Royaume de Navarre
Le royaume de Navarre[1] (en basque : Nafarroako Erresuma ; en latin : Regnum Navarrae ; en espagnol : Reino de Navarra) est un royaume médiéval fondé en 824 par les Vascons, dont le premier roi est Eneko Arista, premier d'une lignée de seize rois basques qui régneront sur le royaume jusqu'en 1234[2]. Attaquée depuis trois siÚcles au nord des Pyrénées, dans le duché de Vasconie par les Francs, et au sud par les Wisigoths, puis les Omeyyades (musulmans), la Vasconie est réduite au petit royaume de Pampelune, terres ancestrales du Saltus Vasconum[3].
basque Nafarroako Erresuma
latin Regnum Navarrae
Castillan Reino de Navarra
avant 1212 |
Blason de 1234 Ă 1580 |
Statut | Monarchie constitutionnelle |
---|---|
Capitale | Pampelune |
Langue(s) | Basque principalement, gascon, navarro-aragonais, castillan, français |
Religion | Catholicisme |
Superficie (â) | 12 100 km2 (Haute et Basse-Navarre, Sonsierra comprise) |
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824 | Eneko Arista est nommé roi de Pampelune |
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1200 | Ă la suite de la conquĂȘte castillane, le royaume de Navarre se trouve dĂ©sormais totalement enclavĂ© |
1516 | ConquĂȘte de la Haute-Navarre par la Monarchie catholique espagnole en 1512. Le territoire indĂ©pendant est rĂ©duit Ă la Basse-Navarre qui sera rattachĂ©e au royaume de France. |
1571 | Traduction du Nouveau Testament en basque Ă l'initiative de la reine Jeanne III. |
1589 | Le roi de Navarre hérite du royaume de France |
1620 | Ădit d'union imposĂ© par la France Ă la Navarre |
1790 | Abolition des institutions de la Basse-Navarre et inclusion dans le département des Basses-Pyrénées |
Fin de l'usage du titre de « Roi de France et de Navarre » | |
Décision de réduire la Haute-Navarre en simple province (Division de l'Espagne en provinces) | |
La ley paccionada adoptée à Madrid intÚgre définitivement la Haute-Navarre à l'organisation politique et judiciaire en vigueur dans le reste de l'Espagne | |
Fin de iure de l'union dynastique avec le Royaume de France, la loi salique ne s'appliquant pas en Navarre |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
La Haute-Navarre fut conquise en 1512 par le royaume d'Aragon â et fut annexĂ©e en 1516 dans l'actuel royaume d'Espagne â et l'autre partie (Basse-Navarre), restĂ©e indĂ©pendante, fut unie Ă la couronne de France Ă partir de 1589 â d'oĂč le titre de « roi de France et de Navarre » inaugurĂ© sous le rĂšgne de Henri IV.
La langue vernaculaire de la majoritĂ© des Navarrais Ă©tait gĂ©nĂ©ralement le basque. La Navarre historique s'Ă©tire de part et d'autre de la chaĂźne pyrĂ©nĂ©enne. Elle Ă©tait divisĂ©e en six mĂ©rindades (circonscriptions administratives et judiciaires) : Pampelune, Tudela, Estella, Olite, SangĂŒesa et Saint-Jean-Pied-de-Port, cette derniĂšre n'ayant pas en rĂ©alitĂ© bĂ©nĂ©ficiĂ© du statut de mĂ©rindade.
Ses habitants se nomment les Navarrais (Nafarrak en basque et Navarros en castillan).
Histoire
Fondation
La Navarre Ă©tait peuplĂ©e par les Vascons. Cette contrĂ©e fut successivement envahie par les Romains, dont elle resta longtemps la fidĂšle alliĂ©e, par les SuĂšves, les Wisigoths, et menacĂ©e par le califat de Cordoue. Au VIIIe siĂšcle, la Navarre Ă©tait sous le contrĂŽle des Banu Qasi (Wisigoths convertis Ă l'islam). L'avĂšnement du premier roi de Navarre ou roi de Pampelune ne s'est pas fait sans heurts, tant sur le plan intĂ©rieur, en raison de l'opposition d'une partie de la population chrĂ©tienne Ă l'alliance avec les musulmans, qu'extĂ©rieur, la Navarre Ă©tant menacĂ©e d'un cĂŽtĂ© par l'Ă©mirat de Cordoue (en 781, 'Abd al-RahmÄn Ier s'Ă©tait emparĂ© de Pampelune) et de l'autre par l'Empire carolingien, avec les interventions de Charlemagne d'abord, puis de son fils Louis le DĂ©bonnaire. En 778, Charlemagne la soumit ainsi que tous les pays voisins jusqu'Ă l'Ăbre. La Navarre s'Ă©tendait Ă cette Ă©poque sur les deux versants des PyrĂ©nĂ©es.
