L’union de la Bretagne et de la France est un processus politique entamé à la fin des années 1480, à la suite de la guerre folle, culminant le avec l'édit d'Union, scellant l'annexion du duché de Bretagne par le royaume de France. Ce processus se poursuit jusqu'à la Révolution française qui met un terme à l'autonomie de la province de Bretagne par la suppression de son Parlement (interdit de siéger).
Ce processus s'inscrit dans la formation territoriale de la France métropolitaine, dans une politique d'hégémonie territoriale et dans les transformations politiques de la fin du Moyen Âge avec la naissance de l'État moderne.
Sommaire
Contexte
Situation géopolitique
Au XVe siècle, le duché de Bretagne est un État quasi-indépendant[1]. Les ducs gèrent souverainement des fonctions régaliennes (monnaie, taxes, guerre et paix, justice, religion[2]), et ne sont de fait pas dépendants du royaume de France[3] ni d'aucun autre État sauf des états pontificaux pour la nomination des offices religieux. Ils continuent néanmoins de reconnaître une dépendance au royaume de France, à travers l'hommage rendu au roi[4], et, en matière judiciaire, puisque les appels au Parlement de Paris demeurent jusqu'en 1485, et ne sont supprimés que pour une courte période, de 1485 à 1487[5]. Pour assurer cette presque indépendance, le Duché recherche des alliances et établit des relations diplomatiques (Saint-Siège, Angleterre, Saint-Empire romain germanique…) majeures. Invoquant l'hommage dû au roi de France, la politique des Capétiens-Valois sera de lutter sans relâche contre les signes de souveraineté qu'ils mettent en place sous la famille ducale (capétienne) des Montfort.
Les États voisins de la Bretagne ont souvent tenté de la contrôler pour obtenir des jalons dans le cadre d'un autre conflit. Ce fut le cas au XIIe siècle d'Henri II Plantagenêt qui a conquis une Bretagne entourée de toutes parts par ses possessions et marié Constance de Bretagne à son fils, puis de Philippe Auguste qui a marié la même Constance, puis au XIIIe siècle sa fille Alix, à des proches ; au XIVe siècle des Anglais et des Français lors de la guerre de Succession de Bretagne qui pour eux était un épisode de la guerre de Cent Ans, puis Charles V de France qui tente de profiter de l'exil de Jean IV de Bretagne mais n'obtient que le retour triomphal d'un duc anglophile ; même après l'Union, à la fin du XVIe siècle des Espagnols au cours de la guerre de la Ligue durant laquelle ils tentèrent d'obtenir en même temps une étape sur la route maritime de leurs Pays-Bas, une base catholique face au roi protestant Henri IV et un duché pour l'infante Isabelle.
L'élargissement du domaine royal a fait du roi de France un voisin immédiat de la Bretagne à partir de 1203 et plus encore en 1328 et 1482. Dès lors, la mise sous tutelle ou le contrôle direct de la péninsule devenait un trait dominant de la politique du royaume vis-à -vis du duché. Cela devient une constante à partir de 1341, dès le début de la guerre de Succession de Bretagne. Plus puissante la France arrivera à ses fins en employant tous les moyens (militaires, corruption de certains nobles bretons, menaces d'exécution d'otages[6]). La victoire d'un prince ennemi du roi n’est jamais acceptée de bon gré et les guerres se succèdent jusqu'au succès définitif du royaume (en 1491, 1532 ou 1598 selon les conceptions).
Dans le prolongement de cette politique séculaire, les rois de France trouvent dans les circonstances de la fin du XVe et du début du XVIe siècle le moyen d'annexer le duché :
- l’Angleterre, alliée traditionnelle des Montfort, ne peut plus agir en force sur le continent depuis qu'elle en a été chassée en 1450-1452 et depuis qu'elle s'est engluée dans la guerre des Deux-Roses. À l'issue de cette guerre, la nouvelle dynastie Tudor n'a pas encore les moyens intérieurs de se risquer à une opération d'envergure outre-mer, étant occupée à stabiliser la place de leur dynastie sur le trône et à asseoir leur légitimité sur le Royaume d'Angleterre ;
- la Bretagne perd un autre allié important avec la mort du duc de Bourgogne Charles le Téméraire en 1477, qui a une fille pour héritière ;
- la fin de la dynastie d'Anjou en 1482 donne au roi le contrôle de la frontière britto-angevine ;
- la noblesse bretonne a de nombreux intérêts dans le royaume et touche, comme les autres nobles du royaume, des pensions associées à leurs titres ;
- François II irrite la noblesse de Bretagne, car, prince du Val de Loire, il a conservé de son enfance à la cour de France de solides attaches avec les princes de Valois (d'où les coalitions malheureuses lors des révoltes féodales contre le roi). En outre, les nobles jalousent l'influence des Valois et celle du simple bourgeois qu'est le trésorier Pierre Landais. Ce manque d'autorité sur sa haute aristocratie et sur son gouvernement en général prive François II, puis Anne de soutiens. La noblesse préférant jouer le pouvoir royal contre le duc pour asseoir sa propre autonomie, comme lors de la révolte des grands féodaux lors de la guerre folle ;
- François II n'a pas de descendance masculine légitime. Ses filles (Anne et Isabeau) sont reconnues héritières par les États de Bretagne, mais d'autres héritiers potentiels prétendent à la succession : le vicomte de Rohan, le prince d'Orange, Alain d'Albret et le roi de France (qui avait acheté les droits de la famille de Penthièvre) ;
- enfin, la bourgeoisie bretonne, principalement de Nantes et Saint-Malo, se détourne de François II excédée par une fiscalité écrasante.
