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Synodes de Rome de 731

Les deux synodes de Rome se tinrent dans la basilique Saint-Pierre de Rome sous l’autoritĂ© du pape GrĂ©goire III en 731. Ils portĂšrent sur la dĂ©fense du culte des images.

Portrait imaginaire de GrĂ©goire III, 90e pape de l’Église romaine (Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs; mosaĂŻque du milieu du XIXe siĂšcle).

Contexte historique

Au cours des dix annĂ©es qui suivirent l’arrivĂ©e au pouvoir de LĂ©on III (717-741) les armĂ©es impĂ©riales devaient subir dĂ©faite sur dĂ©faite en Asie Mineure face aux Arabes. Dieu qui, dans le passĂ©, avait permis aux empereurs de vaincre l’Empire perse, semblait cette fois se dĂ©tourner d’eux. De plus, une Ă©ruption volcanique venue des profondeurs de la mer ÉgĂ©e en 726 ravagea tout le littoral d’Asie Mineure, de GrĂšce et des Ăźles grecques[1]. Selon les habitudes du temps, l’empereur pensa qu’il s’agissait du courroux divin et chercha comment l’apaiser. Son premier geste fut, en 722, de forcer les Juifs de l’empire Ă  accepter le baptĂȘme. Cela n’empĂȘcha pas les Arabes de ravager Iconium l’annĂ©e suivante et de terminer la conquĂȘte de l’ArmĂ©nie en s’emparant de Camachum[2].

Ses conseillers le persuadĂšrent que ces malheurs trouvaient leur cause dans la vĂ©nĂ©ration excessive des icĂŽnes qui Ă©quivalait Ă  de l’idolĂątrie. Ils en voulaient comme preuve le fait que les icĂŽnes que l’on promenait sur les murailles des villes au cours des siĂšges s’étaient avĂ©rĂ©es impuissantes Ă  empĂȘcher la victoire des Arabes qui, eux, tout comme les Juifs de l’Ancien Testament, interdisaient formellement toute reproduction humaine. En le calife YazÄ«d II avait proscrit toute reproduction anthropomorphique jugĂ©e contraire Ă  l’islam. L’iconoclasme constitua ainsi la voie que choisit LĂ©on III pour regagner la faveur divine Ă  un moment vital pour la survie de l’empire[3] - [4].

Son premier geste concret fut d’envoyer un dĂ©tachement de soldats retirer une image du Christ qui se trouvait au-dessus de la porte de bronze (ChalkĂš) Ă  l’entrĂ©e principale du palais. Cette image jouissait d’une grande popularitĂ© dans la population ; la rĂ©action de la foule fut immĂ©diate et l’officier de mĂȘme que ses soldats furent lynchĂ©s par la populace. L’attitude iconophobe de l’empereur provoqua, dĂšs que connue, une insurrection en GrĂšce oĂč le thĂšme d’Hellade s’empressa de dĂ©signer un empereur rival qui dirigea sa flotte vers Constantinople. Bien que rapidement matĂ©e, cette mini-rĂ©volution montrait la diffĂ©rence d’opinion existant entre les provinces europĂ©ennes, qui avaient toujours Ă©tĂ© favorables aux images, et celles d’Asie Mineure, qui leur Ă©taient hostiles[5] - [6]. À partir de ce moment, la population se divisa entre iconoclastes (ΔÎčÎșÎżÎœÎżÎșÎ»ÎŹÏƒÏ„Î±Îč, littĂ©ralement « briseurs d’images ») et iconodoules (ΔÎčÎșÎżÎœÏŒÎŽÎżÏ…Î»ÎżÎč, littĂ©ralement « serviteurs des images ») appelĂ©s par dĂ©rision « iconolĂątres » (ΔÎčÎșÎżÎœÎżÎ»ÎŹÏ„ÏÎ±Îč). C’était un sĂ©rieux avertissement et LĂ©on III rĂ©agit avec prudence. Ce n’est qu’en 730, soit quatre ans plus tard, aprĂšs avoir cherchĂ© Ă  nĂ©gocier avec le pape GrĂ©goire II et le patriarche Germanos, qu’il se rĂ©solut Ă  publier un Ă©dit qui ordonnait la destruction de toutes les images saintes, Ă©dit qu’il proposa Ă  la ratification d’un silention ou assemblĂ©e des plus hauts dignitaires civils et ecclĂ©siastiques. Le patriarche, demeurant complĂštement hostile Ă  la position impĂ©riale, fut dĂ©mis de ses fonctions et remplacĂ© par un de ses subordonnĂ©s, Anastase, tout disposĂ© Ă  se soumettre Ă  la volontĂ© de l’empereur. L’iconoclasme devenait la doctrine officielle de l’État[7] - [8].

Le premier synode

L’Empire byzantin en 717 montrant les thĂšmes d’Italie : 1. Ravenne; 2. VĂ©nĂ©tie et Istrie; 3. Rome; 4. Naples; 5. Calabre.

