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PĂ©riode iconoclaste de l'Empire byzantin

La pĂ©riode iconoclaste de l’Empire byzantin (dite « querelle iconoclaste » ou « querelle des images »[1]) est une pĂ©riode qui s’étend de 726 Ă  843. Pendant environ une centaine d’annĂ©es, les empereurs byzantins iconoclastes interdisent le culte des icĂŽnes et ordonnent la destruction systĂ©matique des images reprĂ©sentant le Christ ou les saints, qu’il s’agisse de mosaĂŻques ornant les murs des Ă©glises, d’images peintes ou d’enluminures de livres.

Une simple croix : exemple d'art iconoclaste dans l'Ă©glise Sainte-IrĂšne, Ă  Istanbul.

Cette pĂ©riode de l'aniconisme chrĂ©tien se dĂ©roule dans un contexte politique difficile tant Ă  l’intĂ©rieur, alors que plusieurs empereurs se succĂšdent en quelques annĂ©es, que sur le plan extĂ©rieur oĂč l’empire fait face aux invasions des Arabes et des Bulgares. Sur le plan religieux, elle constitue le prolongement de diverses hĂ©rĂ©sies survenues au cours des siĂšcles prĂ©cĂ©dents concernant la nature du Christ.

Cette crise se dĂ©roule en deux Ă©tapes. Au cours de la premiĂšre, de 723 Ă  775, les empereurs LĂ©on III l'Isaurien et son fils Constantin V adoptĂšrent une attitude de plus en plus intransigeante et violente Ă  l’endroit du culte des images. Le rĂšgne de l’impĂ©ratrice IrĂšne marqua une pause qui se termina avec l’arrivĂ©e au pouvoir de LĂ©on V l'ArmĂ©nien. Son rĂšgne fut marquĂ© par une persĂ©cution plus fĂ©roce bien que de moindre envergure que celle de Constantin V. Toutefois son successeur, Michel II, adopta une politique plus conciliante qui coĂŻncide avec l’éloignement de la menace que faisaient planer les Arabes sur l’existence de l’empire. Elle se termina officiellement lorsque l’impĂ©ratrice ThĂ©odora rĂ©unit un synode en 843 qui confirma la lĂ©gitimitĂ© de celui de 787[2].

Contexte politique intérieur et extérieur

À partir de 695, annĂ©e de la premiĂšre dĂ©position de Justinien II, l’Empire byzantin connut deux dĂ©cennies de crises caractĂ©risĂ©es par la succession de plusieurs empereurs. LĂ©once, puis TibĂšre III succĂšdent Ă  Justinien II avant que celui-ci ne reprenne le pouvoir pour en ĂȘtre chassĂ© Ă  nouveau en 711. De 711 Ă  717, trois empereurs se succĂ©dĂšrent : Philippicos-BardannĂšs de 711 Ă  713, Anastase II de 713 Ă  715 et ThĂ©odose III de 715 Ă  717. La stabilitĂ© ne revint qu’avec l’accession au trĂŽne de LĂ©on III, fondateur de la Dynastie isaurienne (717-802)[3].

À l’extĂ©rieur, les ennemis de Byzance profitĂšrent de ce chaos politique. En 698, l’Afrique fut dĂ©finitivement perdue avec la prise de l’exarchat de Carthage par les Arabes[4]. La deuxiĂšme dĂ©position de Justinien II fournit au khan des Bulgares, Tervel, le prĂ©texte qu’il souhaitait pour dĂ©clarer la guerre au nouvel empereur et venger son ancien alliĂ©. AprĂšs avoir traversĂ© la Thrace, il vint jusque sous les murs de Constantinople piller les faubourgs de la capitale[5]. AprĂšs avoir conquis le littoral africain, les Arabes se dirigĂšrent vers la Cappadoce et, en 709, assiĂ©gĂšrent Tyane avant de s’avancer au cours des deux annĂ©es suivantes vers Chrysopolis. La premiĂšre tĂąche de LĂ©on III, lorsqu’il accĂ©da au trĂŽne, fut donc de reprendre les travaux de dĂ©fense commencĂ©s sous Anastase II afin de faire face Ă  la flotte arabe venue assiĂ©ger Constantinople en 717. Il ne rĂ©ussit du reste Ă  faire lever le siĂšge qu’avec l’aide de Tervel et grĂące Ă  un hiver particuliĂšrement rude qui forcĂšrent les Arabes Ă  lever le blocus en 718. La lutte reprit de plus belle six annĂ©es plus tard, sur terre cette fois ; Ă  partir de 726, des invasions annuelles permirent aux Arabes de capturer CĂ©sarĂ©e et d’assiĂ©ger NicĂ©e avant que la victoire d’Akroinon en 740 ne les force Ă  Ă©vacuer l’Asie Mineure[6].

Contexte religieux

scĂšne iconoclaste
Miniature du Psautier Chludov (IXe siĂšcle) montrant Jean le Grammairien dĂ©truisant une image du Christ (musĂ©e historique d'État, Moscou).

La controverse relative au culte des images constitue le prolongement des hĂ©rĂ©sies sur la nature du Christ qui, au cours des siĂšcles prĂ©cĂ©dents, avaient profondĂ©ment divisĂ© l’Église. Au IVe siĂšcle dĂ©jĂ , Constantin avait dĂ» rĂ©unir un concile pour condamner l’arianisme qui affirmait que le Fils Ă©tait d'une nature infĂ©rieure Ă  celle du PĂšre. Puis vint le nestorianisme au Ve siĂšcle qui affirmait que le Christ avait deux natures et que Marie n’était mĂšre que de l’homme ; bien que chassĂ© de l’empire, le nestorianisme devint la principale forme du christianisme perse. Vers le milieu du mĂȘme siĂšcle, ce fut au tour du monophysisme (une seule nature divine) de s’installer profondĂ©ment en Syrie, en Égypte et en ArmĂ©nie. Les textes de Jean DamascĂšne sur le sujet au VIIe siĂšcle exprimait les craintes des chrĂ©tiens devant l'iconoclastie musulmane (la destruction dĂ©libĂ©rĂ©e d'images, c'est-Ă -dire de reprĂ©sentations religieuses de type figuratif et gĂ©nĂ©ralement pour des motifs religieux ou politiques). La fin du mĂȘme VIIe siĂšcle vit la querelle du monothĂ©lisme (une seule volontĂ© divine) qui, succĂ©dant au monophysisme, constitua la derniĂšre de ces hĂ©rĂ©sies[7] selon l'Ă©glise Byzantine (monophysisme qui mit fin aux relations avec l’Église copte d’Éthiopie). Se rĂ©fĂ©rant Ă  l’iconoclasme, le concile de HiĂ©ra en 754 rĂ©sumait le dilemme de la façon suivante : ou bien le peintre [de l’icĂŽne] ne reprĂ©sente que son humanitĂ© [celle du Christ] et alors il verse dans le nestorianisme, ou alors il confond les deux natures et verse dans le monophysisme. L’image s’avĂ©rait ainsi toujours inadĂ©quate Ă  reprĂ©senter pleinement la nature du Christ[8].

Dans ce contexte controversĂ©, l’opposition des clercs Ă  la reprĂ©sentation artistique du Christ, de sa MĂšre et des saints n’était pas nouvelle. Dans les premiers siĂšcles, les chrĂ©tiens hĂ©sitaient Ă  reproduire l’image de la personne du Christ, lui prĂ©fĂ©rant sa reprĂ©sentation sous forme symbolique, le XÎĄ de Constantin ou l’agneau offert pour la rĂ©demption des pĂ©chĂ©s des hommes. Il s’agissait d’une rĂ©action contre les cultes paĂŻens qui multipliaient les statues ou mosaĂŻques reprĂ©sentant dieux et dĂ©esses ou les empereurs divinisĂ©s[9]. Le concile in Trullo ou Quinisexte, en 691, avait dans son 82e canon recommandĂ© que l’on abandonne cette pratique pour mieux reconnaĂźtre le phĂ©nomĂšne de l’Incarnation. Mais sur la frontiĂšre orientale de l’empire, particuliĂšrement en ArmĂ©nie aprĂšs les premiĂšres conquĂȘtes arabes, les chrĂ©tiens avaient Ă©tĂ© accusĂ©s, par les Juifs notamment, d’idolĂątrie. DĂ©jĂ , avant 726, divers Ă©vĂȘques d’Asie Mineure comme EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e, le mĂ©tropolite Thomas de Claudiopolis et surtout l’évĂȘque Constantin de NacolĂ©e condamnaient le culte des images[10] - [11]. Non sans raison peut-ĂȘtre : le culte des images avait pris, surtout en GrĂšce, une telle importance que l’on voyait souvent en elles des « doubles » des saints qu’elles devaient reprĂ©senter et on leur attribuait divers miracles comme le don de la parole, le suintement d’huile ou de sang[12]. À la veille mĂȘme de l’iconoclasme, en 718, on croyait fermement que le portrait de la Vierge attribuĂ© Ă  saint Luc et conservĂ© au monastĂšre d’Hodegon prĂšs des murs de Constantinople Ă©mettrait, paradĂ© sur les murailles, une lumiĂšre aveuglante ou des flammes qui consumeraient les assaillants[13].

