peut-ĂȘtre Ă la trophallaxie (c'est-Ă -dire au don de nourriture ou d'eau de fourmis Ă fourmis). Ce transfert sâest montrĂ© bien plus important et efficace avec le fipronil que quand dâautres molĂ©cules insecticides ont Ă©tĂ© utilisĂ©es (telles que la bifenthrine ou la ÎČ-cyfluthrine)[24]. Et il est probable que des doses non lĂ©tales ainsi introduites dans la colonie auront aussi dâautres effets, mais plus discrets.
La mortalité augmente à 27-29 °C par rapport à 21-23 °C pour la bifenthrine, mais pas pour les autres traitements ou témoins. La mortalité des colonies n'a pas augmenté de maniÚre significative lors de l'ajout de donneurs vivants, suggérant que la nécrophorÚse était probablement un comportement important des donneurs en plus du toilettage et de la trophallaxie lors du transfert horizontal[24].
Toxicité
Le , un rapport d'Ă©tude est publiĂ© conjointement par l'AFSSA et l'AFSSE (en France)[25]. Il conclut que l'utilisation du fipronil â dans les conditions normales d'usage â est sans danger pour l'homme, qu'il s'agisse de la population gĂ©nĂ©rale au travers des rĂ©sidus alimentaires ou par exposition aux insecticides domestiques, ou des populations professionnelles (agents des usines de production et des stations de semences, agriculteurs). Cette Ă©valuation des effets du fipronil ne portait pas sur ses effets sur la faune, la flore et les Ă©cosystĂšmes.
Le fipronil est classé comme modérément toxique selon l'Organisation mondiale de la santé[26]. Le fipronil est également classé cancérigÚne possible par l'Environmental Protection Agency (EPA) américaine, toutefois uniquement si un seuil d'exposition élevé est atteint[3].
RĂ©glementation
Sur le plan de la réglementation des produits phytopharmaceutiques :
- pour lâUnion europĂ©enne : cette substance active est inscrite Ă lâannexe I de la directive 91/414/CEE par la directive 2007/52/CE du , en tant qu'insecticide destinĂ© au traitement des semences ;
- pour la France : cette substance active est autorisĂ©e dans la composition de prĂ©parations bĂ©nĂ©ficiant dâune autorisation de mise sur le marchĂ©. Toutefois, elle a fait en 2004 l'objet d'importantes restrictions d'emploi pour son utilisation en protection des cultures. Mi-2007, BASF a fait savoir qu'il dĂ©poserait une nouvelle demande d'autorisation de mise sur le marchĂ© en France[27].
Polémique en France sur l'impact du fipronil sur les abeilles (et restrictions rÚglementaires)
Des apiculteurs considÚrent que le fipronil et l'imidaclopride, qui étaient largement employés en traitement des semences, sont responsables de mortalités importantes d'abeilles.
Dans le cadre de l'évaluation communautaire de la toxicité et de l'écotoxicité du fipronil (en 2004-[28], 2006[29]), les autorités françaises ont transmis le à l'Autorité européenne de sécurité des aliments un projet de monographie concluant à la non-inscription du fipronil à cette annexe I de la directive 91/414/CEE. Cette proposition est fondée sur deux avis de la Commission d'étude de la toxicité des 19 novembre et , recommandant la non-inscription du fipronil « compte tenu des préoccupations majeures pour l'environnement et les espÚces sauvages (organismes aquatiques, abeilles, oiseaux et mammifÚres sauvages ».
En février 2004, la France a décidé[30] de :
- retirer les autorisations provisoires de vente pour tous les usages des produits RĂ©gent TS et RĂ©gent 5 GR ;
- suspendre les autorisations de mise sur le marché pour tous leurs usages jusqu'à ce que la décision communautaire relative à l'inscription de la substance active fipronil intervienne des produits « Schuss, Jumper, Metis, Texas » et « Zoom » ;
- attribuer un délai d'écoulement (jusqu'au ) à la distribution et à l'utilisation des stocks de semences traitées avec les produits « Régent TS, Jumper, Métis, Texas » et « Zoom ».
