Gentilé
Le gentilĂ© (/ÊÉÌ.ti.le/), ou nom ethnique[1], est le nom donnĂ© aux habitants dâun lieu, d'un village, d'une ville, d'un dĂ©partement, dâune rĂ©gion, dâune province, dâun pays, dâun continent, par rĂ©fĂ©rence au lieu oĂč ils habitent ou d'oĂč ils sont originaires. Par exemple, Parisiens, Japonais et Camerounaises sont des gentilĂ©s.
Le gentilĂ© se distingue de lâethnonyme, ce dernier Ă©tant employĂ© par exemple pour les personnes partageant une identitĂ© nationale ou ethnique, ou pour les populations nomades ou migrantes, dans la mesure oĂč â faute de pouvoir les associer Ă un lieu gĂ©ographique significatif â le terme fait alors rĂ©fĂ©rence Ă lâorigine ethnique. Exemple : Roms. Un gentilĂ© est donc synonyme de nom dâhabitants, et un ethnonyme est synonyme de nom de peuple.
L'adjectif « ethnique » s'emploie parfois pour désigner un gentilé ou un ethnonyme, par exemple dans : « nom ethnique », « adjectif ethnique » ou « appellation ethnique » (chez André Rolland de Denus).
Historique
Le terme gentilé :
- a pour racine lexicale gentils, du latin gentiles (qui appartient Ă une nation), qui est la traduction habituelle de l'hĂ©breu goyim, goy ŚŚŚ signifiant « peuple, nation » ;
- est attestĂ© en français dĂšs 1752 et vient du latin gentile nomen, qui correspond au nom de famille chez les Romains (par exemple, « Julius » dans « Caius Julius Caesar », nom latin de Jules CĂ©sar, qui appartenait Ă la gens Julia, c'est-Ă -dire la famille Julia). LâEncyclopĂ©die ou Dictionnaire raisonnĂ© des sciences, des arts et des mĂ©tiers de Diderot indique, en 1757 :
« GENTILĂ, s. m. [âŠ] Le gentilĂ© dâun seul homme peut ĂȘtre de trois maniĂšres et de trois sortes de dĂ©nominations : le gentilĂ©, par exemple, du peintre Jean RothĂ©namer est Allemand, Bavarois et Munichien ; Allemand signifie quâil est dâAllemagne ; Bavarois, quâil est de BaviĂšre et Munichien, quâil est de Munich. »
Note : le gentilé actuel est Munichois.
- est bien documenté dans le Littré et les divers dictionnaires Robert, mais inconnu du Trésor de la langue française informatisé (TLFi), inconnu aussi du Portail lexical du CNRS (CNRTL[2]). Le mot « gentilé » ne se trouve pas dans le Petit Robert 1 (1993) ni dans « Préférences Larousse, langue française : petit dictionnaire de la langue française » (35 000 mots). Mais on le trouve, non défini, dans le Larousse « Anti-fautes d'orthographe » en 2008, qui recense 65 000 mots ;
- a Ă©tĂ© recommandĂ© par lâOffice quĂ©bĂ©cois de la langue française le , comme Ă©quivalent de lâanglais name of inhabitants ou gentilic.
Usage
Selon les conventions typographiques du français[3] :
- le substantif (le gentilé à proprement parler) prend une majuscule (« Les Français ont répandu le goût français ») ;
- lâadjectif correspondant au gentilĂ© ne prend pas de majuscule (« un bĂ©ret basque », « un far breton ») ;
- le nom de langue (ou glottonyme) prend aussi la minuscule (« NĂ© Breton, je parle le breton et je lâenseigne dans une Ă©cole bretonne »).
Cela permet mĂȘme de distinguer :
- « Un savant allemand » qui est un savant de nationalité allemande ;
- « Un savant Allemand », câest-Ă -dire un Allemand qui sait beaucoup de choses ; dans ce deuxiĂšme cas on fait la liaison (câest-Ă -dire que lâon prononce le t de lâadjectif savant)[4].
