Traitement des semences
En agriculture et horticulture, le traitement des semences est la préparation des graines destinées aux semis, notamment au moyen de pesticides les protégeant des germes pathogÚnes et des parasites animaux.
Les adjuvants tels que les pelliculants et les enrobants permettent de faciliter les semis et d'améliorer l'efficacité des traitements. Le pelliculage par un film microporeux permet de fixer les produits par une couche trÚs fine sans modifier la forme de la graine. L'enrobage des semences est une forme de recouvrement des semences plus épaisse, destiné à faciliter le semis et qui peut contenir des engrais, des facteurs de croissance, ainsi qu'une charge inerte et une enveloppe extérieure en polymÚre.
Principe et technique
Dans le cadre de la défense des cultures, les traitements des semences sont utilisés pour lutter contre les maladies des semences et pour protéger les jeunes plantes contre les parasites naturellement présents dans le sol. Ils permettent une protection efficace contre des attaques précoces de maladies et de parasites en végétation[2].
Les traitements des semences permettent de lutter Ă©galement contre de nombreuses autres agressions :
- les "fontes de semis" dues Ă des maladies cryptogamiques telles que les fusarioses et les septorioses ;
- les larves dâinsectes telles que du Taupin (insecte) et de la mouche grise ;
- les oiseaux, principalement les corbeaux (les couleurs d'enrobage sont choisies pour réduire l'attrait de la graine pour les granivores) ;
- les attaques précoces de maladies telles que la fusariose, l'oïdium, la rouille brune et la rouille jaune, le piétin-verse, la septoriose...
- les attaques prĂ©coces dâinsectes tels que les pucerons.
Le choix de la ou des substances actives (mode et spectre dâaction, persistanceâŠ) doit tenir compte des analyses sanitaires des lots bruts de semences qui arrivent dans les stations (et donc des Ă©ventuelles maladies prĂ©sentes qui varient dâune annĂ©e sur lâautre et du niveau de contamination) ainsi que du type de protection recherchĂ©e.
Le traitement est normalement appliqué aprÚs l'élimination de la balle, des graines de mauvaises herbes et de débris de paille. Les semences traitées sont souvent colorées tant pour les rendre moins attrayantes pour les oiseaux, que pour faciliter leur repérage et leur élimination en cas de déversement accidentel.
Les matiĂšres actives utilisĂ©es peuvent ĂȘtre des bactĂ©ricides, des fongicides, des insecticides de contact ou systĂ©miques. Ils peuvent Ă©galement ĂȘtre des rĂ©pulsifs pour animaux.
DiffĂ©rents appareils de traitements industriels spĂ©cialisĂ©s permettent dâappliquer les matiĂšres actives et les produits d'enrobage Ă des doses trĂšs prĂ©cises.
RĂ©glementation
L'utilisation des produits phytosanitaires est réglementée. De nombreuses évolutions réglementaires ont eu lieu ces derniÚres années dans le cadre du plan Ecophyto.
Le catalogue des produits utilisables est consultable sur le site E-Phy de l'Anses[3]
Interdiction en Agriculture biologique
Pour obtenir la certification biologique, les agriculteurs européens et américains doivent rechercher des semences biologiques. S'ils ne peuvent s'en procurer, ils sont autorisés à utiliser des semences conventionnelles non traitées[4]. Les semences traitées cependant ne sont jamais autorisées[5].
Des alternatives aux traitements chimiques des semences sont en développement, dont :
- par des huiles essentielles par exemple[6]
- en intĂ©grant dans la rĂ©flexion et les pratiques agricoles les organismes utiles aux symbioses mycorhiziennes, ce qui est aussi favorables Ă la conservation ou restauration des sols agricoles. Par exemple, quand les semences de maĂŻs ont Ă©tĂ© traitĂ©es avec un fongicide (ex : Thirame), la colonisation mycorhizienne de la plante se fait mal (4 fois moins bien en termes d'intensitĂ© arbusculaire de la partie mycorhizĂ©e selon une Ă©tude (Mycoagra, 2022) portĂ©e en France par la chambre dâagriculture de Dordogne)[1].
