Ligue catholique (France)
La Ligue catholique, la Sainte Ligue ou la Sainte Union est le nom donné pendant les guerres de Religion à un parti de catholiques qui s'est donné pour but la défense de la religion catholique contre le protestantisme. Son succès fut tel qu'elle devint un danger pour la monarchie. En 1588, elle parvient à chasser le roi Henri III de la capitale. La Ligue décline petit à petit devant les victoires du roi Henri IV. Elle constitua un des plus grands dangers que connut la monarchie française avant l’avènement de l’absolutisme, avec la Fronde, au siècle suivant, dont les acteurs gardèrent présente à l'esprit la Ligue, comme modèle ou comme repoussoir.
Première Ligue
Dessin à l'estompe anonyme, Paris, musée du Louvre, vers 1575-1580.
DĂ©buts picards
La Picardie connut dès 1568 la création de groupements de catholiques déçus par les prises de position royales jugées trop favorables aux protestants. Cependant, il fallut attendre 1570 et la signature de la paix de Saint-Germain, puis 1576 et l'édit de Beaulieu, pour qu'apparaisse la première des ligues, la « Ligue picarde »[1].
Plus que le traité de paix de 1570 qui assurait aux protestants quatre "places de sûreté" (Cognac, La Charité-sur-Loire, La Rochelle, Montauban) pour seulement deux ans, c'était l'édit de Beaulieu qui provoqua un choc et la colère des catholiques contre le roi : les protestants conservaient leurs quatre places de sûreté, et en gagnaient plusieurs autres dont Aigues-Mortes, Beaucaire, Issoire, La Seyne, « Le Mas de Verdun » (Mas-Grenier), Nyons, Périgueux, Péronne, Serres..., toutes sans limite de temps.
De plus, dans un pays majoritairement catholique (approximativement les trois-quarts de la population), les protestants obtinrent la parité dans les parlements provinciaux; et « le roi renonce à poursuivre les pillards du conflit passé, qui peuvent garder leurs prises »[2].
Les confréries du Saint-Esprit et autres associations s’unirent alors « au nom de la Sainte Trinité pour restaurer et défendre la Sainte Église catholique, romaine et apostolique ». Ce fut une révolte contre les édits royaux : Jacques d'Humières, gouverneur de Péronne, refusa de remettre la ville aux protestants, et avec d'autres nobles des environs prépara un manifeste au château d'Happlaincourt appartenant à Nicolas d’Amerval, qui fut signé à Péronne le :
« Les prélats, seigneurs, gentilhommes, capitaines, soldats, habitants des villes et plat pays de Picardie (...) tous confrères et associés en la présente très chrétienne union, se sont résolus (après avoir préalablement appelé l'aide de Dieu, avec l'inspiration de son Saint-Esprit, par la communion et la participation de son précieux corps) d'employer leurs biens et vies jusqu'à la dernière goutte de leur sang, pour la conservation de ladite ville et de toute la province en l'obéissance du roy et en l'observation de l'Église catholique, apostolique et romaine. »
Plusieurs villes picardes s'unirent ainsi dans cette résistance, Abbeville, Saint-Quentin, Beauvais, Corbie... soutenues par l’Espagne (les Pays-Bas espagnols s’étendaient alors jusqu’à l’Artois voisin), puis le mouvement s'étendit à toute la France.
Dans tout le Royaume
Un programme général de la Ligue est alors établi en novembre 1576, comprenant douze articles, dans lesquels les ligueurs se veulent de bons et loyaux sujets du roi de France Henri III, du moment que ce dernier défend avec opiniâtreté l’Église catholique romaine.
Ce même mois, le duc de Guise, proche cousin de la reine Louise, organise la Ligue à Paris. Les États généraux se réunissent à Blois, l'édit de Beaulieu est aboli[3].
En décembre le roi — par souci politique de la neutraliser — prend la tête de la Ligue, mais modifie certains passages du programme dans lesquels son autorité était affaiblie : il s'y trouvait soumis aux décisions des États généraux.
En mars 1577 des troubles se produisent en Dauphiné et en Provence[4], et en mai éclate la sixième guerre de Religion.
La paix de Bergerac est signée le , confirmée le 17 par l'édit de Poitiers, qui accorde droit de culte aux réformés dans les faubourgs des villes, ainsi que huit places de sûreté. Les ligues et associations sont quant à elles interdites[5].
Le , Catherine de Médicis signe le traité de Nérac, qui donne aux protestants quatorze places de sûreté supplémentaires pour six mois. La date écoulée, ces derniers refusent de les rendre. Éclate alors la septième guerre de Religion (1579-1580).
Seconde Ligue
Renaissance
La crise renaît en 1584 avec la mort de l'héritier du trône François, duc d'Alençon, et l'acceptation par le roi comme héritier suivant — en accord avec la loi salique qui régit la succession au trône de France — de son plus proche parent en ligne masculine, le roi Henri III de Navarre, de la maison de Bourbon, un prince protestant (qui deviendra Henri IV en montant sur le trône de France).