Louis XI (qui éprouve pour le duc de Bretagne une « grant hayne » à la suite de ses participations à tous les grands complots), puis ses enfants, la régente Anne de Beaujeu et Charles VIII, veulent :
- casser la menace de l'encerclement du royaume entre l'État bourguignon (puis le Cercle de Bourgogne, comprenant les Pays-Bas bourguignons et le comté de Bourgogne, passés à l'archiduc d'Autriche) au nord et à l'est, et le duché de Bretagne jugé peu sûr à l'ouest ;
- affermir le pouvoir royal face à un François II qui, comme d'autres princes de son temps, a profité de l'affaiblissement de la monarchie pour s'attribuer des signes de la souveraineté : sceau en majesté, couronne à haut fleurons, usage ducal du principe de lèse-majesté, érection d'un parlement (de justice) souverain, création d'une université en Bretagne (à Nantes), diplomatie indépendante et directe avec les puissances du temps, éviction des agents du fisc royal, querelle de la régale, etc. ;
- punir les nobles ayant participé aux coalitions hostiles au roi : des seigneurs ayant participé à la Ligue du Bien public (1465), la conquête de la Normandie pour Monsieur Charles (1467-1468), la guerre de 1471-1473, la guerre folle (1484-1485) et sa phase finale dite guerre franco-bretonne (1487-1488), François reste le dernier rebelle.
Situation juridico-politique
Depuis la féodalité primitive où l'autorité est uniquement détenue par le pater familias[7], où l'ensemble des relations de pouvoir est constituée de contrats interpersonnels, et où seule la fiction juridique d'une survie de l'administration militaire romaine donne à l'empereur, et aux rois et autres princes un prestige essentiellement formel, le concept de société, inconnu de l'antiquité, est apparu[7], les relations sociales nouvelles se sont cristallisées en une pyramide mouvante dans laquelle la position fournit la puissance et la puissance donne le pouvoir.
À la fin du Moyen Âge de nouvelles relations s'établissent à l'intérieur, ou plutôt à l'extérieur, de cette pyramide, en court-circuitant les contrats féodaux : des pairs s'unissent non plus par l'intermédiaire et à la demande de leur suzerain commun mais contre ses demandes, la base et le sommet cherchent pour des raisons opposées à se passer des étages intermédiaires.
À chaque étage de la pyramide les seigneurs tentent de transformer les relations féodales (donc contractuelles) en relations d'autorité (donc unilatérales) sur leurs vassaux[n. 1], en s'appuyant sur leurs arrières vassaux, et d'empêcher leur suzerain d'en faire autant, en soutenant le suzerain de celui-ci. Ainsi, le roi de France tente de soumettre ses grands vassaux, et achète le soutien des leurs par des terres ou des rentes. De même, le duc de Bretagne s'oppose souvent frontalement au roi de France, soutient l'empereur, tente de soumettre ses vassaux directs, et s'appuie sur la petite noblesse dans ses démêlés avec ses vassaux ou avec le roi.
Guerre folle et traité du Verger (1485-1488)
La guerre folle est la dernière des révoltes des grands seigneurs du royaume de France contre l'autorité royale de Louis XI et de sa fille, la régente Anne de Beaujeu. En , la Bretagne signe une trêve, mais en le duc d'Orléans se réfugie en Bretagne et en mai les troupes françaises entrent en Bretagne.