IntĂ©rĂȘts
Les traitements des semences permettent de protĂ©ger les jeunes plantes lors de leur germination contre de nombreuses maladies telluriques, contre de nombreux ravageurs des cultures. Si certaines recherches suggĂšrent que cela permet de diminuer les doses de pesticides rĂ©pandus dans l'environnement, dans la mesure oĂč les quantitĂ©s utilisĂ©es sont relativement plus faibles que les traitements en plein champ[7], le traitement devient prĂ©ventif plutĂŽt que curatif ce qui pose la question de la rĂ©alitĂ© de ces conclusions. Pour vĂ©rifier cela, il suffirait d'avoir les doses de produits utilisĂ©es en traitement de semences en France par exemple.
Pour des grandes cultures, telles que les cĂ©rĂ©ales, les traitements de semences sont essentiels contre les maladies charbonneuses (carie, charbon nu) et trĂšs prĂ©cieux face aux bio-agresseurs contre lesquels dâautres mĂ©thodes de lutte sont inexistantes ou difficiles Ă mettre en Ćuvre[8].
Le choix du traitement doit ĂȘtre fait selon la qualitĂ© sanitaire des semences, l'historique de la parcelle et la date de semis. Ces critĂšres aident Ă mieux Ă©valuer les risques dâinfections et dâattaques de ravageurs.
Inconvénients
Les graines traitées peuvent provoquer des empoisonnements (mortels ou non mortels) pour les animaux granivores si elles sont ingérées en quantités assez importantes[9]. En laboratoire, ou en captivité, les oiseaux - quand ils ont le choix - évitent les graines colorées artificiellement[10].
DĂšs les annĂ©es 1970 il a Ă©tĂ© montrĂ© que des molĂ©cules toxiques comme la dieldrine[11], le chlorfenvinphos[11] ou le carbophenothion[11] ont Ă©tĂ© ingĂ©rĂ©es avec des graines par certains animaux sauvages[11], puis de nombreuses autres Ă©tudes ont confirmĂ© que les graines enrobĂ©es peuvent ĂȘtre consommĂ©es par des animaux malgrĂ© la coloration visant Ă rĂ©duire ce risque[9] - [12] - [13], parfois de maniĂšre trĂšs significative[11]. Le pigeon ramier compte parmi les animaux les plus frĂ©quemment empoisonnĂ©s par des graines enrobĂ©es[14] - [15] - [16] - [17].
Ainsi une Ă©tude a montrĂ© que parmi 61 pigeons ramiers tuĂ©s Ă la chasse dans une zone suivie durant trois hivers, 26 s'Ă©taient nourris de graines de cĂ©rĂ©ales enrobĂ©s de fonofos et parmi ces 26 pigeons, la chair de six d'entre eux contenait une teneur en rĂ©sidus de fonofos comparable Ă celles retrouvĂ©es chez des oiseaux empoisonnĂ©s durant une enquĂȘte sur les accidents de la faune par le MAFF[9]. Les auteurs ont conclu que les graines traitĂ©es par le fonofos peuvent ĂȘtre partiellement Ă©vitĂ©es dans la nature par ces oiseaux, mais que cet Ă©vitement Ă©choue Ă prĂ©venir l'empoisonnement dans certaines conditions (rares), par exemple quand la densitĂ© de graines accessibles, les concentrations en fonofos et le niveau de faim sont supĂ©rieurs Ă la moyenne[9].
Des poussieres sont émises lors du semis qui volent et contaminent les terrains adjacents ou les organismes vivants via les voies respiratoires. L'usage des néocotinoides en enrobage a contribué à une large contamination de l'environnement.
Le traitement est exécuté alors que la maladie ne sera pas forcément présente. Cela occasionne une augmentation de l'usage des pesticides et donc une contamination plus forte de l'environnement puisqu'il s'agit d'un traitement préventif. C'est comme si on traitait systématiquement avec un antibiotique sans maladie. La sélection d'espÚces et de souches résistantes aux maladies est une alternative écologique intéressante.