Causes immédiates

Les historiens qui se sont penchĂ©s sur cette pĂ©riode diffĂšrent considĂ©rablement sur ce qu’ils considĂšrent comme les causes prochaines de l’iconoclasme. Les uns mettent en avant des causes politiques, Ă  savoir la volontĂ© des souverains d’exercer un pouvoir absolu, non seulement sur le gouvernement temporel, mais Ă©galement sur le gouvernement spirituel de l’empire, c’est-Ă -dire sur l’Église. En agissant ainsi, ils suivaient l’exemple des empereurs qui, depuis Constantin, convoquaient et prĂ©sidaient les conciles. Dans cette perspective, l’iconoclasme aurait Ă©tĂ© un conflit entre l’empereur et, non pas la hiĂ©rarchie de l’Église, qui se pliait assez volontiers Ă  la volontĂ© impĂ©riale, mais plutĂŽt les moines qui, de leurs monastĂšres, voulaient maintenir l’orthodoxie religieuse et, partant, l’indĂ©pendance de l’Église. D’autres y voient plutĂŽt des causes Ă©conomiques, les Isauriens craignant les effets pour l’empire de l’accroissement de plus en plus considĂ©rable des propriĂ©tĂ©s monastiques qui Ă©chappaient Ă  la fiscalitĂ© du TrĂ©sor public, ainsi que le pouvoir d’attraction de ces monastĂšres sur les jeunes hommes qui, au lieu de devenir pĂšres, soldats ou cultivateurs, prĂ©fĂ©raient entrer au couvent, menant une vie que l’État jugeait inutile. Il est vrai que la croissance et l’épanouissement du systĂšme des thĂšmes, qui devait assurer la prospĂ©ritĂ© des campagnes, s’accommodait mal de la multiplication des monastĂšres. Enfin, dans une Ă©poque de foi intense et de querelles thĂ©ologiques qui enflammaient toutes les couches de la sociĂ©tĂ©, de l’empereur aux artisans, les discussions purement religieuses exerçaient une fascination que favorisait la langue grecque, beaucoup plus apte que le latin Ă  permettre de subtiles distinctions sources de discussions sans fin. Pour ces populations, chaque catastrophe naturelle constituait une manifestation du courroux divin et chaque victoire de l’empereur un signe de la protection divine ; il en allait donc du salut de l’empire de ne pas dĂ©plaire Ă  la divinitĂ©[14].

PremiÚre période iconoclaste (723-775)

LĂ©on III

solidus de LĂ©on III
Solidus de LĂ©on III montrant l'empereur et son fils, Constantin V.

Au moment oĂč LĂ©on III (717-741) est portĂ© au pouvoir par les forces armĂ©es des Anatoliques, ces trois causes se trouvent rĂ©unies. AprĂšs avoir marchĂ© sur Constantinople, LĂ©on III nĂ©gocia avec le patriarche Germanos et fut couronnĂ© Ă  la condition qu’il ne s’immisçùt pas dans la vie de l’Église et que son prĂ©dĂ©cesseur pĂ»t se retirer dans un monastĂšre. Son trĂŽne dĂ©pendait ainsi du bon vouloir du patriarche. Toutefois, au cours des dix annĂ©es suivantes, les armĂ©es impĂ©riales devaient subir dĂ©faite sur dĂ©faite face aux Arabes en Asie Mineure. Dieu qui, dans le passĂ©, avait permis aux empereurs de vaincre l’Empire perse, semblait cette fois se dĂ©tourner d’eux. Et pour couronner le tout, une Ă©ruption volcanique venue des profondeurs de la mer ÉgĂ©e en 726 ravagea tout le littoral d’Asie Mineure, de GrĂšce et des Iles grecques[15]. Selon les habitudes du temps, l’empereur pensa qu’il s’agissait du courroux divin et chercha comment l’apaiser. Son premier geste fut, en 722, de forcer les Juifs de l’empire Ă  accepter le baptĂȘme. Cela n’empĂȘcha pas les Arabes de ravager Iconium l’annĂ©e suivante et de terminer la conquĂȘte de l’ArmĂ©nie en s’emparant de Camachum[16].

Ses conseillers le persuadĂšrent alors que ces malheurs trouvaient leur cause dans la vĂ©nĂ©ration excessive des icĂŽnes qui Ă©quivalait Ă  de l’idolĂątrie. Ils en voulaient comme preuve le fait que les icĂŽnes que l’on promenait sur les murailles des villes au cours des siĂšges s’étaient avĂ©rĂ©es impuissantes Ă  empĂȘcher la victoire des Arabes qui, eux, tout comme les Juifs de l’Ancien Testament, interdisaient formellement toute reproduction humaine. En en effet, le calife Yazid II avait proscrit toute reproduction anthropomorphique jugĂ©e contraire Ă  l’islam. L’iconoclasme constitua ainsi la voie que choisit LĂ©on III pour regagner la faveur divine Ă  un moment vital pour la survie de l’empire[17] - [18].

L’empereur se mit Ă  prononcer des sermons afin de convaincre le peuple de l’incongruitĂ© de ce culte. Son premier geste concret fut d’envoyer un dĂ©tachement de soldats retirer une image du Christ qui se trouvait au-dessus de la porte de bronze (ChalkĂš) Ă  l’entrĂ©e principale du palais. Cette image jouissait d’une grande popularitĂ© dans la population ; la rĂ©action de la foule fut immĂ©diate et l’officier de mĂȘme que ses soldats furent lynchĂ©s par la populace. L’attitude iconophobe de l’empereur provoqua, dĂšs que connue, une insurrection en GrĂšce oĂč le thĂšme d’Hellade s’empressa de dĂ©signer un empereur rival qui dirigea sa flotte vers Constantinople. Bien que rapidement matĂ©e, cette mini-rĂ©volution montrait la diffĂ©rence d’opinion existant entre les provinces europĂ©ennes, qui avaient toujours Ă©tĂ© favorables aux images, et celles d’Asie Mineure, qui leur Ă©taient hostiles[19] - [20]. À partir de ce moment, la population se divisa entre iconoclastes (ΔÎčÎșÎżÎœÎżÎșÎ»ÎŹÏƒÏ„Î±Îč, littĂ©ralement « briseurs d’images ») et iconodoules (ΔÎčÎșÎżÎœÏŒÎŽÎżÏ…Î»ÎżÎč, littĂ©ralement « serviteurs des images ») appelĂ©s par dĂ©rision « iconolĂątres » (ΔÎčÎșÎżÎœÎżÎ»ÎŹÏ„ÏÎ±Îč). C’était un sĂ©rieux avertissement et LĂ©on III rĂ©agit avec prudence. Ce n’est qu’en 730, soit quatre ans plus tard, aprĂšs avoir cherchĂ© Ă  nĂ©gocier avec le pape GrĂ©goire II et le patriarche Germanos, qu’il se rĂ©solut Ă  publier un Ă©dit qui ordonnait la destruction de toutes les images saintes, Ă©dit qu’il proposa Ă  la ratification d’un silention ou assemblĂ©e des plus hauts dignitaires civils et ecclĂ©siastiques. Le patriarche, demeurant complĂštement hostile Ă  la position impĂ©riale, fut dĂ©mis de ses fonctions et remplacĂ© par un de ses subordonnĂ©s, Anastase, tout disposĂ© Ă  se soumettre Ă  la volontĂ© de l’empereur. L’iconoclasme devenait la doctrine officielle de l’État[21] - [22].

Le pape GrĂ©goire III, successeur de GrĂ©goire II, condamna cette doctrine, ce qui provoqua non seulement une rupture religieuse, mais Ă©galement une rupture politique, la position de Byzance en Italie s’en trouvant considĂ©rablement affaiblie. LĂ©on III rĂ©pondit Ă  la condamnation papale en dĂ©tachant de Rome les Ă©vĂȘchĂ©s grĂ©cophones du sud de l’Italie, de Sicile et de Calabre ainsi que ceux d’Illyrie et de l'ouest de la GrĂšce actuelle pour les rattacher au patriarcat de Constantinople. De plus, il enleva au SiĂšge de Rome les revenus des patrimoines pontificaux de l’Italie du sud pour les attribuer Ă  l’empire. Ce faisant, LĂ©on III confondait pratiquement les frontiĂšres du patriarcat et celles de l’empire, et mettait en pratique ce qu’il Ă©crivait au pape, Ă  savoir qu’il se considĂ©rait non seulement comme empereur, mais aussi comme pontife. Le fossĂ© s’élargissait entre Rome et l'Empire de Constantinople[23] - [24].

Durant cette pĂ©riode, la querelle semble moins reposer sur des motifs thĂ©ologiques que sur des considĂ©rations politiques et Ă©conomiques se rapportant Ă  la dĂ©fense de l’empire d’une part, aux intĂ©rĂȘts du Saint-SiĂšge d’autre part. Si les biens matĂ©riels des iconodoules furent confisquĂ©s et le patriarche dĂ©mis de ses fonctions, il n’y eut pas de violence physique contre les personnes.

Constantin V

Jean DamascĂšne
IcÎne moderne représentant Jean DamascÚne.

La situation se modifia avec le dĂ©cĂšs de LĂ©on III et l’avĂšnement, aprĂšs une courte mais sanglante guerre civile, de son fils Constantin V (741-775). Celui-ci n’avait ni la prudence, ni la modĂ©ration de son pĂšre. D’un naturel cruel, il se hĂąta de faire aveugler le gĂ©nĂ©ral Artavasde, beau-fils de LĂ©on III et hĂ©ritier potentiel qui avait tentĂ© de lui ravir la couronne, ainsi que ses deux fils ; leurs complices furent ou bien exĂ©cutĂ©s ou bien amputĂ©s des mains ou des pieds ; le patriarche Anastase, qui avait plusieurs fois changĂ© de camp durant cette guerre civile, fut humiliĂ© et promenĂ© sur un Ăąne dans l’hippodrome[25] - [26].

Avec Constantin V, le dĂ©bat devint plus directement thĂ©ologique. L’empereur lui-mĂȘme produisit une dizaine d’écrits thĂ©ologiques. Dans l’un de ceux qui nous sont parvenus, intitulĂ© Peuseis (« Questions »), il arguait que seule l’Eucharistie constituait une vĂ©ritable image du Christ et que la croix Ă©tait le vĂ©ritable symbole des chrĂ©tiens. Il organisa une sĂ©rie de dĂ©bats pour combattre l’opposition iconophile et, pour s’assurer que tous les Ă©vĂȘques dĂ©fendraient le point de vue iconoclaste, il crĂ©a de nouveaux Ă©vĂȘchĂ©s et y nomma des Ă©vĂȘques de son opinion[27] - [28].