Après la défaite des troupes bretonnes lors de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, le , le traité de Sablé dit « traité du Verger » est signé entre Charles VIII de France et François II de Bretagne le . La négociation porte essentiellement sur les droits à la succession au duché. Le roi expose les siens (achetés par son père à Nicole de Châtillon qui les tenait d'une clause du second traité de Guérande), leur hôte le maréchal de Rohan rappelle ceux de sa famille.
Les principales clauses du traité de paix sont alors les suivantes[8] :
- le duc de Bretagne fera sortir de ses états tous les étrangers en guerre avec le roi ;
- il ne mariera pas ses filles sans l’agrément du roi ;
- le roi demeure en possession de Saint-Malo, Fougères, Dinan et Saint-Aubin-du-Cormier, mais il retire toutes ses troupes de Bretagne en dehors de ces quatre places ;
- le roi n’exige rien pour ses frais de guerre sauf la prise en charge de ceux des garnisons de ces places ;
- le roi devra rendre toutes les autres places bretonnes qui auront été prises par ses troupes par la suite ;
- le duc fera hommage au roi aussi rapidement que possible ;
- les ecclésiastiques, les nobles et autres seront remis en possession de leurs biens en France et en Bretagne ;
- le duc de Bretagne donnera des otages pour la sûreté de ce traité.
François II meurt trois semaines plus tard. À peine quinze jours après son décès, Charles VIII somme sa fille Anne de Bretagne d'accepter la tutelle royale et de renoncer au titre de duchesse jusqu'à ce qu'il ait éclairci les droits des Penthièvre (achetés par Louis XI). Le conseil du duc répond que la Bretagne s'en tient au traité du Verger.
Guerre franco-bretonne (1489-1491)
En , Anne est couronnée duchesse à l'âge de 13 ans. Plusieurs prétendants tentent de prendre le pouvoir ou d'obtenir la main de la duchesse.
Pour couper court à la confusion et à l'état de guerre, les États de Bretagne consentent au mariage d'Anne avec le roi de Germanie Maximilien d'Autriche. L’ambassadeur milanais Herasmo Brasca précise que la Chancellerie bretonne pose une condition au mariage : les dispositions du traité seront caduques si Maximilien n’envoie pas de renforts militaires (en Bretagne) avant Pâques 1491.
En , la Chancellerie bretonne obtient que l'évacuation des troupes royales de Bretagne soit incorporée au traité de Francfort (en), signé le entre Maximilien et Charles VIII, à condition que la Duchesse expulse toutes les troupes anglaises présentes en Bretagne[n. 2].
Le mariage a lieu par procuration le .
Charles VIII n'évacue pas ses troupes. Deux mois après le mariage par procuration d'Anne et de Maximilien, tirant les conséquences de ces états de fait, et du mariage, qui constitue une rupture du traité du Verger, il relance la guerre de Bretagne.
Engagé dans une autre guerre, le Saint-Empire romain germanique est dans l'impossibilité de soutenir le duché face à la France. Maximilien ne peut tenir son engagement, la duchesse n'a pas voulu tenir son engagement. Non seulement les troupes anglaises ne sont pas expulsées, mais la Chancellerie, au nom d'Anne, appelle des renforts anglais, qui arrivent au début de 1491.
Charles VIII prend Nantes le 1491. La Bretagne est dès lors considérée par les Français comme conquise.
En juillet, le siège est mis devant Rennes où est réfugiée la duchesse. Dès lors, les États de Bretagne, convoqués à Vannes par Charles VIII, conseillent le à Anne d’épouser le roi de France. Rennes tombe le . Les fiançailles d'Anne et de Charles sont conclues le .
Unions matrimoniales
Anne de Bretagne et Charles VIII
Les fiançailles ont lieu à Rennes et le mariage à Langeais en avant même l’annulation de son premier mariage[n. 3].
Dans leur contrat de mariage Charles VIII impose ses conditions à la duchesse :
- il obtient l'administration du duché ;
- s’il meurt sans enfant mâle Anne ne pourra épouser que son successeur ;
- chacun des Ă©poux fait une donation au dernier vivant de ses droits sur la Bretagne.
Charles VIII supprime la chancellerie bretonne le , et place des Français aux postes clé (en particulier à l’occasion de la succession des évêques, qui siègent aux États). Anne n’a pas la possibilité de se rendre en Bretagne en raison d’une part de ses grossesses (7 grossesses de 15 à 21 ans), d’autre part de la volonté du roi et d’Anne de Beaujeu. Son époux lui interdit de porter le titre de duchesse de Bretagne[9].
