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Poudrerie nationale du Ripault

La poudrerie nationale du Ripault est une ancienne poudrerie installée sur le territoire de la commune française de Monts, dans le département d'Indre-et-Loire en région Centre-Val de Loire.

Poudrerie nationale du Ripault
Vue partielle du site du Ripault en 1916
(carte postale).
Installations
Type d'usine
Superficie
120 hectares
Fonctionnement
Opérateur
Effectif
6000 (max) (1917)
Date d'ouverture
1786
Date de fermeture
en activité (2018)
Localisation
Situation
Coordonnées
47° 17′ 38″ N, 0° 40′ 20″ E
Localisation sur la carte de l’Indre-et-Loire
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Localisation sur la carte du Centre-Val de Loire
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Localisation sur la carte de France
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Elle est crĂ©Ă©e Ă  la veille de la RĂ©volution en 1786 par Antoine Lavoisier, rĂ©gisseur gĂ©nĂ©ral de l'Administration royale des poudres, en remplacement d'une trĂ©filerie Ă©tablie sur le cours de l'Indre quelques annĂ©es auparavant, cette trĂ©filerie faisant elle-mĂŞme suite Ă  des moulins Ă  farine mentionnĂ©s au XVIe siècle. Elle prend de l'importance tout au long du XIXe siècle et elle est considĂ©rĂ©e, dans les annĂ©es 1840, comme « la plus belle poudrerie d'Europe Â». Pendant la Première Guerre mondiale, elle emploie jusqu'Ă  6 000 ouvriers et connaĂ®t un grand dĂ©veloppement en produisant la poudre B qui a supplantĂ© la poudre noire. Au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, au maximum de son extension, ses installations s'Ă©tendent sur 120 ha.

Son histoire est ainsi marquĂ©e par des phases d’expansion correspondant aux pĂ©riodes oĂą la France, en guerre, a des besoins accrus en poudre et explosifs, mais elle est aussi jalonnĂ©e d'accidents (incendies et explosions). Le plus grave d'entre eux tue au moins 74 personnes, en blesse 345 autres — le bilan reste toujours incertain — et la ravage accidentellement le alors qu'elle est rĂ©quisitionnĂ©e par les autoritĂ©s allemandes. Son activitĂ© redĂ©marre en 1945, mais la forte rĂ©duction des besoins en explosifs la contraint Ă  diversifier ses activitĂ©s avec la fabrication de meubles, de peintures et d'antibiotiques, jusqu'Ă  sa fermeture en 1959.

La presque totalité du site et une partie du personnel sont repris en 1961 par le commissariat à l'énergie atomique (CEA) pour la direction des applications militaires (DAM) qui l'exploite toujours en 2018 ; ses activités devraient s'ouvrir davantage au domaine civil dans les années suivantes. Une zone industrielle, qui couvre une partie des terrains revendus par la poudrerie à sa fermeture mais s'étend au-delà, se développe au sud du site. Un musée, inaccessible au public puisqu'il se trouve dans l'enceinte du centre du CEA, retrace l'histoire de la poudrerie.

Contexte historique et géographique de la fondation du Ripault

Extrait d'une carte ancienne.
Les moulins de Candé sur la carte de Cassini.

Dès 1764, le roi Louis XV envisage la crĂ©ation d'une poudrerie en Touraine ou en Anjou. Cette localisation, sur les grands axes de circulation est-ouest du Val de Loire et nord-sud de Paris Ă  Bordeaux, semble avantageuse. En outre, le salpĂŞtre entrant dans la fabrication de la poudre trouve sur les murs et dans les carrières de tuffeau de ces provinces les conditions idĂ©ales Ă  sa formation, grâce au climat doux et humide du Val de Loire[F 1] : au dĂ©but des annĂ©es 1760, la gĂ©nĂ©ralitĂ© de Tours fournit annuellement environ 450 tonnes de salpĂŞtre Ă  la raffinerie de Saumur. Pourtant, les prospections engagĂ©es alors pour trouver un site convenant Ă  l'implantation de la poudrerie n'aboutissent pas[F 2].

Dès 1575, au nord-est de la paroisse de Monts, Ă  la limite de Montbazon, des moulins Ă  farine sont dĂ©jĂ  Ă©tablis sur le cours de l'Indre sous le nom de « moulins de CandĂ© Â», près de l'ancien château de CandĂ© dont ils dĂ©pendent alors. Après avoir changĂ© plusieurs fois de propriĂ©taires, ils sont totalement dĂ©truits par une crue de l'Indre en 1770 mais des crues antĂ©rieures les avaient probablement fragilisĂ©s. Cette crue majeure intervient alors que la vente Ă  deux nouveaux propriĂ©taires est dĂ©jĂ  signĂ©e[1]. Ces moulins sont reconstruits en 1772 de manière Ă  actionner une trĂ©filerie — la force motrice gĂ©nĂ©rĂ©e par la chute d'eau de 1,40 m est suffisante — travaillant pour la Marine royale et employant 72 ouvriers. Le duc de Rohan-GuĂ©mĂ©nĂ©, seigneur de Montbazon, a donnĂ© son accord indispensable Ă  cette transformation[1]. Dès la mise en service de la trĂ©filerie, les propriĂ©taires installĂ©s plus en aval sur l'Indre se plaignent de ce que les amĂ©nagements de l'usine ont perturbĂ© le dĂ©bit de la rivière, rendant leurs moulins moins performants[2]. L'activitĂ© de cette usine cesse en 1785[F 3] après de graves problèmes financiers principalement liĂ©s Ă  la crise Ă©conomique nĂ©e de la guerre d'indĂ©pendance des États-Unis et malgrĂ© plusieurs demandes d'aide adressĂ©es au roi Louis XVI, restĂ©es sans rĂ©ponse[3] ; d'importantes avances, consenties Ă  de gros clients de la trĂ©filerie mais jamais remboursĂ©es, grèvent Ă©galement les finances de l'entreprise[4].