Pour officialiser le triomphe de cette doctrine, il convoqua un concile dans le palais impĂ©rial de HiĂ©ra en . Celui-ci rassemblait 338 Ă©vĂȘques, tous iconoclastes ; ni le pape de Rome, ni les autres patriarches orientaux n’y envoyĂšrent de reprĂ©sentants. NĂ©anmoins, le concile se proclama « ƓcumĂ©nique ». Il n’est donc pas surprenant que les dĂ©cisions de ce concile, promulguĂ©es dans le forum de Constantinople, aient Ă©tĂ© conformes aux Ă©crits de l’empereur : elles prescrivaient la destruction de toutes les images religieuses, anathĂ©matisaient le patriarche Germain et les dĂ©fenseurs des images comme le thĂ©ologien Jean DamascĂšne, faisaient discrĂštement de l’empereur le chef de l’Église en le proclamant Ă©gal des apĂŽtres et menaçaient les dĂ©fenseurs des images, non seulement de sanctions religieuses, mais encore de sanctions pĂ©nales[29].

Constantin se fit un devoir d’appliquer rigoureusement ce programme. À travers l’empire, les images furent dĂ©truites et remplacĂ©es entre autres par des scĂšnes profanes glorifiant l’empereur. On commença Ă©galement Ă  traquer les iconophiles dans la bureaucratie, l’armĂ©e et l’Église. En , Constantin fit exĂ©cuter dix-neuf hauts fonctionnaires de l’État et officiers de l’armĂ©e. L’opposition Ă  la politique impĂ©riale s’était entretemps cristallisĂ©e dans les monastĂšres, notamment celui du Mont-Auxence, dirigĂ© par l’abbĂ© Étienne. Non seulement celui-ci fut-il mis en piĂšces par une foule excitĂ©e Ă  Constantinople, mais Constantin transforma la campagne iconoclaste en une campagne anti-monastique. Nombre de monastĂšres furent ou bien fermĂ©s ou bien convertis en Ă©difices publics, les moines contraints Ă  renoncer Ă  leurs vƓux, et les propriĂ©tĂ©s rattachĂ©es aux monastĂšres furent nationalisĂ©es au profit de la couronne[30] - [31]. La cruautĂ© de cette rĂ©pression conduite par le stratĂšge des ThracĂ©siens, Michel LachanodrakĂŽn, provoqua une forte Ă©migration monastique qui se dirigea vers le sud de l’Italie oĂč de nouveaux monastĂšres et Ă©coles crĂ©Ăšrent des foyers de culture grecque, qui subsistĂšrent longtemps aprĂšs que Byzance eĂ»t perdu ses colonies italiennes[32].

L’expansion arabe s’était considĂ©rablement ralentie Ă  la suite d'une longue guerre civile qui devait aboutir Ă  la chute de la dynastie des Omeyyades et Ă  son remplacement en 750 par celle des Abbassides. Ceux-ci transfĂ©rĂšrent la capitale de Damas Ă  Bagdad, signalant de ce fait mĂȘme un intĂ©rĂȘt moindre pour les conquĂȘtes mĂ©diterranĂ©ennes. DĂšs 746, Constantin engagea une expĂ©dition en Syrie et s’employa Ă  recoloniser la Thrace en y envoyant nombre de prisonniers. L’annĂ©e suivante, une bonne partie de la flotte arabe fut dĂ©truite prĂšs de Chypre. Cinq ans plus tard, une campagne en ArmĂ©nie et en MĂ©sopotamie lui permit de faire de nouveaux prisonniers qui furent Ă©galement envoyĂ©s en Thrace. Si ces victoires furent Ă©phĂ©mĂšres et si les Arabes purent assez rapidement reprendre les territoires perdus, elles donnĂšrent une aura d’invincibilitĂ© Ă  l’empereur et firent croire que la puissance divine Ă©tait de nouveau favorable Ă  Byzance. Constantin se trouvait ainsi confortĂ© dans sa politique religieuse par les succĂšs remportĂ©s par ses armĂ©es sur le plan extĂ©rieur[25] - [33].

La deuxiĂšme prioritĂ© de Constantin fut de faire face aux Bulgares qui voyaient dans l’afflux de prisonniers en Thrace une menace Ă  leurs propres frontiĂšres. Une longue sĂ©rie de conflits entre les deux empires devait s’ensuivre Ă  partir de 756 lorsque les Bulgares s’avancĂšrent en territoire byzantin. Constantin ne mena pas moins de neuf campagnes contre eux sous prĂ©texte notamment d’aider les populations slaves en lutte contre la noblesse bulgare d’origine turque, soucieuse de conserver sa position dominante. En , la bataille d’Anchialos, sur les cĂŽtes de la mer Noire, s’acheva par l’écrasement des Bulgares et le triomphe des armĂ©es byzantines. Le khan des Bulgares, Teletz, fut renversĂ© et une longue guerre civile dĂ©buta qui empĂȘcha la Bulgarie de constituer un adversaire sĂ©rieux pour Constantinople pendant une dĂ©cennie. C’est du reste au cours d’une de ces expĂ©ditions contre la Bulgarie que Constantin V devait trouver la mort en [34] - [35].

Si Constantin V parvint Ă  rĂ©tablir la prĂ©pondĂ©rance byzantine en GrĂšce et en Asie Mineure, il se dĂ©sintĂ©ressa presque totalement du sort des colonies d’Italie oĂč la papautĂ© tentait en vain de lutter contre la progression des Lombards. Longtemps le pape minimisa les querelles religieuses entre les Églises d’Orient et d’Occident dans l’espoir d’un appui militaire contre les envahisseurs. Mais lorsque Ravenne tomba aux mains des Lombards en 751, il se dĂ©cida Ă  trouver un autre protecteur potentiel. En 754, franchissant les Alpes en plein hiver, le pape Étienne II rencontra PĂ©pin, le roi des Francs. Contrairement aux autres chefs francs, d’allĂ©geance arienne, PĂ©pin Ă©tait restĂ© fidĂšle Ă  Rome et fut heureux d’obliger le pape. D’autant plus qu’ayant pris la place du dernier mĂ©rovingien en 751, PĂ©pin Ă©tait anxieux de voir son pouvoir reconnu par une puissance extĂ©rieure. DĂ©jĂ  le pape Zacharie (741-752) avait donnĂ© son consentement tacite Ă  son coup d’État ; Étienne II (752-757) profita de son voyage pour donner l’onction royale, en remerciement de quoi PĂ©pin se hĂąta de descendre en Italie en 754 et 756, forçant le roi lombard Aistolf Ă  abandonner Rome et Ravenne. Cette derniĂšre fut remise non Ă  l’empereur byzantin, mais au pape[36]. Non seulement le fossĂ© se creusait sur le plan religieux, mais l’alliance entre le pape et le roi des Francs devait donner naissance au siĂšcle suivant Ă  un nouvel Empire romain d’Occident auquel succĂ©da, au cours des ans, un Saint-Empire romain germanique.

La haine de Constantin Ă  l’endroit des images valut Ă  sa dĂ©pouille d’ĂȘtre retirĂ©e de l’église des Saints-ApĂŽtres aprĂšs la restauration des images ; toutefois, le souvenir de ses hauts faits d’armes lui valut, lorsque Constantinople fut assiĂ©gĂ©e quelques annĂ©es plus tard par les Bulgares, que le peuple se rĂ©unĂźt autour de son tombeau pour le supplier de sauver l’empire[32].

Retour des icĂŽnes (775-813)

LĂ©on IV

À la mort de Constantin V, le trĂŽne Ă©chut au fils qu’il avait eu d’un premier mariage avec une princesse khazare, lequel prit le nom de LĂ©on IV (775-780). Son rĂšgne ne dura que cinq ans et constitua une sorte de transition entre l’iconoclasme sanguinaire de Constantin V et l’iconophilie avĂ©rĂ©e d'IrĂšne, qui portait le titre masculin d'« empereur ». De caractĂšre dĂ©bonnaire, LĂ©on IV resta attachĂ© Ă  la tradition iconoclaste et fit mĂȘme emprisonner certains hauts fonctionnaires qui avaient affichĂ© publiquement leur appui au culte des images ; mais les persĂ©cutions qui avaient marquĂ© le rĂšgne de son pĂšre cessĂšrent. Bien plus, l’empereur abandonna la politique anti-monastique de son pĂšre et n’hĂ©sita pas Ă  faire nommer des moines Ă  certains siĂšges Ă©piscopaux[37].

Aux rĂ©gimes despotiques de LĂ©on III et de Constantin V, LĂ©on IV opposa un rĂ©gime qui n’hĂ©sitait pas Ă  prĂ©senter sa propre volontĂ© comme la manifestation de la volontĂ© populaire. C’est ainsi que lorsqu’il dĂ©cida de faire couronner son jeune fils Constantin comme coempereur ou de faire participer les reprĂ©sentants du commerce et des mĂ©tiers de Constantinople au gouvernement, il s’arrangea pour que la chose paraisse ĂȘtre une concession aux demandes rĂ©pĂ©tĂ©es de la population[38] - [39].

Constantin VI

septiĂšme concile
IcĂŽne du XVIIe siĂšcle reprĂ©sentant le septiĂšme concile ƓcumĂ©nique (couvent de Novodievitchi).

Plus important encore dans la rĂ©orientation de la politique religieuse fut le rĂŽle jouĂ© par son Ă©pouse, IrĂšne, originaire d’AthĂšnes et, comme les gens de Thrace, iconodoule. Celle-ci fut nommĂ©e rĂ©gente lors de la mort prĂ©maturĂ©e de LĂ©on IV au nom de son fils Constantin VI (780-797), alors ĂągĂ© de 10 ans. Femme de tĂȘte Ă©nergique, elle rĂ©ussit Ă  mater un complot visant Ă  mettre sur le trĂŽne le cĂ©sar NicĂ©phore et s'empara des rĂȘnes du pouvoir[40].