Le royaume de Navarre (également nommé Royaume de Pampelune), est né d'une alliance entre les musulmans et les chrétiens qui ont désobéi à l'autorité religieuse pour défendre leur indépendance nationale. Il faut préciser que le Banu Qasi Musa ibn Musa, surnommé le troisiÚme roi d'Espagne, était le demi-frÚre et le gendre d'Eneko Arista (Eneko Aritza en basque), premier roi de Navarre, et que d'autres mariages ont renforcé l'alliance des deux dynasties.
Louis le DĂ©bonnaire, alors roi d'Aquitaine, donna la Navarre au comte Aznar. Devenu empereur, il dut faire face Ă plusieurs soulĂšvements des Vascons. En 824, les Vascons dâEneko Arista Ă©crasent une seconde fois lâarmĂ©e franque lors de la troisiĂšme bataille de Roncevaux. AprĂšs cette victoire, Eneko Arista est proclamĂ© roi de Pampelune. Son fils GarcĂa Ăñiguez voit son titre de roi de Navarre confirmĂ© en 860. L'indĂ©pendance de la Navarre est proclamĂ©e Ă la diĂšte de Tribur (887), et le titre de roi reconnu Ă GarcĂa et Ă ses successeurs.
- Fondation du Royaume de Navarre
- Le royaume de Navarre de 814 Ă 875
- Le royaume de Navarre de 875 Ă 900
- Le royaume de Navarre de 900 Ă 929
- Le royaume de Navarre de 929 Ă 961
- Le royaume de Navarre de 961 Ă 1002
- L'unification des royaumes sous Sanche III
à la mort de Sanche III le Grand (1035), ce royaume, qui comprenait alors tout le nord-est de l'Espagne (sauf les terres de Catalogne, qui seront rattachées à la couronne aragonaise en 1134 avec le mariage de Raimond-Bérenger IV de Barcelone) se partage en trois royaumes : Navarre, Castille, Aragon.
En 1076, Sanche IV de Navarre est dĂ©trĂŽnĂ© par Sanche Ramirez, roi d'Aragon, son cousin, qui rĂ©unit les deux couronnes et les transmit Ă ses successeurs. Ă la mort d'Alphonse Ier (1134), la Navarre redevient un royaume indĂ©pendant avec la proclamation de GarcĂa RamĂrez.
Sanche VI est entraĂźnĂ© dans la lutte entre les rois de France et dâAngleterre au XIIe siĂšcle, et y perd Bayonne et le Labourd. En 1177, Richard CĆur de Lion intervient contre les vassaux du roi de Navarre, en guerre contre lui. Sanche VII participe Ă la grande victoire des chrĂ©tiens sur les musulmans Ă Las Navas de Tolosa (1212), et meurt sans hĂ©ritier.
- La Navarre de 1037 Ă 1065
- La fin du royaume de Pampelune en 1085
- La renaissance de la Navarre en 1148
- La Navarre en 1157
- Les guerres contre la Castille en 1195
- La perte de la Biscaye en 1224
Maison de Champagne
En 1234, Thibaut de Champagne, fils de Blanche la deuxiĂšme sĆur de Sanche VII , commence une nouvelle dynastie. Il lutte contre les Anglais sur sa frontiĂšre nord. Son fils ainĂ© Thibaut II de Navarre lui succĂšde puis son fils cadet Henri Ier le Gros. Ă la mort de ce dernier sans hĂ©ritier mĂąle, sa veuve, la rĂ©gente Blanche d'Artois, se rĂ©fugie en France. Le roi de France prend la rĂ©gence et soumet en 1276 ses vassaux rĂ©voltĂ©s.
