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DĂ©clin des populations d'amphibiens

Bien que les scientifiques observent une diminution des populations de plusieurs espèces en Europe depuis les années 1950[2], la prise de conscience du fait que le déclin des populations d'amphibiens puisse entraîner des extinctions massives d'espèces dans le monde entier ne date que des années 1980. En 1993 déjà, plus de 500 espèces de grenouilles et de salamandres présentes sur les cinq continents présentaient un déclin de population[3]. Aujourd’hui, le phénomène de déclin des populations d'amphibiens affecte des milliers d’espèces dans tous les types d’écosystèmes et est ainsi reconnu comme une des menaces les plus sévères, en termes d'espèces disparues ou menacées, à l'encontre de la biodiversité de notre planète[4] - [5].

Le crapaud doré (Incilius periglenes), a été un des premiers indicateurs du déclin des populations d’amphibiens. Considéré dans les années 1980 comme abondant dans son habitat au Costa Rica, il a été observé pour la dernière fois en 1989[1]. Les derniers chiffres de croissance de la population conformes à la normale datent de 1987. En 1988, seulement 8 mâles et 2 femelles ont été observés. En 1989, on n’a plus rencontré qu’un seul spécimen mâle, qui reste encore aujourd’hui le dernier individu observé.

À l’origine, les rapports sur ce déclin n'étaient pas pris en considération par la totalité de la communauté scientifique. Certains scientifiques avançaient le fait que les populations animales, comme celles des amphibiens, connaissaient des fluctuations naturelles au cours du temps. Aujourd’hui, tous s’accordent à dire que ce phénomène de déclin prend une ampleur alarmante partout dans le monde[6] - [7] - [8] - [9] - [10] - [11], et l’on s’attend à ce qu’il persiste encore longtemps[12].

Ces extinctions et chutes de populations d’amphibiens sont un problème mondial, aux causes diverses et complexes. Parmi elles figurent des facteurs locaux comme la fragmentation et la destruction des habitats naturels, ainsi que l'introduction par l’homme de nouveaux prédateurs dans les écosystèmes en question, la surexploitation des amphibiens (nourriture, médecine…), l’augmentation de la toxicité et de l’acidité des milieux de vie des amphibiens, l’émergence de nouvelles maladies, le changement climatique, l’augmentation des radiations ultraviolettes (conséquence des atteintes portées à la couche d’ozone) et les interactions probables entre ces facteurs.

Devant le nombre croissant d'espèces menacées, une stratégie de conservation s'est mise en place au niveau international afin de combattre les multiples causes du déclin des amphibiens. Les principaux moyens de lutte employés sont la protection des habitats naturels, l'élevage conservatoire, la réintroduction et l'éradication de certaines espèces invasives.

Le fait que la majorité des amphibiens aient un mode de vie à la fois terrestre et aquatique, et que leur peau soit très perméable laisse à penser qu'ils pourraient être plus vulnérables que les autres espèces de vertébrés terrestres[6] - [13] aux toxines présentes dans l’environnement, ainsi qu’aux modifications de température, de précipitations et d'hygrométrie. Les scientifiques commencent donc à considérer la biodiversité amphibienne comme un indicateur précurseur de référence, révélateur de la pollution engendrée par les activités humaines et des effets qu’elle pourrait avoir sur les autres espèces animales.

Contexte du problème

Les amphibiens forment un groupe d’organismes vertĂ©brĂ©s regroupant environ 6 000 espèces connues, rassemblant les anoures (grenouille, crapaud, sonneur, rainette…), les urodèles (salamandres et tritons) ainsi que les gymnophiones (apodes ou cĂ©cilies). Le groupe des amphibiens existe depuis environ 360 Ma, et il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©crit, dans la seule pĂ©riode 1970-2000, l’extinction probable d’environ 168 espèces. De plus, au moins 2 469 espèces connues (43 % des amphibiens) prĂ©sentent un dĂ©clin avĂ©rĂ© de leurs populations, ce qui indique que le nombre d’espèces menacĂ©es d'extinction continue probablement d’augmenter[12].

Une convention internationale de biologistes rĂ©unis en 2004 a indiquĂ© que 32 % des espèces d’amphibiens du monde entier Ă©taient en danger d’extinction (ce qui reprĂ©sente 1 856 espèces) et que plus de 120 espèces se seraient dĂ©jĂ  Ă©teintes depuis 1980[12].

Les déclins de populations ont été particulièrement intenses dans l’ouest des États-Unis, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, ainsi que dans l’est de l’Australie. Ainsi en 2006, 16 des 45 espèces d'amphibiens du Canada (36 %) ont tellement diminué que celles-ci sont maintenant considérées en voie de disparition, menacées ou préoccupantes[14]. Cependant, des cas plus isolés d’extinctions massives d’amphibiens surviennent dans divers endroits du globe. Ainsi, l'UICN estimait en qu'un quart des amphibiens méditerranéens sont menacés d’extinction[15]. Alors que les activités humaines causent à présent des pertes considérables de biodiversité au niveau mondial, il apparaît que leurs conséquences sont nettement plus graves et intenses sur les amphibiens que sur d’autres groupes d’espèces[16].

Étant donné que les amphibiens ont généralement un cycle de vie composé de deux phases, la première aquatique (têtard) et la seconde terrestre (organisme adulte), ils sont naturellement sensibles à des dérèglements environnementaux tant terrestres qu’aquatiques. De plus, ils peuvent être, du fait de leur peau nue très perméable, plus vulnérables aux toxines présentes dans l’environnement que d’autres organismes comme les oiseaux ou les mammifères. De nombreux scientifiques sont d’ailleurs convaincus que le phénomène de déclin des amphibiens annonce la possibilité, dans un futur proche, d'un phénomène beaucoup plus large d’extinction massive de la biodiversité, s’étendant cette fois aux autres groupes d'êtres vivants, animaux et plantes[17] - [18].