Le toponyme de « Ripault Â», plus anciennement orthographiĂ© « Ripaux Â», semble provenir du latin ripoe, lui-mĂŞme issu de rip(a, ae) : « rive d'un cours d'eau » (l'Indre en l'occurrence)[5].

Localisation

L'implantation primitive de la poudrerie du Ripault se fait sur la rive droite de l'Indre, en limite des communes actuelles de Montbazon et Monts, entre la rivière et la route (actuelle D 87) qui relie les deux communes. Elle s'étend par la suite vers le sud, sur la rive gauche de l'Indre, et vers l'ouest, mais la ligne ferroviaire Tours-Bordeaux, ouverte en 1851 entre Tours et Poitiers, constitue dans cette direction une limite que l'usine ne franchit pas. Le bourg de Monts, encore plus au sud-ouest, est séparé de la poudrerie par la voie ferrée, construite en fort remblai à ce niveau.

Historique

Une poudrerie remplace la tréfilerie

Extrait d'une carte ancienne.
Le Ripault sur le cadastre napoléonien (le nord est à gauche).

En 1786, Antoine Lavoisier, fermier gĂ©nĂ©ral et rĂ©gisseur gĂ©nĂ©ral de l'Administration royale des poudres, achète la trĂ©filerie et y installe une poudrerie dont la direction est confiĂ©e Ă  Jean RenĂ© Denis Riffault des HĂŞtres qui avait repris les prospections initiĂ©es sous Louis XV et dĂ©couvert le site du Ripault. Riffault, franc-maçon, a probablement bĂ©nĂ©ficiĂ© de son rĂ©seau de relations pour trouver ce site : il appartient Ă  la mĂŞme loge maçonnique que l'un des derniers propriĂ©taires de la trĂ©filerie[F 4]. La poudrerie fonctionne dans les bâtiments et avec le personnel de l'ancienne trĂ©filerie dont les moulins, reconstruits en 1787[G1 1], actionnent les pilons servant Ă  Ă©craser et malaxer salpĂŞtre, charbon de bois et soufre qui composent la poudre Ă  canon. En 1788, la poudrerie occupe dix hectares sur la rive droite de l'Indre avec quatre moulins commandant au total 80 pilons[6], douze ateliers, des grenoirs et des sĂ©choirs, des magasins, des logements pour les cadres et une chapelle transformĂ©e en sĂ©choir en 1793[G1 2], seul bâtiment de cette Ă©poque encore debout au XXIe siècle. Les ouvriers habitent en dehors de l'enceinte de la poudrerie[F 4]. En 1789, la poudrerie emploie une centaine de personnes[7] qui semblent bĂ©nĂ©ficier dès cette Ă©poque d'une prise en charge mĂ©dicale totale et gratuite[G2 1]. Jusqu'en 1791, l'entreprise s'agrandit progressivement en rachetant des terrains aux propriĂ©taires du château de CandĂ©[G1 3] et pendant cette pĂ©riode elle fabrique de la poudre de guerre, de la poudre de mine et de la poudre de chasse[G1 4]. Cette prospĂ©ritĂ© de la poudrerie suscite cependant des conflits de voisinage : en effet, les propriĂ©taires de prĂ©s situĂ©s en amont de la poudrerie constatent que leurs pâturages sont frĂ©quemment inondĂ©s par des crues de l'Indre depuis que le Ripault a Ă©difiĂ© des barrages pour rĂ©guler l'alimentation de ses moulins[G1 5]. En outre, le statut des ouvriers, exemptĂ©s de certaines taxes et impĂ´ts, suscite un peu de jalousie chez les autres habitants[8].

Menace temporaire de fermeture

Dessin en noir et blanc d'un système de pilon plongeant dans des mortiers.
Pilons et mortiers des manufactures de poudre.

Toutefois, au dĂ©but des annĂ©es 1790, bien que « la Patrie en danger Â» augmente les besoins en poudre, l'existence de la poudrerie est remise en cause. Un nouveau mode de fabrication de la poudre voit le jour en rĂ©gion parisienne, beaucoup plus rapide (quelques heures seulement) et plus simple que le système de pilons traditionnels, dont le gouvernement dĂ©crète alors l'abandon, d'autant qu'il souhaite centraliser la production en rĂ©gion parisienne, ce qui dĂ©clenche le l'une des rares grèves du personnel dans l'histoire de la poudrerie[G2 2]. Riffault, pour dĂ©montrer la compĂ©titivitĂ© de son Ă©tablissement, amĂ©liore la technique des pilons, invente un procĂ©dĂ© de sĂ©chage rapide en Ă©tuve et relance le Ripault, dont le maintien est officiellement acquis en 1796. Entre-temps, la guerre de VendĂ©e accroĂ®t les besoins en poudre dans l'ouest de la France au bĂ©nĂ©fice du Ripault, et l'explosion de la poudrerie de Grenelle le (environ 536 morts et 827 blessĂ©s[9]) provoque un report de la production sur les sites de province[F 5]. C'est ainsi que le Ripault approvisionne les troupes combattant Ă  Tours, mais aussi dans l'ensemble du Val de Loire, ainsi qu'en Mayenne[10]. Dans les dĂ©cennies qui suivent sa fondation, la poudrerie du Ripault se dote d'entrepĂ´ts de stockage « satellites » Ă  Bourges, Châtellerault, Le Mans, Limoges, Saumur et Tours[G1 6]. C'est de ce dernier point que part, sur la Loire, la poudre destinĂ©e aux ports atlantiques de la Marine[G1 7].