Union personnelle avec la France
Le mariage de Jeanne Ire de Navarre avec Philippe le Bel (1284) unit de facto provisoirement la couronne de Navarre et celle de France. Ă la mort de Jeanne en 1305, l'indĂ©pendance de la Navarre est respectĂ©e par Philippe et leur fils Louis le Hutin se fait couronner Ă Pampelune. Il ne deviendra roi de France qu'en 1314. Toutefois en 1316 et 1322 Philippe le Long et Charles le Bel rĂ©gnent en dĂ©pit des droits de leur niĂšce Jeanne. En 1328 leur cousin Philippe de Valois leur succĂšde sur le trĂŽne de France. Mais ce dernier Ă©tant Ă©tranger Ă la dynastie navarraise et la rĂšgle de primogĂ©niture masculine ne s'appliquant pas Ă la Navarre, celle-ci est restituĂ©e Ă la petite-fille de Jeanne Ire. Jeanne II de Navarre hĂ©rite donc du royaume, qui ne partage plus le mĂȘme souverain avec la France : la maison d'Ăvreux (capĂ©tienne), dont est issu Philippe, le mari de Jeanne II, sera Ă la tĂȘte du royaume pendant un siĂšcle.
Nouvelle indépendance
Ă la mort de Jeanne II (1349), Charles II (1332-1387) reprend fermement les rĂȘnes du royaume. L'Ă©poque de Charles II marque l'apogĂ©e militaire de la Navarre : il s'implique dans les guerres espagnoles, notamment entre la Castille et lâAragon lors de la guerre des deux Pierre[4], et entre en conflit Ă plusieurs reprises contre les rois de France Jean II et Charles V. Ce dernier finit par le dĂ©possĂ©der de ses biens en Normandie[5] aprĂšs la bataille de Cocherel. Il profite alors de la guerre civile de Castille et du traitĂ© de Libourne pour recouvrer temporairement les territoires de Guipuscoa et d'Alava (1368-1373). En 1376, Charles II envoie mĂȘme des troupes en Albanie, dont avait hĂ©ritĂ© par mariage son frĂšre Louis de Navarre[6] puis, en 1383-1385, il intervient au Portugal en faveur de la Castille[7]. Son fils Charles III (roi de 1387 Ă 1425) revient Ă la diplomatie et Ă la paix avec ses voisins.
La Navarre passe ensuite aux maisons d'Ivrée (ou de Trastamare), de Grailly (ou de Foix) et d'Albret.
Guerre civile navarraise
De 1451 jusqu'Ă 1461, une querelle successorale conduit Ă une guerre civile. Charles III meurt sans fils en 1425. Sa fille Blanche Ire de Navarre est mariĂ©e Ă lâhĂ©ritier dâAragon Jean. Le contrat de mariage prĂ©voit que les deux royaumes ne fusionneront pas et que le premier fils hĂ©rite du royaume de Navarre. Ă la mort de Blanche Ire en 1441, Jean d'Aragon conserve la Navarre, spoliant son fils Charles, prince de Viane.
Charles de Viane est soutenu par les Beaumont et les Luxe, qui sâopposent aux Gramont, alliĂ©s aux vicomtes de BĂ©arn et aux vicomtes de Dax. AprĂšs la mort de Charles de Viane, la guerre est temporairement rĂ©solue par lâarbitrage de Louis XI de France et dâHenri IV de Castille Ă lâentrevue du pont d'Osserain, en 1462. Jean d'Aragon conserve la Navarre jusquâĂ sa mort ; ensuite, le royaume va Ă sa seconde fille ĂlĂ©onore de Navarre, qui meurt la mĂȘme annĂ©e. La couronne passe Ă la maison de Grailly (qui possĂšde Foix et BĂ©arn depuis 1412).
La solution ne satisfait que partiellement les deux parties, qui guerroient sporadiquement jusquâau dĂ©but du XVIe siĂšcle.
- L'usurpation aragonaise en 1441.
- La guerre civile navarraise de 1451 Ă 1461.
ConquĂȘte de la Navarre par la Castille
- - Territoire resté indépendant en 1523
- - Territoires occupés par l'Espagne
En 1512, Ferdinand le Catholique, roi d'Aragon et rĂ©gent de Castille, et fils de Jean II, envahit la Navarre oĂč rĂšgnent Catherine Ire (de Grailly) et son mari Jean III (d'Albret), et conquiert rapidement la Haute-Navarre, et une partie de la Basse-Navarre dâoutre-PyrĂ©nĂ©es. Jean dâAlbret tente de reconquĂ©rir le royaume de sa femme, une premiĂšre fois en 1512, mais Ă©choue malgrĂ© lâaide française, et une deuxiĂšme fois en 1516, date Ă laquelle il meurt.