Le phénomène de déclin des amphibiens a été pour la première fois largement reconnu fin 1980, lorsqu’une assemblée d’herpétologistes a rapporté avoir repéré une régression globale des populations d’amphibiens[13]. Parmi les espèces les plus touchées se trouvait le crapaud doré (Bufo periglenes) vivant dans la réserve de la forêt de nuage de Monteverde, qui était auparavant classé parmi les espèces communes du site. Le Bufo periglenes faisait à cette époque l’objet de nombreuses investigations scientifiques, jusqu’en 1987, date à laquelle sa population s’est mise à régresser pour finir par disparaître complètement en 1989[19]. D’autres espèces de Monteverde, comme la grenouille Atelopus varius (littéralement en espagnol Rana arlequin, Grenouille arlequin), ont également disparu à cette époque[20]. Ces individus étant localisés à l’intérieur d’une réserve naturelle, leur destruction ne pouvait être liée aux activités humaines de la région. Il fallait en chercher les causes à une échelle plus globale, ce qui a engendré une grande inquiétude chez les scientifiques concernés.

Fluctuations naturelles ou déclin problématique ?

Des années 1950 à la fin des années 1980, certains chercheurs ont remarqué un déclin des populations d’amphibiens. Ce déclin était, selon eux un indice précurseur de la dégradation des milieux naturels. La communauté scientifique s'est montrée sceptique sur ce critère et sur l'importance de ce déclin[7]. En effet, certains zoologistes avançaient que la population de la plupart des organismes, y compris celle des amphibiens, connaissait des variations naturelles. Le manque d’informations sur les fluctuations de populations sur un plus long terme ne permettait pas de déterminer si les observations faites étaient suffisantes pour conclure. Faute de consensus, il convenait donc d'attendre d'avoir les informations suffisantes pour mobiliser les ressources nécessaires à un programme de conservation.

Pour ce faire, on a amélioré les systèmes de surveillance des populations en affectant un nombre croissant d’étudiants aux projets d'observations directes de la mortalité des amphibiens pour déterminer le nombre et les causes des mortalités. Enfin, à la fin des années 1990, la communauté scientifique a reconnu dans son ensemble le déclin[21] des populations d’amphibiens au niveau mondial et la grave menace que cela constitue pour la biodiversité[12].

En effet, les amphibiens jouent un rôle déterminant dans le maintien de l’équilibre des écosystèmes. Ils sont tantôt les proies, tantôt les prédateurs de nombreuses autres espèces. Les œufs et les têtards sont une riche source de nourriture pour les oiseaux et les poissons. À leur tour, les amphibiens consomment d’énormes quantités d’insectes, et quelquefois même des rongeurs. Ils peuvent former une portion importante de la biomasse des vertébrés dans certaines régions, dépassant les biomasses combinées des oiseaux et des mammifères. En dépit de leur taille modeste, les amphibiens jouent un rôle majeur dans les écosystèmes. Lorsqu'une espèce d'amphibien disparaît, cela peut entraîner la disparition en cascade de plusieurs autres espèces, en commençant par les espèces commensales comme la mulette du Necturus (salamander mussel (en)), dont le développement larvaire dépend de la présence de son hôte, le necture tacheté[22].

Causes potentielles du déclin

En se basant sur les recherches de James P. Collins et Andrew T. Storfer, deux ensembles d'hypothèses sur le déclin ont été échafaudés[23].

Le premier inclut les facteurs généraux concernant la crise de la biodiversité planétaire : destruction, modification et fragmentation des habitats naturels, introduction d’espèces invasives et surexploitation des ressources. L’étude de ces menaces permet une meilleure compréhension du déclin des amphibiens, dans ses aspects liés aux mécanismes écologiques globaux. Cependant, le déclin touche aussi des populations d’amphibiens dans des environnements reculés sans perturbations apparentes.

Le second en appelle à des facteurs plus complexes et plus élusifs, et est vraisemblablement constitué par le changement climatique, l’augmentation des radiations UV-B, le rejet de polluants chimiques dans l’environnement, de nouvelles maladies infectieuses émergentes, ainsi que les déformations ou malformations des organismes. Les mécanismes sous-jacents à ces derniers facteurs sont complexes et peuvent s’additionner aux premiers facteurs, ainsi la destruction des habitats et l'introduction d'espèces étrangères introduites exacerbe le phénomène de déclin.

Il n’y a pas une seule cause isolée au déclin des amphibiens. Tous les facteurs susdits menacent ces populations à des degrés plus ou moins élevés. La plupart des causes de ce déclin sont finalement biens comprises et expliquées. Au-delà des amphibiens, d’autres groupes d’organismes souffrent des mêmes perturbations.

Destruction et fragmentation des habitats naturels

Les salamandres sont protégées de leurs prédateurs par un mucus toxique et des couleurs voyantes… qui ne leur sont d'aucune utilité face aux véhicules.

La modification ou la destruction des habitats naturels est le facteur qui, à l'échelle planétaire, affecte le plus les populations d’amphibiens. Comme les amphibiens ont généralement besoin d’habitats tant terrestres qu’aquatiques pour survivre, une menace pesant sur un seul des deux habitats peut avoir des conséquences graves sur leurs populations. Les amphibiens sont donc plus vulnérables à la modification des environnements naturels que les organismes ne requérant qu’un seul type d’habitat[24] - [25].

La fragmentation des habitats naturels survient quand les différentes zones propices à la vie des amphibiens sont isolées les unes des autres par des modifications à caractère physique, comme lorsqu’une aire boisée est entourée de toutes parts par des zones de cultures agricoles. Les petites populations qui subsistent dans ces fragments rémanents courent souvent un grand risque d’endogamie, de dérive génétique voire d’extinction dues à de faibles fluctuations de l’environnement.

Dans la plupart des pays européens, la disparition des zones humides porte sur des superficies très importantes. Ainsi en Suisse ces milieux se sont réduits de près de 90 % depuis 150 ans, voire de 100 % dans certains secteurs[26] - [27]. De 1953 à 1959, près de 66 % des habitats de reproduction du triton alpestre, du triton ponctué, du sonneur à ventre jaune, du crapaud commun, de la rainette verte, de la grenouille verte et de la grenouille rousse ont été détruits dans la partie supérieure de la vallée du Rhin par suite de remblayages et de constructions de routes[28].

Depuis les années 1950, beaucoup d'amphibiens de la région méditerranéenne deviennent très rares en raison de la destruction de leurs habitats[29] - [30].