Agrandissements successifs au XIXe siècle

Villes où sont livrées les poudres du Ripault au début du XIXe siècle[G1 8].
Localisation sur la carte de France.
Esquerdes
Corbeil-Essonnes
Angers
Vonges
Tours
Perpignan
Saint-Chamas
Poitiers
Nantes
Brest
Saint-Jean-d'Angély
La Rochelle
Rochefort
Saint-Malo
Le Mans
Saumur
Grenoble
Besançon
Vincennes
Saumur
Orléans
Paris
Limoges

Après la retraite de Russie, il faut reconstituer l'armĂ©e impĂ©riale, grâce Ă  des recrutements massifs. Les employĂ©s du Ripault sont exemptĂ©s de conscription, Ă  condition d'ĂŞtre mariĂ©s, ce qui contribue Ă  rendre attractif un emploi Ă  la poudrerie[11]. L'installation initiale, formĂ©e de quatre moulins Ă  poudre sur un terrain de 9 hectares, est agrandie en 1815, et couvre dĂ©sormais 22 hectares sur la rive droite de la rivière, permettant une production de 250 tonnes de poudre noire par an[Note 1] avec un effectif de 40 ouvriers encadrĂ©s par 4 officiers[F 6]. Le salpĂŞtre est produit rĂ©gionalement, tout comme le charbon de bois de bourdaine, fabriquĂ© au Ripault Ă  partir de bois provenant du Cher, de l'Indre-et-Loire et de la Sarthe[13] - [G1 9] ; le soufre, extrait des rĂ©gions volcaniques de l'Italie du Sud[G1 10], transite par Marseille oĂą il est raffinĂ©[F 5].

Sous Louis-Philippe, le Ripault est considĂ©rĂ© comme la plus belle poudrerie d’Europe et ses productions sont distribuĂ©es dans une grande partie de la France ; d'autres poudreries, comme celles d'Esquerdes ou de Vonges, commercent Ă©galement avec le Ripault[G1 8]. Une Ă©tude menĂ©e dans les annĂ©es 1830 sur les propriĂ©tĂ©s des poudres françaises montre que si la poudre du Ripault n'est pas la plus puissante, elle occasionne moins de dommages aux armes qui l'utilisent[14]. En , en Ă©cho aux journĂ©es de Juin, les ouvriers du Ripault se mettent en grève et marchent en direction de Tours mais le chanoine François Manceau arrive Ă  nĂ©gocier leur retour Ă  Monts[F 7]. Cette mĂŞme annĂ©e, le rĂ©seau actuel de canaux est mis en place, tout comme la première usine Ă©quipĂ©e de meules[6], technique qui finit par supplanter peu Ă  peu les pilons[G2 3]. Une nouvelle extension a lieu en 1851 grâce aux premiers achats de terrains sur la rive gauche de l'Indre ; le Ripault emploie alors 200 Ă  300 personnes[G2 4]. En 1864, la poudrerie produit de la poudre de guerre, de la poudre de mine et de la poudre de chasse, destinĂ©es au marchĂ© intĂ©rieur ou Ă  l'exportation[G2 5]. L'annĂ©e suivante, le Ripault et quatre autres poudreries passent sous l'autoritĂ© du ministère de la Guerre, leur production Ă©tant destinĂ©e Ă  un usage exclusivement militaire ; d'autres Ă©tablissements fabriquent de la poudre Ă  usage civil. La poudrerie est profondĂ©ment rĂ©amĂ©nagĂ©e pour rĂ©pondre Ă  cette nouvelle orientation avec notamment des Ă©changes d'Ă©quipements entre les Ă©tablissements[F 6]. C'est Ă©galement Ă  cette date qu'est construite l'enceinte du Ripault, toujours en place, sur la rive droite de l'Indre[15]. L'extension du Ripault est alors rendue nĂ©cessaire par les besoins en poudre des guerres de NapolĂ©on III (CrimĂ©e, Italie et Mexique)[16].

Au cours de la guerre de 1870, le Ripault est occupĂ© et partiellement pillĂ© par les troupes prussiennes, mĂŞme si la plupart des machines ont pu ĂŞtre dĂ©montĂ©es prĂ©ventivement et envoyĂ©es Ă  la poudrerie nationale de Toulouse[F 8], et l'usine tourangelle est Ă©vacuĂ©e vers le [17]. En 1873, le gouvernement dĂ©cide d'installer sur le site des machines Ă  vapeur. Dans cette optique, 20 hectares supplĂ©mentaires sont achetĂ©s sur la rive gauche de l'Indre et la poudrerie rejoint la route de Montbazon. En outre, dans la première moitiĂ© des annĂ©es 1870, en raison de l'annexion de l'Alsace-Moselle, le Ripault accueille de nombreux ouvriers de la poudrerie nationale de Metz qui souhaitent rester français, et la population de Monts augmente de manière significative Ă  cette Ă©poque. Le Ripault reçoit le la visite du marĂ©chal de Mac Mahon, prĂ©sident de la RĂ©publique[F 8]. En 1879, une crue de l'Indre[18] emporte le pont de pierre qui, dans l'enceinte de la poudrerie, enjambe la rivière ; il est peu après reconstruit en mĂ©tal[15]. En 1894, la poudrerie commence Ă  fabriquer la poudre sans fumĂ©e ou poudre B[19], inventĂ©e en 1884 par Paul Vieille, cette production, qui marque une rupture dans les techniques utilisĂ©es au Ripault, remplace progressivement celle de la poudre noire[G2 6] (stoppĂ©e en 1907[G2 7]). La poudrerie s'Ă©tend alors sur une surface qui atteint 50 hectares[F 9]. Le Ripault participe Ă©galement aux Ă©tudes relatives aux amĂ©liorations des poudres[20].

Première Guerre mondiale

Dessin en noir et blanc des meules circulaires d'un moulin.
Moulin Ă  meules pour la poudre Ă  canon.