ProcĂ©dant avec prudence, elle se mit en devoir de faire renverser les dĂ©cisions du concile de 754. AprĂšs avoir obtenu la dĂ©mission du patriarche iconoclaste Paul (), et l’avoir remplacĂ© par son secrĂ©taire, Taraise, un laĂŻc ayant toutefois une solide formation thĂ©ologique, elle se mit en rapport avec Rome et les patriarcats orientaux qui, tous, acceptĂšrent cette fois d’envoyer des reprĂ©sentants au concile qui se rĂ©unit dans l’église des Saints-ApĂŽtres en . Ce concile fut brutalement interrompu par le rĂ©giment des gardes de la capitale, fidĂšle aux instructions de Constantin V. Ne perdant pas confiance, l’impĂ©ratrice envoya ce rĂ©giment combattre les Arabes en Asie Mineure et fit venir de Thrace des troupes favorables aux images pour assurer la dĂ©fense de la capitale. Le septiĂšme concile, vĂ©ritablement ƓcumĂ©nique cette fois, se rĂ©unit ainsi du au Ă  NicĂ©e, la ville oĂč s’était tenu le tout premier concile sous Constantin[41] - [42].

Ce concile condamna l’iconoclasme comme hĂ©rĂ©sie, ordonna la destruction des Ă©crits iconoclastes et rĂ©tablit le culte des images. Mais il fut aussi l’occasion d’une scission qui devait perdurer au cours des siĂšcles suivants entre d’une part les moines, qui avaient dĂ©fendu avec ardeur l’orthodoxie des canons de l’Église, et la hiĂ©rarchie plus pragmatique qui avalisait volontiers les dĂ©sirs du pouvoir politique pourvu que celui-ci demeurĂąt fidĂšle Ă  la doctrine officielle. Le parti des « zĂ©lotes » aurait voulu voir condamner les Ă©vĂȘques iconoclastes, alors que les « pragmatiques » acceptĂšrent volontiers qu'ils rĂ©intĂšgrent le giron de l’Église aprĂšs avoir abjurĂ© les erreurs d’une hĂ©rĂ©sie dans laquelle « ils Ă©taient nĂ©s, avaient grandi et avaient Ă©tĂ© Ă©levĂ©s »[43] - [44].

Pendant ce temps, Constantin VI avait atteint l’ñge de rĂ©gner seul et voulut se libĂ©rer de la tutelle de la rĂ©gente, bien dĂ©cidĂ©e Ă  conserver le pouvoir. En 790, IrĂšne voulut perpĂ©tuer sa prĂ©sence en exigeant de l’armĂ©e un serment qui aurait fait d’elle le premier personnage de l’État, son fils ne venant qu’en deuxiĂšme. Les troupes qu’elle avait fait venir de Thrace prĂȘtĂšrent volontiers serment, mais il n’en alla pas de mĂȘme des troupes d’ArmĂ©nie et du gĂ©nĂ©ral Michel LachanodrakĂŽn qui se rangĂšrent du cĂŽtĂ© de son fils. Finalement, l’armĂ©e dans son entier opta pour Constantin et l’acclama en comme unique empereur[45] - [46] - [47].

Rapidement, la conduite de Constantin VI lui fit perdre tous ses alliĂ©s. Son attitude peu glorieuse lors d’une campagne contre les Bulgares en lui retira l’appui de l’armĂ©e, alors que sa cruautĂ© Ă  l’égard de ses oncles lors d’un nouveau complot visant Ă  mettre NicĂ©phore sur le trĂŽne lui aliĂ©na la population. En , il rĂ©pudia son Ă©pouse lĂ©gitime Marie pour Ă©pouser sa maitresse qu’il fit couronner Augusta. Ce fut l’occasion d’un nouvel affrontement entre les moines zĂ©lotes, qui condamnĂšrent sans mĂ©nagement cet adultĂšre, et le patriarche Taraise, qui avait cĂ©dĂ© une fois de plus aux dĂ©sirs de l’empereur[48] - [49] - [50].

IrĂšne

Charlemagne et Louis le Pieux
Charlemagne et son fils, Louis le Pieux (XIVe – XVe siùcle, Grandes Chroniques de France, BnF).

Ces dĂ©boires donnĂšrent l’occasion Ă  sa mĂšre, qui Ă©tait entre-temps revenue au palais, de rĂ©ussir un coup d’État : le , elle fit aveugler son fils dans la chambre mĂȘme oĂč il Ă©tait nĂ© vingt-sept ans plus tĂŽt et put enfin rĂ©gner seule (797-802). Ce rĂšgne devait cependant s’avĂ©rer dĂ©sastreux.

Sur le plan intĂ©rieur, le nouveau basileus (IrĂšne adopta ce titre dans tous les actes officiels et non celui de basilissa) voulut augmenter sa popularitĂ© en distribuant des allĂšgements fiscaux inconsidĂ©rĂ©s aux monastĂšres, premiers piliers de sa popularitĂ© d'abord, Ă  la population de Constantinople ensuite. Si ces mesures fiscales semblĂšrent avoir atteint leur objectif immĂ©diat, elles Ă©puisĂšrent le TrĂ©sor impĂ©rial Ă  un moment oĂč les menaces de l’extĂ©rieur recommençaient Ă  s’accumuler[51] - [52] - [53].

Une fois bien installĂ©s au pouvoir, les Abassides recommencĂšrent en effet leurs incursions dans l’empire, tant en Thrace qu’en Asie Mineure, et exigĂšrent de substantiels tributs pour signer la paix. Il en alla de mĂȘme des Bulgares, si bien que dĂšs 790 l’empire n’était plus que l’ombre de ce qu’il avait Ă©tĂ©, limitĂ© Ă  l’Asie Mineure, la cĂŽte des Balkans et de la CrimĂ©e, les Ăźles grecques, la Sicile et l’extrĂ©mitĂ© mĂ©ridionale de l’Italie. En termes religieux, des cinq patriarcats originaux, seul celui de Constantinople Ă©tait encore dans l’empire. Ceux de JĂ©rusalem, d’Antioche et d’Alexandrie Ă©taient depuis plus d’un siĂšcle aux mains des Arabes[54].

Le couronnement de Charlemagne en 800 vint Ă©largir le fossĂ© qui se creusait progressivement entre Rome et Constantinople, l’Occident et l’Orient. ConsidĂ©rant qu’IrĂšne avait usurpĂ© la couronne et qu’elle Ă©tait une femme, le pape se croyait justifiĂ© de considĂ©rer le trĂŽne comme vacant et de faire de Charlemagne le « roi des Romains ». Plus diplomate, Charlemagne lui-mĂȘme utilisa plutĂŽt le titre de « roi des Francs et des Lombards »[55], Ă©vitant ainsi de heurter de front les susceptibilitĂ©s de Byzance, et entra en nĂ©gociation avec IrĂšne en vue de conclure un mariage de convenance qui aurait permis Ă  l’un et l’autre Ă©poux d’utiliser le titre impĂ©rial tout en rĂ©gnant chacun dans sa sphĂšre[56]. Lorsqu'il fut connu, ce projet souleva une vive opposition Ă  Constantinople et fut certainement une des causes de la rĂ©volution de palais qui dĂ©trĂŽna IrĂšne le et porta au pouvoir le logothĂšte gĂ©nĂ©ral NicĂ©phore. ExilĂ©e dans les Ăźles des Princes, puis Ă  Lesbos, IrĂšne ne tarda pas Ă  y mourir[57] - [58].

Nicéphore Ier

Nicéphore Ier est un homme d'expérience lorsqu'il arrive au pouvoir. Administrateur aguerri, il connaßt bien les arcanes de la bureaucratie byzantine. Il arrive aussi à une époque troublée. Depuis la mort de Constantin V, l'instabilité interne a fragilisé l'Empire dont les menaces extérieures deviennent de plus en plus sérieuses. Au cours de son rÚgne, Nicéphore va donc s'efforcer de consolider les structures impériales et de lutter contre les ennemis de Byzance.

Sur le front intĂ©rieur, il ne remet pas en cause le rĂ©tablissement du culte des images mais ne parvient pas pour autant Ă  obtenir l'apaisement avec le clergĂ©. Son interventionnisme en matiĂšre religieuse dĂ©plaĂźt Ă  certains ecclĂ©siastiques, notamment ThĂ©odore Studite qui rejette la prĂ©tention impĂ©riale Ă  s'ingĂ©rer dans les affaires de l'Église. NicĂ©phore est contraint de museler cette opposition et nomme comme patriarche un laĂŻc, NicĂ©phore Ier de Constantinople[57]. En revanche, il parvient efficacement Ă  renforcer l'administration byzantine. Fin connaisseur de celle-ci, il mĂšne diffĂ©rentes rĂ©formes vivement critiquĂ©es par ses contemporains, en particulier ThĂ©ophane le Confesseur qui vilipende son avarice. Il met fin aux nombreuses exemptions fiscales qui se sont accumulĂ©es au profit de pans entiers de la sociĂ©tĂ© byzantine, en particulier le clergĂ©. Il rĂ©nove le cadastre et favorise des rentrĂ©es fiscales plus rĂ©guliĂšres et importantes, ce qui renfloue les caisses du TrĂ©sor, d'autant qu'il met un terme au tribut dispendieux payĂ© par l'Empire aux Abbassides. Il met en Ɠuvre une politique de colonisation de la MacĂ©doine et de la Thrace, oĂč la domination byzantine a Ă©tĂ© fragilisĂ©e par les incursions slaves et bulgares. Pour cela, il dĂ©place, parfois de force, des familles entiĂšres Ă  qui il assigne des terres. Il renforce aussi le systĂšme de conscription des propriĂ©taires locaux, qui doivent prendre les armes en cas d'invasions ennemies, dans le cadre des circonscriptions territoriales que sont les thĂšmes. Enfin, il entend stimuler le commerce par la mise en place d'un prĂȘt obligatoire pour les armateurs, contraints d'investir pour rentabiliser l'opĂ©ration. L'ensemble de ces mesures ont apparemment eu des rĂ©sultats durables. L'administration est assainie d'une corruption endĂ©mique, la fiscalitĂ© rĂ©novĂ©e et renforcĂ©e, le cadre rĂ©gional et militaire consolidĂ©. Beaucoup d'historiens estiment pour cela que NicĂ©phore a Ă©tĂ© un rĂ©formateur de talent, dont les mesures contribuent Ă  poser les fondations de la renaissance de l'Empire Ă  partir des annĂ©es 840-850.

