Rana dalmatina
Rana dalmatina ou grenouille agile est une espÚce d'amphibiens de la famille des Ranidae[1]. Comme d'autres grenouilles, elle est parfois appelée grenouille pisseuse[2], car elle peut vider son cloaque lorsqu'on la manipule.
- Rana agilis Thomas, 1855
- Rana gracilis Fatio, 1862
- Rana agiloides Brunner, 1951
- Rana muelleri Brunner, 1959
C'est une grenouille brune, comme le sont en Europe la grenouille des champs Rana arvalis ou la grenouille rousse Rana temporaria.
Description
La grenouille agile[3] - [4] mesure de 45 à 65 mm (au maximum 8 cm). La femelle est légÚrement plus grosse que le mùle.
C'est une grenouille Ă l'aspect Ă©lancĂ©, au museau plutĂŽt long et pointu (vu de profil), aux pupilles ovales horizontales. Le masque temporal, ce bandeau sombre s'Ă©tendant du bout du museau Ă l'arriĂšre du tympan, est toujours bien visible. Le tympan est trĂšs grand, de la taille de lâĆil. Les glandes parotoĂŻdes sont absentes ou indistinctes.
Les membres postérieurs sont longs ou trÚs longs (en rabattant la jambe vers l'avant, le talon dépasse, parfois fortement, le bout du museau, fig. 2), à la différence de la grenouille rousse. La palmure est moyenne. Les jambes sont réguliÚrement barrées.
La peau dorsale est lisse avec de petites glandes aplaties. Les replis latĂ©raux-dorsaux, deux lignes bien marquĂ©es sur les flancs, sont bien marquĂ©s et parallĂšles. Ils peuvent ĂȘtre parfois interrompus. Parfois une marque en forme de chevron ⧠se dessine entre les Ă©paules, comme pour la grenouille rousse.
La coloration est peu variable. La face supérieure du corps a la couleur des feuilles mortes : brun roussùtre ou grisùtre plus ou moins foncé, uniforme ou légÚrement tachetée de sombre. Chez l'adulte reproducteur, dans l'eau, elle est presque noire. Les individus sombres peuvent avoir des stries foncées sur les cÎtés de la gorge. La face inférieure va du blanc nacré au jaunùtre ou rosùtre.
Le mùle reproducteur possÚde des callosités nuptiales grisùtres. Il ne possÚde pas de sac vocal[3].
Distribution et habitat
- RĂ©partition :
La grenouille agile est une espÚce européenne dont l'aire de répartition s'étend en zones morcelées entre le Sud de la SuÚde, le Pays basque espagnol, l'Ouest de l'Ukraine et le Nord de la Turquie.
Elle est répandue[3] partout en France sauf sur les hauts reliefs montagneux et une partie du nord-est. Elle est présente dans le Bassin aquitain, jusqu'à 500 m d'altitude. à de plus hautes altitudes, elle laisse la place au domaine de la grenouille rousse.
- Habitat :
La grenouille agile est principalement une espÚce de plaine. Elle ne dépasse pas 570 m dans les Pyrénées, 1 000 m dans le Massif central et les Alpes.
Elle est gĂ©nĂ©ralement associĂ©e aux boisements et aux fourrĂ©s. Elle est prĂ©sente dans les forĂȘts de feuillus de plaine oĂč sa coloration lui permet de se confondre avec les feuilles mortes. On la trouve aussi dans les boisements alluviaux, les bocages. Elle peut cohabiter avec d'autres amphibiens (salamandre, rainette, crapaud) mais rarement avec la grenouille rousse. Durant la pĂ©riode de reproduction, on la trouve souvent dans des milieux relativement humides, mais hors de cette pĂ©riode, elle peut frĂ©quenter des milieux secs[4].
Mode de vie
La grenouille agile est active surtout en fin d'aprÚs-midi, début de soirée et en début de matinée. En période reproductive, elle est active jour et nuit.
Sur terre, c'est une grenouille extrĂȘmement agile, capable avec ses longues pattes, de faire des bonds de plus de 2 m de long. C'est par contre, une plutĂŽt piĂštre nageuse quand elle se rĂ©fugie dans l'eau en cas de menace.
