Grenouille rousse
Rana temporaria
La Grenouille rousse, Rana temporaria, est une espÚce d'amphibiens de la famille des Ranidae[1]. Certains considÚrent Rana honnorati comme une espÚce distincte de Rana temporaria[2]. Comme tous les amphibiens[3] cette espÚce est en régression (accélérée depuis quelques décennies) et a disparu d'une partie de son aire naturelle de répartition.
Description
Rana temporaria mesure[4] de 50 Ă 65 mm en plaine, et Ă haute altitude de 70 Ă 80 mm chez le mĂąle et 75 Ă 85 mm chez la femelle (au maximum 100 mm). La femelle est plus grosse que le mĂąle.
Son corps est trapu, le museau fortement arrondi chez les vieux spĂ©cimens (Ă la diffĂ©rence de la grenouille agile qui a le museau plutĂŽt pointu), un Ćil dorĂ© Ă la pupille horizontale, un tympan en gĂ©nĂ©ral bien visible, de la mĂȘme taille ou plus petit que lâĆil, inclus dans une longue tache temporale sombre se prolongeant au-delĂ de lâĆil jusqu'Ă la narine. Elle possĂšde deux lignes bien marquĂ©es sur le dos, formĂ©es par des replis latĂ©raux-dorsaux qui de maniĂšre caractĂ©ristique se rapprochent au milieu du dos (fig. 2). Le mĂąle possĂšde un sac vocal interne qui produit parfois sur la gorge un reflet bleuĂątre.
Les jambes sont courtes c'est-à -dire qu'en rabattant la jambe vers l'avant, le talon dépasse rarement le bout du museau[5]. Elles sont marquées de barres transversales sombres. Les palmures ne dépassent pas la moitié des orteils.
La coloration du corps est extrĂȘmement variĂ©e. En gĂ©nĂ©ral, le dessus du corps est de couleur jaune-rouge Ă brun-noir, gĂ©nĂ©ralement avec des taches sombres, parfois orange ou rouges. Entre les Ă©paules, se dessine souvent une marque sombre, glandulaire, en forme de chevron ⧠(fig. 1, 2) et sur le dos, des taches noires, plus Ă©tendues que chez toute autre grenouille brune. La grenouille rousse est capable par mimĂ©tisme de changer lĂ©gĂšrement sa coloration en contractant ou dilatant des cellules Ă pigment noir situĂ©es sous la peau.
La peau des flancs est généralement mouchetée ou marbrée. Le dessous est gris-blanchùtre chez le mùle, et tacheté ou voilé de rouge chez la femelle. La gorge est généralement traversée d'une bande centrale claire. Il a été montré que cette espÚce (comme tous les amphibiens probablement) produit des molécules (peptides) antibiotiques [6].
Les mùles reproducteurs ont un aspect flasque, une gorge blanc pur ou bleutée, une teinte générale grisùtre et sont dotés de bras robustes. Ils portent des callosités nuptiales marron foncé ou noires sur les pouces (fig. 3). Les femelles sont donc plus grosses, voire dodues, plus claires que les mùles et sans callosités foncées aux pouces. à la saison de la reproduction, elles présentent des granules perlés sur leurs flancs et leurs jambes.
Distribution et habitat
- RĂ©partition :
Cette espÚce poïkilotherme[7] - [8] se rencontre du niveau de la mer jusqu'à 3 000 m d'altitude [5] en Europe : du nord de l'Espagne, du nord de l'Italie et du nord de la GrÚce jusqu'au nord de la Scandinavie et à l'ouest de la Sibérie et au nord du Kazakhstan.
Rana temporaria est la grenouille brune (genre Rana) la plus rĂ©pandue en Europe. Elle est largement rĂ©pandue dans le nord de la France et en Belgique, avec des lacunes en Aquitaine, Provence et en Corse[4]. Au sud de l'Ăle-de-France, elle est surtout commune sur les reliefs (Morvan, Massif central, PyrĂ©nĂ©es, au-dessus de 500 m).
- Habitat :
La grenouille rousse est l'amphibien qui atteint les altitudes les plus hautes en France : 1 600 m dans le Jura, 1 800 m dans le Massif central, 2 800 m dans les Alpes et 2 600 m dans les PyrĂ©nĂ©es. Elle vit dans n'importe quel type d'habitat humide : bois (orniĂšres des chemins forestiers, mares), landes, dĂ©pressions prairiales, terres cultivĂ©es, parcs et jardins. D'aprĂšs une Ă©tude des sites de reproduction de Rana temporaria en Deux-SĂšvres et Charente-Maritime[9], plus de 90 % des pontes se trouvent au sein de milieux aquatiques temporaires et pour la plupart, avec des hauteurs dâeau infĂ©rieures Ă 30 cm.