Il cessa de payer les lourds tributs aux Arabes et aux Bulgares tout en recommençant la colonisation des rĂ©gions limitrophes de la Bulgarie, de la Thrace et de la MacĂ©doine orientale oĂč les populations slaves commençaient Ă  se rĂ©volter. Il crĂ©a de nouveaux thĂšmes et y envoya non plus des prisonniers syriens, comme l’avait fait son ancĂȘtre, mais des cultivateurs des thĂšmes d’Asie Mineure ; ceux-ci furent obligĂ©s de vendre leurs propriĂ©tĂ©s pour s’établir dans les Sclavinies oĂč ils reçurent de nouvelles terres, en contrepartie de quoi ils devaient assurer un service militaire Ă  titre de stratiotes. Ce fut le dĂ©but du processus d’acculturation et de conversion des Slaves de GrĂšce au christianisme, processus qui devait ĂȘtre achevĂ© un siĂšcle plus tard[59] - [60] - [61].

solidus de Nicéphore I
Solidus représentant Nicéphore Ier et Staraukios.

Sur le plan extĂ©rieur, ni les Arabes ni les Bulgares n’acceptĂšrent que Byzance mĂźt fin unilatĂ©ralement aux tributs qui lui Ă©taient imposĂ©s. En Asie Mineure, Haroun-al-Rachid reprit les invasions dans le territoire impĂ©rial, parut en 806 devant Tyane et envoya des dĂ©tachements jusqu’à Ancyre. Devant cette menace, NicĂ©phore dut non seulement accepter de payer Ă  nouveau le tribut, mais aussi, humiliation cruelle, de remettre annuellement trois piĂšces d’or au calife pour lui et son fils Ă  titre d’impĂŽt de capitation[62]. Finalement, les troubles internes qui frappĂšrent le califat Ă  la mort d'Haroun-al-Rachid libĂ©rĂšrent l'Empire byzantin de cette menace orientale et lui permirent de se consacrer Ă  la lutte contre les Bulgares.

La victoire de Charlemagne sur les Avars avait permis aux Bulgares d’agrandir leur territoire Ă  l’ouest jusqu’à toucher celui de Charlemagne. Leur chef, Kroum, voulut Ă©galement l’étendre aux dĂ©pens de Byzance, s’emparant d’une sĂ©rie de fortifications Ă©difiĂ©es prĂ©cisĂ©ment comme ligne de dĂ©fense contre les Bulgares. La prise de Sardique en 809 obligea NicĂ©phore Ă  entrer en campagne. AprĂšs avoir fait relever cette forteresse, il se dirigea aprĂšs une prĂ©paration minutieuse vers Pliska qu’il prit et incendia en 811. Kroum dut offrir de nĂ©gocier la paix, ce que NicĂ©phore refusa, poursuivant son adversaire jusque dans les montagnes. Les passes montagneuses Ă©taient propices Ă  une embuscade ; Kroum en profita pour attirer l’armĂ©e impĂ©riale dans une vallĂ©e, en bloquer les issues et la massacrer (bataille de Pliska du 26 juillet 811). L’empereur fut au nombre des victimes ; son crĂąne Ă©vidĂ© servit par la suite de coupe Ă  travers laquelle Kroum cĂ©lĂ©brait sa victoire en compagnie de ses boyards : c’était la premiĂšre fois depuis Valens en 378 qu’un empereur tombait aux mains des barbares[63] - [64] - [65].

Staurakios et Michel Ier Rhangabé

bataille de Versinikia
La bataille de Versinikia, le 22 juin 813, devait conduire au remplacement de Michel Rhangabé par Léon l'Arménien.

Au cours de la mĂȘme bataille, son fils, Staurakios (811), avait reçu une blessure sĂ©rieuse Ă  la colonne vertĂ©brale. Les officiers survivants, espĂ©rant qu’il en rĂ©chapperait, le proclamĂšrent empereur. Mais son Ă©tat Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ©. À l’initiative du patriarche NicĂ©phore, le trĂŽne fut offert Ă  son beau-frĂšre, Michel RhangabĂ© (811-813), Ă©poux de sa sƓur Procopia. En dĂ©pit de l’opposition de Staurakios et de son Ă©pouse ThĂ©ophano, qui espĂ©rait sans doute devenir empereur comme IrĂšne l’avait fait, Michel RhangabĂ© fut acclamĂ© empereur par l’armĂ©e et le sĂ©nat dans l’hippodrome le . Staurakios accepta le fait accompli, fut tonsurĂ© et envoyĂ© dans un monastĂšre oĂč il mourut le [66] - [67] - [68].

Le choix de Michel RhangabĂ© ne fut guĂšre heureux. Seule la briĂšvetĂ© de son rĂšgne ( Ă  ) Ă©vita le dĂ©sastre. Il s’empressa de rĂ©voquer les mesures fiscales de NicĂ©phore et, fervent partisan des images, multiplia les dons d’argent Ă  l’Église[69]. Le trait majeur de ce rĂšgne toutefois fut la reconnaissance par Constantinople, aprĂšs douze ans de nĂ©gociations, du titre d’empereur (mais non d’« empereur des Romains ») confĂ©rĂ© Ă  Charlemagne. Le rĂȘve d’un empire universel avait pris fin et un nouvel empire Ă©tait crĂ©Ă© en Occident[70] - [67] - [71]. Ce rĂšgne fut aussi marquĂ© par une sĂ©rie de dĂ©sastres face aux Bulgares. Au printemps 812, Kroum s’empara de Develtos (aujourd’hui Debelt prĂšs de Burgas) sur la mer Noire dont il dĂ©porta les habitants dans son empire. DĂ©but novembre, ce fut au tour de MĂ©semvria de tomber. Et fin , la dĂ©faite totale de l’armĂ©e byzantine Ă  Versinikia (prĂšs d’Andrinople) paracheva le triomphe bulgare[72] - [68].

Depuis le retour des images, l’empire avait subi dĂ©faite aprĂšs dĂ©faite. Il n’en fallait pas plus pour que le peuple conclĂ»t que Dieu s’était Ă  nouveau dĂ©tournĂ© de Byzance. Le , les restes de l’armĂ©e demeurĂ©e Ă  Versinikia proclamĂšrent LĂ©on empereur. Michel RhangabĂ© Ă©tait renversĂ© et dut avec son fils se retirer dans un monastĂšre ; la deuxiĂšme pĂ©riode iconoclaste allait commencer[73].

Seconde période iconoclaste (813-843)

LĂ©on V l’ArmĂ©nien

LĂ©on, stratĂšge des Anatoliques, Ă©tait vraisemblablement d’origine armĂ©nienne par son pĂšre, d’oĂč son surnom de « LĂ©on l’ArmĂ©nien »[74]. Comme les rĂšgnes prĂ©cĂ©dents, celui de LĂ©on V (813-820) fut relativement bref. Durant ces sept ans, il s’attacha Ă  rĂ©tablir la puissance de l’empire Ă  l’extĂ©rieur et l’iconoclasme Ă  l’intĂ©rieur.

murailles de Constantinople
Pendant des siÚcles les murailles de Constantinople découragÚrent les envahisseurs potentiels.

Le plus urgent Ă©tait la dĂ©fense de l’empire. AprĂšs sa victoire Ă  Versinikia, Kroum s’était emparĂ© d’Andrinople et, quelques jours aprĂšs l’accession de LĂ©on V au trĂŽne, il parut sous les murs de Constantinople. Comme elles l’avaient fait pour de nombreux envahisseurs au cours des siĂšcles, les murailles dĂ©couragĂšrent l’assaillant qui demanda un entretien personnel avec l’empereur pour nĂ©gocier un tribut en Ă©change de son retrait. LĂ©on ayant acceptĂ©, Kroum se prĂ©senta sans arme pour l’entrevue et faillit ĂȘtre pris dans un piĂšge tendu par les Byzantins. Furieux, il rĂ©ussit Ă  s’enfuir et se vengea en dĂ©vastant les alentours de Constantinople et en retournant piller Andrinople dont il dĂ©porta les habitants. Il aurait certainement continuĂ© la guerre, mais une crise cardiaque l’emporta le [75]. Son successeur, Omourtag, plus intĂ©ressĂ© par la consolidation intĂ©rieure de son empire que par les conquĂȘtes, s’empressa de conclure avec Byzance une paix de trente ans, renouvelable tous les dix ans ; celle-ci Ă©tait avantageuse pour la Bulgarie puisqu’elle retrouvait les frontiĂšres qu’elle avait connues sous Tervel[76] - [77] - [78]. C’est Ă©galement aux environs de 818 que les Vikings, connus sous le nom de Rus’, lancĂšrent leurs premiers raids et pillĂšrent la cĂŽte nord de l’Anatolie[78]. Et comme, depuis la mort du calife Haroun, le califat Ă©tait en proie Ă  de difficiles crises intĂ©rieures qui ne lui permettaient pas d’attaquer ses voisins, LĂ©on V put profiter d’une pĂ©riode de tranquillitĂ© pour rĂ©tablir l’iconoclasme dans l’Empire byzantin.