En 1910, Victor-Eugène Ardouin-Dumazet, visitant la Touraine, dĂ©crit la poudrerie comme un ensemble de petits bâtiments dissĂ©minĂ©s dans le « cadre enchanteur Â» d'un paysage bucolique[21]. Ă€ la veille de la Première Guerre mondiale, de 1911 Ă  1914, la poudrerie se voit Ă©quipĂ©e de trois presses, d'une centrale thermique et d'un raccordement Ă  la ligne ferroviaire de Paris Ă  Bordeaux Ă  partir de la gare de Monts[G2 8] ; elle s'Ă©tend vers l'ouest jusqu'au pied du remblai de cette voie ferrĂ©e après l’achat des terres de la ferme de « la Bade Â» — ce lieu-dit est dĂ©jĂ  mentionnĂ© sur la carte de Cassini. Pendant la guerre, elle emploie jusqu'Ă  6 000 ouvriers dont 1 270 femmes[22] et s'Ă©tend sur 56 hectares, puis en 1917, sur 87 hectares avec une nouvelle usine au sud du site, justifiĂ©e par les besoins de l'armĂ©e et dĂ©diĂ©e Ă  la fabrication de la poudre B qui mobilise environ 3 500 personnes Ă  elle seule[23]. En 1918, la superficie passe Ă  108 ha[G2 9]. La poudrerie dispose Ă©galement de plusieurs usines annexes dans d'autres rĂ©gions, comme celle de PaimbĹ“uf qui l'approvisionne en acide sulfurique[24].

En 1920, la paix revenue, l'unitĂ© rĂ©cente de fabrication de la poudre B est mise en sommeil et l'effectif redescend Ă  250 ouvriers[F 8]. Le Ripault fabrique alors, entre autres explosifs, de la ballistite et de la schneidĂ©rite[Note 2] pour les obus[F 10] - [27].

Conditions de travail et sécurité au cœur des préoccupations

Les ouvriers travaillant au Ripault disposent, dès le XIXe siècle, d'avantages sociaux non négligeables. Ils ont accès à tarifs préférentiels à des soins médicaux ou chirurgicaux ; des bains-douches sont à leur disposition, ainsi qu'une école et un magasin d'approvisionnement coopératif ; une société de secours mutuel est créée à leur intention[G2 11].

Photographie d'une locomotive à vapeur sur un socle dans la cour d'un musée.
Locomotive à vapeur comprimée utilisée au Ripault.

Dès 1843, une forme d'audit interne est mise en place pour évaluer les risques d'accidents et identifier les mesures à prendre pour les limiter ; cette démarche concerne les matériaux de construction employés, la formation du personnel et le contrôle régulier de l'état du matériel[G2 12]. Ces mesures sont progressivement mises en œuvre pour limiter les risques de propagation de l’incendie en cas d’explosion[Note 3]. C'est ainsi qu'au début du XXe siècle les différents ateliers de fabrication et les zones de stockage, de taille modeste, sont largement disséminés sur le site et séparés par des talus et des haies ; ceci explique la grande superficie de la poudrerie.

Ce cadre de travail verdoyant et bocager est également de nature à limiter le stress chez des personnes qui travaillent dans la crainte perpétuelle de l'accident[G1 11]. Cette conscience collective d'un danger quotidiennement encouru et partagé fait naître chez les ouvriers du Ripault un « fort sentiment de solidarité face à l'adversité, comparable à celle des mineurs du Nord ». Pourtant, ce sentiment n'est pas renforcé par la proximité dans la vie quotidienne car, à la différence des corons, il n'existe pas au Ripault de véritable cité ouvrière, les habitations étant disséminées dans la vallée de l'Indre, exception faite des camps de la fin des années 1930, à l'existence éphémère[F 7].

Les ouvriers sont fouillĂ©s Ă  leur entrĂ©e sur le site, allumettes et briquets sont confisquĂ©s[Note 4]. Toute personne travaillant dans l'enceinte du Ripault doit, en entrant, se changer et revĂŞtir un uniforme noir en tissu de laine incombustible, chausser des sandales en caoutchouc ou des sabots de bois non cloutĂ©s ; cet habillement est entretenu sur place. Tous les outils mĂ©talliques sont en cuivre pour ne pas risquer de produire d'Ă©tincelles. Pour des raisons de sĂ©curitĂ©, la vapeur nĂ©cessaire au fonctionnement du chemin de fer d'entreprise installĂ© en 1875[G2 13] (Ă©cartement des rails de 600 mm, valeur courante pour des chemins de fer industriels ou militaires) est produite Ă  l’extĂ©rieur de l'enceinte et les locomotives sans foyer fonctionnent Ă  la vapeur comprimĂ©e[F 11].

MalgrĂ© ces prĂ©cautions, plusieurs explosions ou incendies se produisent au Ripault en 1811, 1825 (12 victimes le ), 1839, 1877, 1901 (18 morts le [29]), 1917 (trois accidents successifs faisant au total deux victimes) et 1925[F 6] - [30]. Ces accidents sont les plus graves enregistrĂ©s mais d'autres incidents sont Ă©galement signalĂ©s[31] - [Note 5]. Au dĂ©but du XXe siècle, Victor-Eugène Ardouin-Dumazet remarque que les ouvriers travaillant dans d'autres poudreries oĂą se prĂ©pare la poudre B ont « les mains et la figure d'un jaune-citron », mais que ce n'est pas le cas pour les ouvriers du Ripault qui conservent « leur teint frais et clair »[32]. Ces symptĂ´mes sont probablement dus Ă  l'inhalation des vapeurs des solvants utilisĂ©s pour la prĂ©paration de la poudre B (Ă©thanol, Ă©ther diĂ©thylique) ; ces vapeurs provoquent des maladies professionnelles qui rĂ©duisent l'espĂ©rance de vie des employĂ©s des poudreries, et elles touchent les « Ripaulins » (surnom donnĂ© aux employĂ©s du Ripault) dans les annĂ©es 1930[F 13].