Peu après le mariage, Jean II de Rohan tente avec l’appui d’une armée anglaise de se faire nommer duc de Bretagne par les États. Il échoue mais le roi doit confirmer plusieurs droits de la Bretagne :
- que les impôts soient octroyés par les États,
- que l’octroi soit employé à la défense du pays,
- que les Bretons soient jugés en Bretagne.
Dès la mort de Charles VIII en , la reine douairière reprend la tête de l’administration du duché. Elle retourne en Bretagne en . Elle restaure la chancellerie de Bretagne qu’elle confie à Philippe de Montauban, nomme Jean de Chalon lieutenant général de Bretagne, convoque les États de Bretagne, émet un monnayage à son nom[10]. Elle effectue également une visite approfondie du duché au cours de laquelle elle effectue des entrées triomphales dans les cités du duché et est accueillie somptueusement par ses vassaux.
Anne de Bretagne et Louis XII
Trois jours après la mort de Charles VIII, le principe du mariage avec Louis XII, l'ancien allié de son père contre Louis XI et Charles VIII, est acquis[11], à la condition que Louis obtienne l'annulation de son mariage avant un an. Louis accepte également de retirer les troupes d'occupation.
Le mariage a lieu en . La situation est totalement différente : la Bretagne est en paix, Anne détient les droits des rois de France sur la Bretagne, et ses vassaux la soutiennent. À l'inverse, Louis XII devrait compter avec les autres héritiers de la Bretagne si Anne venait à mourir. Anne lui fait sentir que c'est elle qui a l'initiative en négligeant de répondre aux multiples suppliques qu'il lui adresse par le cardinal d'Amboise pendant son séjour en Bretagne.
Les conditions du contrat de mariage sont donc cette fois dictées par Anne et les États de Bretagne (1re lettre traité daté du signée Louis XII)[12] :
- le mariage sera au château de Nantes ;
- l'héritier de la Bretagne ne pourra être l'héritier de la France, et pour cela un certain nombre de cas de succession sont prévus, engageant les héritiers eux-mêmes ;
- l'héritier de la Bretagne respectera la coutume de Bretagne ;
- Anne jouira intégralement du douaire obtenu de Charles VIII ;
- Louis XII lui constituera un autre douaire ;
- le roi pourra jouir de la Bretagne après la mort de la duchesse, mais « sans pouvoir la transmettre en héritage ».
Un second accord — dit des Généralités du Duché — signé par Louis XII le (2e lettre traité) est vu et lu par Guillaume Gedouin, procureur général du Parlement de Bretagne. Cet accord prévoit 13 clauses[13] « parole de Roi, tenir et accomplir sans venir au contraire afin que ce soit chose ferme et stable pour toujours » :
- Rétablissement en Bretagne des Chancellerie, Conseil, Parlement, Chambre des Comptes, Trésorerie, Justice, droits et libertés ;
- Offices et officiers, aucun changement ;
- Offices et officiers, nominations par le duc ;
- Impôts suivant la coutume bretonne et Bretons jugés uniquement en Bretagne au Parlement breton en dernier ressort ;
- Guerres consentement du duc et des États ;
- Droits gardés, émission de la monnaie et séparation des deux Couronnes chacun d'une part et d'autre ;
- Inviolabilité de la Constitution, droits et coutumes uniquement par le Parlement et États de Bretagne ;
- Bénéfices réservés uniquement en Bretagne ;
- Prévost et capitaines en leur juridiction suivant la coutume ;
- Nomination aux évêchés par le duc et Nantes, ville principale de Bretagne ;
- Compétence fiscale exclusive, crimes et bénéfices aucun ressort hors du parlement Breton ;
- Aucune exécution de mandements ni exploits en Bretagne ;
- Limite des frontières, en cas de conflit : tribunal paritaire entre Français et Bretons.
Quant aux enfantements d'Anne de Bretagne, de ses sept grossesses suivantes, seules survivent Claude de France née 9 mois après le mariage et Renée de France née trois ans avant sa mort. D'emblée, Claude fut la plus riche héritière d'Europe, comme Marie de Bourgogne, et Anne de Bretagne le furent en leur temps.
Anne s'implique dans le gouvernement de la France et défend férocement l'indépendance du duché. Dans le traité de Trente d' avec Maximilien, puis le traité de Blois de 1504 qui renforce l'alliance franco-espagnole dans les guerres d'Italie elle impose à Louis le mariage de Claude avec le futur Charles Quint.