Pas plus qu’au dĂ©but de la premiĂšre pĂ©riode, le mouvement iconoclaste n’avait cette fois-ci de caractĂšre dogmatique. Il s’agissait pour LĂ©on V d’une part d’affirmer son autoritĂ© sur l’Église, d’autre part de redonner confiance aux forces armĂ©es iconoclastes d’ArmĂ©nie et d’Anatolie face aux Bulgares, ce qu’elles n’auraient pas fait sous un empereur iconodoule[79] - [80].

Le premier geste que posa LĂ©on pour rĂ©tablir l’iconoclasme avait un caractĂšre symbolique. Il fit couronner Symbatios, le fils qu’il avait eu d’un premier mariage, et le renomma Constantin, rappelant non seulement les deux empereurs LĂ©on III et Constantin V, mais surtout leurs victoires sur l’ennemi. Agissant prudemment, il crĂ©a en un comitĂ© de recherche iconoclaste ayant pour tĂąche de scruter en secret les Écritures et les PĂšres de l’Église et d’annoter tout ce qui pouvait prouver la justesse de cette thĂšse. Le chef de file du comitĂ© Ă©tait Jean le Grammairien. Probablement d’origine armĂ©nienne comme l’empereur, Jean Ă©tait certainement iconodoule lors de son entrĂ©e au monastĂšre mais s’était rangĂ© par la suite du cĂŽtĂ© des iconoclastes[81] - [82]. AprĂšs six mois d'Ă©tude, le comitĂ© Ă©tait prĂȘt Ă  remettre le fruit de son travail. L’empereur commença par tenter de convaincre le patriarche NicĂ©phore, mais devant le refus Ă©nergique de celui-ci, dĂ©cida de procĂ©der de façon dĂ©tournĂ©e comme il l’avait fait en renommant son fils. IrĂšne avait fait rĂ©tablir l’image du Christ sur la porte ChalkĂš enlevĂ©e au tout dĂ©but de la rĂ©volte iconoclaste ; LĂ©on V y envoya des soldats avec mission de lancer des pierres et de la boue sur l’image. Puis il suggĂ©ra de faire retirer l’image « afin qu’elle ne soit pas dĂ©shonorĂ©e par la soldatesque »[83] - [82]. Ayant ainsi fait connaĂźtre subtilement sa volontĂ© au peuple, il entreprit de la faire savoir au clergĂ© en rĂ©unissant un synode au palais et en faisant lire le document rĂ©sumant les travaux du comitĂ©. Il suggĂ©ra ensuite de convoquer une assemblĂ©e de thĂ©ologiens iconodoules et iconoclastes pour discuter du document ; il se rĂ©servait le droit de juger Ă  la fin du dĂ©bat quels arguments avaient le plus de mĂ©rite. À nouveau, le patriarche, sachant oĂč allait l’empereur, s’opposa Ă  cette proposition. Il ne restait plus Ă  LĂ©on V qu’à dĂ©poser le patriarche et Ă  l’exiler, Ă  la suite de quoi il nomma Ă  sa place un courtisan, ThĂ©odote CassitĂ©ras[84].

À PĂąques 815, un nouveau concile fut convoquĂ© Ă  Sainte-Sophie, qui, comme on pouvait s’y attendre, condamna les conclusions du concile de 787 et en revint Ă  celles du concile de HiĂ©ra (754). Si le concile ne condamnait pas les images comme « idoles », il en ordonna nĂ©anmoins la destruction. Ses actes, loin d’avoir la profondeur de ceux du concile de HiĂ©ra, laissaient dĂ©jĂ  paraĂźtre que les bases intellectuelles du mouvement commençaient Ă  s’effriter. Jean le Grammairien fut rĂ©compensĂ© pour son travail en devenant hĂ©goumĂšne (supĂ©rieur) du monastĂšre des Saints-Serge-et-Bacchus qui devait servir de centre de rĂ©habilitation pour les iconodoules rĂ©calcitrants[81] - [85]. LĂ©on V ne devait pas jouir longtemps de son triomphe. Un groupe d’opposants s’était formĂ© autour de ses deux anciens compagnons d’armes, Michel d’Amorium et Thomas le Slave. Par crainte d’ĂȘtre exĂ©cutĂ©, Michel, qui avait Ă©tĂ© mis en prison, s’évada et, le jour de NoĂ«l 820, parvint Ă  assassiner l’empereur Ă  Sainte-Sophie[86] - [78].

Michel II

grande mosquée de Cordoue
La grande mosquĂ©e de Cordoue. ChassĂ©s de Cordoue, les Sarrasins vont conquĂ©rir la CrĂšte d'oĂč Michel II ne peut les dĂ©loger.

Originaire de Phrygie, base territoriale de l’iconoclasme, Michel II (820-829) n’avait aucun goĂ»t pour les discussions intellectuelles. Certaines de ses dĂ©cisions prit attestent son penchant iconoclaste : dans une lettre Ă  Louis le Pieux, il se plaignit de certaines exagĂ©rations du culte des images ; il confia l’éducation de son fils ThĂ©ophile Ă  Jean le Grammairien et, au lieu de rappeler le patriarche NicĂ©phore, il choisit l’assistant de Jean le Grammairien, l’évĂȘque Antoine de Sylaeon, comme successeur de ThĂ©odote. Mais conscient du fait que les temps avaient changĂ©, il dĂ©cida d’apaiser la querelle religieuse en interdisant simplement toute discussion sur le sujet[78].

Sur le plan intĂ©rieur, le rĂšgne de Michel II fut marquĂ© par la violente guerre civile menĂ©e par le troisiĂšme compagnon d’armes dĂ©jĂ  mentionnĂ©, Thomas le Slave. DĂ©jĂ  sous le rĂšgne de LĂ©on V, celui-ci avait rassemblĂ© autour de lui un parti multiethnique composĂ© d’Arabes, de Perses, d’ArmĂ©niens et d’IbĂšres. PrĂ©tendant ĂȘtre Constantin VI injustement dĂ©trĂŽnĂ© et vouloir renouer avec le culte des images, celui-ci promit aux masses paysannes d’Asie Mineure de soulager leur fardeau. AprĂšs s’ĂȘtre fait reconnaĂźtre par le calife Al-Mamoun et s’ĂȘtre fait couronnĂ© par le patriarche d’Antioche, Job, il vint assiĂ©ger Constantinople. À nouveau, les murailles de Constantinople rĂ©sistĂšrent. Thomas dut lever le siĂšge et, avec l’aide d’Omourtag, Michel rĂ©ussit Ă  capturer son rival Ă  Arcadiopiolis en 823. Cette guerre civile qui dura prĂšs de trois ans, tout en exacerbant Ă  nouveau les sentiments religieux, montrait Ă©galement la gravitĂ© de la crise sociale qui minait la sociĂ©tĂ© byzantine[87] - [88] - [89].

Cette guerre civile empĂȘcha Michel de donner toute l’attention qu’il mĂ©ritait Ă  un nouveau pĂ©ril extĂ©rieur. En 816, quelque dix mille Arabes d’Espagne (les Sarrasins) furent chassĂ©s de Cordoue. Sous la direction d’Abou Hafs, ils firent voile vers Alexandrie qu’ils prirent. ChassĂ©s dix ans plus tard, ils prirent Ă  nouveau la mer et rĂ©ussirent Ă  s’emparer de la CrĂšte, alors thĂšme byzantin, en 826. De lĂ , leurs corsaires partirent dĂ©vaster les Ăźles grecques et les cĂŽtes du PĂ©loponnĂšse. Entre 827 et 829, Michel monta trois expĂ©ditions pour les dĂ©loger. Toutes trois Ă©chouĂšrent, en grande partie parce que la population locale, lasse des extorsions de Constantinople, demeura sinon favorable aux Sarrasins, du moins refusa d’aider les troupes impĂ©riales. L’annĂ©e suivante (827), Ă  l’invitation d’un commandant byzantin renĂ©gat du nom d’EuphĂ©mius, les Sarrasins entreprirent, Ă  partir de Kairouan en Tunisie, la conquĂȘte de la Sicile. Il leur fallut prĂšs de soixante-quinze ans pour conquĂ©rir toute l’üle. NĂ©anmoins, comme dans le cas de la CrĂšte, ils s’en servirent de base de dĂ©part pour ravager Ă  la fois la cĂŽte dalmate et le sud de l’Italie byzantine[90] - [91] - [92].

Les difficultĂ©s Ă  l’intĂ©rieur de l’empire, les Ă©checs rĂ©pĂ©tĂ©s du souverain Ă  l’extĂ©rieur laissaient planer un doute sĂ©rieux sur la thĂšse prĂ©tendant que l’iconoclasme ramĂšnerait la faveur divine.

Théophile

Jean le Grammairien
Ambassade du patriarche Jean VII le Grammairien. Le patriarche est représenté entre le sultan Al-Mamoun et l'empereur Théophile (fin XIIe siÚcle, Chronique de SkylitzÚs de Madrid).