En 1518-19, le royaume est touchĂ© par une Ă©pidĂ©mie de peste. Profitant de la Guerre des CommunautĂ©s de Castille, Henri II de Navarre entreprend, avec lâaide française, une reconquĂȘte rapide de son royaume. Il est reconnu comme roi par les reprĂ©sentants de la ville de Pampelune le . AprĂšs quelques succĂšs, il est battu Ă Noain le , et perd Ă nouveau pratiquement toute la Navarre. La rĂ©sistance navarraise se focalise Ă Amaiur (1521-1522) et Fontarrabie (1521-1524).
DerniÚre période d'indépendance
Henri II installe sa capitale Ă Saint-Palais (PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques) et y rĂ©unit en 1523 les Ătats gĂ©nĂ©raux de Navarre. La Chancellerie de Navarre est Ă©galement restaurĂ©e. En 1524, Charles Quint envoie Philibert de Chalon envahir la Guyenne et la Basse-Navarre.
Henri II et François Ier sont faits prisonniers Ă Pavie le . Henri II parvient Ă s'Ă©vader quelques mois plus tard. En 1527 il Ă©pouse la sĆur de François Ier. Une nouvelle campagne permet la reconquĂȘte de la Basse-Navarre avec la reprise de Saint-Jean-Pied-de-Port le .
La Paix des Dames ayant mis fin en 1529 Ă la guerre entre Charles Quint et François Ier, ce dernier Ă©pousant la sĆur du premier, le sort de la Navarre est scellĂ©. Charles Quint abandonne lâidĂ©e de reconquĂ©rir la Basse-Navarre dont doit dĂ©sormais se contenter Henri II. La Haute-Navarre et Pampelune restent espagnoles.
En 1548, Jeanne d'Albret, hĂ©ritiĂšre du royaume, Ă©pouse Antoine de Bourbon. Craignant de nouvelles revendications sur la Haute-Navarre, Charles Quint fait proclamer son fils Philippe roi de Navarre Ă Pampelune par les Ătats de Navarre.
En , Antoine de Bourbon tente lui aussi de reconquérir la Haute-Navarre, mais il échoue.
Henri III de Navarre, fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, héritier de la maison capétienne de Bourbon, monte sur le trÎne de France en 1589, sous le nom de Henri IV, roi de France et de Navarre. En 1595 il déclare la guerre au roi d'Espagne. En 1598, à la paix de Vervins il se refuse toutefois à entériner l'annexion de la Navarre « espagnole ». Par un édit de , il cÚde et réunit ses possessions mouvantes de la Couronne de France au domaine royal, à l'exception de ses possessions souveraines de la Navarre, du Béarn et du Donezan.
Son fils Louis XIII (Louis II de Navarre) dĂ©cide de l'union de la couronne de Navarre Ă celle de France par l'Ă©dit de Pau (). Cet Ă©dit, bien que non ratifiĂ© par les Ătats de Navarre, marque l'Ă©tablissement de la loi salique dans la succession au trĂŽne du royaume de Navarre.
Louis XIII et ses successeurs ajoutĂšrent le titre de roi de Navarre Ă celui de roi de France[8].
Enjeu des luttes franco-espagnoles
La Navarre est dĂšs lors sĂ©parĂ©e en deux entitĂ©s : la Haute-Navarre, occupĂ©e depuis 1512, oĂč un vice-roi reprĂ©sente le roi dâEspagne, et la Basse-Navarre, oĂč le roi de France et de Navarre ne possĂšde quâun ensemble de petites vallĂ©es.
La guerre franco-espagnole (1635-1659) va maintenir ces territoires en alerte et entraßner une occupation militaire permanente. Le traité des Pyrénées, signé le sur l'ßle des Faisans, aux confins de la Navarre, non seulement ne met pas fin à la division du royaume de Navarre mais marque l'instauration officielle de la frontiÚre entre l'Espagne et la France.
Les guerres suivantes (guerre de Dévolution, guerre de Hollande, guerre des Réunions, guerre de la Ligue d'Augsbourg) maintiennent la tension et la militarisation sur la "frontiÚre" entre Haute et Basse-Navarre. La restitution de la Navarre occupée est cependant toujours envisagée dans le traité de Vienne (1668) ou dans celui de La Haye (1698).