Le , ces dĂ©cisions ont cependant Ă©tĂ© annulĂ©es par le Conseil d'Ătat, non sur le fond, mais en raison d'un vice de forme, le ministĂšre de l'Agriculture n'ayant pas accordĂ© Ă la sociĂ©tĂ© BASF, avant de prendre sa dĂ©cision, le nombre de jours suffisants pour formuler ses observations.
ConsidĂ©rant quâil y a lieu de suspendre, jusquâĂ la fin de la procĂ©dure communautaire dâĂ©valuation, la mise sur le marchĂ© des semences traitĂ©es avec des produits phytopharmaceutiques contenant du fipronil, trois arrĂȘtĂ©s sont alors pris :
- l'arrĂȘtĂ© du interdisant la mise sur le marchĂ© de semences traitĂ©es avec des produits phytopharmaceutiques contenant du fipronil ;
- l'arrĂȘtĂ© du interdisant la mise sur le marchĂ© de produits phytopharmaceutiques contenant du fipronil et destinĂ©s au traitement du sol dans le cadre de la lutte contre les taupins et les charançons ;
- l'arrĂȘtĂ© du interdisant lâutilisation des produits phytopharmaceutiques contenant du fipronil en traitement du sol dans le cadre de la lutte contre les taupins et les charançons, et des semences traitĂ©es avec ces produits.
L'Union européenne et le fipronil
La substance active fipronil a fait l'objet de plusieurs Ă©valuations communautaires par l'EFSA (European Food Safety Authority) :
- en 2005, des chercheurs démontrent des effets sublétaux (de faibles doses) du fipronil sur le comportement de l'abeille à miel Apis mellifera[31] ;
- en 2006, une évaluation (peer review[32]) a permis une autorisation provisoire de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques contenant du fipronil.
Une directive (2007/52/CE du ) a inscrit le fipronil comme insecticide destinĂ© au traitement des semences, Ă lâannexe I de la directive 91/414/CEE des substances actives autorisĂ©es dans la composition des produits phytopharmaceutiques. Cette directive demande nĂ©anmoins aux Ătats membres de l'Union europĂ©enne d'accorder une attention particuliĂšre Ă la protection des abeilles, et Ă la rĂ©alisation d'Ă©tudes complĂ©mentaires sur l'Ă©valuation du risque pour les abeilles, et en particulier le couvain d'abeilles ; - en 2007, le ComitĂ© permanent de la chaĂźne alimentaire et de la santĂ© animale fait pour la Commission europĂ©enne un point sur les connaissances disponibles sur le fipronil (rĂ©union du )[33] ;
- en 2012, alors que les experts s'interrogent sur l'évaluation de la toxicité des pesticides sur les abeilles, mais aussi sur d'autres pollinisateurs tels que les bourdons et abeilles solitaires[34], l'étude italienne APENET apporte des informations nouvelles sur les effets sur les abeilles de l'enrobage de semences de maïs par des néonicotinoïdes (dont fipronil)[35] ;
- début 2013, l'évaluation toxicologique du fipronil est mise à jour (Peer Review[36] - [37]), de la clothianidine est mise à jour[38], ainsi que celle de l'imidaclopride[39].
Caractéristiques physico-chimiques
Le fipronil est une molĂ©cule chirale (existant sous forme de plusieurs Ă©nantiomĂšres susceptibles chacun dâavoir des effets physicochimiques et Ă©cotoxiques diffĂ©rents)[40] - [41].
Les caractéristiques physico-chimiques dont l'ordre de grandeur est indiqué ci-aprÚs, influencent les risques de transfert de cette substance active vers les eaux, et le risque de pollution des eaux :
- hydrolyse Ă pH 7 : trĂšs stable ;
- coefficient de partage carbone organique-eau : 730 cm3·g-1. Ce paramÚtre, noté Koc, représente le potentiel de rétention de cette substance active sur la matiÚre organique du sol. La mobilité de la matiÚre active est réduite par son absorption sur les particules du sol ;
- instable si exposé au soleil (photolyse). Mais il se montre (en laboratoire) stable durant au moins deux semaines dans des récipients en polyéthylÚne exposés à la lumiÚre, si ces derniers sont exposés à la lumiÚre durant 0, 24, 48, 72, 168 et 336 heures[42].