Lâadjectif est identique au gentilĂ© Ă la majuscule prĂšs ; le cas suivant, oĂč le gentilĂ© diffĂšre de lâadjectif non seulement par sa majuscule initiale, mais aussi par sa terminaison -esse propre aux substantifs fĂ©minins, est peut-ĂȘtre unique : « les Suissesses ne portent que des montres suisses ».
On peut souvent utiliser lâadjectif aussi bien que le gentilĂ© : « je suis français » est tout aussi correct que « je suis un Français », moins employĂ©.
Lâusage a pu, du reste, changer dans le temps et lâon peut observer des chassĂ©s-croisĂ©s entre le russe et le français Ă propos des majuscules[5].
Il arrive que le gentilĂ© perde sa majuscule lorsquâil finit par dĂ©signer simplement un type humain :
- suisse (suisse dâĂ©glise par exemple) parce que lâon recrutait souvent des gardes en Suisse autrefois ;
- les lesbiennes sont les femmes homosexuelles et non plus les habitantes de Lesbos ;
- sybarite fait rĂ©fĂ©rence aux habitants de lâantique Sybaris, mais au sens figurĂ© Ă un amateur de luxe ;
- en 1938 les Français se divisÚrent en munichois partisans des accords de Munich et anti-munichois ;
- depuis 1945, la classe politique française se rĂ©partit entre atlantistes plaçant leur confiance dans lâOTAN et europĂ©istes (avec minuscule) partisans de la construction europĂ©enne.
Pour les villes-centres, on prendra lâexemple suivant : un habitant dâOrlĂ©ans est un OrlĂ©anais, la rĂ©gion dont OrlĂ©ans est le centre sâappelle lâOrlĂ©anais (Ă comprendre pays orlĂ©anais) : les habitants de lâOrlĂ©anais sont aussi appelĂ©s les OrlĂ©anais tout comme ceux de la seule OrlĂ©ans ; le français nâa jamais dĂ©veloppĂ© de surcomposĂ©s du type *-aisien ou *-oisien. Mais le français fait la distinction AlgĂ©rois (habitants d'Alger) / AlgĂ©riens (citoyens d'AlgĂ©rie).
Le cas oĂč le gentilĂ© ou lâadjectif correspondant dĂ©signe autre chose quâun type humain ne pose guĂšre de difficultĂ© pratique et prend aussi la minuscule :
- le danois (ou dogue allemand) est une race de chiens ; par exemple : « Le danois du Danois d'Annois aboyait sans cesse » ;
- lâeuropĂ©en est une race de chats commune en Europe ;
- le persan est une race de chats originaire de Perse (Iran actuel) ;
- le siamois est une race de chats originaire du Siam (ThaĂŻlande actuelle) ;
- le percheron est une race de chevaux dont le nom est issu de l'ancienne province du Perche;
- la normande est une race de vaches originaire de Normandie ;
- le parmesan est un fromage ;
- la charentaise est une pantoufle.
Majuscule aux seuls gentilés dans :
- les Français libres ;
- les Khmers rouges ;
- les Russes blancs.
Et minuscules uniquement dans les expressions adjectivales correspondantes :
Noter aussi :
- les Canadiens français.
Un gentilĂ© peut devenir un anthroponyme. Par exemple, il vint un moment oĂč la reine Marie-Antoinette dâAutriche ne fut plus que « lâAutrichienne » pour ses sujets. Lâune des cinq composantes du nom arabe traditionnel, la nisba, gĂ©nĂ©ralise le procĂ©dĂ© : Abdelkader lâAlgĂ©rien par exemple ; ou encore Abou Moussab Al-Zarqaoui (ainsi nommĂ© pour ĂȘtre nĂ© Ă Zarqa, en Jordanie).