L'agriculture biologique se passe de traitements de semence, sans pour autant trop perdre de rĂ©coltes, ce qui pose la question de l'intĂ©rĂȘt du traitement prĂ©ventif systĂ©matique des semences.
Controverses
Le traitement des semences Ă base d'imidaclopride, insecticide de la famille des nĂ©onicotinoĂŻdes, est controversĂ©. Il a Ă©tĂ© interdit en France pour le traitement des semences de tournesol puis de maĂŻs, les autoritĂ©s Ă©tant convaincues que cette substance est impliquĂ©e dans le dĂ©clin des insectes pollinisateurs et peut-ĂȘtre dans le syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles[18]. D'autres nĂ©onicotinoĂŻdes, tels que le thiamĂ©thoxame, sont Ă©galement menacĂ©s d'interdiction en France.
Voir aussi
Articles connexes
Notes et références
- Cécile Waligora, « Mycoagra, ses enseignements », sur A2C le site de l'agriculture de conservation, (consulté le )
- principes et techniques des traitements de semences sur le site Gnis-pédagogie
- site de consultation du catalogue sur le site E-Phy de l'Anses
- voir la réglementation semence sur le site officiel Semences-biologiques.org
- (en) Electronic Code of Federal Regulations.
- FW Kagambega et S Traore, « Impact de trois techniques de restauration des sols sur la survie et la croissance de trois espÚces ligneuses sur les « zipellés » au Burkina Faso », sur International Journal of Biological and Chemical Sciences, (ISSN 1991-8631, DOI 10.4314/ijbcs.v5i3.72174, consulté le )
- Dewar, A.M. & Asher, M.J.C. 1994 A European perspective on pesticide seed treatments in sugar beet. Pesticide Outlook, 5, 11â17.
- Traitement des semences, toujours d'actualité sur Arvalis info Institut du végétal
- H. V. McKay, P. J. Prosser, A. D. M. Hart, S. D. Langton, A. Jones, C. McCoy, S. A. ChandlerâMorris, J. A. Pascual (1999), http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1046/j.1365-2664.1999.00398.x/full Do woodâpigeons avoid pesticideâtreated cereal seed?] ; Journal of Applied Ecology First , avril 1999, DOI: 10.1046/j.1365-2664.1999.00398.x PDF (1072K)
- Pascual, J.A. & Hart, A.D.M. (1997), Exposure of captive feral pigeons to fonofos-treated seed in a semifield experiment. Environmental Toxicology and Chemistry, 16, 2543â2549.
- Stanley, P.I. & Bunyan, P.J. (1979) Hazards to wintering geese and other wildlife from the use of dieldrin, chlorfenvinphos and carbophenothion as wheat seed treatments. Proceedings of the Royal Society of London B, 205, 31â45.
- Hazards to wildlife from pesticide seed treatments. Application to Seeds and Soil (ed. T.Martin), pp. 127â134. British Crop Protection Council, Thornton Heath.
- Fletcher, M.R., Hunter, K. & Barnett, E.A. (1995), Pesticide Poisoning of Animals 1994: Investigations of Suspected Incidents in the United Kingdom. MAFF Publications, London.
- Fletcher, M.R., Hunter, K., Quick, M.P., Thompson, H.M. & Greig-Smith, P.W. (1991), Pesticide Poisoning of Animals 1990: Investigations of Suspected Incidents in Great Britain. MAFF Publications, London.
- Fletcher, M.R., Hunter, K. & Barnett, E.A. (1992), Pesticide Poisoning of Animals 1993: Investigations of Suspected Incidents in the United Kingdom. MAFF Publications, London.
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- Fletcher, M.R., Hunter, K., Barnett, E.A. & Sharp, E.A. (1996), Pesticide Poisoning of Animals 1995: Investigations of Suspected Incidents in the United Kingdom. MAFF Publications, London
- (en) « 16 Seed-dressing systemic insecticides and honeybees », Agence européenne de l'environnement (consulté le ).