Persistance dans l'environnement
Le fipronil est trÚs utilisé dans le monde ; à la fois comme insecticide à large spectre dans les cultures et comme médicament vétérinaire (illégalement parfois comme l'a montré le « scandale du fipronil » en 2017), contre les nuages de criquets migrateurs en Afrique, etc.
Lui et certains de ses mĂ©tabolites sont donc susceptibles dâĂȘtre largement rĂ©pandus dans lâenvironnement (eau, air, sol, rĂ©seau trophique).
Persistance dans l'eau
Dans lâeau, il est Ă©galement en partie dĂ©composĂ© par les UV solaires. On a rĂ©cemment montrĂ© que sa photodĂ©gradation peut y ĂȘtre activĂ©e â sans produire de sous-produits toxiques â par un catalyseur Ă base de titane (TiO2 P25)[43] ; des recherches portent sur les moyens de mieux dĂ©grader le fipronil prĂ©sent dans les eaux usĂ©es de stations d'Ă©puration[44].
Persistance dans le sol
Dans les annĂ©es 2000, on a montrĂ© que le fipronil issu des enduits de traitements de semences, comme certains de ses mĂ©tabolites (ex. : phĂ©nylpyrazole) et rĂ©sidus peuvent ĂȘtre retrouvĂ©s dans le sol[45]. Il est peu mobile dans le sol, et reste Ă proximitĂ© de la graine (sauf peut-ĂȘtre, si des vers de terre l'ingĂšrent et le transportent)[45]. Lors d'expĂ©riences faites avec des graines de tournesol traitĂ©es par enrobage au fipronil, aprĂšs six mois de culture, 51 % du fipronil de l'enrobage Ă©tait retrouvĂ© dans le sol, 7 % ayant Ă©tĂ© absorbĂ© par le tournesol et 42 % Ă©tant encore prĂ©sent dans le tĂ©gument de la graine[45]. Dans ce cas, trois principaux mĂ©tabolites Ă©taient trouvĂ©s dans le sol (sulfone-fipronil, sulfide-fipronil et amide-fipronil)[45] alors que le produit de photodĂ©gradation (le dĂ©sulfinyl-fipronil), comme on pouvait s'y attendre, Ă©tait presque absent du sol. Le dĂ©rivĂ© amide Ă©tait plus mobile que les autres, mais son activitĂ© insecticide est nulle, alors que les deux autres (moins mobiles) sont encore insecticides[45].
Le fipronil est notamment utilisé pour faire barrage aux termites dans le sol entourant des bùtiments comportant du bois.
Pour évaluer la durée de son efficacité contre les termites, on a étudié sa persistance et distribution verticale dans le sol, dans des conditions météorologiques naturelles (à Dehradun en Inde[12]). Pour cela, on a pulvérisé sur les sols le fipronil à quatre concentrations (0,05, 0,1, 0,25 et 0,5 %) puis des échantillons de ces sols ont été prélevés aprÚs 22, 38 et 56 mois, jusqu'à 75 cm de profondeur. Chaque « carotte » de sol a été découpée en cinq morceaux de 15 cm (correspondant à 0-15, 15-30, 30-45, 45-60 et 60-75 cm de profondeur) puis les résidus extractibles en ont été récupérés en agitant 20 g d'échantillon de sol avec de l'acétone. L'extrait dans l'acétone a été ensuite concentré et purifié sur une colonne de Florisil et dosé. On a ainsi montré que le fipronil persistait encore dans le sol 56 mois aprÚs l'application jusqu'à 30 cm de profondeur. Deux métabolites (désulfinyl et sulfure de fipronil) ont été détectés dans le sol aprÚs le 22e mois qui a suivi l'application et des résidus de fipronil ont été retrouvés jusqu'à 60 cm de profondeur. Ces résidus se sont lentement dissipés dans les couches profondes[12].
Concentration et dose létales
Note : les unités de CL50 et de DL50 sont exprimées ci-dessous parfois en ”g et parfois en mg.