Dans différentes langues
Ces rÚgles peuvent différer selon les langues :
Langue | Capitalisation | Exemple |
---|---|---|
français | oui | un Français |
afrikaans | oui | 'n Fransman |
créole | oui et non | an Fwansé, an Moun Fwans' |
anglais | oui | a Frenchman |
espagnol | non | un francés |
allemand | oui | ein Franzose |
italien | non | un francese |
portugais | non | um francĂȘs |
néerlandais | oui | Fransman |
polonais | oui | Francuz |
tchĂšque | oui | Francouz |
suédois | non | fransman |
basque | non | frantses |
breton | oui | Gall |
espéranto | non | franco |
grec | oui | ÎÎŹÎ»Î»ÎżÏ (GĂĄllos) |
russe | non | ŃŃĐ°ĐœŃŃĐ· (frantsĂșz) |
armĂ©nien | oui | ÖÖŐĄŐ¶ŐœŐ«ŐĄÖŐ« ([fÉŸÉnsjÉËtÍĄsÊ°i]) |
arabe | â | Ù۱ÙŰłÙ (faransiyy) |
chinois | â | æłćœäșș (fÇguĂłrĂ©n) |
japonais | â | ăă©ăłăčäșș (furansujin) |
corĂ©en | â | íëì€ìž (peurangseuin) |
tamazight | oui | Fransawi |
latin | conseillé, mais pas obligatoire | Gallus (on peut aussi trouver gallus) |
Ătude
Alors que la science des toponymes ou noms de lieux est la toponymie et que la science des anthroponymes ou noms de personnes est lâanthroponymie, l'Ă©tude des gentilĂ©s est gĂ©nĂ©ralement appelĂ©e gentilistique, terme principalement employĂ© au QuĂ©bec. AndrĂ© Rolland de Denus fait figure de « prĂ©curseur » dans lâĂ©tude des gentilĂ©s. Parmi les grands ancĂȘtres, on citera Ătienne de Byzance et ses Ethniques.
Formation
Lâusage dâun gentilĂ© nâest pas systĂ©matique pour tous les toponymes et il nây a pas dâemploi lĂ©gal arrĂȘtĂ© ou rĂ©glementaire pour les petits toponymes. Dans certaines rĂ©gions on se contente de dĂ©signer « ceux de⊠» ou, simplement, le nom du village ; exemple, « les Sireuil ». Le plus souvent, le choix dâun gentilĂ© est laissĂ© Ă lâapprĂ©ciation dâun Ă©rudit local, ce qui donne parfois des approximations fautives par rapport Ă lâĂ©tymon du nom, ou au contraire des hypercorrections inutiles, ce qui peut conduire Ă des doublons : les PĂ©trocoriens / les PĂ©rigourdins.
Un gentilĂ© est souvent citĂ© au masculin pluriel (les Français, les Allemands), mais on peut aussi trouver le masculin singulier (lâAnglais).
Les suffixes formateurs de gentilés les plus courants sont en français (entre parenthÚses, quand elles sont distinctes, les formes féminin singulier, masculin pluriel et féminin pluriel) :
- -ain(e)(s) ou -in(e)(s)(che) : surtout pour les villes et quartiers (par exemple : chapelains et chapelaines de La Chapelle-sur-Erdre, valloirins et valloirinches de Valloire) mais parfois pour des régions (les transylvains) ;
- -ais(e)(s) : pour les villes (par exemple : Bayonnais de (Bayonne) mais aussi pour les pays (par exemple : Français de France, Taïwanais de Taïwan) ;
- -ien(ne)(s), -in(e)(s) ou -éen(ne)(s) : surtout pour les pays (Italie : Italiens, Malaisie : Malaisiens ; Monténégro : Monténégrins ; Niue : Niuéens ), mais aussi les villes (Paris : Parisiens ; Calais : Calaisiens ; Arles : Arlésiens) ;
- -ois(e)(s) : un peu vieilli en France, sâutilise surtout pour les villes (Reims : RĂ©mois ; Amiens : AmiĂ©nois) et villages les plus anciens (Perret : Perretois). Il est frĂ©quent au QuĂ©bec oĂč il reprĂ©sente plus de la moitiĂ© des gentilĂ©s, ainsi quâen Suisse (Lausannois, Bernois, Genevois) et en Belgique (Bruxellois, LiĂ©geois, Namurois, Anversois).