D'une guerre Ă  l'autre

  • Carte en couleurs figurant les agrandissements successifs d'une usine.
    Évolution de l'emprise de la poudrerie au fil des ans.
  • Histogramme reprĂ©sentant l'Ă©volution des surfaces d'une usine.
    Évolution de la superficie du Ripault de sa création
    Ă  sa cession au CEA.

Dans l'entre-deux-guerres, la présence du Ripault a une incidence inattendue sur la démographie des communes voisines : l'installation des étrangers y est interdite en raison de la proximité de ce site relevant de la Défense nationale[33].

En 1937, la poudrerie est rĂ©activĂ©e avec la mise en place d'une nouvelle presse et de silos, puis cinq presses supplĂ©mentaires sont installĂ©es en 1939 ; l'effectif monte alors Ă  850 ouvriers et la poudrerie s'Ă©tend sur 120 ha, le secteur dit de « la Gargousserie Â» Ă©tant implantĂ© au sud de la route de Montbazon (actuelle D 17) ; il existe en outre, en dehors de l'enceinte, Ă  l'est du site, une aire de tir Ă©quipĂ©e de mortiers-Ă©prouvettes oĂą sont testĂ©s les explosifs et leur incidence sur les armes qui les utilisent. L'Ă©tanchĂ©itĂ© des conteneurs de poudre (des caisses de bois extĂ©rieurement revĂŞtues de zinc) est rĂ©gulièrement vĂ©rifiĂ©e par immersion dans l'Indre[F 9]. La poudrerie du Ripault gère Ă©galement un parc de stockage de poudre de plus de 50 ha Ă  Sillars dans la Vienne[F 8]. Quatre camps destinĂ©s Ă  loger les « Ripaulins » sont construits sur un mĂŞme modèle Ă  un peu plus d'un kilomètre de l'enceinte (nord-ouest et sud-ouest Ă  Monts, nord-est Ă  VeignĂ© et sud-est Ă  Montbazon)[G2 14]. Au , l'effectif de la poudrerie culmine Ă  5 708 ouvriers[G2 15] mais la production est fortement perturbĂ©e par la guerre : le personnel qualifiĂ© mobilisĂ© est remplacĂ© par des employĂ©s moins expĂ©rimentĂ©s, nĂ©cessitant une rĂ©organisation complète des Ă©quipes en fonction des postes de travail[G2 16]. Il est Ă©galement fait appel Ă  de la main d'Ĺ“uvre Ă©trangère, polonaise ou indochinoise[G2 15].

Dès le [Note 6] la production et une partie du personnel sont transfĂ©rĂ©s Ă  Bergerac[F 8] — il reste environ 150 Ă  200 personnes au Ripault[G2 15] — mais les bâtiments sont toujours entretenus[35] bien que certains stocks de poudre soient dĂ©truits sur place conformĂ©ment aux consignes de la prĂ©fecture[36], alors que d'autres sont cachĂ©s dans les caves du château de la Roche-Racan Ă  Saint-Paterne-Racan dans le nord du dĂ©partement[G2 17]. La garde de la poudrerie est confiĂ©e au 32e rĂ©giment d'infanterie[G2 18]. Ă€ ce moment-lĂ , le camp de la Lande, l'un des camps construits Ă  la fin de 1939 pour loger les ouvriers du Ripault et disposant de 26 bâtiments sur une superficie de 7,5 ha[37], est utilisĂ© comme camp d'internement : il est occupĂ©, Ă  partir de 1940 alors qu'il est vide de ses occupants habituels, par des Juifs polonais Ă©vacuĂ©s de Moselle puis refoulĂ©s de la rĂ©gion bordelaise. Ces derniers, transfĂ©rĂ©s au camp de Drancy, puis vers Auschwitz en 1942 (14 survivants recensĂ©s pour 422 dĂ©portĂ©s[F 8]), sont remplacĂ©s par plus de 300 femmes communistes de la rĂ©gion parisienne[38].

Fonctionnement de la poudrerie en 1943

Fin 1942, les autoritĂ©s d'occupation dĂ©cident de remettre la poudrerie du Ripault en Ă©tat de fonctionnement[G2 19] pour la fabrication de poudre au profit de l'armĂ©e allemande dans le cadre du « Pulver Plan Â»[15] - [Note 7] : sa production est destinĂ©e au front de l'Est. La poudrerie fonctionne sous commandement militaire français avec du personnel français local, rapatriĂ© de Bergerac ou d'Allemagne[Note 8], 1 000 Ă  4 000 personnes selon les sources[36] - [Note 9], mais une demi-douzaine de responsables allemands sont sur place, logeant dans l'enceinte de la poudrerie, leur tâche se limitant Ă  vĂ©rifier la qualitĂ© de la production[41].

Explosion et bilan

Photographie en couleurs d'un monument en forme de pyramide tronquĂ©e portant l'inscription « Aux morts du Ripault Â».
Monuments aux morts du Ripault au cimetière de Monts.
  • Carte montrant, par un cercle en couleur, la zone de dĂ©gâts majeurs d'une explosion.
    Zone de destruction totale de l'explosion.
  • Carte montrant, par un cercle en couleur, la zone gĂ©ographique oĂą un bruit a Ă©tĂ© perçu.
    Zone de perception du bruit de l'explosion.

Le Ă  11 h 3 survient une explosion qui fait officiellement 55 morts et 19 disparus mais le nombre des victimes pourrait atteindre la centaine, car les Allemands n'ont jamais publiĂ© de bilan humain dans leurs rangs et les personnes dĂ©cĂ©dĂ©es ultĂ©rieurement de leurs blessures ne sont pas comptabilisĂ©es[42]. Les chantiers de la jeunesse française interviennent pour la première fois sur le site du Ripault ce matin-lĂ , dans des ateliers de fabrication de poudre Ă  canon ; un premier bilan provisoire fait Ă©tat de deux morts parmi les jeunes de ces chantiers[43], nombre qui est en dĂ©finitive portĂ© Ă  sept[44]. L'explosion blesse Ă©galement 345 personnes, dont 145 gravement. La plupart des morts et des blessĂ©s sont victimes de brĂ»lures ou de l'effet de souffle. L'explosion d'un convoi en cours de dĂ©chargement creuse un cratère de 15 m de profondeur et entraĂ®ne la destruction d'une grande partie des installations[F 12] : vingt-et-un ateliers sont rasĂ©s dans des explosions se propageant de proche en proche. La totalitĂ© des maisons du hameau de Vontes, près de l'entrĂ©e sud de la poudrerie, est soufflĂ©e. Tous les bâtiments disparaissent dans un rayon de 155 m autour du point de l'explosion initiale[40].