Dans le nord, elle préfÚre les milieux terrestres et ne retourne à l'eau que pendant les périodes de reproduction et d'hivernage[5]. Dans le sud, elle peut rester à proximité des mares et des ruisseaux. Elle est trÚs présente en montagne.
Mode de vie
La grenouille rousse est active de jour comme de nuit mais elle reste cachée les jours de forte chaleur. La vie de l'adulte est caractérisée par des migrations entre trois habitats : le site de ponte aquatique au printemps, le site d'alimentation l'été et le site d'hibernation.
- Alimentation :
Elle se nourrit d'arthropodes comme des petits insectes ou crustacĂ©s, d'arachnides, mais aussi de mollusques (limaces), de vers de terre et de larves d'amphibiens. Elle capture ses proies en lançant sa langue gluante sur eux. Une Ă©tude ayant comparĂ© (sur un mĂȘme territoire) son contenu stomacal avec celui du lĂ©zard Lacerta vivipara a montrĂ© qu'elle avait une nourriture plus variĂ©e que lui[10].
- Hibernation :
Durant les quatre mois d'hiver, elle hiberne, sous une souche ou en s'envasant dans le fond d'un ruisseau ou d'une riviĂšre. En gĂ©nĂ©ral, ce sont les mĂąles qui sâinstallent au fond des points d'eau pour ĂȘtre les premiers occupants le printemps venu. Ils y restent immobiles, pour rĂ©duire leurs besoins vitaux au maximum. La respiration se fait Ă travers la peau. Les femelles hibernent souvent sous des feuilles, des rochers, des souches, dans des sols dĂ©trempĂ©s.
Reproduction
à la sortie de l'hibernation, en janvier-février (et beaucoup plus tard en montagnes), les grenouilles rousses migrent en masse, la nuit, vers leur site de reproduction. Elles peuvent parcourir un ou deux kilomÚtres. L'accouplement et la ponte se déroulent sur une période pouvant aller de 15 jours à beaucoup plus dans les régions méridionales, entre janvier-février et avril, selon l'avancement de la végétation et l'altitude. L'effet du réchauffement climatique s'est fait aussi sentir puisqu'un suivi[11] durant 23 ans de sites de ponte en Bretagne a montré que le début des pontes s'était avancé de 27 jours entre 1984 et 2007. Mais l'effet le plus perturbateur a été la vague de chaleur de 2003 qui a réduit dangereusement le taux de fécondité de l'année suivante.
Les sites de reproduction sont en général des piÚces d'eau stagnante (mares, fossés, orniÚres forestiÚres), des dépressions inondables, des ruisseaux.
Les mĂąles se rassemblent Ă la surface de l'eau et commencent Ă chanter en chĆurs la nuit pour attirer les femelles. Le coassement est un ronronnement sourd, semblable bruit d'un train. Ces chants s'entendent la nuit et le jour au moment des grandes frĂ©nĂ©sies, ils ne sont pas toujours trĂšs audibles de loin. Le mĂąle ne possĂšde qu'un sac vocal (qui se gonfle sous la gorge) Ă la diffĂ©rence de la grenouille rieuse qui en possĂšde deux.
Le mĂąle s'agrippe Ă la femelle de ses pattes avant et l'enserre trĂšs puissamment sous les aisselles (technique qualifiĂ©e d'amplexus axillaire). Des callositĂ©s nuptiales rugueuses disposĂ©es sur ses doigts avant l'empĂȘchent de glisser. Les couples restent en amplexus moins de 24 heures[12]. Lorsque la femelle pond ses Ćufs, le mĂąle les fertilise au fur et Ă mesure avec son sperme.
Il y a deux fois plus de mĂąles que de femelles sur les sites de reproduction. AprĂšs un accouplement, les mĂąles restent sur le point d'eau avec les autres mĂąles. Certains s'accouplent plusieurs fois durant la mĂȘme saison.
La femelle pond de 700 Ă 4 500 Ćufs[5] en amas gĂ©latineux, dĂ©posĂ©s sur le fond, sur la vĂ©gĂ©tation ou flottant Ă la surface d'eaux peu profondes. Elle quitte ensuite l'eau tandis que le mĂąle y reste plus longtemps pour s'accoupler avec d'autres femelles.
Les Ćufs bicolores se dĂ©veloppent en 1, 2 ou 3 semaines, en fonction de la tempĂ©rature ambiante et donnent naissance Ă des tĂȘtards. Ces larves se nourrissent d'algues, de dĂ©tritus, de protozoaires et de pollen.
Le dĂ©veloppement des tĂȘtards dure de deux Ă trois mois jusqu'Ă leur mĂ©tamorphose en grenouillettes. Les tĂȘtards voient leurs poumons se dĂ©velopper, leurs petites dents cornĂ©es faire place Ă une langue gluante, leur queue rĂ©trĂ©cir, quatre pattes se former, des yeux proĂ©minents apparaĂźtre.
- Durée de vie
La grenouille rousse peut vivre de 6 à 10 ans. La maturité sexuelle est atteinte vers 2-3 ans, plus tard en montagne.