Dâautres suffixes plus rares sont rencontrĂ©s :
- -an(e)(s) ou -an(ne)(s) : par exemple Mosellans et Mosellanes du département de la Moselle, Nauruans de Nauru, Valaisans et Valaisannes du canton du Valais, Pulliérans de la commune suisse de Pully ;
- -aque(s) : les Bosniaques ; Canaque ; les Slovaques, un ou une Slovaque de Slovaquie ;
- -ar(e)(s) : un ou une Bulgare de Bulgarie, Kosovars du Kosovo (dâaprĂšs le gentilĂ© albanais kosovar) ; les Tatars ou Tartares ;
- -ard(e)(s) ou -art(e)(s) â vieilli : les Chamoniards de la ville de Chamonix, Savoyards de la rĂ©gion de Savoie ; suffixe parfois employĂ© de façon pĂ©jorative ou argotique au lieu dâun autre suffixe usuel. Lensards et Lensardes de la commune suisse de Lens ;
- -asque(s) : un ou une Basque, Monégasque de Monaco, Mentonasque, Brigasque ;
- -ate(s) : un ou une Croate de Croatie ; les Dalmates de la rĂ©gion de Dalmatie ; les ĂlĂ©ates de la ville d'ĂlĂ©e ;
- -(l)ate(s) Champdieulats et Champdieulates de Champdieu dans la Loire ;
- -aud(e)(s) : par exemple, Pelauds et Pelaudes d'Eymoutiers ;
- -eau(x) / -elle(s) : par exemple, Tourangeaux et Tourangelles de Tours ;
- -k(e)(s) : les Kanaks ; un Ouzbek et une OuzbÚke d'Ouzbékistan ; un Tadjik et une Tadjike du Tadjikistan ;
- -Ăšque(s) â peut-ĂȘtre empruntĂ© par lâespagnol Ă des langues mĂ©so-amĂ©ricaines, par exemple : les peuples des AztĂšques, OlmĂšques, ChichimĂšques, MixtĂšques... ; mais aussi : un ou une GuatĂ©maltĂšque du Guatemala, TchĂšque de RĂ©publique tchĂšque ;
- -Úne(s) : un ou une MadrilÚne de Madrid, SlovÚne de Slovénie, TchétchÚne de Tchétchénie, TurkmÚne du Turkménistan ;
- -eux / -euse(s) : parfois argotique ;
- -ic(s) / -ique(s) : un peu savant, mais consacrĂ© dans certains gentilĂ©s dâusage courant (par exemple les « Celtiques ») ;
- -iche(s) : le plus souvent populaire et argotique au lieu dâun autre suffixe usuel, en rĂ©fĂ©rence au gentilĂ© correspondant en anglais (un Angliche) ;
- -ides : sert Ă former des noms de peuples et dynasties (exemple : Abbassides, Saffarides...) ;
- -iste(s) : les Douarnenistes de Douarnenez, Tullistes de Tulle, Brivistes de Brive-la-Gaillarde ;
- -(i)te(s) : un ou une Moscovite de Moscou, Yéménite du Yemen⊠;
- -(i)ot(e)(s) ou -(i)at(e)(s), le i Ă©tant supprimĂ© sâil suit un autre i semi-voyelle : un ou une Cairote du Caire, Cypriote ou Chypriote de Chypre, Spartiate de Sparte⊠;
- -(n)ol(e)(s), Caillanols, Caillanoles de Cailla dans l'aude ;
- -on(ne)(s) : les Bretons et Bretonnes de Bretagne ;
- -ote(s) : les Chypriotes, les Stambouliotes ;
- -é(e)(s) : Burkinabé du Burkina Faso ;
- -ouche(s) : une ou une Ingouche d'Ingouchie, les Manouches ;
- -ou(se)(s) : suffixe vieilli, conservĂ© par lâusage historique. Les MiaulĂ©tous pour Saint-LĂ©onard-de-Noblat ;
- -(l/t)oque(s) : le plus souvent populaire et argotique, fréquemment péjoratif (un Chinetoque, un Amerloque) ;
- -uche(s) : assez rare et toujours argotique (un Libanuche, un Albanuche) ;
- -yen(ne)(s): Un Beaufayens de Beaufai dans l'Orne.