Syrien d’origine[N 1], GrĂ©goire III poursuivit l’action de son prĂ©dĂ©cesseur GrĂ©goire II qui avait transmis des lettres tant Ă  l’empereur LĂ©on Ier qu’au patriarche de Constantinople dans lesquelles il tentait de prouver la lĂ©gitimitĂ© de la vĂ©nĂ©ration des images[9]. DĂšs les premiers mois de son pontificat le nouveau pape Ă©crivit Ă©galement une sĂ©rie de lettres Ă  l’intention de l’empereur LĂ©on III dans lesquelles il exprimait son dĂ©saveu des pratiques de l’iconoclasme et de la persĂ©cution dont Ă©taient victimes ceux qui continuaient Ă  vĂ©nĂ©rer les images[10]. Le pape chargea un prĂȘtre du nom de Georges d’aller porter ces lettres Ă  l’empereur. Toutefois, une fois rendu Ă  Constantinople, ce dernier craignant le courroux impĂ©rial, dĂ©cida de rentrer Ă  Rome sans avoir remis les lettres Ă  leurs destinataires[11].

Furieux du refus d’obĂ©ir de la part du prĂȘtre, le pape convoqua un synode avant octobre 731 dans le but de dĂ©pouiller Georges de sa prĂȘtrise[11]. Toutefois, le synode tout en confirmant l’importance de rĂ©itĂ©rer la doctrine de l’Église quant Ă  la vĂ©nĂ©ration des images, se contenta de recommander que Georges soit simplement blĂąmĂ©. AprĂšs avoir fait pĂ©nitence pour son refus d’obĂ©ir, celui-ci devait ĂȘtre envoyĂ© de nouveau auprĂšs de l’empereur LĂ©on III porteur des mĂȘmes lettres[12].

Le deuxiĂšme synode

Solidus de LĂ©on III et de son fils, le futur empereur Constantin V

Le prĂȘtre Georges dut donc reprendre la route mais ne rĂ©ussit qu’à atteindre la Sicile oĂč il fut arrĂȘtĂ© sur l’ordre de LĂ©on III par le strategos Serge et dĂ©tenu en prison pour une annĂ©e[13]. En rĂ©ponse, le pape convoqua un nouveau synode qui se rĂ©unit dans la basilique Saint-Pierre de Rome le 1er novembre 731[N 2]. Quatre-vingt-treize Ă©vĂȘques d’Europe y participĂšrent y compris Antoine, patriarche du Grado, et Jean, archevĂȘque de Ravenne, de mĂȘme que l’ensemble du clergĂ© de Rome et une bonne partie de la noblesse romaine[14] - [9]. La prĂ©sence de l’archevĂȘque de Ravenne, siĂšge de l’exarchat et du reprĂ©sentant personnel de l’empereur, montrait Ă  quel point la politique impĂ©riale avait offensĂ© mĂȘme ses partisans en Italie[15].

Le concile rĂ©affirma la position traditionnelle de l’Église telle que dĂ©finie par les papes prĂ©cĂ©dents en faveur de la vĂ©nĂ©ration des icĂŽnes[11] et dĂ©crĂ©ta que l’iconoclasme Ă©tait une doctrine hĂ©rĂ©tique[16], affirmant que :

« Si quiconque, dans l’avenir, retire, dĂ©truit ou dĂ©shonore les images de notre Seigneur et Dieu JĂ©sus-Christ, de sa mĂšre, la glorieuse Vierge immaculĂ©e, ou encore de ses saints, celui-ci sera retranchĂ© du corps et du sang de notre Seigneur et de l’unitĂ© de son Église[17]. »

L’empereur et le patriarche se trouvaient ainsi excommuniĂ©s[9].

Le pape confia alors une nouvelle lettre en faveur des icĂŽnes au DĂ©fenseur[N 3] Constantin avec comme mission de la porter Ă  l’empereur. Toutefois, celui-ci fut lui aussi emprisonnĂ© Ă  son arrivĂ©e en Sicile et la lettre confisquĂ©e. Des reprĂ©sentants d’autres villes d’Italie tentĂšrent de faire de mĂȘme, avec les mĂȘmes rĂ©sultats. Le pape, dans un ultime effort, confia deux nouvelles lettres Ă  un nouveau DĂ©fenseur du nom de Pierre, l’une Ă  l’intention du patriarche Anastase de Constantinople, et l’autre aux coempereurs LĂ©on III et Constantin, son fils, sans plus de succĂšs[18].

Les suites

Les conquĂȘtes arabes de 622 Ă  750

Furieux, l’empereur dĂ©cida de conquĂ©rir Rome et envoya Ă  cet effet une flotte sous le commandement de ManĂšs, strategos du thĂšme des CibyrrhĂ©otes avec une triple mission : piller Ravenne et la Pentapole, s’emparer de Rome et dĂ©truire toutes les images saintes[9]. La flotte mit la voile au printemps 733, mais s’échoua en mer Adriatique[19].

