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Douaire

Le douaire, soit coutumier soit préfix (ou conventionnel), est un terme de droit ancien désignant la portion de biens que le mari réserve à son épouse dans le cas où celle-ci lui survivrait. La bénéficiaire est dite douairière. Le douaire est un élément fondamental du droit des gens mariés sous l'Ancien Régime.

Douaire signé avant un mariage à Kastoria, Grèce, (1905).

Le terme douaire est aujourd'hui toujours utilisé en anthropologie de la parenté pour désigner les biens donnés lors d'une alliance par le mari à son épouse.

Droit français

Douaire coutumier

Il s'agit de l'usufruit attribué, par les coutumes, à la veuve, sur les biens de son mari défunt. Il trouve son origine dans les coutumes des peuples germaniques et non dans le droit romain[1].

C'est le roi Philippe-Auguste qui, en 1214, établit le douaire légal, en ordonnant que la veuve reçoive la moitié de ce que l'homme avait. Le douaire conventionnel (celui dont les parties sont convenues par contrat de mariage), existait, lui, depuis longtemps. Henri II, roi d'Angleterre, établit la même chose, sauf qu'il fixa le douaire à la jouissance du tiers des biens. En réalité les textes ne remplacèrent pas les coutumes présentes dans certaines provinces de ces deux pays[2].

La nature du douaire[3] : le douaire n'est pas une donation, qui est une libéralité faite à quelqu'un sans y être obligé ; il s'agit, pour le douaire, de l'obligation que prend un homme en épousant une femme de pourvoir à sa subsistance, même s'il meurt avant elle. Par contrat l'homme peut préciser ce qu'il laisse (préfix), sinon la coutume s'applique.

La condition principale du douaire est qu' il doit y avoir eu mariage. Suivant les provinces le douaire s'applique à toutes les femmes mariées mais, dans certaines provinces (par exemple en Saintonge), seulement aux femmes nobles, les roturières n'en bénéficiant pas.

La quotité du douaire varie suivant les provinces entre le tiers et la moitié des biens propres du mari[1], il peut varier également suivant la nature des biens. Le douaire ne porte pas également sur les biens suivant les provenances : dans le cas le plus fréquent (Paris par exemple) il s'agit des biens possédés au moment du mariage, augmentés de ceux reçus par legs ou successions au cours du mariage,

Dès lors que le mari meurt et que la femme lui survit le douaire est ouvert. La jouissance des héritages et autres immeubles devient commune entre la femme douairière, et les héritiers du mari, auxquels en appartient le surplus. Cela suppose une évaluation des biens et de leur revenu, estimation faite par les parties, ou, si elles ne sont pas d'accord, par des experts qu'elles choisissent.

Une femme peut être privée de son douaire. La principale cause est celle d'adultère. Il faut, pour cela, que la faute ait été déclarée par sentence du juge, sur la plainte intentée par son mari.

L'usufruit de la douairière s'éteint par sa mort naturelle ou civile (par exemple bannissement hors du royaume).

Le douaire des enfants

Le douaire des enfants[3] n'existe que dans quelques provinces (Paris, Chartres...). Dans la coutume de ces provinces, le douaire des enfants consiste dans la propriété des mêmes biens dont la femme a l'usufruit. Le douaire des enfants et celui de la femme sont en fait un seul et même douaire, dont la femme a l'usufruit, et les enfants ont la propriété.

Douaire préfix

Le douaire prĂ©fix, c’est-Ă -dire celui qui est stipulĂ© par contrat de mariage, prĂ©sente certains avantages sur le douaire coutumier :

  • Le douaire coutumier ne peut avoir lieu que si le mari possède des immeubles propres. Dans le cas contraire, la veuve n’aura rien Ă  espĂ©rer. Le douaire prĂ©fix se prend (sauf stipulation expresse du contrat de mariage) sur tous les biens meubles et immeubles, propres et acquĂŞts du mari ;
  • L’hypothèque du douaire prĂ©fix prend naissance au jour du contrat de mariage tandis que celle du coutumier n’est acquise que du jour de la cĂ©lĂ©bration du mariage. La femme prime ainsi les crĂ©anciers envers lesquels le mari s’est obligĂ© dans l’intervalle de ces deux dates ;
  • La douairière coutumière est tenue de payer les charges foncières et les rĂ©parations usufructuaires.

La femme jouissant d’un douaire préfix constitué en deniers ou en rente n’est tenue de rien ;

  • Le douaire prĂ©fix est très souple, il peut ĂŞtre l’objet de toutes sortes de modalitĂ©s.

Le douaire prĂ©fix est une clause de style que l’on rencontre dans presque tous les contrats de mariage. Les stipulations utilisĂ©es sont au nombre de deux :

  • TantĂ´t il s’agit d’une rente Ă  servir Ă  la future Ă©pouse ;
  • TantĂ´t il s’agit d’une somme en deniers comptants une fois payĂ©e. Il ne faut pas se mĂ©prendre sur l’expression « une fois payĂ©e Â». Ă€ moins de stipulation contraire, il ne s’agit encore que d’un usufruit.

La clause de douaire la plus courante est rĂ©digĂ©e de la manière suivante : « Le futur Ă©poux a douĂ© et doue la future Ă©pouse de … livres une fois payĂ©es (ou encore : de … livres de rente) de douaire prĂ©fix Ă  prendre sur tous les biens prĂ©sents et Ă  venir du futur Ă©poux, et dont elle jouira sitĂ´t qu’il aura lieu, sans ĂŞtre obligĂ©e d’en faire demande en justice. Le fonds duquel douaire, sur le pied du denier 20, sera propre aux enfants du mariage.»