Quand le toponyme se termine par le suffixe -ie, le plus souvent, ce suffixe est souvent supprimĂ© si le gentilĂ© obtenu se termine par un des suffixes ci-avant, ou converti en -ien(ne)(s) si cela crĂ©e une ambigĂŒitĂ© de sens.
Les gentilĂ©s correspondant Ă des toponymes composĂ©s sont le plus souvent irrĂ©guliers en français, souvent assez Ă©loignĂ©s du toponyme (mĂȘme sâil peut rester une origine historique commune) comme pour les Trifluviens de Trois-RiviĂšres. Il nây a pas de rĂšgle Ă©tablie pour leur formation, mĂȘme pour les toponymes courant commençant par Saint- ou Sainte- (cet Ă©lĂ©ment nâest souvent pas reprĂ©sentĂ© dans le gentilĂ© ; Saint-Ătienne : StĂ©phanois), mais lâarticle initial prĂ©fixant certains toponymes est pratiquement toujours ignorĂ© dans le gentilĂ© (par exemple, La Rochelle : Rochelais).
Les racines de toponymes contenant des prĂ©noms (souvent trĂšs anciens et internationaux) sont souvent dĂ©rivĂ©s en gentilĂ©s français Ă lâaide dâanciennes racines latines, grecques ou issues dâautres langues. Les gentilĂ©s français issus de toponymes composĂ©s sont le plus souvent contractĂ©s en un terme non composĂ©, aprĂšs Ă©limination des articles internes et rĂ©duction des autres racines.
Le radical dâun gentilĂ© se voit modifiĂ© lorsquâil ne constitue pas la derniĂšre composante dâun gentilĂ© composĂ© (par exemple : un film franco-hispano-russo-amĂ©ricain, oĂč « amĂ©ricain », la derniĂšre composante du gentilĂ© composĂ©, est la seule composante Ă conserver sa forme originale de gentilĂ©). Voici quelques exemples de radicaux destinĂ©s aux gentilĂ©s composĂ©s (liste non exhaustive).
- Afrique : Afro- (un Afro-Asiatique)
- Albanais : Albano- (un Albano-Grec)
- Allemand : Germano- (une Germano-Polonaise, le pacte germano-soviétique)
- Américain : Américano- (les échanges américano-soviétiques)
- Anglais : Anglo- (la reine Victoria Ă©tait une Anglo-Allemande, les Ăźles Anglo-Normandes)
- Arabe : Arabo- (les Arabo-Musulmans, la culture arabo-indienne)
- Arménien : Arméno- (le dialogue arméno-turc)
- Autrichien : Austro- (l'Empire austro-hongrois, une Austro-Brésilienne)
- Belge : Belgo- (un Belgo-NĂ©erlandais)
- Bulgare : Bulgaro- (un Bulgaro-Roumain)
- Chinois : Sino- (le conflit sino-soviétique, la culture sino-vietnamienne)
- Croate : Croato- (un Croato-Serbe)
- Danois : Dano- (un Dano-Suédois)
- Espagnol : Hispano- (un Hispano-Américain, un cheval hispano-arabe)
- Européen : Eur(o-) (le continent eurasiatique)
- Finnois : Finno- (les langues finno-ougriennes)
- Français : Franco- (lâamitiĂ© franco-allemande, une Franco-Colombienne)
- Grec : Gréco-, Helléno- (un Gréco-Macédonien, un Helléno-Turc)
- Hongrois : Magyaro- (un Magyaro-TchĂšque)
- Inde : Indo- (les langues indo-européennes)
- Iranien : Irano- (un Irano-Pakistanais)
- Israélien : Israélo- (le conflit israélo-palestinien)
- Italien : Italo- (les Italo-Suisses, la cuisine italo-américaine)
- Japonais : Nippo- (les Nippo-Américains, la guerre nippo-russe)
- Letton : Letto- (la frontiĂšre letto-estonienne)
- Polonais : Polono- (l'Union polono-lituanienne)
- Portugais : Luso- (la frontiÚre luso-espagnole, les Luso-Brésiliens)
- Russe : Russo- (les incidents russo-britanniques du 21 octobre 1904, une Russo-Ukrainienne)
- Serbe : Serbo- (la langue serbo-croate)
- Slovaque : Slovaco- (un Slovaco-Ukrainien)
- Soviétique : Soviéto- (un Soviéto-Italien)
- Suédois : Suédo- (un Suédo-Finlandais)
- Suisse : Helvéto- (un Helvéto-Français)
- TchÚque : Tchéco-, Bohémo- (l'union tchéco-slovaque)
- Turc : Turco- (le conflit turco-grec)
Concernant l'ordre d'écriture d'un gentilé composé, il est à noter qu'il n'existe aucune rÚgle officielle à ce sujet[6].