La destruction des zones humides constitue la principale cause de la raréfaction de la grenouille rousse (plus de 99 % d'extinction dans certains secteurs) et du crapaud commun pendant les années 1950 et 1960 en Grande-Bretagne[31].

Certaines espèces ne vivant pas sur leurs lieux spécifiques de reproduction doivent migrer pour atteindre les zones humides. Les individus reproducteurs s'exposent alors, à passer à l'aller et au retour dans des zones où leur sécurité n'est pas assurée. C'est le cas pour les traversées de route. Lorsque les lieux de ponte ne sont plus accessibles, un muret peut parfois suffire pour que la population disparaisse.

Les vocalisations sont essentielles à la reproduction de bon nombre d'amphibien. Une augmentation du bruit de fond occasionné par les activités humaines est peut-être aussi la cause d'une baisse de fertilité qui, à terme, cause un déclin. Une étude en Thaïlande a montré que, soumis aux bruits des activités humaines, les appels des amphibiens diminuaient pour certaines espèces et augmentaient pour d'autres. La relation entre bruit et déclin n'a cependant pas été montrée[32].

Introduction d'espèces allochtones

Rana muscosa, Grenouille des montagnes à pattes jaunes), actuellement classée en danger critique par la Liste rouge de l'UICN[33], est menacée par les espèces de truites introduites dans son habitat naturel : les lacs de la Sierra Nevada.

Les espèces prédatrices et concurrentes étrangères aux écosystèmes affectent la viabilité des amphibiens dans leurs propres habitats naturels. On a détecté un déclin de population chez Rana muscosa, espèce commune des lacs de la Sierra Nevada, aux États-Unis, dû à l'introduction d’espèces de poissons, notamment des truites élevées pour la pêche sportive ou récréative. Un grand nombre de jeunes individus et de têtards sont la proie de ces poissons. Ces poissons causent une interférence dans le cycle trisannuel de métamorphose des têtards et provoquent finalement un sévère déclin de la population et, par ricochet, touchent l'ensemble de l'écosystème[34]. Ce phénomène est loin d'être unique, l'introduction du Lepomis gibbosus en Amérique du Nord a contribué à réduire les populations de Rana aurora et de Pseudacris regilla[35].

L'introduction de Gambusia pour lutter contre les moustiques, de la truite arc-en-ciel et de la truite fario pour la pêche est concomitante avec la baisse importante des effectifs de la Litoria spenceri dans le sud-est australien[36]. Les zones d'introductions correspondant aux zones de baisse ne laissent aucun doute sur le rôle des espèces introduites.

L'introduction du ouaouaron, une grosse grenouille américaine, dans divers endroits du monde comme l'Europe, les Antilles, l'Amérique du Sud, est aussi une menace pour les autres amphibiens[37]. En effet, le ouaouaron consomme directement des spécimens d'autres espèces plus petites que lui et est un concurrent efficace pour les autres.

Exploitation des amphibiens

Les amphibiens sont capturés, déplacés hors de leurs habitats naturels et vendus dans le monde entier comme aliments, comme animaux domestiques, ou pour approvisionner le marché pharmacologique. Pour plusieurs espèces, la récolte est présumée coresponsable de leur déclin[38]. En France, l'importation légale de grenouille l'est essentiellement pour des raisons alimentaires, en comparaison les importations d'anoures vivantes pour l'élevage ou la science sont négligeables. La récolte de certaines espèces comme animaux de compagnie, du fait de leur protection car se raréfiant dans leur milieu naturel, est très souvent illégale et engendre des trafics lucratifs[39].

Les amphibiens sur le marché alimentaire

Un sac de cuisses provenant du ViĂŞt Nam.

Les anoures et plus particulièrement leurs cuisses sont consommĂ©es par l'Homme, mĂŞme si les grenouilles comestibles ne reprĂ©sentent pas plus d'une cinquantaine d'espèces. La plupart sont en effet toxiques et certaines ont des propriĂ©tĂ©s hallucinogènes. Les cuisses de grenouille sont extrĂŞmement populaires en Europe, au Canada et aux États-Unis. En 1990, l’Europe a importĂ© près de 6 000 tonnes de cuisses de grenouilles en provenance d'Asie. Selon leur ministère de l'agriculture, les Français ont consommĂ© 3 500 tonnes de cuisses en 1994 soit 8 000 tonnes ou environ 30 millions de grenouilles dont la majoritĂ© provient d'importations. Entre 1981 et 1984, les États-Unis ont importĂ© plus de 3 000 tonnes de grenouille par an soit environ 26 millions de grenouilles[40].

L’Asie est le second marchĂ© alimentaire majeur d’amphibiens dans le monde, oĂą l’espèce la plus consommĂ©e est Hoplobatrachus rugulosus[40]. En une annĂ©e, plus de 6 millions de Hoplobatrachus rugulosus ont Ă©tĂ© exportĂ©s depuis la ThaĂŻlande vers Hong Kong. On prĂ©sume que toutes ces grenouilles sont capturĂ©es dans leur milieu naturel. Étant donnĂ© le nombre très Ă©levĂ© de grenouilles collectĂ©es, cette pratique pourrait en peu de temps mener Ă  la destruction des populations sauvages restantes[41]. Selon les statistiques douanières françaises, sur les 6 400 tonnes de cuisses importĂ©es en 2002, 3 300 proviendraient d'espèces sauvages d'IndonĂ©sie[38]. Une Ă©tude menĂ©e entre 2012 et 2013 a montrĂ© que les cuisses surgelĂ©es disponibles en France dans les supermarchĂ©s Ă©tiquetĂ©es « Rana macrodon » (aujourd'hui appelĂ©e Limnonectes macrodon) Ă©taient en rĂ©alitĂ© mal identifiĂ©es dans 99,4 % des cas. 206 Ă©chantillons sur 209 testĂ©s concernaient Fejervarya cancrivora, un autre Ă©tait F. moodiei, et seuls deux Ă©chantillons concernaient rĂ©ellement L. macrodon, une espèce possiblement en fort dĂ©clin et menacĂ©e d'extinction Ă  l'Ă©tat savage[42].