Le fipronil se montre hautement toxique pour de nombreuses espÚces (animaux à sang froid en particulier) et modérément toxique pour les poissons et mammifÚres, comme le montrent divers indices écotoxicologiques tels que les concentrations létales 50 (CL50) dont l'ordre de grandeur est indiqué ci-aprÚs pour quelques groupes taxonomiques :
- CL50 sur poissons : 0,085 mg/L ;
- CL50 sur daphnies : 0,19 mg/L ;
- CL50 sur algues : 0,068 mg/L ;
- DL50 sur abeille : 0,004 ”g/L (toxicité remarquablement élevée) ;
- DL50 sur reptile : 30 ”g/L (pour Acanthodactylus dumerilii ; Lacertidae) ;
- DL50 sur oiseaux terrestres tels que cailles, faisans : 11,3 mg/L, mais le fipronil semble beaucoup moins toxique pour les oiseaux aquatiques (DL50 supérieure à 2 150 mg/kg pour le canard mallard).
Pour les mammifĂšres (de laboratoire), et via une exposition orale :
- DL50 sur rat de laboratoire : 97 mg/L ;
- DL50 sur souris de laboratoire : 91 mg/L.
DĂ©gradation
Elle est lente sur la vĂ©gĂ©tation, relativement lente dans le sol et dans l'eau sa demi-vie varie entre 36 heures dans les meilleures conditions jusquâĂ au moins 7,3 mois (selon le substrat et les conditions du milieu)[22].
Certaines souches de microbes contribuent à sa biodégradation (biominéralisation plus précisément). C'est le cas par exemple pour certaines souches de :
- Aspergillus glaucus[46] ;
- Stenotrophomonas acidaminiphila (souches isolées dans la rhizosphÚre)[47].
Cinétique environnementale
On le trouve disséminé dans les eaux de surface, mais selon Tingle (2003), dans le sol, « il est relativement immobile et a un faible potentiel de lessivage vers les eaux souterraines[22] ». Le fipronil et certains de ses produits de dégradation peuvent se bioaccumuler, notamment chez les poissons[22].
Ăcotoxicologie
Ce pesticide pose des problÚmes écotoxicologiques démontrés depuis quelques années, car il se dégrade en trois principaux métabolites :
- fipronil-désulfinyl ;
- fipronil-sulfide (aussi dénommé sulfure de fipronil)[48] ;
- fipronil-sulfone[49],
tous plus toxiques (et plus persistants) que leur molĂ©cule-mĂšre. Certains, comme le dĂ©sulfinyl-fipronil, sont en outre trĂšs persistants dans lâenvironnement.
Chez lâoiseau, si certains canards y semblent peu sensibles, une toxicitĂ© aigĂŒe se manifeste dĂšs 11,3 mg/kg (DL50)[50], de mĂȘme quâune gĂ©notoxicitĂ©[50] et un caractĂšre mutagĂšne[50]. Son effet sur l'ADN animal avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© chez la souris de laboratoire en 2012[51].
Une Ă©tude japonaise de 2016 a Ă©tudiĂ© l'effet du fipronil sur l'ADN de cinquante Cailles du Japon (Coturnix japonica) adultes utilisĂ©es comme modĂšle animal. Les cailles de l'expĂ©rience (sauf groupe tĂ©moin) ont Ă©tĂ© exposĂ©es oralement au fipronil, Ă des doses correspondant respectivement Ă la DL50 (c'est-Ă -dire 11,3 mg/kg), Ă la moitiĂ© de cette dose, au cinquiĂšme et au dixiĂšme de cette dose. Leur autopsie (96 heures aprĂšs ingestion) a permis une Ă©tude fine des muscles, du foie et des graisses abdominales : une augmentation des dommages Ă l'ADN a Ă©tĂ© constatĂ©e, de mĂȘme que des altĂ©rations histopathologiques des tissus (« principalement Ă fortes doses[50] ». Les auteurs notent en outre que lors de cette Ă©tude, du fipronil a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© dans tous les Ă©chantillons examinĂ©s avec des concentrations variables, y compris chez les cailles du groupe de contrĂŽle (qui ne prĂ©sentaient pas de signes ou symptĂŽme clinique)[50]. Une dose unique ingĂ©rĂ©e (11,3 mg/kg) a conduit chez cet animal en 96 heures Ă des phĂ©nomĂšnes de congestion, hĂ©morrhagie, ĆdĂšme intersticiel et mĂȘme localement de nĂ©crose des tissus des muscles squelettiques[50].