Gentilés scientifiques, gentilés politiques
En sciences humaines, on distingue dĂ©sormais les gentilĂ©s scientifiques fondĂ©s sur les dĂ©finitions ethnologiques essentiellement linguistiques, et identifiĂ©s par le suffixeâŠphones, et les gentilĂ©s politiques fondĂ©s sur des dĂ©finitions prises par les pouvoirs lĂ©gislatifs ou exĂ©cutifs des Ătats, et identifiĂ©s par une majuscule initiale[7].
Gentilés scientifiques
Pour Ă©viter les imprĂ©cisions et ne plus confondre nationalitĂ© (câest-Ă -dire citoyennetĂ©), appartenance religieuse (câest-Ă -dire confession), appartenance gĂ©ographique (câest-Ă -dire lieu dâorigine ou de rĂ©sidence), et communautĂ© linguistique, la rĂšgle scientifique est dâemployer, pour dĂ©finir cette derniĂšre, le suffixe : phones. Selon cette rĂšgle, la communautĂ© francophone (au sens ethnologique du mot) comprend des Français (mais pas tous), des Canadiens (mais pas tous), des Belges (mais pas tous), des Suisses (mais pas tous).
Ethnologiquement, un anglophone, un francophone, un germanophone ou un russophone est un locuteur habituel de langue parentale respectivement anglaise, française, allemande ou russe, mais nâest pas forcĂ©ment un Anglais, un Français, un Allemand ou un Russe : il peut ĂȘtre par exemple AmĂ©ricain, Canadien, Autrichien, Suisse, Belge, Moldave.
Pour définir une langue et situer un gentilé, les scientifiques utilisent trois notions qui relÚvent de la linguistique, de la sociolinguistique et de la dialectologie :
- lâisoglosse qui rĂ©unit deux locuteurs lorsquâils peuvent se comprendre spontanĂ©ment et complĂštement sans traducteur. Dans le cas contraire, il les sĂ©pare. Par exemple, un Allemand et un Autrichien se comprennent spontanĂ©ment et complĂštement sans traducteur : ils sont tous deux germanophones, un isoglosse les rĂ©unit. MĂȘme chose pour un Français et un Suisse romand. En revanche, deux Suisses, deux Belges ou deux Moldaves (pays oĂč l'on parle plusieurs langues) peuvent ne pas se comprendre s'ils ne parlent pas la mĂȘme langue : un isoglosse les sĂ©pare ;
- le diasystĂšme qui dĂ©signe des langues dont les locuteurs se comprennent spontanĂ©ment et presque complĂštement sans traducteur ni dictionnaire et qui ont une origine commune, telles le gascon et le provençal. Dans un diasystĂšme, les langues abstand « spontanĂ©es » ou « populaires » ont Ă©voluĂ© Ă partir de dialectes passĂ©s ou prĂ©sents prĂ©sentant assez de traits structurels communs scientifiquement Ă©tablis, pour constituer une langue unitaire. Quant aux langues ausbau « codifiĂ©es » ou « savantes », dĂ©finies par une acadĂ©mie ou par un pouvoir politique, leurs formes devenues officielles sont gĂ©nĂ©ralement diffĂ©rentes de la forme originelle ; parmi les langues ausbau, certaines sont des langueabstand modernisĂ©es (le français est la forme moderne de la langue d'oĂŻl), dâautres des dialectes dâune langue abstand dont on a volontairement accentuĂ© les diffĂ©rences (nĂ©erlandais par rapport au bas-saxon, croate ou serbe par rapport au serbo-croate, macĂ©donien par rapport au bulgareâŠ), dâautres sont des langues politiques que seule lâĂ©criture (hindĂź/ourdou) et parfois seul le nom officiel (roumain/moldave, serbe/montĂ©nĂ©grin) diffĂ©rencient ;
- lâendonyme (nom par lequel une population se dĂ©signe elle-mĂȘme) et lâexonyme (nom par lequel elle est dĂ©signĂ©e de lâextĂ©rieur) : Roms/Tsiganes, Inuits/EsquimauxâŠ