La grenouille agile est une sĂ©dentaire[5], vivant sur un petit territoire d'environ 40 m2, explorĂ© en une nuit. Le point d'eau nuptial et le terrain de chasse sont sĂ©parĂ©s d'environ 200 m mais peut atteindre parfois 1 km. Seuls les jeunes sont tolĂ©rĂ©s sur le territoire tant qu'ils ne partagent pas les mĂȘmes proies.
- Alimentation
Elle se nourrit de petits invertébrés comme des insectes (papillons, coléoptÚres, orthoptÚres, fourmis) et d'arachnides. Elle chasse à l'affût la nuit.
- Hibernation
Elle cesse son activité fin octobre ou en novembre. Son hibernation se passe à terre[3], sans doute à proximité du site de reproduction. Elle hiberne pendant 4 mois.
Reproduction
La grenouille agile sort de sa lĂ©thargie hivernale en fĂ©vrier ou au dĂ©but mars, lorsque la tempĂ©rature de l'air est d'une dizaine de degrĂ©s. Par une nuit favorable, les grenouilles agiles migrent en groupe vers le site de ponte qui est gĂ©nĂ©ralement une mare ou une zone marĂ©cageuse dans une forĂȘt oĂč elle vit le reste de l'annĂ©e. Si les conditions mĂ©tĂ©orologiques sont favorables, la reproduction est explosive c'est-Ă -dire qu'elle se dĂ©roule en peu de temps.
Les mĂąles attendent souvent les femelles au fond de l'eau d'oĂč ils font retentir un appel nuptial caractĂ©ristique. Ils Ă©mettent des sĂ©ries de "vog...vog...vog" doux et rapides, entrecoupĂ©s de silences. Ă chaque Ă©mission sonore, leur gorge se gonfle. Lorsque la plupart des individus chantent sous l'eau, leurs appels restent peu audibles pour nous Ă terre. Les coassements durent environ 15 jours. Les femelles pleines d'ovules arrivent un peu plus tard.
Le mĂąle s'approche furtivement de la femelle, lui monte sur le dos en la saisissant sous les aisselles (position d'amplexus axillaire). Il s'agrippe trĂšs fermement Ă elle grĂące Ă ses callositĂ©s nuptiales situĂ©es prĂšs du pouce. Lorsque la femelle dĂ©sire pondre, elle s'approche d'un paquet de plantes aquatiques et Ă©vacue d'un seul coup le contenu de son utĂ©rus. Le mĂąle en profite pour arroser les ovocytes de son sperme. L'amas dâĆufs, une boule gĂ©latineuse compacte, reste fixĂ© autour d'une branche ou d'un roseau, comme s'il avait Ă©tĂ© empalĂ© dessus. Il contient de 450 Ă 2 100 Ćufs. Le couple se sĂ©pare aprĂšs la ponte.
AprÚs la reproduction, les femelles sont les premiÚres à quitter mares et fossés, pour gagner le couvert des grandes herbes. Les mùles attendent encore quelques jours et essayent de s'accoupler à nouveau.
L'arrivĂ©e et le dĂ©part asynchrone des mĂąles et femelles sur le site nuptial entraĂźne un sex-ratio fortement biaisĂ© en faveur des mĂąles au dĂ©but et Ă la fin de la pĂ©riode de reproduction. Ils payent alors souvent un fort tribut[6] Ă la prĂ©dation du Putois d'Europe (Mustela putorius). Les mĂąles en surnombre entrent en compĂ©tition pour accĂ©der aux quelques femelles prĂ©sentes. Des tests gĂ©nĂ©tiques sur les tĂȘtards ont rĂ©vĂ©lĂ© une paternitĂ© multiple des pontes en dĂ©but et en fin de pĂ©riode de reproduction[7]. Cette polyandrie ne concerne toutefois que 18 % des amas dâĆufs sur l'ensemble des pontes.