LĂ©on III sĂ©para alors de Rome les provinces grĂ©cisĂ©es du sud de l’Italie (Sicile et Calabre) ainsi que la partie orientale de la prĂ©fecture de l’Illyricum (MacĂ©doine, GrĂšce, PĂ©loponnĂšse) qui avaient jusque-lĂ  Ă©tĂ© du ressort de l’Église de Rome pour les mettre sous l’autoritĂ© du patriarche de Constantinople. La rĂ©organisation ecclĂ©siastique se doubla de mesures fiscales : il imposa la capitation aux populations de Sicile et Calabre et transfĂ©ra les revenus des domaines pontificaux du sud de l’Italie qui s’élevaient Ă  trois centenaria et demi d’or Ă  Constantinople; la nouvelle ligne de dĂ©marcation des deux grandes capitales ecclĂ©siastiques se confondait dorĂ©navant avec la dĂ©marcation entre Orient et Occident[20] - [21].

Les musulmans pour leur part, profitant du dĂ©part de la flotte byzantine vers l’Occident, attaquĂšrent en divers points de l’empire : les Turcs sur les rives de la mer Caspienne, les Arabes de Soliman en Paphlagonie, les Sarrasins dĂ©barquant en Sicile assiĂ©gĂšrent Syracuse. Entretemps, ManĂšs qui avait rĂ©ussi Ă  sauver une partie de sa flotte mit le cap vers Ravenne. Le 26 juin 733, il attaqua la ville, mais la population parvint Ă  encercler ses troupes et Ă  massacrer ses soldats[22].

Une autre consĂ©quence sur le plan de la juridiction ecclĂ©siastique fut la sĂ©paration dĂ©finitive des patriarcats du Grado et d’AquilĂ©e. Appartenant au duchĂ© du Frioul pendant l’occupation lombarde, l’Église d’AquilĂ©e s’était Ă©levĂ©e au rang de patriarcat dans l’espoir de devenir membre Ă  part entiĂšre de la Pentarchie. Cet espoir avait Ă©tĂ© anĂ©anti en 606 par la division de son territoire en deux patriarcats, celui d’AquilĂ©e et celui de Grado, correspondant au morcellement politique de la zone : la terre frioulaine, incluant AquilĂ©e, Ă©tait sous domination lombarde, alors que le littoral adriatique de la VĂ©nĂ©tie, avec Grado, restait territoire romain d’Orient. Le synode dĂ©crĂ©ta que le patriarche de Grado aurait la primautĂ© sur l’ensemble de la VĂ©nĂ©tie et de l’Istrie, alors que le patriarche d’AquilĂ©e ne conserverait que le contrĂŽle de Cormons[23].

Notes et références

Notes

  1. GrĂ©goire III Ă©tait le cinquiĂšme pape syrien. AcclamĂ© par le peuple Ă©vĂȘque de Rome le 11 fĂ©vrier 731, il sollicita l’approbation de l’exarque de Ravenne, reprĂ©sentant de l’empereur byzantin, et fut consacrĂ© le 13 mars suivant.
  2. Gobry place ce synode en 732, rĂ©sultat probable d’une interprĂ©tation diffĂ©rente de la date d’indiction.
  3. Officier ayant charge des affaires civiles de l’Église.

Références

  1. Herrin (2009), pp. 107-108
  2. Treadgold (1997) p. 350
  3. Herrin (2009), p. 108
  4. Jenkins (1966), p. 81
  5. Ostrogorsky (1983), p. 191
  6. Treadgold (1997), p. 352
  7. Ostrogorsky (1983) p. 192
  8. Treadgold (1997), p. 353
  9. Gobry (2013) p. 196
  10. Mann (1903), pp. 204-205
  11. Mann (1903), p. 205
  12. Hefele (1895) p. 302
  13. Hefele (1895), pp. 302-303
  14. Hefele (1895), p. 303
  15. Duffy (1997), p. 63
  16. Treadgold (1997), p. 354
  17. Mann (1903), pp. 205-206
  18. Mann (1903), p. 206
  19. Treadgold (1997), pp. 354-355
  20. Ostrogorsky (1983), p. 193
  21. Cheynet (2006), p. 13
  22. Gobry (2013), pp. 196-197
  23. Mann (1903) p. 211

Bibliographie

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  • Cheynet, Jean-Claude. Byzance : L'Empire romain d'orient, Paris, Armand Colin, 2004 (1re Ă©d. 2001) (ISBN 978-2-200-26487-1)
  • Cheynet, Jean-Claude (dir.). Le Monde byzantin, II. L’Empire byzantin (641-1204). Paris, Presses universitaires de France, 2006 (ISBN 978--2-130-52007-8)
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Articles connexes

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