Les gentilĂ©s scientifiques, basĂ©s sur des dĂ©finitions ethnographiques, peuvent aussi prendre en compte la religion, voire le mode de vie, lorsque ceux-ci se traduisent par un isopraxe : il y a isopraxe lorsque la religion ou le mode de vie, et Ă leur suite les coutumes, lâĂ©criture et lâidentitĂ© dâun groupe, le sĂ©parent des groupes voisins, fussent-ils de mĂȘme langue. Par exemple, un Croate, un Bosno-musulman et un Serbe parlent Ă peu de chose prĂšs la mĂȘme langue, mais les diffĂ©rences de religion, dâĂ©criture, de coutumes depuis le haut Moyen Ăge ont crĂ©Ă© des isopraxes entre eux : ils ont crĂ©Ă© des Ătats diffĂ©rents, ont pris des partis historiques diffĂ©rents, et constituent des groupes fortement identifiĂ©s, diffĂ©rents. Ce sont Ă©galement des isopraxes qui identifient les AshkĂ©nazes germanophones dâAllemagne, ou anglophones dâAmĂ©rique, ou les SĂ©farades arabophones du Maroc, ou encore les Gitans hispanophones et catholiques dâEspagne, les Cingene turcophones et musulmans de Turquie ou les Tziganes roumanophones et orthodoxes de Roumanie.
Gentilés politiques
Un gentilĂ© politique nâa pas besoin de rĂšgles scientifiques : il dĂ©coule dâune volontĂ© politique (partagĂ©e ou non par les populations concernĂ©es) soit de rassembler, soit de distinguer. Ainsi, dans la Yougoslavie des annĂ©es 1930, la population majoritaire Ă©tait dĂ©finie comme serbo-croate sans distinction, sur critĂšre exclusivement linguistique (volontĂ© de rassembler, traduite sur le terrain par le dĂ©coupage territorial en Banovines qui « effaçaient » les anciennes frontiĂšres croates, bosniaques, montĂ©nĂ©grines et serbes). Aujourdâhui, au contraire, la mĂȘme langue sâappelle officiellement croate, bosniaque, montĂ©nĂ©grin ou serbe selon les nouveaux Ătats, et sert Ă dĂ©finir leurs identitĂ©s nationales (volontĂ© de distinguer). On pourrait tout aussi bien, en Europe occidentale, appeler le gascon, le catalan et le provençal « occitan » (volontĂ© de rassembler) ou au contraire dĂ©finir des langues wallonne en Belgique ou romande en Suisse diffĂ©rentes du français (volontĂ© de distinguer). En RĂ©publique de Moldavie, depuis 1991 une controverse divise les mouvements politiques pour savoir si la langue de la majoritĂ© autochtone (roumanophone selon les scientifiques) est du roumain (volontĂ© de rassembler) ou du moldave (volontĂ© de distinguer). On pourrait multiplier les exemples Ă travers lâEurope et le monde.
Parmi les gentilĂ©s politiques, on trouve la rĂšgle du politiquement correct, inventĂ©e dĂšs le XIXe siĂšcle non par des AmĂ©ricains, comme on le pense souvent, mais par des Français : Ămile Ollivier, Edgar Quinet, ĂlysĂ©e Reclus. Elle fut appliquĂ©e par les SoviĂ©tiques dans les annĂ©es 1920 (ils renommĂšrent presque tous les peuples sibĂ©riens) bien avant dâĂȘtre adoptĂ©e, dans les annĂ©es 1970, par la National Geographic Society, puis, dans les annĂ©es suivantes, par le monde universitaire amĂ©ricain, qui lâĂ©tendit Ă©galement aux minoritĂ©s sociales. Le but de cette rĂšgle est dâĂ©viter les imprĂ©cisions et ne plus risquer de dĂ©signer les communautĂ©s par des sobriquets pĂ©joratifs, en leur donnant le nom par lequel elles se dĂ©signent elles-mĂȘmes. Câest ainsi quâon est passĂ© dâ« Esquimaux » Ă Inuits, ou de « Gitans », « BohĂ©miens », « Romanichels » ou « Tziganes » Ă Roms par exemple.