Les effets sont ressentis jusqu'Ă  Tours, Ă  10 km de lĂ , oĂą des vitrines se brisent[45] et oĂą la voĂ»te d'une Ă©glise s'effondre partiellement[46]. Par contre, l'onde de choc de l'explosion n'atteint pas le bourg de Monts, tout proche : il se trouve protĂ©gĂ© par le remblai de la voie ferrĂ©e Paris-Bordeaux, haut de plus de 20 m, qui le sĂ©pare de la poudrerie[47]. Il est possible que le plafond nuageux, très bas ce jour-lĂ , ait accentuĂ© les effets au sol, en limitant la dispersion de l'onde de choc en altitude[40]. Le bruit des explosions est entendu dans un rayon d'au moins 50 km, jusqu'Ă  Château-Renault, Châtellerault et MontrĂ©sor[48].

Les dĂ©gâts sont Ă©valuĂ©s Ă  200 millions d'anciens francs (plus de 46 millions d'euros en 2017) pour la poudrerie et 10 millions de francs (2,3 millions d'euros en 2017) pour les constructions privĂ©es, habitations principalement, hors de la poudrerie[G2 20].

Un monument à la mémoire des victimes de tous les accidents du Ripault est érigé dans le cimetière de Monts. Une cérémonie du souvenir y a lieu le de chaque année[49].

Causes du sinistre

photographie en couleurs d'un matériau d'aspect semblable à du coton hydrophile.
Échantillon de nitrocellulose.

Le quotidien La DĂ©pĂŞche du Centre, dont les autoritĂ©s allemandes permettent la parution soigneusement contrĂ´lĂ©e[Note 10], n'indique pas prĂ©cisĂ©ment le lieu de l'explosion dans son Ă©dition du [F 14]. Toutefois, le bouche-Ă -oreille a dĂ©jĂ  fait parvenir la nouvelle Ă  la population de Tours qui voit, de plus, le panache de fumĂ©e s’élever de l'horizon. La rumeur Ă©voque un sabotage, fausse information que Radio Londres s'empresse pourtant d'exploiter[51]. L'explosion est en rĂ©alitĂ© accidentelle et due Ă  une succession de nĂ©gligences et de dĂ©cisions inadaptĂ©es. D'ailleurs, le prĂ©cĂ©dent, une première explosion accidentelle fait 3 morts, laissant supposer un relâchement dans l'observation des consignes de sĂ©curitĂ© dans la poudrerie[G2 21].

Ă€ la mi-octobre, le Ripault manque de nitrocellulose pour Ă©laborer la poudre B. Un stock, fabriquĂ© en 1940, est convoyĂ© par rail depuis la poudrerie de Saint-MĂ©dard-en-Jalles (19 wagons en trois arrivages pour 240 t de nitrocellulose) jusqu'au Ripault mais le vendredi , alors que les wagons sont stationnĂ©s dans la poudrerie, près de son entrĂ©e sud situĂ©e sur la route de Montbazon, les analyses rĂ©vèlent que le taux d'hygromĂ©trie de la nitrocellulose n'est que de 5 % au lieu des 25 % imposĂ©s pour limiter le risque d'explosion ; en outre, certaines caisses en bois, partiellement Ă©ventrĂ©es, laissent Ă©chapper une partie des 150 kg de nitrocellulose qu'elles contiennent. L'explosif n'aurait pas dĂ» ĂŞtre expĂ©diĂ© dans ces conditions et le prĂ©fet de rĂ©gion demande, dans un courrier adressĂ© au ministre de la Production industrielle, des sanctions Ă  l'encontre du directeur de la poudrerie de Saint-MĂ©dard[G2 22]. Les ouvriers refusent de procĂ©der au dĂ©chargement du train : la nitrocellulose excessivement sèche est très facilement inflammable. Ils y sont pourtant contraints car la SNCF souhaite rentrer au plus vite en possession de ses wagons et le travail reprend le lundi 18, sans mesure de sĂ©curitĂ© complĂ©mentaire ; les documents ne prĂ©cisent pas qui a donnĂ© cet ordre[52]. L'Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur de la catastrophe n'est pas connu dans le dĂ©tail mais il est possible qu'une Ă©tincelle causĂ©e par le frottement d'une roue sur le rail ait enflammĂ© de la nitrocellulose trop sèche tombĂ©e d'une caisse dĂ©fectueuse[G2 23] ; cette hypothèse ne peut ĂŞtre corroborĂ©e car aucun tĂ©moin proche n'a survĂ©cu, les corps des victimes tuĂ©es dans la zone du dĂ©chargement n'ont jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©s et les Ă©ventuels indices matĂ©riels ont Ă©tĂ© dĂ©truits par la violence de l'explosion[40]. Le camp de la Lande sert Ă  reloger temporairement la centaine de personnes sinistrĂ©es[G2 24] - [53].

Ce désastre a une incidence importante sur l'urbanisation dans le secteur du Ripault. En 1947, la guerre finie, la première mesure de sécurité adoptée à Monts, pour limiter les effets d'un accident comparable à celui de 1943, est la création d'une zone tampon interdite aux constructions à vocation résidentielle autour de la poudrerie[G2 25].