Réunification avortée
En 1700 le roi d'Espagne (et de Haute-Navarre) Charles II meurt sans postĂ©ritĂ©. Le dauphin Louis de France, fils de Louis XIV, roi de France et de (Basse-)Navarre et de Marie-ThĂ©rĂšse sĆur ainĂ©e de Charles II, est alors susceptible de rĂ©unir sur sa personne les royaumes de France et d'Espagne et incidemment de rĂ©unifier le royaume de Navarre. Le dauphin reste cependant en retrait de la succession d'Espagne, se rĂ©serve pour le trĂŽne de France et cĂšde ses droits sur l'Espagne Ă son second fils qui devient Philippe V d'Espagne. Le dauphin ne rĂ©gnera finalement nulle part. Il meurt avant son pĂšre Louis XIV en 1711 et n'aura donc pas l'occasion d'envisager le futur de la Navarre avec son fils Philippe.
La guerre de Succession d'Espagne (1701-1714) qui assure le trÎne à Philippe V n'a que peu d'incidence en Navarre. La Haute-Navarre et les provinces basques (Alava, Biscaye et Guipuscoa) sont en effet des soutiens fidÚles de Philippe V tout le temps du conflit. Pour récompenser cette fidélité Philippe V maintient expressément le régime foral basque et navarrais alors qu'il supprime tous les autres par les décrets de Nueva Planta.
Division définitive
à la mort de Louis XIV en 1715, la division du royaume de Navarre est définitive. Il y a désormais deux royaumes de Navarre : le royaume espagnol de Haute-Navarre, et le royaume de Navarre en Basse-Navarre. Les souverains français et espagnols, tous issus de Louis XIV, sont alliés et aucun n'a de prétention sur le territoire navarrais de l'autre. Mais les rois de France ne reconnaissent pas[9] le titre de roi de Navarre que se donnent les rois d'Espagne.
Annexion
MalgrĂ© la protestation expresse des Ătats gĂ©nĂ©raux de Navarre, la RĂ©volution française entraĂźne en 1790 l'abolition des fors basques et navarrais, la dissolution de l'organisation territoriale et des institutions du royaume de (Basse-)Navarre et l'annexion de la Navarre Ă la France, avec la crĂ©ation d'un dĂ©partement des Basses-PyrĂ©nĂ©es[N 1].
à la Restauration, le souverain prend bien le titre de roi de France et de Navarre mais ne prend aucune mesure "effective" concernant le territoire ou les institutions navarraises. Cette fiction navarraise prend fin avec la révolution de Juillet (1830).
En Haute-Navarre, les institutions navarraises sont restaurĂ©es de maniĂšre effective aprĂšs la guerre contre NapolĂ©on, mais le courant centralisateur voit d'un mauvais Ćil cette autonomie. La crise dynastique de succession au trĂŽne d'Espagne en 1833 et le dĂ©but de la PremiĂšre Guerre carliste (1833-1839) vont entrainer la Haute-Navarre dans le conflit. Les Navarrais soutiennent en masse le prĂ©tendant don Carlos qui installe sa cour Ă Estella-Lizarra et rĂšgne "en" Navarre. La victoire finale des libĂ©raux centralisateurs de Madrid va entraĂźner l'abolition du rĂ©gime foral et la rĂ©duction du royaume de (Haute-)Navarre en simple province espagnole (1841).
Ăvolutions institutionnelles postĂ©rieures
Pour éviter un retour toujours possible du Guipuscoa et de l'Alava à la Navarre (comme ce fut le cas en 1366-1373) et pour s'assurer la conservation de l'héritage de la seigneurie de Biscaye (1379), les rois de Castille érigent au cours du XVe siÚcle ces trois territoires anciennement navarrais en provinces autonomes forales. Ces provinces, ainsi que la Haute-Navarre conquise définitivement en 1522 ne sont pas affectées par les décrets de Nueva Planta (1715) ou la division territoriale de l'Espagne en 1833 et sont conservées telles quelles.
Ces quatre provinces forales vont ĂȘtre alors l'Ă©picentre des guerres carlistes (1833-1839 et 1872-1876) et vont ĂȘtre prises ensuite comme rĂ©fĂ©rence gĂ©ographique par le nationalisme basque (1894). Curieusement le nationalisme basque insiste Ă considĂ©rer que la Navarre, qui Ă©tait Ă l'origine un "tout" politique, n'est qu'une "partie" du projet nationaliste (Zazpiak Bat).