Une autre espèce surexploitée pour satisfaire le marché alimentaire américain est Rana draytonii, la Grenouille à pattes rouges de Californie, localisée dans l’ouest de la Californie. Bien que ces grenouilles soient actuellement sous protection fédérale, signalées comme espèce menacée, et que leur capture soit désormais interdite, leur population reste en danger du fait d'autres facteurs comme la concurrence d'espèces invasives introduites dans leur environnement naturel[40]. En outre, le braconnage peut perdurer, les grenouilles vivantes ou sauvages valant plus cher que les grenouilles d'élevage[38]. En France en 2005, quatre personnes ont été condamnées à des amendes pour pêche illégale[43]. En 2016, des pêcheurs sont verbalisés pour avoir pêché à la main dans une zone de frayère, des grenouilles rousses en dehors de la période de chasse (entre le 11 juin et le 18 septembre)[44].

Les amphibiens comme nouveaux animaux de compagnie (NAC)

Dendrobates azureus (Dendrobate azuré) et Dendrobates leucomelas (Dendrobate à bandes jaunes) sont vendues dans les magasins animaliers. Ces deux espèces sont actuellement classées comme espèces vulnérables par l'UICN, et à l'annexe II de la CITES,. Les individus vendus de ces deux espèces sont aujourd’hui essentiellement élevées en captivité.
Dendrobates azureus (Dendrobate azuré) et Dendrobates leucomelas (Dendrobate à bandes jaunes) sont vendues dans les magasins animaliers. Ces deux espèces sont actuellement classées comme espèces vulnérables par l'UICN, et à l'annexe II de la CITES,. Les individus vendus de ces deux espèces sont aujourd’hui essentiellement élevées en captivité.
Dendrobates azureus (Dendrobate azuré) et Dendrobates leucomelas (Dendrobate à bandes jaunes) sont vendues dans les magasins animaliers. Ces deux espèces sont actuellement classées comme espèces vulnérables par l'UICN[53] - [54] et à l'annexe II de la CITES[55] - [56]. Les individus vendus de ces deux espèces sont aujourd’hui essentiellement élevées en captivité.

Depuis longtemps, les enfants vont récolter des têtards dans les mares et les étangs avoisinants pour les élever chez eux et observer le processus de métamorphose au cours duquel ils deviennent adultes. Cependant, l'élevage des amphibiens comme NAC s’est popularisé ces dernières années, et il ne s’agit plus désormais des seuls enfants. De nombreux amphibiens sont vendus dans les magasins animaliers ; et certains payent très cher pour des grenouilles aux couleurs vives et brillantes dont bon nombre de spécimen sont prélevés directement dans la nature. En 2007, 16 espèces sont inscrites sur l'annexe I et 90 sur l'annexe II de la CITES[57]. Non inscrite à cette date, la Conraua goliath, la plus grosse grenouille du monde, qui ne se rencontre, à l’état naturel, que dans quelques fleuves isolés au Cameroun et en Guinée équatoriale, en Afrique occidentale, est concernée par la surexploitation[58]. Cependant le principal danger lié à la détention de NAC est la diffusion de maladies aux espèces locales lors de libération d'espèces exotiques.


L'utilisation des amphibiens en médecine et en pharmacologie

Certaines cultures asiatiques accordent aux amphibiens une place importante dans leurs thérapeutiques traditionnelles, certains amphibiens étant considérés avoir des vertus curatives ou aphrodisiaques. Les oviductes disséqués de Rana chensinensis et la peau de certains crapauds[40] sont deux exemples de préparations courantes vendues en herbologie chinoise.

De nombreux crapauds du genre Bufo produisent une toxine appelée bufoténine ayant des propriétés hallucinogènes. Il existe également d’autres toxines, comme la 5-MeO-DMT (5-méthoxy-diméthyltryptamine) produite par le Bufo alvarius (crapaud du désert du Sonora). De nombreux crapauds sont donc collectés dans leur milieu naturel pour en extraire des toxines intéressantes. L’extraction de ces dernières impliquant nécessairement de tuer les crapauds, ces pratiques ont des effets très négatifs sur le maintien des populations naturelles.

Il est difficile de déterminer si, globalement, l’utilisation des amphibiens sur le plan thérapeutique a des effets néfastes sur les populations naturelles.

Pollution chimique

Les agents polluants chimiques, surtout dans les bassins où les têtards se développent, interviennent largement dans l’apparition de malformations (membres supplémentaires, yeux mal formés)[59]. Ces polluants ont des effets variables sur les grenouilles : certains atteignent et altèrent le système nerveux central, alors que d’autres, comme l'atrazine, un herbicide, causent un arrêt du processus de production et de sécrétion des hormones entraînant ainsi la stérilité des adultes. Des études expérimentales ont montré que l’exposition à d'autres herbicides comme le Roundup ou à certains insecticides comme le malathion ou le carbaryl provoque une nette hausse de la mortalité chez les têtards[60]. Des études additionnelles indiquent que les amphibiens se développant en milieu terrestre sont également vulnérables au Roundup et plus particulièrement à l’un de ses composants, le POEA (Polyoxyéthylèneamine) qui est un agent tensioactif[61] - [62] mouillant (favorisant la dispersion des gouttelettes sur les plantes traitées) et non pas un pesticide.

Des annĂ©es 1950 aux annĂ©es 1970, les populations d'amphibiens de la rĂ©gion mĂ©diterranĂ©enne, dĂ©jĂ  très touchĂ©es par les destructions d'habitats, peuvent ĂŞtre fortement affectĂ©es par l'utilisation excessive d'insecticides. Après l'Ă©pandage d'insecticides dans les marais d'Aygade par la municipalitĂ© de Hyères, 5 000 rainettes mĂ©ridionales ont Ă©tĂ© trouvĂ©es mortes le . Cette pulvĂ©risation des localitĂ©s touristiques françaises de la CĂ´te d'Azur a pratiquement Ă©liminĂ© les populations locales de triton palmĂ©, de triton marbrĂ© et de salamandre tachetĂ©e.