Il est facile de constater l’importance du montant du douaire par rapport à la fortune du futur époux. Les quotités les plus utilisées (moitié, tiers, trois-quarts) se rapprochent sensiblement de la règle coutumière.

Le douaire trouve son origine dans la dot, mais, alors que la dot est une pleine propriété, le douaire est l'usufruit des biens ou d'une portion des biens de l'époux décédé.

La suppression du douaire

Le douaire a Ă©tĂ© abrogĂ© en 1804[4], par le Code civil, qui Ă©nonce Ă  l'article 1390 "les Ă©poux ne peuvent plus stipuler d'une manière gĂ©nĂ©rale que leur association sera rĂ©glĂ©e par l'une des coutumes, lois et statuts locaux qui rĂ©gissaient ci-devant les diverses parties du territoire et qui sont abrogĂ©es par le prĂ©sent code". Cette suppression entraĂ®ne des difficultĂ©s financières pour les veuves. En 1849[5] il y eut une proposition tendant Ă  permettre Ă  l'Ă©poux survivant de rĂ©clamer des "aliments Ă  la succession" . Mais le projet n'aboutit pas. Un dispositif est mis en place par la loi du (modifiant l'article 767 du code) "si le dĂ©funt ne laisse aucun parent au degrĂ© successible le conjoint survivant succède Ă  la pleine propriĂ©tĂ© de ses biens. Si, au contraire il laisse des hĂ©ritiers le conjoint recueille l'usufruit d'une partie des biens : un quart de la succession s'il n'y a que des enfants nĂ©s de mariage." 

Droit québécois

Le douaire était une institution du Code civil du Bas-Canada, en vigueur entre 1866 et 1993, mais il n'a pas été conservé lors de l'entrée en vigueur du Code civil du Québec en janvier 1994.

L'article 2216 C.c.B.c.[6] prévoyait notamment que :

« Le droit au douaire coutumier légal n'est conservé, que par l'enregistrement de l'acte de célébration du mariage avec une description des immeubles alors assujettis au douaire.

Quant aux immeubles qui subséquemment pourraient échoir au mari et devenir sujets au douaire coutumier, le droit au douaire sur ces immeubles n'a d'effet que du jour de l'enregistrement d'une déclaration à cet effet, indiquant la date du mariage, le nom des époux, la description de l'immeuble, la charge du douaire, et comment l'immeuble y est devenu sujet.

Les enregistrements mentionnés dans cet article se font par dépôt. »

Bien que le Code civil du Québec ne mentionne pas le concept traditionnel de douaire, il prévoit dans ses règles de dévolution légale que lorsqu'un défunt décède sans testament, le conjoint marié doit obligatoirement recevoir un tiers de la succession et les descendants les deux autres tiers (art. 666 C.c.Q.)[7]. S'il décède avec un testament, rien ne l'oblige à léguer quoi que ce soit à son épouse, en raison de la liberté de tester[8], mais l'épouse peut néanmoins bénéficier de la survie de l'obligation alimentaire en réclamant l'équivalent de douze mois d'aliments (art. 688 C.c.Q.)[9] et elle va aussi bénéficier du partage du patrimoine familial (art. 416 C.c.Q)[10] et du partage de la société d'acquêts (465-484 C.c.Q.)[11] le cas échéant.

Dans d'autres cultures

Le droit musulman possède un terme comparable, le mahr, avec cependant quelques différences dans sa définition juridique.

Annexes

Bibliographie

  • Jacques Lelièvre, La pratique des contrats de mariage chez les notaires au Châtelet de Paris de 1769 Ă  1804, Paris, Cujas, 1959, 404 p.
  • Philippe de Renusson Traitez du douaire et de la garde-noble et bourgeoise, qu'on appelle bail en plusieurs coustumes la Compagnie des libraires (Paris)  1724 573 p.

Notes et références

  1. Robert-Joseph Pothier, Œuvres complètes. Tome 13 , traité du douaire, Paris, Thomine et Fortic , sur Gallica/BNF, 1821-1824, 26 vol. (lire en ligne)
  2. Denis Diderot, Jean Le Rond d' Alembert, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Volume 11, chez Pellet imprimeur-libraire, rue des Belles Filles, , article Douaire
  3. Jean Schmitz, Le douaire coutumier à partir du XIIIe siècle et sa suppression : thèse de doctorat., Paris, L. Larose et Gallica/BNF, , 101 p. (lire en ligne)
  4. Déjà la loi du 17 nivôse an II (6 janvier 1794) avait précisé dans son article 61 "toutes lois, coutumes, usages et statuts relatifs à la transmission des biens par succession ou donation sont abolis". cf Schmitz p. 80
  5. cf. Schmitz p.94
  6. S prov C 1865 (29 Vict), c. 41, art. 2216
  7. Code civil du QuĂ©bec, RLRQ c CCQ-1991, art 666 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art666> consultĂ© le 2020-02-01
  8. Beaulne, Jacques; Morin, Christine. Droit des successions, 5e édition, Éditions Wilson & Lafleur, Montréal, 2016.
  9. Code civil du QuĂ©bec, RLRQ c CCQ-1991, art 688 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art688> consultĂ© le 2020-02-01
  10. Code civil du QuĂ©bec, RLRQ c CCQ-1991, art 416 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art416> consultĂ© le 2020-02-08
  11. Code civil du QuĂ©bec, RLRQ c CCQ-1991, art 465 <http://canlii.ca/t/6cbln#art465> consultĂ© le 2020-06-17

Articles connexes

Liens externes

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