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Bosnien

Le bosnien (bosanski jezik), parfois appelĂ© bosniaque (boĆĄnjački jezik), est l’une des variĂ©tĂ©s standard de la langue appelĂ©e « serbo-croate » par certains linguistes[2], et par d’autres – « diasystĂšme slave du centre-sud »[3], ĆĄtokavski jezik « langue chtokavienne »[4], standardni novoĆĄtokavski « nĂ©ochtokavien standard »[5] ou BCMS (bosnien-croate-montĂ©nĂ©grin-serbe)[6].

Bosnien
bosanski
Pays Bosnie-Herzégovine, Serbie, Kosovo, Croatie, Monténégro, Macédoine du Nord, Slovénie, Turquie
Nombre de locuteurs 2,2 millions[1]
Typologie SVO + ordre libre, flexionnelle, accusative, accentuelle, Ă  accent de hauteur
Écriture latin, arebica, cyrillique
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle Drapeau de la Bosnie-Herzégovine Bosnie-Herzégovine
Drapeau du Monténégro Monténégro (coofficielle)
Codes de langue
IETF bs
ISO 639-1 bs
ISO 639-2 bos
ISO 639-3 bos
Étendue langue individuelle
Type langue vivante
Linguasphere 53-AAA-g
Glottolog bosn1245
Échantillon
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme (voir le texte en français)

Član 1.

Sva ljudska bića rađaju se slobodna i jednaka u dostojanstvu i pravima. Ona su obdarena razumom i svijeơću i treba da jedno prema drugome postupaju u duhu bratstva.

Du point de vue de la sociolinguistique, le BCMS est une langue Abstand, c’est-Ă -dire une langue du point de vue de la linguistique comparĂ©e aussi[7], commune aux Bosniaques, aux Croates, aux Serbes et aux MontĂ©nĂ©grins, ayant pour base son dialecte chtokavien. Du mĂȘme point de vue sociolinguistique, le bosnien, le croate, le serbe et le montĂ©nĂ©grin sont des langues Ausbau, c’est-Ă -dire des langues seulement de ce point de vue, chacune avec son propre standard, sans ĂȘtre des langues Ă  part du point de vue de la linguistique comparĂ©e[8].

La standardisation a commencĂ© dans les annĂ©es 1990, aprĂšs le dĂ©membrement de la Yougoslavie. Les linguistes qui y travaillent cherchent Ă  diffĂ©rencier son standard des autres surtout en recommandant les synonymes d’origine turque, arabe et persane qui existent dans la langue pour les mots d’origine slave. Comme les autres variĂ©tĂ©s de la langue commune, le bosnien aussi est langue officielle, avec l’appellation « langue bosnienne »[9].

Controverses autour de l’existence et de l’appellation de la langue bosnienne

Certains linguistes, surtout serbes mais aussi croates, ne prennent pas en compte une langue qu’on puisse appeler « bosnienne ». Le linguiste serbe Pavle Ivić, par exemple, affirme que « la langue parlĂ©e par les Serbes est le plus souvent appelĂ©e serbo-croate dans la science. Elle est utilisĂ©e, en dehors des Serbes, par les Croates et les Musulmans de Bosnie-HerzĂ©govine. [
] Cette langue est appelĂ©e croate par les Croates et serbe par les Serbes[10]. » Selon la linguiste croate SnjeĆŸana Kordić, on ne peut parler de maniĂšre scientifique que d’une langue unitaire serbo-croate (avec cette appellation traditionnellement adoptĂ©e par les milieux acadĂ©miques), indĂ©pendamment de la façon dont l’appellent ses locuteurs, ou du fait que, pour des raisons nationalistes, on parle de quatre langues diffĂ©rentes[11].

La notion de langue bosnienne a Ă©tĂ© reprise aprĂšs le dĂ©membrement de la Yougoslavie et la formation de l’État indĂ©pendant de Bosnie-HerzĂ©govine. L’un des arguments de ceux qui la soutiennent est qu’elle a dĂ©jĂ  existĂ© au Moyen Âge. Elle se rĂ©fĂ©rait Ă  la langue slave du sud parlĂ©e par tous les habitants de la Bosnie et de la HerzĂ©govine et on l’a utilisĂ©e avec des interruptions jusqu’à la standardisation du serbo-croate, lorsqu’on a considĂ©rĂ© que les Bosniaques musulmans aussi parlaient cette langue. Ils ne nient pas que les Bosniaques, les Serbes et les Croates ont une langue commune, mais les Serbes l’appellent « serbe » et les Croates « croate », des standards Ă  part existant pour ceux-ci. C’est pourquoi un autre argument des Bosniaques est que, n’étant ni Serbes ni Croates, eux aussi ont le droit d’appeler leur langue Ă  leur maniĂšre, ce qui donne selon eux « bosnien », et ils entendent par cela « la langue des Bosniaques et de tous ceux qui la ressentent comme leur avec cette appellation »[12].