Dans la plaine hongroise, le crapaud commun est devenu une espèce rare dans les années 1960, ses populations ayant souffert d'un recours croissant aux herbicides[63].

Formule chimique développée du DDT

En Angleterre, de 1965 à 1970, les populations de grenouilles se sont réduites dramatiquement dans les comtés d'Essex, du Surrey et du Kent principalement en raison de la pulvérisation au DDT des étangs et fossés[64]. Dans ce pays, le déclin de la grenouille rousse est également attribué à l'utilisation d'un herbicide[65].

Nitrates : Dans les années 1990, des chercheurs réunissent divers indices d'écotoxicité des engrais à base de nitrates sur les larves et adultes d'amphibiens[66]. Certaines espèces comme Rana temporaria ou Bufo bufo sont susceptibles d'y être directement exposées car vivant souvent à proximité de zones cultivées[67]. Cependant, en 1999 une étude confirme que la pollution par les nitrate est finalement déjà très généralisée : 20 % environ des bassins des états et des provinces bordant les Grands Lacs présentaient des teneurs en nitrates supérieures à celles qui peuvent causer des anomalies du développement et d'autres effets sublétaux chez les amphibiens, et 3 % une teneur en nitrates suffisante pour les tuer[14], et de nombreux composés azotés sont diffusés par l'homme dans l'environnement des amphibiens. À la fin des années 1990, on cherche à mieux comprendre leurs effets toxicologiques respectifs, et d'éventuels effets synergiques[68] - [69]. Les concentrations de nitrates requises pour tuer 50 % de têtards de certaines espèces d'amphibiens (études faites en Amérique du Nord) sont de 13 à 40 parties par million (ppm)[70]. De faibles concentrations (de 2 à 5 ppm) ont chez certaines espèces d'amphibiens des effets chroniques : nage réduite, malformations au cours du développement[70].

L'exposition de têtards à des nitrates affectent le développement de ces larves, mais aussi le comportement des futurs adultes[71].

Ils peuvent agir synergiquement avec l'atrazine notamment sur le développement des larves[72] notamment au moment de la métamorphose du têtard aquatique en petit adulte terrestre[73].

Pesticides : Ils s'étendent bien au-delà des zones cultivées, jusqu’à des zones vierges de toute activité humaine, comme on a pu l’observer dans le Parc national de Yosemite en Californie et ailleurs dans de nombreuses analyses de pluies. Outre l'empoisonnement direct par les pesticides (insecticides en particulier, souvent mortellement dangereux pour d'autres animaux à sang froid que les insectes), ces produits chimiques peuvent agir comme perturbateurs endocriniens. Ils imitent les hormones naturelles et peuvent produire de subtils effets sublétaux. Par exemple, certaines substances chimiques imitent l'œstrogène et empêchent les jeunes mâles de se développer normalement[14]. L'atrazine, mise sur le marché en 1958, est connue pour augmenter des maladies d'origines fongiques et virales chez les amphibiens depuis les années 1990. Elle entraîne un effet immunosuppresseur de 20 % sur certaines larves de salamandre lorsqu'elle est combinée à un engrais tel que le nitrate de sodium[74].

Acidification : Les pollutions acides sont nombreuses dans l'environnement et surtout des eaux. Les pluies acides, ou neiges acides dans le nord, ne menacent souvent pas directement les amphibiens qui sont capables de survivre dans des eaux passablement acides (pH 4), mais elles tuent certains insectes qui constituent leurs proies et pourraient favoriser certaines pathologies. De plus elles favorisent la circulation et la bioassimilation de métaux lourds autrement piégés dans le sol ou dans ses complexes argilo-humiques[14].

Ozone troposphérique : Plusieurs études ont montré qu’une exposition à la pollution par l’ozone troposphérique pouvait également être un facteur contribuant au déclin mondial des amphibiens[75].

L'effet de la pollution chimique est probablement souvent synergique, et peut être sous-estimé pour les doses sub-léthales et leurs effets différés : la mort d'adultes peut en effet survenir seulement au cours de la saison de reproduction du fait de la mobilisation de toxiques liposolubles stockés l'été précédent en consommant des aliments contaminés, ou ce sont les qualités physiques des générations suivantes qui peuvent être affectées, à la suite de l'exposition de larves à des perturbateurs endocriniens par exemple.

Parasites et maladies Ă©mergents

Le Bufo baxteri (crapaud du Wyoming), relativement commun en 1950, a connu un déclin très aigu dans les années 1970 et on le croyait éteint en 1980. Il a été redécouvert en 1987 au bord du lac Mortenson. L'UICN le décrit comme éteint à l'état naturel[76].

Beaucoup de pathologies sont reconnues comme facteurs responsables du déclin des populations d’amphibiens ou du moins responsables de morts massives d’individus. Parmi elles, citons la maladie dite « des membres rouges » (traduction littérale de l'anglais : red-leg disease) (provoquée par la bactérie Aeromonas hydrophila)[77], la nécrose hématopoïétique épizootique[78] (groupe des Iridoviridae) provoquée par les Ranavirus ainsi que d'autres maladies mal connues comme la Anuraperkinsus[79] et la chytridiomycose[78] aux États-Unis. On ne sait pas formellement pourquoi ces maladies ont touché si soudainement les populations d’amphibiens, mais on pense qu’elles ont pu être disséminées par l’Homme, notamment en relation avec l'importation de poissons rouges, ou encore qu’elles étaient des maladies animales initialement bénignes et devenues plus virulentes en conjonction avec d’autres facteurs environnementaux. Le déplacement de spécimens d'amphibiens, voire de poissons, même à titre conservatoire devient donc dangereux et des mesures prophylactiques sont prises pour éviter que ces maladies ne se diffusent[80]

Trématodes

Des parasites appelés trématodes (embranchement des Plathelminthes) interviennent dans le développement d’anomalies chez les Amphibiens, et donc dans leur déclin[81]. Ces Trématodes, du genre Ribeiroia, ont un cycle de vie complexe puisqu’ils affectent successivement trois types d’espèces-hôtes. Les trématodes affectent tout d’abord certaines espèces aquatiques de gastéropodes pulmonés (escargots). Puis, arrivés au stade larvaire, ils se transmettent aux têtards où les métacercaires (larves) enkystées s'insinuent à l’intérieur des bourgeons de membres, ce qui engendre des anomalies post-métamorphiques chez les grenouilles adultes, à savoir l’absence de membres ou au contraire la présence de membres supplémentaires[12]. Ces anomalies affectent gravement la vulnérabilité des amphibiens par rapport à leurs prédateurs, et notamment aux oiseaux des zones humides, derniers hôtes des Trématodes.