Depuis 1582, le roi d’Espagne Philippe II apporte son soutien financier aux catholiques, y voyant sans aucun doute le double moyen d’affermir la catholicité et d’affaiblir le roi de France, son rival sur la scène européenne. Il confirme ce soutien par la signature du traité de Joinville le , où le successeur désigné au trône est le cardinal de Bourbon, oncle du roi de Navarre, second dans la ligne de succession mais catholique.
Parallèlement, Henri de Guise réactive et prend le commandement d'une nouvelle Ligue, qui publie sa proclamation le à Péronne, où elle déclare vouloir rétablir la religion unique, soustraire le roi à l'emprise de ses favoris, et l'obliger à faire appel régulièrement aux états généraux. Les ralliements de chefs militaires se multiplient.
Par le traité de Nemours, Henri III doit céder devant les exigences de la Ligue, devenue trop puissante. La huitième guerre de Religion (1585-1598) se solde par un statu quo militaire, la victoire protestante à Coutras étant équilibrée par les victoires d’Henri de Guise à Auneau et Vimory (1587), ce qui renforce encore le prestige de ce prince et de la Maison de Lorraine.
Parallèlement à la "Ligue officielle", se crée une "Ligue des villes", d’abord à Paris, puis en Touraine, Champagne, Bourgogne... Plusieurs interprétations et analyses de la ligue parisienne existent. L’historien israélien Elie Barnavi en propose une analyse sociale : les ligueurs étant des officiers pour la majorité frustrés par l’État absolu naissant, la ligue parisienne serait l'expression d'une revanche sociale[6]. L'historien Robert Descimon l'analyse comme une organisation qui se calque sur les institutions politiques traditionnelles de la capitale. Elle serait donc une réaction politique à l’absolutisme monarchique[7]. Denis Crouzet, historien spécialiste des troubles de religion au XVIe siècle, inscrit plus généralement les ligues urbaines dans l'exacerbation d'une dévotion pénitentielle des années 1580[8].
Dirigée comme une société secrète, elle possède sa propre armée, et est beaucoup plus démocratique que la Ligue nobiliaire. Elle considère en effet que le roi n’a plus de légitimité, et doit se soumettre aux états généraux ; après 1591, elle considère même que la noblesse doit s’y soumettre.
Bras-de-fer avec Henri III
Henri III avait interdit à Henri de Guise d’entrer dans Paris, où des rumeurs d’insurrection couraient. Mais celui-ci passa outre, et il entre dans la capitale le . Devant les mouvements de l’armée royale, Paris soutenant les Guise ne tarda pas à se hérisser de barricades (journée des barricades du initiée à la place Maubert[9]). Ayant perdu le contrôle de sa capitale, Henri III se réfugie à Chartres, où il fait mine de se réconcilier avec les ligueurs, et signe à Rouen le l’édit d'Union contre les protestants, et livre la ville portuaire de Boulogne-sur-Mer aux ligueurs pour que ces derniers puissent y recevoir la flotte espagnole. De plus, Henri de Guise est fait lieutenant-général du roi pour le royaume (chef des armées).
Le roi est contraint de convoquer de nouveau les états généraux, à Blois. Ceux-ci sont majoritairement favorables à la Ligue, et lui refusent des subsides. C’est alors qu’Henri III tente par un coup d’éclat de se débarrasser des Guise : le , il fait exécuter sommairement le duc de Guise, arrêter les chefs ligueurs dont le cardinal Louis de Lorraine, frère du duc de Guise, (qui est exécuté le lendemain), l'archevêque de Lyon, le cardinal de Bourbon, le prince de Joinville, fils du duc de Guise, sa mère la duchesse de Nemours et son cousin, le duc d’Elbeuf. Plusieurs députés des états généraux sont également arrêtés.
Ce coup d'éclat provoque un tollé général : Charles de Mayenne, frère d'Henri de Guise et de Louis de Lorraine, prend le commandement de la Ligue; la Sorbonne relève les sujets de leur devoir de fidélité au roi. La situation devient alors très compliquée, une partie des "pays de France" se soulèvent contre le "tyran Henri III", d'autres restent fidèles aux avis du souverain. En certains endroits les divisions sont encore plus profondes, chaque ville ou village prenant parti pour l'un ou pour l'autre, telle la ville du Puy qui se trouve engagée pendant plusieurs mois dans de violents combats avec certains villages voisins à Espaly. Il faudrait un développement extrêmement poussé pour déterminer le camp pris par les uns et les autres dans tout le royaume, et des cas particuliers.
Henri III s’allie au roi de Navarre, et leur armée met le siège devant Paris. C’est alors que le souverain est assassiné le par Jacques Clément, un dominicain membre de la ligue.