L’appellation de la langue met devant un dilemme les autoritĂ©s de Bosnie-HerzĂ©govine, ce qui se reflĂšte, par exemple, dans les documents du systĂšme de l’enseignement public, dans lesquels on utilise en tant que nom de discipline parfois bosanski jezik « langue bosnienne »[13], d’autres fois bosanski, hrvatski, srpski jezik (abrĂ©gĂ© BHS jezik ou B/H/S jezik) « langue bosnienne, croate, serbe »[14].

Parmi les linguistes non bosniaques qui ont dĂ©sormais acceptĂ© l’idĂ©e de quatre standards diffĂ©rents, il y en qui contestent le nom que les linguistes bosniaques (de religion musulmane ou sans religion mais Ă  ascendance musulmane) donnent Ă  leur langue, bosanski jezik « bosnien », terme en relation avec le nom Bosanac « Bosnien »[9]. Ce terme est utilisĂ© Ă©galement par les Serbes de Bosnie-HerzĂ©govine pour s’auto-identifier, Ă  cĂŽtĂ© du mot Srbin « Serbe », c’est pourquoi, selon eux, on ne peut appeler cette langue que boĆĄnjački[15], terme dĂ©rivĂ© de l’ethnonyme BoĆĄnjak « Bosniaque », appliquĂ© seulement aux Musulmans[16]. Les organisations internationales, elles, ont adoptĂ© en anglais le terme Bosnian language correspondant Ă  bosanski jezik[17].

Répartition géographique et statut

Il n’y a pas de donnĂ©es exactes sur le nombre de Bosniaques ni de locuteurs de bosnien. Le nombre de Bosniaques dans le monde est estimĂ© Ă  1 516 790 par Ethnologue[18] mais, en additionnant les donnĂ©es des recensements, on arrive Ă  2,2 millions, sans compter la diaspora bosniaque. MĂȘme concernant la Bosnie-HerzĂ©govine il n’y a que des estimations. En Serbie, au MontĂ©nĂ©gro, en Croatie, en MacĂ©doine du Nord et au Kosovo, ils sont prĂ©sents dans les statistiques des recensements. Parmi ces pays, en Serbie et au MontĂ©nĂ©gro on indique sĂ©parĂ©ment le nombre de personnes d’ethnie bosniaque et de personnes d’« ethnie musulmane »[19]. Le nombre de locuteurs de bosnien apparaĂźt dans les statistiques de Serbie, du MontĂ©nĂ©gro et de Croatie, et il y a des diffĂ©rences parfois notables entre ces donnĂ©es et celles concernant l’ethnie, ce qui dĂ©note qu’il y a des Bosniaques qui ont dĂ©clarĂ© le serbe ou le croate comme langue maternelle.

PaysNombre de personnesStatut des personnes
Bosnie-HerzĂ©govine1 871 654d’ethnie bosniaque[20]
Serbie145 278d’ethnie bosniaque[21]
22 755d’ethnie musulmane[21]
138 871de langue maternelle bosniaque[22]
MontĂ©nĂ©gro53 605d’ethnie bosniaque[23]
33 077de langue maternelle bosnienne[24]
19 906de langue maternelle bosniaque[24]
Croatie31 479d’ethnie bosniaque[25]
16 856de langue maternelle bosnienne[26]
SlovĂ©nie21 542d’ethnie bosniaque[27]
10 467d’ethnie musulmane[27]
MacĂ©doine du Nord17 018d’ethnie bosniaque[28]
Kosovo32 430locuteurs de bosnien[29]

En nombre inconnu, il y a aussi des Bosniaques vivant en Ă©migration. La plupart sont partis en Turquie vers la fin du XIXe siĂšcle et surtout vers le milieu du XXe siĂšcle[30].