Activité poudrière en régression

Les installations ne sont remises en Ă©tat qu'en 1945 Ă  l'ouest du site, partie la moins endommagĂ©e par l'explosion et, avec la fin du conflit et la baisse des demandes de poudre, les activitĂ©s traditionnelles de la poudrerie diminuent progressivement. De plus, installations et matĂ©riels sont vieillissants (plus de 30 ans d'âge pour certains)[G2 26]. La poudrerie est utilisĂ©e pour le traitement des munitions amĂ©ricaines endommagĂ©es, pour la fabrication de poudre de guerre puis dès 1946, de la poudre de chasse (K)[F 11]. En 1952, le Ripault cesse de fabriquer des poudres Ă  usage militaire livrĂ©es aux États-Unis pour le compte de l'OTAN[G2 27]. De 1953 Ă  1957, l'activitĂ© est principalement limitĂ©e Ă  la rĂ©cupĂ©ration de tolite sur des munitions dĂ©classĂ©es[15].

Tentatives de diversification

Pour employer le personnel de la poudrerie que la baisse des activitĂ©s traditionnelles risque de rĂ©duire au chĂ´mage, les mĂ©tiers exercĂ©s au Ripault se diversifient largement. Un service d'Ă©tudes biochimiques est crĂ©Ă© dès 1946[Note 11] ; une partie du site, de manière assez Ă©phĂ©mère, est dĂ©diĂ©e Ă  la fabrication d'antibiotiques (pĂ©nicilline et tyrothricine) pour laquelle Roger Bellon est sollicitĂ©[15] - [54] - [55]. La production d'antibiotiques, qui emploie environ 200 personnes[G2 28], s'avère non rentable et s'arrĂŞte en 1948[G2 29]. En 1950, la Cour des comptes estime que cette activitĂ© commerciale est de toute manière incompatible avec le statut de la poudrerie et la production est transfĂ©rĂ©e en nom propre au laboratoire Roger Bellon[56] qui n'agissait alors que comme sous-traitant de la poudrerie. Les laboratoires Roger Bellon construisent alors 6 000 m2 de bâtiments et l'unitĂ© est opĂ©rationnelle dès 1951 ; l'usine s'agrandit en 1957 de l'autre cĂ´tĂ© de la D 17, sur le site de « la Gargousserie Â»[57]. Cette mutation technologique est dĂ©finitive sur une partie du Ripault oĂą l'industrie pharmaceutique reste implantĂ©e depuis lors[58].

La poudrerie produit également certaines peintures Valentine pour compenser la destruction par bombardement de l'usine de Gennevilliers pendant la guerre. Elle se consacre aussi à la confection de meubles (lits pour enfants) ; certains secteurs du site du Ripault et du parc de stockage de Sillars sont par ailleurs mis en culture mais ces deux dernières activités, elles aussi non rentables, sont abandonnées dès 1950[G2 30].

Reprise par le CEA

Photographie en couleurs de l'entrée d'une usine avec le panneau CEA.
Entrée du CEA du Ripault.

En 1959, le ministre des ArmĂ©es Pierre Guillaumat annonce la cessation dĂ©finitive de l'activitĂ© de la poudrerie dans le cadre d'un plan global de rĂ©organisation de la filière nationale, la production Ă©tant transfĂ©rĂ©e Ă  Pont-de-Buis-lès-Quimerch, ce qui dĂ©clenche une grève du personnel[F 7]. Quarante des ouvriers sont reclassĂ©s dans le cadre de la reprise du site en 1961 par le CEA pour la direction des applications militaires (DAM), dĂ©cision annoncĂ©e par le Premier ministre Michel DebrĂ©. Le Ripault travaille Ă  la mise au point des dispositifs de mise Ă  feu des missiles balistiques nuclĂ©aires français et mène des recherches dans le domaine des piles Ă  combustible[F 11] - [59]. Une partie des bâtiments, au sud du site, est cĂ©dĂ©e Ă  l'entreprise pharmaceutique du laboratoire Roger Bellon qui s'agrandit[F 10] (580 employĂ©s dans les annĂ©es 1970[60]) et dont certains ouvriers logent au camp de la Lande avant sa destruction en 1970[61]. D'autres bâtiments sont confiĂ©s au fabricant de règles Ă  calcul Graphoplex qui en 1973 regroupe Ă  Monts l'ensemble de sa production[62]. Le centre du Ripault se sĂ©pare ainsi de tous les terrains de l'ancienne poudrerie situĂ©s au sud de la D 17. MĂŞme si l'activitĂ© Ă©volue après la reprise par le CEA, le risque d'explosion persiste : deux ouvriers sont tuĂ©s le [F 6] ; un autre meurt le [63].

Au XXIe siècle, le CEA du Ripault se consacre à la conception et la fabrication de nouveaux matériaux, ainsi qu'à des études sur les énergies alternatives[64]. Le centre possède une annexe, un terrain d'expérimentation situé dans le camp du Ruchard[65].

En 2015, le Ripault emploie environ 540 personnes en contrat Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e, sans compter les sous-traitants[66], ce qui reprĂ©sente une part importante des 2 397 emplois proposĂ©s la mĂŞme annĂ©e Ă  Monts[67]. Le centre, menacĂ© de fermeture jusqu'Ă  l'automne 2017, reçoit l'annĂ©e suivante la confirmation de la poursuite de son activitĂ© et le maintien de plus de 500 emplois jusqu'en 2025 au moins[68]. Les activitĂ©s du Ripault sont amenĂ©es Ă  se diversifier, notamment avec la recherche pour les applications civiles de la pile Ă  combustible[69].

DĂ©veloppement d'une zone industrielle

Deux laboratoires pharmaceutiques sont implantĂ©s au sud du site, de part et d'autre de la D 17[70] ; l'un d'eux, Recipharm AB, est le successeur du laboratoire Roger Bellon, après acquisitions et fusions successives[71]. La zone industrielle de la Pinsonnière, reprenant une partie des terrains les plus rĂ©cemment occupĂ©s par la poudrerie avant sa fermeture, comme la Gargousserie, mais s'Ă©tendant bien au-delĂ , regroupe sur huit hectares seize entreprises qui emploient environ 80 personnes en 2018[72].