Des effets toxiques (Ă diffĂ©rents Ăąges[52]) et reprotoxiques ont Ă©tĂ© signalĂ©s chez le rat de laboratoire en 2004[53]. Le fipronil ingĂ©rĂ© est retrouvĂ© chez le rat dans divers organes et notamment dans la graisse sous-cutanĂ©e oĂč il peut ĂȘtre stockĂ© un certain temps[54].
Le fipronil est introduit Ă large Ă©chelle dans les Ă©cosystĂšmes aquatiques (d'eaux douces puis marin) mais il en disparait assez rapidement : il y est cependant en partie absorbĂ© et/ou en partie dĂ©gradĂ© en dâautres molĂ©cules par les communautĂ©s microbiennes du sĂ©diment, mais aussi par les mollusques filtreurs (notamment par les moules dâeau douce telles que lâAnodonte) ; plusieurs de ces molĂ©cules secondaires se sont rĂ©cemment (2015-2016) avĂ©rĂ©es ĂȘtre plus toxiques que la molĂ©cule mĂšre[41].
On retrouve gĂ©nĂ©ralement trĂšs peu de fipronil dans les eaux de surface, mais on trouve en bien plus grande quantitĂ© ses trois principaux mĂ©tabolites (par exemple Ă hauteur de 0,5 Ă 207,3 ng/L pour les sulfone et sulfate de fipronil dans des mares, canaux ou Ă©tangs de zones rĂ©sidentielles, lors dâune Ă©tude publiĂ©e en 2015[40]. Aux concentrations mĂ©dianes et les plus Ă©levĂ©es mesurĂ©es dans ces milieux, Les rĂ©sultats dâune Ă©valuation des risques dite « probabiliste » a conclu à « des risques Ă©cologiques importants (aigus et chroniques) »)[40]. Les sulfones Ă©taient dans ces cas les plus prĂ©sents (0,46 Ă 57,75 ng/L contre 0,40 Ă 2,96 ng/L pour les sulfates, doses prĂ©sentant des risques importants de toxicitĂ© chronique pour les espĂšces les plus sensibles Ă ce produit)[40]. Cette Ă©tude a dans ces cas conclu Ă des risques pour la faune aquatique (risques plus Ă©levĂ©s pour les larves aquatiques dâinsectes et pour les crustacĂ©s selon les auteurs, alors que les risques semblent nuls pour les algues, champignons et plantes aquatiques ainsi que pour les mollusques aquatiques[40]. Une autre Ă©tude a montrĂ© en 2004 que parmi les crustacĂ©s d'eau douce, les copĂ©podes sont particuliĂšrement vulnĂ©rable au fipronil[55]).
Les crustacĂ©s marins ne sont pas Ă©pargnĂ©s : au dĂ©but des annĂ©es 2000, on constate que les Ćufs du crabe bleu (Callinectes sapidus) ne contiennent pas de fipronil mais qu'ils contiennent de faibles doses de sa molĂ©cules de photodĂ©gradation la plus toxique et persitante[56]. La larve de ce crabe expĂ©rimentalement exposĂ©e en laboratoire Ă de faibles doses (0,01, 0,1 et 0,5 ”g/L de fipronil et de fipronil-dĂ©sulfinyl durant 96 heures) grandit moins bien, et cet effet est plus ou moins marquĂ© selon la salinitĂ© de l'eau[56]. Le fipronil se montre perturbateur endocrinien pour cette espĂšce, induisant une baisse du taux de vitellogĂ©nine (Vtg) proportionnelle Ă l'augmentation des concentrations de fipronil et de fipronil-dĂ©sulfinyl)[56]⊠mĂȘme Ă des taux comparables Ă ceux aujourd'hui trouvĂ©s dans la nature[56] ; cette Ă©tude a aussi montrĂ© que la solubilitĂ© du fipronil diminue fortement aux salinitĂ©s plus Ă©levĂ©es, suggĂ©rant que le fipronil et ses produits de photodĂ©gradation pourraient ĂȘtre plus biodisponibles pour les organismes benthiques quand la salinitĂ© augmente[56]. La perturbation endocrinienne pourrait ĂȘtre induite par des modifications de l'expression de certains gĂšnes[56].