Chytridiomycose
Anoure mort de Chytridiomycose

En 1998, les équipes scientifiques ayant mené des recherches sur les causes de la mortalité à grande échelle d’amphibiens en Australie et en Amérique centrale sont arrivées aux mêmes conclusions : une espèce fongique pathogène qui n’avait jamais été décrite auparavant, Batrachochytrium dendrobatidis, était responsable d’infections mortelles[82]. On sait aujourd’hui que la plupart des extinctions des espèces de ces régions sont liées à ce champignon, lequel appartient à une famille de micro-organismes saprophytes connue sous le nom de Chytrides (Chytridiomycota) et qui, en règle générale, n’ont pas de propriétés pathogènes.

Cette maladie engendrée par Batrachochytrium dendrobatidis est appelée chytridiomycose. Les grenouilles infectées présentent des troubles neurologiques[78], des lésions cutanées et une hyperkératose[78], qui provoquent peu à peu l’impossibilité de respirer par la peau[83], et à terme la mort de l’animal. Des études expérimentales ont montré que le temps écoulé entre l’infection et la mort était de une à deux semaines.

Des recherches subséquentes ont montré que le champignon est présent en Australie depuis le milieu des années 1970[84] et en Amérique du Nord depuis 1974 sur Rana pipiens[85]. Il est présent en Espagne depuis la fin des années 1990[85]. Il a également été découvert en Allemagne sur des NAC amphibiens[85]. La première description connue de l’infection chytrique chez les Amphibiens a été faite chez une grenouille africaine, le Dactylère du Cap. Comme ces dernières sont vendues en animaleries et utilisées dans des laboratoires du monde entier, il est possible que le champignon se soit transmis depuis l’Afrique jusqu’aux Amériques et à l’Australie. En Australie, en 2006, il touchait 22 % des espèces[84].

Bactérie Aeromonas hydrophila

Aeromonas hydrophila est répartie sur l'ensemble des eaux douces ou peu salines de la planète[77]. Les Aeromonas hydrophila sont plus abondantes au cours des saisons chaudes mais capables de se multiplier dès que les températures sont supérieures à 5 °C. Chez les amphibiens ces souches provoquent une flaccidité des muscles, des hémorragies, des ulcérations cutanées et parfois une septicémie foudroyante[77]. Elles ne sont pas seulement pathogènes pour les grenouilles, mais aussi pour les poissons, tortues, mammifères.

Il existe en fait plusieurs dizaines de souches d’Aeromonas hydrophila, dont A. h. subsp. hydrophila et A. h. subsp. ranae sont mortelles pour les amphibiens. Plusieurs études ont montré le potentiel d'effets interactifs ou synergétiques entre les pesticides et l’A.h., sur la réduction des populations[86].

Une des souches a été repérée pour la première fois chez Rana muscosa, dans le Parc national Kings Canyon en Californie. On pense qu’elle est responsable des morts massives de Rana muscosa en 1979[87], de même que de celles du Bufo boreas (Crapaud de l'ouest ou boréal)[88].

La nécrose hématopoïétique épizootique

La nécrose hématopoïétique épizootique est une infection virale causée par un Iridoviridae[89], un virus à ADN. On pense que certains d'entre eux sont responsables ou coresponsables de taux de mortalité extrêmement élevés et localisés d'amphibiens comme sur une espèce de salamandre en 1995-1996, la plaçant en danger d'extinction[90]. En 1997 et 1998, des virus de cette famille ont provoqué la mort de salamandres tigrées et de Rana sylvatica en Saskatchewan et de salamandres tigrées au Manitoba[90] - [14].

RĂ©chauffement climatique

Anomalies de la température moyenne au cours de la période 1995 - 2004.

Une grande quantité d’écosystèmes sont détruits à un rythme accru, diminuant la disponibilité d'habitats naturels. Outre le fait que la pollution atmosphérique affecte directement ou indirectement les amphibiens très sensibles aux toxines, elle provoque également un réchauffement de la planète par effet de serre particulièrement nocif. En effet, la perméabilité de leur peau, la dualité aquatique-terrestre de leur cycle de vie biphasique et leurs œufs dépourvus de coquille protectrice les rendent extrêmement vulnérables même aux faibles écarts de température et d’hygrométrie[91].

La compréhension des mécanismes inhérents aux hypothèses de changement climatique présente une complexité majeure. Le changement climatique peut affecter une région directement ou bien engendrer une série d’événements successifs et avoir ainsi un effet indirect sur une région éloignée du foyer des anomalies climatiques[92]. Ainsi les hypothèses de changement climatique sont-elles intrinsèquement complexes car elles peuvent affecter les individus et les populations directement, ou bien indirectement en prenant dans ce cas parfois des années voire des décennies avant de se manifester[93]. Parmi les effets du réchauffement planétaire, nous pouvons citer, par exemple, la croissance ou la reproduction prématurée des individus de certaines espèces d’amphibiens vivant en climats tempérés[94] - [95], qui se retrouvent ainsi confrontés à un environnement hostile (absence de nourriture, ...), caractéristique de saisons plus froides pendant lesquelles ils sont censés hiberner.

Une série d’études menées dans des environnements tropicaux a prouvé l’existence d’une relation de cause à effet entre irrégularités climatiques et déclins populationnels. Au Brésil, on a décrit l’extinction de 5 espèces de crapauds, conséquence d’une série de gelées[96]. On a également détecté, toujours au Brésil, que les déclins des populations d’amphibiens pouvaient être reliés à des hivers plus secs[97]. À Porto Rico, on a également prouvé les connexions existant entre le dramatique déclin de la population d’Eleutherodactylus coqui (en espagnol Coquí) et le nombre croissant de longues périodes de sécheresse[98] (caractérisées par un niveau de précipitations inférieur à mm). De la même manière, on a pu clairement relier l’extinction de l'Incilius periglenes (Sapo de Monteverde, crapaud doré) de Monteverde, et le déclin d’autres espèces d’amphibiens de la région, avec les irrégularités fréquentielles de l’indice d’hygrométrie du brouillard ambiant des forêts tropicales de Monteverde[99].