Le dĂ©veloppement de l'embryon dure au moins 20 Ă 30 jours. L'Ă©closion des Ćufs donne des tĂȘtards jaune clair, tachetĂ©s de brun, avec une nageoire plus large que chez le tĂȘtard de Grenouille rousse et se terminant en pointe plus effilĂ©e[3]. Cette phase larvaire dure environ trois mois, entre mars et juillet. Les premiĂšres mĂ©tamorphoses en grenouillettes ont lieu dĂšs la mi-juin. Les jeunes de 12 Ă 16 mm Ă©migrent alors vers leur habitat terrestre qu'ils n'abandonneront qu'aprĂšs leur deuxiĂšme ou troisiĂšme hiver.
La maturité sexuelle est atteinte vers l'ùge de 3 ans. La durée de vie dans la nature est de 4 à 5 ans.
Génétique
Selon C. Guillemin qui a en 1967 publié le caryotype de cette espÚce[8], le génome de R. dalmatina est regroupé en 26 chromosomes.
Conservation et protection
La grenouille agile est bien représentée dans la plupart des massifs forestiers de plaine et ne semble pas menacée à court terme. C'est une espÚce protégée en France, inscrite à l'annexe IV de la Directive Habitats, à l'annexe II de la Convention de Berne, et classée dans les "espÚces à surveiller" de la Liste Rouge des amphibiens et reptiles de France.
Publication originale
- Bonaparte, 1839 : Iconographia della Fauna Italica per le Quattro Classi degli Animali Vertebrati. Tomo II. Amphibi. Fascicolo 26 (texte intégral).
Liens externes
- (en) Référence Amphibian Species of the World : Rana dalmatina Fitzinger, 1839 (consulté le )
- (en) Référence AmphibiaWeb : espÚce Rana dalmatina (consulté le )
- (en) Référence Fauna Europaea : Rana dalmatina Fitzinger, 1838 (consulté le )
- (fr) Référence INPN : Rana dalmatina Fitzinger in Bonaparte, 1838 (TAXREF) (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Rana dalmatina Fitzinger in Bonaparte, 1839 (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Rana dalmatina (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence uBio : site déclaré ici indisponible le 7 avril 2023
- (en) Référence UICN : espÚce Rana dalmatina (consulté le )
Notes et références
- Amphibian Species of the World, consulté lors d'une mise à jour du lien externe
- Observatoire de la Faune, de la Flore et des Habitats.
- Duguet R. et Melki F. (ed.), Les Amphibiens de France, Belgique et Luxembourg, Ă©ditions Biotope, ACEMAV coll., , 480 p..
- (fr) Nicholas Arnold et Denys Ovenden, Le guide herpéto : 228 amphibiens et reptiles d'Europe, Delachaux & Niestlé, , 287 p. (ISBN 9782603016732).
- T. LodĂ©, « Rythme d'activitĂ© et dĂ©placements chez la Grenouille agile Rana dalmatina Bonaparte 1840 dans l'ouest de la France », Bull. Soc. HerpĂ©tol. Fr., vol. 67-68,â , p. 13-22.
- T. LodĂ©, « Polecat predation on frogs and toads at breeding sites in western France », Ethology, Ecology & Evolution, vol. 8,â , p. 115-124.
- LodĂ© T, LesbarrĂšres D., « Multiple paternity in Rana dalmatina, a monogamous territorial breeding anuran », Naturwissenschaften, vol. 91, no 1,â , p. 44-47.
- Guillemin, 1967 : Caryotypes de Rana temporaria (L.) et de Rana dalmatina (Bonaparte). Chromosoma, vol. 21, no 2, p. 189-197.
Bibliographie
- Guillemin, 1967 : Caryotypes de Rana temporaria (L.) et de Rana dalmatina (Bonaparte). Chromosoma, vol. 21, no 2, p. 189-197.
- Guardabassi, 1953 : Les sels de Ca du sac endolymphatique et les processus de calcification des os pendant la mĂ©tamorphose normale et expĂ©rimentale chez les tĂȘtards de Bufo vulgaris, Rana dalmatina, Rana esculenta. Archives d'anatomie microscopique et de morphologie expĂ©rimentale, vol. 42, p. 143-167.
- Andren, Henrikson, Olsson & Nilson, 1988 : Effects of pH and aluminium on embryonic and early larval stages of Swedish brown frogs Rana arvalis, R. temporaria and R. dalmatina. Ecography, vol. 11, no 2, p. 127-135.