À la mort de Michel, c'est son jeune fils ThĂ©ophile qui lui succĂšde. Pour la premiĂšre fois depuis des dĂ©cennies, la succession se passe sans troubles. Le rĂšgne de ThĂ©ophile se caractĂ©rise par les ambitions et la personnalitĂ© affirmĂ©e d'un empereur dynamique, qui capitalise sur le dynamisme global que connaĂźt le monde byzantin au milieu de ce siĂšcle. Il porte une attention toute particuliĂšre au milieu artistique et architectural, soutient LĂ©on le MathĂ©maticien, grand Ă©rudit de son temps et fait restaurer et agrandir en profondeur le Palais impĂ©rial, en s'inspirant parfois de l'art abbasside. Sur le plan intĂ©rieur, il consolide les structures internes de l'Empire, relance la production monĂ©taire et, surtout, dĂ©fend l'iconoclasme. Le mouvement peine alors Ă  sĂ©duire les masses et reste principalement portĂ© par la volontĂ© impĂ©riale. ThĂ©ophile a parfois Ă©tĂ© vilipendĂ© pour avoir accru fortement la rĂ©pression contre les partisans des images, jusque-lĂ  plutĂŽt modĂ©rĂ©e. Il est vrai qu'il a persĂ©cutĂ© plusieurs figures iconoclastes, jusqu'Ă  provoquer la mort d'Euthyme de Sardes. NĂ©anmoins, il ne mĂšne pas de rĂ©pression Ă  grande Ă©chelle et plusieurs membres de la cour impĂ©riale, dont sa femme, sont connus pour ĂȘtre des iconodoules. Il nomme Jean le Grammairien, artisan de ce deuxiĂšme iconoclasme, comme patriarche de Constantinople en 837 mais, malgrĂ© son Ă©nergie, il ne parvient pas Ă  ranimer la flamme de l'iconoclasme[93] - [94].

Il faut dire que les ambitions de ThĂ©ophile se heurtent Ă  une politique Ă©trangĂšre aux rĂ©sultats contrastĂ©s. Son rĂšgne connaĂźt un regain d'affrontements avec les Abbassides en Anatolie. Les califes Al-Ma'mum et Al-Mu'tasim vont jusqu'Ă  conduire eux-mĂȘmes, et pour la derniĂšre fois, des raids en terres byzantines, tandis que ThĂ©ophile tente Ă  plusieurs reprises de riposter. Il parvient Ă  deux reprises, notamment en 837, Ă  conduire des actions victorieuses contre les Abbassides. Il profite aussi de l'arrivĂ©e de rebelles khurramites, des opposants au calife, qui trouvent refuge dans l'Empire et sont incorporĂ©s dans l'armĂ©e byzantine qu'ils renforcent notablement. NĂ©anmoins, ThĂ©ophile n'est aucunement en mesure de reconquĂ©rir des terres et, plus encore, il souffre d'un terrible Ă©chec en 838. Al-Mu'tasim conduit une expĂ©dition de grande envergure qui dĂ©fait l'empereur byzantin Ă  la bataille d'Anzen puis rase Amorium, le berceau de la dynastie amorienne dont se rĂ©clame ThĂ©ophile. Si les Abbassides se retirent dans la foulĂ©e, sans avoir rĂ©ellement Ă©crasĂ© l'armĂ©e byzantine ni conquis de nouveaux territoires, le choc moral est profond et rappelle la puissance du califat en dĂ©pit des troubles internes rĂ©guliers qui le frappent. En outre, cette dĂ©faite sonne comme un aveu d'Ă©chec pour l'iconoclasme, basĂ© sur la promesse de succĂšs militaires. Sur les autres fronts, la situation est elle aussi variable. En Sicile, ThĂ©ophile n'a guĂšre les moyens de s'opposer Ă  la progression musulmane. Les quelques renforts qu'il envoie ne peuvent ĂȘtre maintenus trop longtemps dans cette province Ă©loignĂ©e et de plus en plus abandonnĂ©e par le pouvoir central. Dans les Balkans, une rĂ©surgence du conflit avec les Bulgares intervient en 836-837, sans modifications territoriales majeures. Finalement, c'est en CrimĂ©e que ThĂ©ophile signe sa plus grande rĂ©ussite en consolidant les possessions byzantines par la crĂ©ation du thĂšme de Cherson[95] - [96].

Théodora et Michel III

triomphe de l'orthodoxie
IcÎne de la fin du XIVe ou du début du XVe siÚcle représentant « le triomphe de l'orthodoxie ». La vierge est entourée de l'impératrice Théodora et du patriarche Méthode (British Museum).

Le rĂ©tablissement du culte des images se produisit lorsque, Ă  la mort de ThĂ©ophile en 842, ThĂ©odora (842-856) assuma la rĂ©gence au nom de son fils Michel III (842-867) qui n’avait alors que deux ans, rĂ©pĂ©tant le scĂ©nario qui s’était produit avec IrĂšne et Constantin VI. Mais contrairement au rĂšgne d’IrĂšne, il devait ĂȘtre le prĂ©lude d’un nouvel Ăąge d’or pour Byzance.

Pourtant, la situation en ce dĂ©but de rĂšgne n’avait rien d’enviable. Progressivement, les provinces les plus riches avaient Ă©tĂ© retranchĂ©es de l’empire. L’Italie, la Sicile, la CrĂšte, les Balkans, la Syrie, la Palestine, l’Égypte, l’Afrique Ă©taient maintenant sous le contrĂŽle des Francs, ou d’Arabes et de Sarrasins, ou de Bulgares encore paĂŻens. À l’est, les principautĂ©s de GĂ©orgie et d’ArmĂ©nie, bien que chrĂ©tiennes, Ă©taient monophysites et hĂ©rĂ©tiques sur le plan religieux, strictement contrĂŽlĂ©es par les Arabes sur le plan politique. Restaient la Thrace et l’Anatolie, cette derniĂšre maintenant peuplĂ©e de Slaves, d’ArmĂ©niens, d’Arabes et de Perses[97] - [98]. Contrairement Ă  IrĂšne, ThĂ©odora sut s’entourer d’un conseil composĂ© d’hommes avisĂ©s et modĂ©rĂ©s, issus de sa famille, et agir avec prudence et circonspection. Durant la premiĂšre annĂ©e qui suivit la mort de ThĂ©ophile, l’iconoclasme demeura la religion d’État et Jean le Grammairien demeura sur le trĂŽne patriarcal[99].

Ce ne fut qu’en que ThĂ©odora se dĂ©cida Ă  rĂ©tablir le culte des images. Pour y parvenir elle convoqua, non pas un concile des Ă©vĂȘques qui s’y serait opposĂ© puisque la presque totalitĂ© d’entre eux professaient l’iconoclasme, mais un silention, comme l’avait fait LĂ©on III pour Ă©tablir l’iconoclasme, lequel se rĂ©unit au palais de ThĂ©odora. Comme doctrine, l’iconoclasme ne gĂ©nĂ©rait plus de passion : il fut rejetĂ© par la simple rĂ©affirmation des conclusions du concile de NicĂ©e de 787. Jean le Grammairien, ayant refusĂ© d’adhĂ©rer Ă  ses conclusions, fut dĂ©posĂ©. Mais, esprit des temps nouveaux, il put se retirer dans sa villa et y vivre en paix[100] - [99]. Le synode de 843 marque ainsi la fin officielle de l’iconoclasme.

En mĂ©moire, l’Église orthodoxe cĂ©lĂšbre le premier dimanche du CarĂȘme comme Ă©tant « la fĂȘte de l’orthodoxie », cĂ©lĂ©bration de la dĂ©faite de la « derniĂšre grande hĂ©rĂ©sie » et la fin des grandes luttes doctrinales qui marquĂšrent du IIIe au IXe siĂšcle l’histoire de Byzance[99].

Pour bien marquer que le culte des images n’était pas la cause des dĂ©faites passĂ©es, une semaine aprĂšs cette assemblĂ©e, ThĂ©odora envoya une expĂ©dition dirigĂ©e par ThĂ©octiste le LogothĂšte et son parent Serge le NicĂ©tiate reprendre la CrĂšte. Cette expĂ©dition se dĂ©roula ainsi que prĂ©vu et parvint Ă  reconquĂ©rir l’üle qui fut Ă©rigĂ©e en thĂšme. Toutefois, peu de temps aprĂšs, ThĂ©octiste fut vaincu lors d’un combat contre l’émir de MĂ©litĂšne, pendant que les Sarrasins tentaient de reconquĂ©rir la CrĂšte et tuaient Serge[101].

Signe des temps, la condamnation de l’iconoclasme ne provoqua guĂšre de rĂ©action. ThĂ©odora en profita pour mettre un terme aux agissements des Pauliciens dans l’est de l’Anatolie. Cette secte d’origine armĂ©nienne, dans laquelle certains voient les restes du manichĂ©isme, rejetait l’ensemble du monde matĂ©riel comme corrompu et n’acceptait ni l’autoritĂ© du clergĂ© ni les sacrements et, comme telle, Ă©tait violemment iconoclaste. Mais c’est moins leurs convictions religieuses qui mettaient l’empire en pĂ©ril que le fait qu’alliĂ©s des Arabes, les Pauliciens conduisaient des raids qui les amenĂšrent jusqu’à NicĂ©e et Ă  ÉphĂšse, qu’ils mirent Ă  sac en 869. ThĂ©odora envoya l’armĂ©e avec pour mission d’exĂ©cuter tous les Pauliciens qui ne se convertiraient pas et de confisquer leurs propriĂ©tĂ©s. Des milliers de Pauliciens moururent ainsi, mais plusieurs s’enfuirent sous la conduite de leur leader KaribĂ©as et crĂ©Ăšrent au temps de Michel III un État autonome entre l’empire et l’émirat de MĂ©litĂšne, avec comme capitale TĂ©phrikĂš[102] - [103].

Jean le Grammairien ayant Ă©tĂ© dĂ©posĂ©, ThĂ©odora choisit pour lui succĂ©der un moine persĂ©cutĂ© par Michel II et par son fils du nom de MĂ©thode. Le premier geste de celui-ci fut de dĂ©poser presque tous les Ă©vĂȘques, mĂȘme ceux qui avaient abjurĂ© l’iconoclasme. Sauf pour cette dĂ©cision, l’impĂ©ratrice et le patriarche mirent en place une politique de rĂ©conciliation qui leur valut l’opposition des zĂ©lotes dirigĂ©s par ThĂ©odore le Studite, assoiffĂ©s de revanche sur leurs ennemis. Leur schisme, trĂšs bref, fut rĂ©solu lorsqu’IrĂšne choisit pour succĂ©der au patriarche MĂ©thode, mort en , Ignace, un fils de l’empereur Michel RhangabĂ© qui avait Ă©tĂ© fait eunuque par son pĂšre et envoyĂ© dans un couvent. Moine rigide, trĂšs proche des zĂ©lotes, il se laissa entraĂźner dans une violente controverse contre Photios et envenima la situation au lieu de l’apaiser[104].