Le Ripault, risques naturels et technologiques et mesures de sécurité

La présence de l'unité du CEA, qui n'est pas concernée par la directive Seveso, ne se traduit pas par l'adoption d'un plan de prévention des risques technologiques pour Monts et les communes limitrophes (Artannes-sur-Indre, Joué-lès-Tours, Montbazon, Sorigny, Thilouze et Veigné)[73]. S'appliquent toutefois les dispositions générales relatives au transport de matières dangereuses[74]. Le plan local d'urbanisme de Monts stipule que, dans les secteurs constructibles proches du Ripault (secteurs UB5 et sous-secteurs rattachés), sont spécifiquement interdits « les constructions et installations permettant le rassemblement de personnes » et « les immeubles de grande hauteur ou formant rideau »[75]. Le site du Ripault, traversé par l'Indre, est partiellement inondable ; le plan de prévention du risque inondation de la vallée de l'Indre laisse au CEA la responsabilité d'édicter et mettre en place sur son site les mesures nécessaires pour éviter les effets de graves inondations sur la « sécurité des biens et des personnes »[76].

Pour des raisons de sĂ©curitĂ© interne, le site du Ripault n'est pas accessible au public. En outre, il est frappĂ© d'une interdiction de survol par tout aĂ©ronef Ă©voluant Ă  une altitude infĂ©rieure Ă  3 500 pieds, sauf exceptions listĂ©es dans un arrĂŞtĂ© ministĂ©riel[77].

Lieu de mémoire interdit au public

En 1966, a lieu l'ouverture du musĂ©e de la poudrerie du Ripault Ă  l'initiative de Jean GuĂ©raud, un ancien « Ripaulin Â» survivant de l'explosion de 1943. Il est installĂ© dans un ancien moulin du XIXe siècle dont la meule est prĂ©servĂ©e[15] ; deux mannequins figurent un couple d'ouvriers habillĂ©s de l'uniforme rĂ©glementaire, des outils et des documents photographiques sont exposĂ©s. Toutefois, pour des raisons de sĂ©curitĂ© et parce qu'il se trouve dans l'enceinte du CEA, ce musĂ©e n'est pas ouvert au public[F 1].

Quelques dates de l'histoire de la poudrerie nationale du Ripault, de sa fondation Ă  sa cession au CEA.


■ Histoire de la France et de la Touraine - ■ Histoire de la poudrerie - ■ Accident, explosion - ■ Avant et après la poudrerie

Annexes

Bibliographie

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Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Selon Amans-Alexis Monteil qui visite le Ripault au début du XIXe siècle, la poudre noire qui y est fabriquée est composée de 76 % de salpêtre, 14 % de charbon de bois et 10 % de soufre[12].
  2. La schneidérite est un explosif composé de 87,5 % de nitrate d'ammonium et de 12,5 % de naphtalène[25] - [G2 10], mis au point par Schneider et Cie et principalement utilisée dans les armes produites par cette firme[26].
  3. La crainte d'une explosion de la poudrerie est permanente dans l'ensemble de la population tourangelle. Le , une météorite traverse le ciel de la Touraine du sud, se désintégrant à son passage. Les habitants de Tours, entendant la détonation, n'imaginent pas un phénomène astronomique mais pensent immédiatement à une explosion au Ripault[28].
  4. Le personnel est également fouillé à sa sortie de l'usine, pour éviter les vols de poudre[F 11].
  5. Une étude statistique publiée en 1866 montre que chaque poudrerie est victime d'une explosion tous les vingt ans en moyenne[F 12].
  6. La veille (), Paul Reynaud a démissionné de son poste de président du Conseil, laissant à Philippe Pétain le soin de former un nouveau cabinet ministériel[34].
  7. Le « Pulver Plan Â», en français « Plan Poudre Â», est un dispositif mis en place par les Allemands dans les territoires occupĂ©s et prĂ©voyant d'accroĂ®tre la production de certains explosifs afin d'en augmenter les exportations vers l'Allemagne[39].
  8. Les ouvriers français qui travaillent au Ripault à cette époque ne montrent pas un grand empressement à accomplir leurs tâches, ralentissant ainsi volontairement le rythme de production de l'usine[40].
  9. L'effectif précis du Ripault est difficile à établir, le nombre d'ouvriers variant d'une semaine à l'autre en fonction des commandes faites à la poudrerie. Il est en tout cas certain que le personnel est recruté localement dans la mesure du possible, compte tenu des qualifications requises[G2 15].
  10. Les propriétaires de La Dépêche du Centre se sont vus imposer par les Allemands un administrateur et un rédacteur chargés de surveiller le contenu des articles du journal[50].
  11. Dans l'immédiat après-guerre, la France souhaite réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis pour son approvisionnement en antibiotiques. L'Institut Pasteur et des pharmaciens militaires sollicitent le service des poudres de l'armée pour effectuer ces recherches scientifiques[54].

Références

  • Du cĂ´tĂ© d'hier : la poudrerie du Ripault, le Magazine de la Touraine, 1985 :
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  5. Guénand 1998, p. 101.
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  7. Guénand 1998, p. 286.
  8. Guénand 1998, p. 291-303.
  9. Guénand 1998, p. 181.
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  1. Guénand 2007, p. 83.
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  3. Guénand 2007, p. 136.
  4. Guénand 2007, p. 110.
  5. Guénand 2007, p. 116.
  6. Guénand 2007, p. 135.
  7. Guénand 2007, p. 139.
  8. Guénand 2007, p. 138.
  9. Guénand 2007, p. 161.
  10. Guénand 2007, p. 158.
  11. Guénand 2007, p. 187.
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