D’autres études ont montré la réduction, durant les périodes de grande sécheresse, de la profondeur des mares dans lesquelles certaines espèces d’amphibiens déposent leurs œufs. Cette diminution de profondeur d'eau engendre une plus forte exposition des embryons aux rayons UV-B, ce qui augmente la vulnérabilité aux maladies comme celle due au champignon Saprolegnia ferax qui provoque la mort des œufs[100] - [101] - [102]. Leur patrimoine génétique est alors altéré et leur système immunitaire déficient. Dans certaines mares où le niveau de l'eau est trop bas, la mortalité des embryons atteint 100 %. La diminution des réponses immunitaires chez les amphibiens entraîne également une plus grande sensibilité aux attaques de parasites comme le ver nématode Ribeiroia ondatrae, de champignons (dont Batrachochytrium dendrobatadis identifié en 1998 et provoquant de lésions de la peau) ou encore de virus du type Ranavirus[103].

Radiations UV-B

Les niveaux de radiation UV-B dans l’atmosphère ont augmenté de manière significative au cours des dernières décennies. Les chercheurs ont montré que les radiations UV-B peuvent tuer les amphibiens directement, en agissant conjointement avec la pollution, les agents pathogènes et le changement climatique, pour causer chez eux des effets secondaires comme des retardements de croissance ou des dysfonctionnements immunitaires, entraînant leur mort et donc leur déclin.

Il existe trois types de radiations ultraviolettes: les UV-A (de longueur d’onde comprise entre 315 et 400 nm) ; les UV-B (entre 280 et 315 nm) et les UV-C (entre 200 et 280 nm). La majoritĂ© des biomolĂ©cules n’absorbent pas les radiations de longueurs d’onde Ă©quivalentes Ă  celles des UV-A, et une grande partie de la radiation UV-C est absorbĂ©e par l’ozone stratosphĂ©rique (couche d'ozone). Ne restent que les radiations UV-B, qui, Ă  forte dose, ont des effets particulièrement nocifs sur les organismes vivants.

Minima annuels de niveau d'ozone enregistrés par le Total Ozone Mapping Spectrometer au niveau du trou de la couche d'ozone situé au-dessus du continent antarctique

La radiation UV-B, à la suite du réchauffement climatique et de l'amincissement de la couche d’ozone stratosphérique, a augmenté de façon notable. Les amphibiens sont extrêmement vulnérables à la radiation UV-B du fait que leurs œufs sont dépourvus de coquille protectrice et que leur peau, chez les spécimens adultes comme chez les têtards, est fine et délicate. Il est hautement probable que cette augmentation de la radiation UV-B contribue de manière significative au déclin des amphibiens[104].

Des recherches menées sur plus de dix espèces d’amphibiens ont montré qu’une enzyme, la photolyase, était capable de réparer les dommages causés à l’ADN par les radiations UV-B. Des expériences faites en laboratoire sur des œufs de la salamandre Ambystoma gracile ont prouvé leur vulnérabilité aux radiations UV-B[105]. Il est probable que les espèces d’amphibiens disposant d’une importante activité enzymatique (de type photolyase) peuvent réparer les dommages causés à l’ADN par l’exposition aux UV-B de manière plus efficace que d’autres espèces ayant une faible activité enzymatique de ce type[101].

Difformités et malformations

On a noté depuis quelques années une augmentation des observations de difformités ou de malformations dans les populations naturelles d’amphibiens ; ce phénomène a récemment été classé parmi les plus importants problèmes environnementaux[106].

Au cours de l’été 1995, un rapport établi par un professeur d’une école de Le Sueur, Minnesota, à propos des déformations rares chez la grenouille léopard, a mené à l’ouverture d’une enquête par l’Agence de contrôle de la pollution du Minnesota, laquelle a montré que 30 % à 40 % des grenouilles présentes sur le lieu des observations présentaient des malformations. Par la suite, les biologistes ont compris que ces anomalies n’étaient pas circonscrites au Minnesota, et que l’on décrivait ce genre de malformations (grenouilles et tritons avec plus de quatre pattes ou seulement deux) chez des amphibiens du monde entier (près de 80 % dans les secteurs les plus touchés)[107].

Il y a déjà eu de grands débats sur les malformations survenues chez les amphibiens dans leur milieu naturel au cours desquels on s’est rendu compte qu’il était difficile d’en déterminer les causes. Il est relativement aisé de provoquer des malformations sur des embryons élevés en laboratoires, mais celles-ci ne correspondent pas toujours à celles qui sont observées dans la nature[108]. Par ailleurs, on ne sait pas vraiment si le taux de malformations observées chez les amphibiens a réellement augmenté au cours des dernières années, ou si l’augmentation du nombre d’observations est due tout simplement à la plus grande attention portée à ce sujet[109].

Malgré ces incertitudes, les malformations sont vues comme le résultat de causes multiples, qui ne se lient pas toutes aux dommages causés à l’environnement par les activités humaines[110]. L’hypothèse principale impute l’augmentation du nombre de malformations chez les amphibiens à une augmentation des niveaux de radiations ultraviolettes (UV), du taux de pollution chimique et des parasitoses.

Stratégies de conservation

Distribution globale des espèces d'Amphibiens

Le Global Amphibian Assessment[111] a créé un plan d’action pour la conservation des amphibiens[112]. Ce plan s’articule autour de quatre objectifs à très court terme : l'amélioration de la compréhension des causes des déclins populationnels et des extinctions ; la diffusion d'informations sur la diversité biologique des Amphibiens et sur les changements qu’elle connaît ; le développement et l'implémentation de programmes de conservation sur le long terme ; l'apport de réponses d’urgence aux crises actuelles.