En 856, un coup d’État ourdi Ă  la fois par Michel III, las de la tutelle de sa mĂšre, et par son oncle, le futur cĂ©sar Bardas, dĂ©posa ThĂ©odora[105]. TrĂšs rapidement, le conflit Ă©clata entre Bardas, vĂ©ritable maitre du palais, et Ignace, nommĂ© par le rĂ©gime prĂ©cĂ©dent. Ignace dut dĂ©missionner et, le , Photios le remplaça sur le trĂŽne patriarcal. Cette Ă©lection fut vivement contestĂ©e Ă  Constantinople par le parti des zĂ©lotes qui en appela au pape. Aussi, lorsque Photios envoya Ă  celui-ci la lettre synodale annonçant traditionnellement son Ă©lection, le nouveau pape Nicolas Ier, dont le premier objectif Ă©tait l’affermissement de l’universalisme romain, refusa celle-ci et prit le parti d’Ignace[106] - [107] - [101]. À la lutte entre iconoclastes et iconodoules allait succĂ©der un nouveau conflit, cette fois entre Constantinople et Rome, dont les consĂ©quences furent encore plus importantes puisqu’il se termina par le schisme de 1054.

Conséquences de la crise

icone de la vierge
IcÎne de la Vierge traditionnellement attribuée à Jean DamascÚne (monastÚre de Hilandar).

La controverse entourant l’iconoclasme eut des consĂ©quences profondes et durables sur la civilisation byzantine.

Les guerres perses de l’empereur HĂ©raclius au VIIe siĂšcle conduisirent Byzance Ă  dĂ©laisser son passĂ© romain pour se tourner davantage vers l’Est, tendance que ne fit qu’augmenter la longue confrontation avec les Arabes et l’islam. DĂ©pourvus de la protection que leur avait apportĂ©e Constantinople jusque-lĂ , les papes commencĂšrent Ă  solliciter la protection de chefs d’État plus proches d’eux, dont Charlemagne. Des difficultĂ©s de traduction entre les langues grecque et latine (le terme grec de proskynĂ©sis [vĂ©nĂ©ration], ayant Ă©tĂ© traduit en latin par adoratio [adoration]) ne firent que creuser le fossĂ© qui commençait Ă  sĂ©parer de plus en plus profondĂ©ment les Églises orientale et occidentale[108]. Ces difficultĂ©s allĂšrent en s’accroissant et le conflit entre Photios et le pape Nicolas Ier annonça le schisme de 1054.

Tout au long de la controverse, ce fut moins la hiĂ©rarchie de l’Église d’Orient qui rĂ©sista Ă  la volontĂ© impĂ©riale que de simples moines qui, grĂące Ă  leur nombre, parvinrent Ă  s’imposer. Les empereurs, notamment LĂ©on III et Constantin V, voulaient en prescrivant l’iconoclasme confirmer leur droit Ă  diriger l’Église aussi bien que l’empire, ambition qu’on appela le cĂ©saro-papisme. Il en rĂ©sulta une guerre tantĂŽt larvĂ©e, tantĂŽt ouverte, entre d’une part le pouvoir impĂ©rial et d’autre part un monachisme non-conformiste, farouchement indĂ©pendant. AprĂšs le pitoyable Ă©chec de l’épiscopat durant la premiĂšre phase de l’iconoclasme, les abbĂ©s de monastĂšres obtinrent de faire partie de la direction ecclĂ©siale lors du concile de NicĂ©e (787), Les moines gardĂšrent par la suite cette rĂ©putation de « gardiens de la foi » qui contribua Ă  conserver et Ă  rĂ©pandre la culture byzantine alors mĂȘme que le territoire de l’empire se rĂ©trĂ©cit de plus en plus[109] - [110].

RĂ©sultat de cette crise, l’art devint Ă  Byzance un Ă©lĂ©ment important de la thĂ©ologie. De toutes les familles chrĂ©tiennes, c’est Ă  Constantinople, et plus tard, Ă  Moscou, que les icĂŽnes acquirent une place prĂ©Ă©minente dans l’expression religieuse de la foi. Si en russe le terme ikona est rĂ©servĂ© Ă  une reprĂ©sentation religieuse, en grec, le terme eikon (littĂ©ralement « image ») indique une ressemblance quelconque, aussi bien littĂ©ralement que mĂ©taphoriquement. L’icĂŽne orthodoxe est donc moins la reprĂ©sentation des traits matĂ©riels d’une personne que de ses qualitĂ©s et de son Ă©lĂ©vation d’esprit[111] - [112]. L’aptitude du peintre Ă  faire apparaĂźtre cette reprĂ©sentation spirituelle prime donc sur la ressemblance esthĂ©tique. Les icĂŽnes prirent une multitude de formes (icĂŽnes sur bois, icĂŽnes Ă  deux faces, icĂŽnes sur mĂ©tal, mosaĂŻques) et de styles, dĂ©pendant des endroits (GrĂšce, Russie, Balkans, GĂ©orgie, etc.) et des Ă©poques, ce qui fit dire Ă  EugĂšne Trubetskoi, un philosophe russe du dĂ©but du XXe siĂšcle, qu’une icĂŽne est « une contemplation en couleur »[113].

Économie

La pĂ©riode iconoclaste correspond, globalement, Ă  une pĂ©riode de rĂ©tractation Ă©conomique pour l'Empire byzantin. ConfrontĂ© Ă  un profond rĂ©trĂ©cissement de son emprise territoriale et Ă  une dĂ©mographie peu dynamique, l'Ă©conomie s'en ressent. DĂ©jĂ , tout au long du VIIe siĂšcle, les citĂ©s antiques qui structurent le paysage impĂ©rial ont peu Ă  peu disparu, soient conquises, soient dĂ©peuplĂ©es. La population urbaine diminue fortement au profit d'un monde rural qui devient le cƓur du monde byzantin. Les Ă©changes monĂ©taires se contractent eux aussi fortement. Les stocks de monnaie dĂ©couvertes datant de cette Ă©poque sont bien moins nombreux que ceux de l'AntiquitĂ© tardive, en particulier les monnaies de bronze. Il est estimĂ© que la monnaie d'or frappĂ©e annuellement sous les Isauriens ne reprĂ©sente que le tiers de la monnaie d'or Ă©mise par HĂ©raclius Ă  la fin son rĂšgne. En parallĂšle, la monnaie se dĂ©prĂ©cie et tĂ©moigne d'une rarĂ©faction des mĂ©taux prĂ©cieux, tandis que le systĂšme monĂ©taire se simplifie[114]. Dans l'ensemble, l'Ă©conomie byzantine se dĂ©monĂ©tarise, mĂȘme si les Ă©changes monĂ©taires demeurent actifs dans les centres urbains, notamment Constantinople. En outre, une part significative des recettes fiscales restent prĂ©levĂ©es en espĂšces.

A la fin de la période iconoclaste, un rebond des échanges monétaires apparaßt. Sous Théophile, les follis, monnaies de bronze, redeviennent plus fréquentes et témoignent d'une reprise progressive des échanges. Ce phénomÚne s'intÚgre dans une dynamique globale d'expansionnisme au sein de la société byzantine. La démographie repart à la hausse, les structures internes de l'Empire se solidifient sous l'effet de réformes d'ampleur comme celles de Nicéphore Ier et l'économie croßt à nouveau. En cela, les derniÚres années de l'époque iconoclaste préfigurent la bonne santé économique de l'époque macédonienne, marquée par une diffusion à grande échelle de la monnaie byzantine.

Art

Parmi les églises de la période, on trouve Sainte-IrÚne à Constantinople, reconstruite dans les années 750 aprÚs le séisme de 740 ; son intérieur est dominé par la croix en mosaïque de l'abside, exemple de l'art iconoclaste dans les églises[115].

Si l'iconoclasme a sérieusement restreint le rÎle de l'art religieux et conduit à l'enlÚvement de mosaïques, voire à la destruction de certaines icÎnes, il n'a jamais consisté en une interdiction totale de la production d'art figural. De nombreuses sources indiquent que la production d'art séculier (scÚnes de chasses, jeux de l'hippodrome, etc.) continue[116].

Notes et références

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  2. Kazhdan 1991, vol. 2, « Iconoclasm », p. 975-977.
  3. Ostrogorsky 1983, « Liste des souverains », p. 602.
  4. Ostrogorsky 1983, p. 169.
  5. Ostrogorsky 1983, p. 182.
  6. Ostrogorsky 1983, p. 184-185.
  7. Mango 2002, p. 105-106.
  8. Meyendorff 1987, p. 44.
  9. Jenkins 1966, p. 77.
  10. Kazhdan 1991, vol. 2, « Iconoclasm », p. 975.
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  14. Jenkins 1966, p. 76-77.
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  17. Herrin 2009, p. 108.
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Voir aussi

Bibliographie

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Une bibliographie exhaustive est contenue dans chaque volume de la trilogie Le monde byzantin, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », rĂ©partie pour chacune des pĂ©riodes Ă©tudiĂ©es (vol. 1 : L’Empire romain d’Orient (330-641) ; vol. 2 : L’Empire byzantin (641-1204) ; vol. 3 : L’Empire grec et ses voisins (XIIIe – XVe siĂšcle) entre « Instruments bibliographiques gĂ©nĂ©raux, ÉvĂšnements, Institutions » (empereur, religion, etc.) et « RĂ©gions » (Asie Mineure, Égypte byzantine, etc.). Faisant le point de la recherche jusqu’en 2010, elle comprend de nombreuses rĂ©fĂ©rences Ă  des sites en ligne.

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