Le bosnien a des statuts officiels de différents niveaux dans quelques pays :

  • En Bosnie-HerzĂ©govine il est langue officielle.
  • Au MontĂ©nĂ©gro, le bosnien est appelĂ© « d’usage officiel »[31].
  • En Serbie Ă©galement il est d’usage officiel dans les localitĂ©s oĂč au moins 15 % de la population est bosniaque[32]. C’est le cas dans le SandĆŸak.
  • Au Kosovo, le bosnien est « langue officielle au niveau municipal Ă  tous les niveaux prĂ©vus par la loi »[33].

En Serbie et au Monténégro, le bosnien est une langue minoritaire reconnue dans un autre sens aussi, étant inscrit dans les documents de ratification par ces pays de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires[17].

Histoire externe

Les dĂ©buts de la langue bosnienne sont liĂ©s Ă  l’existence de la Bosnie en tant qu’État pratiquement indĂ©pendant, bien que vassal du Royaume de Hongrie, de 1154 Ă  1463, quand elle a Ă©tĂ© conquise par les Ottomans et incorporĂ©e dans leur empire[34].

L’un des documents les plus anciens Ă©crits dans la langue des Slaves du Sud est un accord commercial entre la Bosnie et Dubrovnik, datant de 1189, Ă©crit par le prince rĂ©gnant de Bosnie, le ban Kulin. C’est considĂ©rĂ© comme la charte de l’existence Ă©tatique de la Bosnie et, en mĂȘme temps, comme la premiĂšre attestation documentaire de la langue bosnienne. Ce document, comme de nombreux ultĂ©rieurs, Ă©tait Ă©crit avec un alphabet appelĂ© bosančica, dĂ©rivĂ© de l’alphabet cyrillique. On suppose que l’écriture bosančica date du Xe siĂšcle ou du XIe siĂšcle. Elle a Ă©tĂ© utilisĂ©e jusqu’au XVIIe siĂšcle, ayant une variante pour les documents officiels et une autre, cursive, pour l’écriture plus rapide.

Les alphabets utilisĂ©s pour le bosnien : bosančica (en haut), arabe (en bas) et latin moderne

Au dĂ©but de la pĂ©riode ottomane, qui a durĂ© jusqu’en 1878, une grande partie de la population de la Bosnie, patarins[35], catholiques et orthodoxes, est devenue musulmane[36], ce qui a fortement influencĂ© la culture de cette population et, dans une certaine mesure, sa langue aussi. L’écriture bosančica cursive a continuĂ© dans deux variantes, l’une appelĂ©e manastirska « de monastĂšre », utilisĂ©e par les moines franciscains, et l’autre, nommĂ©e begovica « celle des bey, employĂ©e par l’élite musulmane. En parallĂšle, on a aussi utilisĂ© l’alphabet arabe adaptĂ© Ă  l’écriture du bosnien.

Les lettrĂ©s musulmans Ă©crivaient des ouvrages religieux et scientifiques en arabe, des Ɠuvres littĂ©raires en persan et aussi, dans une moindre mesure, en turc, les documents officiels Ă©tant rĂ©digĂ©s en turc Ă©galement. Dans le mĂȘme temps, pendant trois siĂšcles et demie il a existĂ© une littĂ©rature en bosnien Ă©crit avec l’alphabet arabe, consistant surtout en poĂšmes religieux, mais aussi en Ɠuvres inspirĂ©es de la littĂ©rature orale du peuple. L’un des reprĂ©sentants importants de cette littĂ©rature Ă©tait Muhamed Hevaji Uskufi, qui est aussi l’auteur du premier travail lexicographique bosnien, un glossaire bosnien-turc rimĂ©, datant de 1631.

Le glossaire bosnien-turc de Muhamed Hevaji Uskufi (1631)

1878 est l’annĂ©e de dĂ©but de la domination de l’Empire Austro-Hongrois sur la Bosnie-HerzĂ©govine. C’est alors qu’on a entrepris de maniĂšre systĂ©matique les premiĂšres tentatives de crĂ©er une nationalitĂ© bosniaque et, en parallĂšle, de standardiser le bosnien. Par exemple, une grammaire du bosnien est paru en 1890[37]. Les Ă©crivains de cette pĂ©riode, groupĂ©s sous la dĂ©nomination de « Renaissance bosniaque » (les poĂštes Safvet-beg BaĆĄagić et Musa Ćazim Ćatić, le conteur Edhem Mulabdić, etc.) Ă©crivaient dans une langue plus proche du croate que du serbe. À cette Ă©poque, c’est l’alphabet latin employĂ© pour le croate qui s’est gĂ©nĂ©ralisĂ© pour le bosnien aussi.