Invoquant l'inaliénabilité du domaine royal les États généraux de Tours de 1506 révoquent le traité de Blois et supplient le roi de donner sa fille à « Monsieur François, ici présent, qui est tout françois ». Louis fiance alors Claude avec son neveu et héritier présomptif François d'Angoulême ,futur François Ier (roi de France). Anne obtient que le contrat de mariage contienne une clause l'autorisant à transmettre le duché à un autre enfant, et limite sa participation à la dot à une somme de 100 000 écus, ridicule par rapport à celle précédemment prévue pour le mariage avec Charles, et que la reine récupèrera si elle survit à sa fille.
Après la mort d'Anne en , Claude devient duchesse mais Louis garde la régence. Le mariage de Claude et François a lieu en . Jusqu'au début de mai, Louis négocie un autre mariage[14] mais se décide le 13 et le mariage a lieu le 18.
François porte immédiatement le titre de duc, en tant que prince consort de la duchesse. Le titre est alors prestigieux comme le montre une anecdote sur l'arrivée de Marie Tudor en France[n. 4].
En 1514, Alain Bouchart publie les Grandes Chroniques de Bretaigne, parlans de très preux, nobles et très belliqueux roys, ducs, princes, barons et aultres gens nobles, tant de la Grande Bretaigne dicte à présent Angleterre, que de nostre Bretaigne de présent érigée en duché, et aussi depuis la conqueste de Conan de Mériadec, Breton, qui lors estoit appelé le royaulme d'Armorique jusques aux temps et trespas de François, duc de Bretaigne, dernier trespassé, ouvrage commandité par la duchesse, qui s'appuie sur l'ensemble des archives du duché, et présente la position bretonne sur les relations entre le duché et le royaume, réfutant donc avec plus ou moins de bonne foi tous les arguments sur l'antériorité des Francs et la domination des rois des Francs fabriqués par l'adversaire.
Claude de France et François Ier
Louis XII « délaisse » la régence de la Bretagne à François en — à la prière des États selon l'acte — en réservant les droits de Renée sur le duché. François ne se rend pas en Bretagne mais s'y fait représenter par son conseiller Antoine Duprat. Il devient roi (François Ier) le suivant.
Dès , Claude cède à François devant notaire l'usufruit des « Duchés de Bretaigne et Comtés de Nantes, de Bloys, d'Estampes et de Montfort » contre celui des duchés d'Anjou, Angoumois, et comté du Maine (dont elle ne pourra disposer qu'à la mort de Louise de Savoie qui en dispose déjà [n. 5]) et contre la peine de se charger du mariage de Renée. Le déséquilibre est énorme[n. 6] et l'acte dépouille totalement Claude de ses revenus, ce qui même à la Renaissance n'est pas admis par la coutume.
À peine deux mois plus tard, un second acte, toujours devant un simple notaire, donne à François la pleine propriété des biens mentionnés dans le premier. La contrepartie est cette fois absurde, consistant dans les dépenses occasionnées par les guerres d'Italie, et l'acte prévoit même des dommages et intérêts si Claude ne le respecte pas.
François Ier réduit le Conseil, véritable gouvernement du duché, à un rôle figuratif en lui ôtant toutes ses fonctions régaliennes. Il continue la politique de Charles VIII de noyautage des États par la nomination d'évêques français. En 1519, il confie la chancellerie bretonne à Antoine Duprat, déjà chancelier de France. De son côté la noblesse, très dépendante du roi pour les carrières militaires, les promotions, les pensions, ne cherche pas à résister.
En , Claude meurt en faisant de son fils François son légataire universel. Il ne s'agit que d'un testament qui ne concerne que ses biens propres et n'est donc pas opposable aux autres héritiers de la couronne de Bretagne.
Le dauphin François
À la mort de Claude de France, François Ier commet l'erreur de désigner unilatéralement le dauphin François comme héritier de la Bretagne. Le , les États lui demandent sèchement de ne plus porter le titre de duc, mais seulement celui de « Père et légitime administrateur de son fils le duc de Bretaigne » et lui indiquent que selon les accords antérieurs (le traité de ), le titre de duc revient au cadet Henri et non à l'aîné François.
Les États de Bretagne, réunis à Rennes le , reconnurent François Ier comme « usufruitaire [du] pays et Duché de Bretaigne, père et légitime administrateur de Monseigneur le Daulphin, Duc propriétaire d'icelui Duché[15] », après avoir réclamé en vain pour duc le fils cadet, Henri comme stipulé dans les accords entre Louis XII et Anne de Bretagne de [16]. Toutefois les choses furent définitivement réglées lorsqu'Henri devient duc de Bretagne après le décès de son frère François. Il cumulera, en tant que seul héritier, les titres de dauphin et duc de Bretagne.