Les métabolites du fipronil et ses énantiomÚre se montrent plus ou moins bioaccumulables par certains organismes aquatiques filtreurs[57].
Il ne semble pas y avoir eu d'Ă©tudes sur les Ă©ponges d'eau douce, mais des tests fait sur lâanodonte (en l'occurrence : A. woodiana, utilisĂ© comme modĂšle animal pour Ă©tudier la bioaccumulation et l'Ă©limination du fipronil par les mollusques filteurs) ont montrĂ© qu'en laboratoire, les anodontes a bioaccumulĂ© le fipronil, de maniĂšre « Ă©nantioĂ©lective » et jusquâĂ un « Ă©tat d'Ă©quilibre » (atteint aprĂšs onze jours) ; l'Anodonte accumule prĂ©fĂ©rentiellement lâĂ©nantiomĂšre S-fipronil (qui a une demi-vie plus longue que le R-fipronil)[57]. Dans cet animal, le R-fipronil peut ĂȘtre rapidement converti en S-fipronil[57].
Les trois mĂ©tabolites sont retrouvĂ©s dans lâorganisme de l'Anodonte mais les formes sulfate et sulfone dominent[57].
Or en termes dâĂ©cotoxicitĂ© (CL50 Ă 72 heures), le S-fipronil se montre beaucoup plus toxique que le racĂ©mate et le R-fipronil (y compris pour le dĂ©veloppement embryonnaire[58]).
L'EPA accepte le fipronil comme alternative aux organophosphorĂ©s contre la fourmi de feu et les termites, tout en le considĂ©rant comme hautement toxique Ă faible doses pour certaines espĂšces-gibier dont le faisan, le colin et la perdrix (espĂšces susceptibles dâĂȘtre tirĂ©es Ă la chasse avant quâelles nâen meurent, puis consommĂ©es)[59]).
Ătant extrĂȘmement toxique (lĂ©tal Ă des « doses ultra-faibles[60] ») pour les termites et d'autres fourmis (formicidae), le fipronil pourrait nĂ©gativement affecter certaines populations naturelles de termite et de fourmis (lesquelles jouent un rĂŽle Ă©cosystĂ©mique trĂšs important dans certains cycles biogĂ©ochimiques, la fertilitĂ© de certains sols. Diverses populations dâauxiliaires de lâagriculture pourraient de la mĂȘme maniĂšre ĂȘtre affectĂ©es[22] (Ce produit est presque deux fois plus toxique pour les colonies de la fourmi Nerium oleander et pour leurs reines que le Diazinon[61] (jusqu'alors considĂ©rĂ© comme particuliĂšrement efficace[62].
Dans les annĂ©es 2010-2013, alors que les populations dâabeille domestique (et sauvage, et de nombreux autres insectes) semblent rĂ©gresser ou sâeffondrer presque partout dans le monde, on se pose des questions sur une « Ă©ventuelle exposition » des abeilles Ă ce pesticide[63] - [64].
Plusieurs Ă©tudes montrent ensuite que le fipronil semble (seul ou en synergie avec d'autres produits) pouvoir affecter la survie des abeilles mĂȘme sâil ne les tue pas directement : il rĂ©duit l'activitĂ© des mitochondries de l'abeille (tout comme l'imidaclopride)[65] et il pourrait notamment modifier la physiologie de lâabeille, dont en interaction avec des spores de Bacillus thuringiensis (Bt) trĂšs utilisĂ© comme insecticide (et produit par de trĂšs nombreuses plantes transgĂ©niques[66].