- Protection
Les grenouilles rousses sont capturĂ©es pour la consommation dans l'est de la France et le sud de la Belgique. En France, la grenouille rousse est partiellement protĂ©gĂ©e par l'arrĂȘtĂ© du 19 novembre 2007 (article 4), par la directive habitats (annexe V), et par la convention de Berne (annexe III).
Etat des populations, pressions, menaces
Depuis plusieurs décennies des mortalités massives et anormales et des disparitions locales sont signalées par les naturalistes[13].
Cette espÚce est victime de la destruction, pollution (par les pesticides notamment) et fragmentation écologique d'une grande partie de ses habitats naturels. Elle pourrait éventuellement souffrir de ces effets de perturbateurs endocriniens pouvant perturber sa reproduction[14]. En 1959, on signalait déjà en Camargue qu'elle régressait plus vite que Rana ridibunda perezi[15].
Galerie photographique
- Grenouille rousse femelle (Allemagne)
- Accouplement et Ćufs flottants
- Pontes de grenouille rousse et de crapaud commun (chapelets dâĆufs noirs)
Synonymie
Au fil du temps, la grenouille rousse a été décrite sous de trÚs diverses dénominations scientifiques, parmi lesquelles on trouve notamment les suivantes :
- Rana aquatica Linnaeus, 1758
- Rana hyla Linnaeus, 1758
- Rana muta Laurenti, 1768 (nom aussi attribué à Nanorana yunnanensis)
- Rana alpina Laurenti, 1768
- Rana campanisona Laurenti, 1768
- Rana rufa LacépÚde, 1788
- Rana atra Bonnaterre, 1789
- Rana flaviventris Millet de la TurtaudiĂšre, 1828
- Rana temporaria var. canigoensis Boubée, 1833
- Rana glacialis Boubée, 1833
- Rana scotica Bell, 1839
- Rana platyrrhinus Steenstrup, 1846
- Rana temporaria var. typus Koch, 1872
- Rana temporaria var. montanus Koch, 1872
- Rana temporaria var. maximus Koch, 1872
- Rana temporaria var. verrucosus Koch, 1872
- Rana temporaria var. cinereus Koch, 1872
- Rana temporaria var. gracilis Koch, 1872
- Rana temporaria var. acutirostris Fatio, 1872
- Rana temporaria var. obtusirostris Fatio, 1872
- Rana fusca honnorati HerĂłn-Royer, 1881
- Rana honnorati HerĂłn-Royer, 1881
- Rana muta var. subconcolor Camerano, 1884 "1883"
- Rana muta var. flavomaculata Camerano, 1884 "1883"
- Rana muta var. nigroguttata Camerano, 1884 "1883"
- Rana muta var. atra Camerano, 1884 "1883"
- Rana fusca var. longipes MĂŒller, 1885
- Rana temporaria parvipalmata LĂłpez-Seoane, 1885
- Rana temporaria var. marmorata Werner, 1897
- Rana temporaria var. entzi Werner, 1897
- Rana méhelyi Bolkay, 1912 "1911"
- Alytes grandis Brunner, 1957
- Rana aragonensis Palanca-Soler, Vieites & MartĂnez-SuĂĄrez, 1995
- TĂȘtard de grenouille rousse
- TĂȘtard de grenouille rousse (grands) et de crapaud commun (Bufo bufo)
- Le dĂ©veloppement des tĂȘtards
Publication originale
- Linnaeus, 1758 : Systema naturae per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis, ed. 10 (texte intégral).
Liens externes
- (en) Référence Amphibian Species of the World : Rana temporaria Linnaeus, 1758 (consulté le )
- (en) Référence AmphibiaWeb : espÚce Rana temporaria (consulté le )
- (en) Référence Fauna Europaea : Rana temporaria Linnaeus, 1758 (consulté le )
- (fr) Référence INPN : Rana temporaria Linnaeus, 1758 (TAXREF) (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Rana temporaria Linnaeus, 1758 (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Rana temporaria (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence uBio : site déclaré ici indisponible le 7 avril 2023
- (en) Référence UICN : espÚce Rana temporaria (consulté le )
Bibliographie
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Notes et références
- Amphibian Species of the World, consulté lors d'une mise à jour du lien externe
- Voir commentaire sur EuroHerp
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- Archives internationales de physiologie - Volume 26 p. 7
- Laurent Touchart, Limnologie physique et dynamique: une géographie des lacs et des étangs, L'Harmattan, 2002, p. 297
- Pierre Grillet, Jean-Marc Thirion et FrĂ©dĂ©ric Beau, « Paysage et biotopes de reproduction de la Grenouille rousse Rana (Rana) temporaria temporaria LinnĂ©, 1758 en Deux-SĂšvres et en Charente-Maritime », Zamenis, no 10,â (lire en ligne)
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