L'Espagne, consciente de ce changement de paradigme, a veillĂ© depuis lors Ă alimenter une rivalitĂ© entre Basques et Navarrais. Cette politique a ainsi permis d'exclure la Haute-Navarre des statuts d'autonomie basques de 1936 et 1979, puis d'Ă©riger la Haute-Navarre mĂȘme en communautĂ© autonome forale diffĂ©renciĂ©e (1982). La Rioja, Ă©galement ancien territoire navarrais, est aussi Ă©rigĂ©e en communautĂ© automne (1982) ce qui assure le fractionnement complet de la Navarre historique.
CÎté français, le Royaume de Navarre subit un processus complet d'abolitio nominis (1789 et 1830) qui laisse la place à un Pays basque informel jusqu'à la création en 2017 d'une modeste (EPCI de troisiÚme niveau) communauté d'agglomération basque.
HĂ©raldique
Blasonnement :
De gueules aux rais d'escarboucle d'or[16]
Commentaires : Armoiries primitives de la Navarre Ces armes n'étaient déjà plus en usage lorsque Thibaut Ier monta sur le trÎne. |
Blasonnement :
De gueules aux rais d'escarboucle d'or rĂ©unis en orle, allumĂ©s en cĆur de sinople[16]
Commentaires : Armes anciennes du royaume de Navarre |
Blasonnement :
De gueules aux chaĂźnes d'or placĂ©es en orle, en croix et en sautoir, chargĂ©es en cĆur d'une Ă©meraude au naturel[16]
Commentaires : Armes de Navarre moderne Il est difficile de dire exactement à quelle date les rois de Navarre remplacÚrent les rais d'escarboucle par des chaßnes : selon les auteurs, les dates citées vont du rÚgne de Charles II de Navarre à 1700. Ces armes s'appliquent de nos jours tout autant à la Navarre française ou Basse-Navarre qu'à la Navarre espagnole ou Haute-Navarre. |
Institutions
Monnaie
Le royaume de Navarre a Ă©mis sa propre monnaie depuis ses origines jusqu'au XIX. siĂšcle et cela mĂȘme aprĂšs la conquĂȘte de la Haute-Navarre par la monarchie espagnole ou l'union avec le royaume de France. Historiquement, les ateliers de monnaie du royaume Ă©taient situĂ©s Ă Pampelune, MonrĂ©al, Saint-Jean-Pied-de-Port et Saint-Palais[17].
Dans le cadre de l'union entre la Navarre et la France, les monnaies Ă©mises associent sous une mĂȘme couronne les blasons des deux royaumes, selon un modĂšle d'armoiries d'alliance prĂ©fĂ©rĂ© Ă celui des armes composĂ©es. L'Ă©galitĂ© et l'indĂ©pendance des deux royaumes Ă©taient ainsi respectĂ©es. Bien que l'HĂŽtel de la monnaie de Saint-Palais fut fermĂ© entre 1672 et 1700[18] , ces monnaies sont Ă©mises jusqu'Ă la RĂ©volution française.
Dans le mĂȘme temps, les souverains espagnols, qui ont conquis la Haute-Navarre, continuent d'Ă©mettre de la monnaie navarraise aux seules armes de Navarre et qui adopte une numĂ©ration navarraise des souverains, jusqu'en 1834.
Langues
La langue vernaculaire de la majoritĂ© des Navarrais Ă©tait gĂ©nĂ©ralement le basque. De façon restreinte, l'occitan dans sa variante gasconne (au nord) et l'aragonais (Ă l'est) Ă©taient Ă©galement usitĂ©s. Par contre le castillan dans l'extrĂȘme sud (Tudela) de la Navarre actuelle fut la langue principale. Les langues utilisĂ©es par la chancellerie Ă©taient une forme d'occitan standardisĂ©, notamment dans la partie qui donnera par la suite la Basse-Navarre ainsi que l'ancien aragonais (lequel sera progressivement remplacĂ© par le castillan dans la partie mĂ©ridionale du royaume Ă la fin du Moyen Ăge).
La langue basque connait un essor particulier au XVI. siĂšcle, Ă©poque de l'imprimerie et de la RĂ©forme et c'est Ă l'initiative du royaume de Navarre que cela se produit. Ainsi la premiĂšre Ćuvre imprimĂ©e LinguĂŠ Vasconum PrimitiĂŠ (Bernard d'Etchepare, 1545) et la traduction du "Nouveau Testament" Jesus Christ Gure Jaunaren Testamentu Berria (Jean de Liçarrague, 1571).