Lutte contre Henri IV
Toile de Jacob Bunel, château de Pau, vers 1605-1606.
La Ligue oppose une résistance acharnée au huguenot Henri de Navarre, roi légitime, à qui elle préfère son oncle, le cardinal Charles de Bourbon, aussitôt appelé « Charles X » (il meurt en prison en 1590).
Écrasée à la bataille d'Ivry le , éprouvée par deux sièges successifs de la capitale, elle ne désarme pas, et ses membres les plus extrêmes font même régner la terreur à Paris : tout en organisant de spectaculaires processions (de religieux armés et de milliers d'enfants), elle met en prison les hommes réputés royalistes, appelés « politiques ». Sous l'autorité des Seize, la terreur atteint son point culminant en 1591 par l'exécution du président du Parlement de Paris, Barnabé Brisson, pourtant ligueur.
Henri IV et ses troupes tentent vainement de prendre la capitale, notamment par la ruse lors de la journée des farines. À Marseille, Charles de Casaulx instaure une dictature entre 1591 et 1596[10].
La Ligue connaît une fracture quand le duc de Mayenne, frère d’Henri Ier de Guise et chef de la Ligue nobiliaire, entre à Paris pour punir les extrémistes qui ont décidé la mort de Brisson. Finalement, les excès de la Ligue, son penchant pour un prince étranger, son financement espagnol, sa remise en cause de la monarchie, détachent d’elle progressivement à partir de 1591 les royalistes, puis les villes les unes après les autres[11].
Elle ne désarme cependant qu’à partir du moment où Henri IV abjure solennellement sa foi protestante, le en la Basilique de Saint-Denis. Il est sacré roi à Chartres le et entre dans la capitale quelques mois plus tard.
La soumission de Paris est pour la Ligue un cuisant échec, sa défaite à Fontaine-Française le la met en déroute.
À la paix de Vervins les Espagnols abandonnent les dernières places qu’ils tiennent en France. La fin définitive de la Ligue a lieu après la soumission du duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne. Seul le duc d'Aumale refusera toujours de se rallier à Henri IV.
Épilogue
L'esprit de la Ligue ne disparaît pas avec le retour de la paix. Nombreux sont ceux à faire de la résistance et à considérer le roi comme hérétique. Depuis leur exil aux Pays-Bas espagnols, les chefs ligueurs extrémistes comme Jean Boucher appellent le peuple au régicide. À plusieurs reprises, Henri IV manque de se faire assassiner. À la fin de son règne, l'esprit de la Ligue connaît une petite renaissance. Après que le roi a été assassiné par Ravaillac, plusieurs personnes sont arrêtées pour avoir approuvé le meurtre, et une nouvelle Saint-Barthélemy se prépare même, dit-on, à Paris durant l'été 1610.
Pourtant l'esprit de la Ligue disparaît avec la mort d'Henri IV. Sous le règne de Louis XIII, le parti dévot prend le relais. Sous la férule du cardinal de Bérulle et de Michel de Marillac, il s'opposera à la politique religieuse du cardinal de Richelieu qu'il jugera trop clémente à l'égard des protestants.
Historiographie
Au XIXe siècle, la ligue fut interprétée diversement par les historiens de l'époque. Jules Michelet et Jean Jaurès voyaient dans la ligue un mouvement passéiste et réactionnaire, mais d'autres y voyaient un mouvement anticipateur des événements de 1793 et de 1871[12]
Notes et références
- Site internet www.renaissance-amboise.com __"La Sainte Ligue".
- Page Wikipedia "Édit de Beaulieu »
- Site internet www.museeprotestant.org "Sixième guerre de Religion (mars 1577 - septembre 1577).
- Le site internet www.museeprotestant.org écrit "Soulèvements en Dauphiné et Provence", ce qui semble très excessif.
- www.renaissance-amboise.com
- Elie Barnavie, Le Parti de Dieu. Étude sociale et politique des chefs de la ligue parisienne 1585-1594, Louvain, Nauwelaerts,
- Robert Descimon, Qui était les Seize ? Mythes et réalités de la Ligue parisienne, 1585-1594, Paris, Klincksieck,
- Denis Crouzet, Guerriers de Dieu, , tome 2
- Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments de Félix et Louis Lazare, facsimilé de l'édition de 1844, p. 427.
- Maïté Recasens, « Imposer la mémoire. La « Réduction de Marseille » (17 février 1596) », Parlement[s], Revue d'histoire politique,‎ 2020/3 (n° hs 15), p. 143-152 (lire en ligne)
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Bibliographie
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Sources secondaires
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Conspiration faite en Picardie, sous fausses et meschantes calomnies contre l’edict de pacification (1576). Premier manifeste de la Ligue.
- Les gravures et pièces du recueil des belles Figures et Drolleries de la Ligue sont accessibles sur Gallica Anthologie via le mode recherche.