Grammaire du bosnien de 1890

AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, Ă  l’époque yougoslave, les Bosniaques n’ont pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme une narod « nation » Ă  part, comme l’étaient les Serbes et les Croates, jusqu’en 1971. Alors on leur a attribuĂ© ce statut sous le nom de Muslimani, mais officiellement, leur langue aussi Ă©tait le serbo-croate. À partir des annĂ©es 1970, dans un contexte oĂč des intellectuels croates commençaient Ă  mettre en question l’idĂ©e de langue serbo-croate, chez des intellectuels bosniaques aussi on a vu apparaĂźtre la revendication de certaines spĂ©cificitĂ©s liĂ©es Ă  la tradition culturelle musulmane.

AprĂšs la dissolution de la Yougoslavie et la crĂ©ation de l’État de Bosnie-HerzĂ©govine, le bosnien est devenu langue officielle et on a entrepris des actions pour sa standardisation[38]. L’écriture du bosnien avec l’alphabet latin est mĂȘme devenue officielle conformĂ©ment Ă  la constitution de la FĂ©dĂ©ration de Bosnie-et-HerzĂ©govine[9].

La dénomination « langue bosnienne »

L’un des arguments de ceux qui considĂšrent le bosnien comme une langue Ă  part est l’utilisation de la dĂ©nomination bosanski jezik au cours de l’histoire. En effet, elle a longtemps Ă©tĂ© utilisĂ©e pour la langue parlĂ©e par la population de l’actuelle Bosnie-HerzĂ©govine, puis abandonnĂ©e pendant quelque temps, pour rĂ©apparaĂźtre, redisparaĂźtre et rĂ©apparaĂźtre de nouveau.

On trouve une attestation de ce terme par exemple dans l’ouvrage Histoire des langues Ă©crites du voyageur byzantin Constantin Philosophe, de 1300. Un autre document, de 1436, mentionne un duc de la rĂ©gion de Kotor qui amena une jeune fille dĂ©crite comme « une femme bosniaque, hĂ©rĂ©tique, appelĂ©e en langue bosnienne Djevena ». Les lettrĂ©s bosniaques qui Ă©crivaient en d’autres langues affirmaient que leur langue maternelle Ă©tait le bosnien. Les lettrĂ©s catholiques aussi utilisaient cette dĂ©nomination. On en voit un exemple sur la page de titre d’un manuel scolaire de calcul de 1827, traduit du latin par un moine franciscain.

Manuel de calcul de 1827[39]

Vers le milieu du XIXe siĂšcle, quand l’idĂ©e yougoslave est apparue et celle de la standardisation de la langue commune des Bosniaques, des Croates, des Serbes et des MontĂ©nĂ©grins, le terme « langue bosnienne » a Ă©tĂ© abandonnĂ©. Il a Ă©tĂ© repris et utilisĂ© systĂ©matiquement dans la pĂ©riode de la domination austro-hongroise, puis rĂ©abandonnĂ© Ă  l’époque de la premiĂšre Yougoslavie et de la Yougoslavie communiste, pour ĂȘtre de nouveau employĂ© Ă  partir des annĂ©es 1990.

Particularités du bosnien par rapport au serbe et au croate

L’idĂ©e de langue bosnienne a amenĂ© celle de la nĂ©cessitĂ© de sa standardisation en une forme qui l’individualise autant que possible par rapport au serbe et au croate. La standardisation n’est pas achevĂ©e, Ă©tant un processus complexe Ă  cause de certaines divergences entre linguistes concernant les particularitĂ©s du bosnien Ă  introduire dans le standard, ainsi que du manque de coordination dans leur activitĂ©. Il y a aussi une opinion selon laquelle la rĂ©alitĂ© de l’usage de la langue, qui ne tient pas compte des standards, est nĂ©gligĂ©e, et que certains linguistes se rendent coupables d’un purisme injustifiĂ© lors de l’élaboration du standard[40].

GĂ©nĂ©ralement, les traits structurels (phonologiques, morphologiques et syntaxiques) du bosnien sont communs avec le croate, avec le serbe ou avec les deux, tous les trois Ă©tant basĂ©s sur le dialecte chtokavien du diasystĂšme slave du centre-sud. La standardisation du bosnien se fait Ă  partir de l’usage langagier des Bosniaques. Damir MustabaĆĄić constate que par rapport au serbe et au croate, c’est cet usage qui est le plus proche du serbo-croate[41].