La dĂ©fense de la langue se produit aussi dans les institutions. Ainsi, les Ătats de Navarre rĂ©clament en 1590 la rĂ©vocation des nominations de Pierre de Lascostes comme notaire royal, et de Jean de Laforcade, comme procureur gĂ©nĂ©ral, parce qu'ils n'entendaient pas le basque[19].
L'Ădit de Pau relatif Ă la fin de l'indĂ©pendance politique de la Navarre (1620) prĂ©voyait bien l'interdiction de l'usage d'autres langues que le français dans les institutions, mais les Ătats de Navarre insistaient encore en 1789 pour la dĂ©fense de l'usage de la langue basque[20].
La fin de l'indépendance navarraise et l'autoritarisme linguistique de la France et de l'Espagne ont entrainé un recul dramatique de la langue basque jusqu'au XX. siÚcle.
Notes et références
Notes
- Annexion de la Navarre par la France : le , l'AssemblĂ©e nationale française dĂ©crĂšte que la Navarre est « rĂ©uni[e] au BĂ©arn pour former un seul DĂ©partement »[10] â appelĂ© le , dĂ©partement du BĂ©arn[11], puis le , dĂ©partement des Basses-PyrĂ©nĂ©es[12]. Ces dĂ©crets entrent en vigueur par lettres-patentes du roi des François [sic][13] le . Tout cela avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© dĂšs le , par un dĂ©cret portant constitution des assemblĂ©es primaires et des assemblĂ©es administratives[14] ; et le , avait Ă©tĂ© lue Ă l'AssemblĂ©e une adresse « par laquelle la Navarre adhĂšre au dĂ©cret qui l'a confondue avec la France »[15].
Références
- espagnol : Navarra et basque : Nafarroa.
- Jean-Louis Davant (préf. Lorea Uribe Etxebarria), Histoire du peuple basque, Bayonne; Donostia, Elkar argitaletxea, coll. « Collection Histoire », , 11e éd. (1re éd. 1970), 352 p. (ISBN 9788497835480 et 8497835484, OCLC 49422842).
- Manex Goyhenetche, Histoire gĂ©nĂ©rale du Pays basque : PrĂ©histoire-Ăpoque Romaine-Moyen-Ăge, t. 1, Donostia / Bayonne, Elkarlanean, , 492 p. (ISBN 2913156207 et 8483314010, OCLC 41254536), p. 125-158.
- Ramirez de Palacios 2015, p. 259-296.
- Ramirez de Palacios 2015, p. 345-382.
- Ramirez de Palacios 2015, p. 333.
- Ramirez de Palacios 2015, p. 430.
- Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Royaume de Navarre » dans Dictionnaire universel dâhistoire et de gĂ©ographie, (lire sur Wikisource).
- Pinoteau 2004, p. 889-890.
- DĂ©cret du .
- DĂ©cret du .
- Décret du « qui ordonne de présenter à la sanction et à l'acceptation du roi, la rédaction générale des décrets sur la division de la France en 83 départemens ».
- Lettres-patentes du Roi : sur décrets de l'Assemblée nationale des , et , qui ordonnent la division de la France en quatre-vingt-trois départements, Imprimerie nationale, (lire en ligne).
- Décret portant Constitution des Assemblées primaires & des Assemblées administratives.
- Gazette nationale, ou Le Moniteur universel, No 130, mercredi , lire en ligne.
- Héraldique Européenne : Navarre
- Blanchet (1893), pp. 45-46
- Dumas (1959), p. 298
- AD64, C 1542
- Polverel (1789), pp. 188-189
Voir aussi
Sources et bibliographie
- AD64 â Archives DĂ©partementales des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques, e-archives
- (de) Joxe Azurmendi, « Die Bedeutung der Sprache in Renaissance und Reformation und die Entstehung der baskischen Literatur im religiösen und politischen Konfliktgebiet zwischen Spanien und Frankreich », dans Wolfgang W. Moelleken, Peter J. Weber (Ă©ds.), Neue Forschungsarbeiten zur Kontaktlinguistik, Bonn, DĂŒmmler, (ISBN 978-3-537-86419-2).
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Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (es) Présentation historique, géographique,⊠de la Navarre sur le site institutionnel de la Comunidad (en espagnol).
- Histoire du royaume.