Voici quelques-uns des moyens pouvant renverser, atténuer ou prévenir le déclin des populations d’amphibiens :

  • protection des habitats naturels : La perte et la dĂ©gradation des habitats naturels affectent 90 % des espèces d’amphibiens menacĂ©es. La majoritĂ© d’entre eux ont besoin de mesures de conservation de leur habitat pour s’assurer de pouvoir survivre. Par consĂ©quent, la sauvegarde d’habitats-clĂ©s oĂą les amphibiens menacĂ©s peuvent vivre et se reproduire en sĂ©curitĂ© est la prioritĂ© la plus urgente pour la survie de beaucoup d’espèces. Plusieurs types de mesures sont souvent prises comme :
    • responsabilisation des agriculteurs avec versement de primes pour le maintien des zones humides et pour l'arrĂŞt de l'usage de pesticides et herbicides[113]. Supprimer les amĂ©nagements humains comme les plantations d'arbre le long des zones humides et restauration des berges[113],
Un crapauduc en Allemagne.
  • Ă©levage en captivitĂ© : Des programmes d’élevage en captivitĂ© de certaines espèces menacĂ©es sont mis en place en ce moment dans les parcs zoologiques. Les espèces ainsi Ă©levĂ©es pourront ĂŞtre ultĂ©rieurement rĂ©introduites dans leur environnement naturel mĂŞme s'il se pose aujourd’hui un problème important de reproductibilitĂ© dans les Ă©levages après plusieurs annĂ©es sans que l'on comprenne pourquoi[38] ;
  • rĂ©introduction : Il existe des programmes de rĂ©introduction d’amphibiens menacĂ©s Ă©levĂ©s en captivitĂ© puis relâchĂ©s dans leur milieu naturel dans l’espoir de l’établissement de nouvelles populations. L’objectif des rĂ©introductions est d’assurer le retour dans leur milieu naturel d’espèces d’amphibiens en dĂ©clin, par un apport d’individus plus viables et protĂ©gĂ©s (car Ă©levĂ©s en parc zoologique). En effet, la seule diminution des menaces environnementales pesant sur les habitats ne suffit pas toujours Ă  contrebalancer le dĂ©clin des populations ;
  • opĂ©rations de retrait des espèces introduites : Ce type de projet est mis en place dans les endroits oĂą les espèces introduites menacent les espèces endĂ©miques, ce qui permet d’obtenir le maintien et la lente rĂ©cupĂ©ration des populations d’amphibiens de la zone ;
  • surveillance des populations : Le dĂ©clin a Ă©tĂ© si rapide pour certaines populations, comme la Grenouille lĂ©opard dans l'Alberta dont les effectifs ont pratiquement disparu en une annĂ©e seulement[115], qu'il est vital de pouvoir prendre des mesures immĂ©diates.

L'organisation de la protection

C'est la Global Amphibian Assessment, une organisation issue de l'UICN, qui a essayé de dresser un bilan au début des années 2000, concernant les causes de disparition. Cette volonté a débouché sur une étude[12] qui étudiait trois zones protégées où la disparition « énigmatique » d’espèces a été enregistrée : le parc national de Yosemite, la réserve de Monteverde et le parc national d'Eungella. D'autres ont suivi, offrant des conclusions similaires, un déclin rapide et important.

Le , des scientifiques du monde entier se sont rĂ©unis Ă  Atlanta, aux États-Unis, pour donner naissance Ă  un groupe dĂ©nommĂ© Amphibian Ark, dans l’optique de sauver plus de 6 000 espèces d’amphibiens de l’extinction possible causĂ©e par la chytridiomycose[116]. Cet organisme est un partenariat entre l'Association mondiale des zoos et des aquariums membre de l'UICN et plusieurs sections pour la conservation des espèces de l'UICN dont celle des amphibiens[117]. Le but de l'Ark est d'aider ses partenaires pour une conservation ex-situ et de protĂ©ger les sites naturels. Une autre de ses attributions est d'identifier les taxons rĂ©ellement en danger puisqu'il existe une incertitude de menace sur près de 23 % des espèces[4]. Enfin, l'Ark organise des campagnes de presse Ă  destination des pouvoirs publics et de la population pour faire prendre conscience du danger de l'extinction massive qui pèse sur les amphibiens, comme la campagne Year of the frog qui sera lancĂ©e en 2008.

État actuel des populations d'amphibiens

Distribution mondiale des espèces d'amphibiens en danger

Grâce aux données obtenues par le Global Amphibian Assessment, jusqu’au début de l’année 2006, l'UICN estime[5] que :

  • Près d'un tiers (32 %) des espèces d'amphibiens sont en danger d'extinction, ce qui reprĂ©sente 1 896 espèces. En comparaison, 12 % des espèces d'oiseaux et 23 % des espèces de mammifères sont menacĂ©es.
  • Plus de 165 espèces d'amphibiens seraient dĂ©jĂ  Ă©teintes, parmi lesquelles on retrouve :
    • 34 espèces d'amphibiens dĂ©sormais irrĂ©mĂ©diablement Ă©teintes,
    • 1 espèce Ă©teinte dans son environnement naturel,
    • au moins 130 autres espèces dont on a perdu toute trace au cours des dernières annĂ©es et qui sont maintenant probablement Ă©teintes.
  • Au moins 43 % de toutes les espèces d'amphibiens prĂ©sentent un dĂ©clin continuel de leurs populations, ce qui indique que le nombre d'espèces menacĂ©es va probablement augmenter dans l'avenir. Par opposition, moins de 1 % des espèces d'amphibiens prĂ©sentent une augmentation de leurs populations.
  • Bien que la destruction des habitats naturels soit clairement la menace la plus importante pour les amphibiens, on a encore rĂ©cemment dĂ©tectĂ© l'existence d'une maladie causĂ©e par l'exposition aux fumigateurs et affectant sĂ©rieusement un nombre croissant d'espèces. Ce qui est peut-ĂŞtre le plus perturbant, c'est le fait que de nombreuses espèces d'amphibiens sont en dĂ©clin pour des raisons encore inconnues, ce qui complique les efforts faits pour concevoir et mettre en place des stratĂ©gies effectives de conservation.

Annexes

Bibliographie

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Sources

Notes

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