Jusqu'en 2016, il nây avait pas d'Ă©tudes poussĂ©es publiĂ©es sur lâeffet reprotoxique du fipronil sur lâabeille domestique. Une Ă©tude rĂ©cente (2017) a montrĂ© que les premiĂšres Ă©tudes faites en condition contrĂŽlĂ©e en laboratoire (souvent sur vingt jours, de l'Ă©mergence Ă la maturitĂ© sexuelle, et sur une seule gĂ©nĂ©ration) ont pu sous-estimer ses effets sur la reproduction des abeilles. En effet, une fois exposĂ©es au fipronil par une solution de sucre contaminĂ©, les abeilles mĂąles produisent en condition de laboratoire une plus grande quantitĂ© de fluide sĂ©minal mais proportionnellement moins de spermatozoĂŻdes que ne le font les abeilles Ă©levĂ©es en condition semi-naturelles (or ce fluide nourrit les spermatozoĂŻdes[67] - [68] entretient le mĂ©tabolisme des cellules de soutien[69] et protĂšge le sperme contre le stress oxydatif[69] - [70] et les microbes[69]). Les mĂąles exposĂ©s au fipronil survivent mieux en laboratoire quâen condition semi-naturelle, peut ĂȘtre grĂące aux apports en protĂ©ines et vitamines dont elles bĂ©nĂ©ficient en captivitĂ©[71]. Cette Ă©tude a clairement dĂ©montrĂ© qu'en laboratoire comme en condition semi-naturelle les abeilles ne sont pas directement tuĂ©es par le fipronil, mais que dans les deux cas leur fertilitĂ© est nĂ©gativement affectĂ©e : la quantitĂ© de sperme ne diminue pas chez les abeilles mĂąles exposĂ©es par rapport Ă celles qui ne sont pas exposĂ©es, mais leur nombre total de spermatozoĂŻdes diminue et le nombre de leur spermatozoĂŻdes morts dans le sperme augmente (ce qui confirme les rĂ©sultats dâune Ă©tude de 2016[72]) ; avec des effets sur la fĂ©conditĂ© de la reine[72]. Les auteurs en concluent que ces rĂ©sultats « confirment que le fipronil affecte la fertilitĂ© des abeilles[71] ». Selon les auteurs, le fipronil est donc bien cytotoxique pour les spermatozoĂŻdes.
Les abeilles jouant un rÎle écologique majeur, le fipronil pose donc aussi des problÚmes écosystémiques[73].
En 2016, des effets épigénétiques sont également fortement suspectés[58].
En tant que perturbateur puissant du systÚme nerveux central des insectes[22], il tue de nombreux insectes, ce qui affecte indirectement leurs prédateurs (qui se voient ainsi privés de nourriture). En outre des effets synergiques inattendus et préoccupants ont été découverts ; ainsi a-t-on montré en 2012 qu'en interaction avec un microchampignon parasite des apidés, le fipronil voit sa toxiccité aggravée pour les abeilles[74] ce qui en fait l'un des candidats susceptible d'expliquer le mortalité des abeilles. L'association champignon pathogÚne et fipronil induit une modification de la physiologie des abeilles mùles, suffisante pour compromettre la reproduction de la reine[75].
Scandales sanitaires
En 2017, des millions d'Ćufs en provenance des Pays-Bas et de Belgique ont Ă©tĂ© contaminĂ©s par le fipronil, qui est pourtant interdit dans le traitement des animaux destinĂ©s Ă l'alimentation. Les Ćufs contaminĂ©s ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s notamment aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, en SuĂšde et en Grande-Bretagne, ainsi que dans certains lots arrivĂ©s en France en juillet[76]. Cette contamination viendrait de la sociĂ©tĂ© Chickfriend qui vendait des produits contenant du fipronil pour le traitement contre les poux rouges qui baissent le rendement Ă la ponte[77] - [78].
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Voir aussi
Articles connexes
- Substance active d'un produit phytopharmaceutique
- Liste de substances actives de produits phytosanitaires
- Liste de substances actives de produits phytopharmaceutiques autorisées par l'Union européenne
- Liste de substances actives de produits phytopharmaceutiques interdites par l'Union européenne
- Ornithonyssus Sylviarum (parasite majeur des poules d'Ă©levages industriels)
Lien externe
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