Certains gentilĂ©s dâorigine scientifique peuvent eux aussi devenir politiques : par exemple, « francophones », dans le sens politique du mot, ne dĂ©signe pas seulement des locuteurs habituels de langue parentale française, mais toute personne et tout Ătat comprenant le français ou membre de la Francophonie.
Notes et références
- « ethnique », dictionnaire Larousse.
- Non trouvé sur ce portail qui agglomÚre différents dictionnaires dont ceux de l'Académie française et la Base de Données Lexicographiques Panfrancophone.
- « Gentilés (noms et adjectifs d'habitants ou de peuples) », sur langue-fr.net (consulté le )
- « Questions de langue - La liaison est obligatoire », sur academie-francaise.fr (consulté le )
- Serge Aslanoff, Manuel typographique du russiste, Paris, Institut dâĂ©tudes slaves, , 255 p. [dĂ©tail des Ă©ditions] (ISBN 2-72040-225-7) : note **** du § 535.1 (page 168) : « On observe une sorte de chassĂ©-croisĂ© dans lâhistoire des usages russes et français. Ă la mĂȘme Ă©poque oĂč Grot considĂ©rait les noms de peuples comme des noms propres qui devaient sâĂ©crire avec majuscule, Victor Hugo laissait dĂ©libĂ©rĂ©ment la minuscule aux noms de nationalitĂ©, mĂȘme substantifs :
- le polonais secourt Spoctocus, duc des russes ;
- comme un plus grand boucher en aide un plus petit ;
- (« Les Chevaliers errants », La Légende des siÚcles). »
- AndrĂ© Racicot, « Traduire le monde : Les gentilĂ©s et toponymes composĂ©s », LâActualitĂ© langagiĂšre, vol. 8, no 3,â , p. 26 (lire en ligne)
- Sources de cette section : Ernest Gellner, Culture, Identity and Politics, 1987 ; Louis Deroy et Marianne Mulon, Dictionnaire des noms de lieux Robert, Paris, 1994 (ISBN 285036195X) ; AndrĂ© Martinet, ĂlĂ©ments de linguistique gĂ©nĂ©rale, 4e Ă©dition, Armand Colin, Paris, 1996 (ISBN 978-2-200-26573-1) ; Antoine Auchlin et Jacques MĆschler, Introduction Ă la linguistique contemporaine, 2e Ă©dition, Armand Colin, Paris, 2000 (ISBN 978-2-200-25124-6).
Voir aussi
Bibliographie
- Ernest Gellner, Nations et nationalisme, Paris, Payot, .
- Victor Rendu, Ampélographie française, Librairie Victor Masson, Paris, 1857.
- Bulletin des sociétés des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, Volume 9, Compte rendu des travaux de 1853-1855.
- Journal des gourmands et des belles ou lâĂpicurien français, Capelle et Renand, Paris, 1807.
- Liste des récompenses décernées par le jury international à l'exposition universelle de 1867, Imprimerie impériale, Paris.
Articles connexes
- Liste de gentilĂ©s, pour la liste de tous les gentilĂ©s du monde en partant des Ătats
- Liste de gentilés issus d'ethnonymes
- Ethnonymie (Exonymie, Endonymie, Autoethnonyme)
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Recommandation officielle française concernant les noms dâĂtats, dâhabitants, de capitales, de siĂšges diplomatiques ou consulaires (liste Ă©tablie par le ministĂšre des affaires Ă©trangĂšres et europĂ©ennes), Journal officiel du , qui annule et remplace la recommandation du .
- Liste de gentilés sur un site d'une société commerciale (gentilés de sept pays : Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suisse)