Selon le linguiste DĆŸevad Jahić, on peut considĂ©rer comme des particularitĂ©s bosniennes[42]:

  • des traits dialectaux, ceux des parlers chtokaviens de Bosnie-HerzĂ©govine (notĂ©s ci-aprĂšs par P) ;
  • des traits du registre familier des Bosniaques (F) ;
  • des traits de la langue littĂ©raire des Ă©crivains bosniaques (L) ;
  • des traits communs aux Bosniaques en gĂ©nĂ©ral (C).

Phonétique et prosodie

Seraient typiquement bosniens les traits phonétiques suivants :

  • (C) La consonne [h] est frĂ©quente, conservĂ©e dans les mots d’origine turque, contrairement au serbe et au croate qui l’ont perdue dans les mĂȘmes mots. Les Bosniaques l’introduisent dans des mots slaves aussi. Exemples :
mahrama « foulard » (mot turc d'origine arabe), (sr) (hr) marama ;
hudovica « veuve » (mot slave), (sr) (hr) udovica ;
hrvati se « se battre » (mot slave), (sr) (hr) rvati se ;
mehko « mollement » (adverbe) (mot slave), (sr) (hr).
  • (P, F) On ne prononce pas deux consonnes affriquĂ©es : č (rĂ©duite Ă  ć) et dĆŸ (rĂ©duite Ă  đ) :
ćetiri « quatre », (sr) (hr) četiri ;
đemper « pull », (sr) (hr) dĆŸemper.
  • (P, L) Les consonnes gĂ©minĂ©es des mots orientaux sont conservĂ©es : Allah, Muhammed.
  • (P) Les groupes de consonnes dn, dnj et dl se rĂ©duisent Ă  la deuxiĂšme consonne, qui peut ou non devenir gĂ©minĂ©e :
glan(n)a « affamée », (sr) (hr) gladna ;
zanj(nj)i « de derriÚre », (sr) (hr) zadnji ;
ol(l)eti « (il/elle) s’envole », (sr) (hr) odleti.
  • (P) Le groupe ĆĄt devient ơć: klijeơća « pince », (sr) kleĆĄta, (hr) klijeĆĄta[43].
  • (P) Il y a des formes non palatalisĂ©es par rapport Ă  leurs variantes serbes et croates :
pojti « partir », (sr) (hr) poći ;
dojde « (il/elle) vient », (sr) (hr) dođe.

En prosodie, on remarque les phénomÚnes suivants :

  • (C) Dans les syntagmes Ă  prĂ©position, le passage de l’accent sur la prĂ©position est plus frĂ©quent en bosnien qu’en serbe et en croate : u Bosni « en Bosnie » prononcĂ© ['ubosni] au lieu de (sr) (hr) [u'bosni][44].
  • (C) Les voyelles posttoniques (situĂ©es aprĂšs la syllabe accentuĂ©e) longues, prononcĂ©es autrefois comme telles dans tout le diasystĂšme slave du centre-sud, se conservent en bosnien, par rapport au serbe et au croate, oĂč elles ont tendance Ă  se raccourcir :
momaka [mo'ma:ka:] « des gars » (génitif), (sr) (hr) [mo'ma:ka] ;
pjeva [pjeva:] « (il/elle) chante », (sr) [peva] (hr) [pjeva].
  • Les voyelles posttoniques brĂšves, surtout i et u, ont tendance Ă  tomber : Zenca, (sr) (hr) Zenica[44].

Grammaire

(P, F) Dans le domaine de la dĂ©clinaison, on peut remarquer le gĂ©nitif avec la prĂ©position s au lieu de l’instrumental :

s vode « avec de l’eau », (sr) (hr) s vodom ;
s nje « avec elle », (sr) (hr) s njom.

Il y a certaines formes et utilisations spécifiques de pronoms, par exemple :

Dans le domaine du verbe :

  • (P, F) la forme brĂšve de l’infinitif utilisĂ©e non seulement pour former le futur, mais aussi indĂ©pendamment : radit « faire », (sr) (hr) raditi ;
  • (P, L) certaines formes au prĂ©sent de l’indicatif : znadem « je sais », (sr) (hr) znam ;
  • (P, F) une forme spĂ©cifique du conditionnel passĂ© utilisĂ©e pour exprimer une action frĂ©quente : ja bih uradi « je faisais », (sr) (hr) ja bih uradio ;
  • l’utilisation du passĂ© simple, nommĂ© aorist dans les grammaires du diasystĂšme, plus frĂ©quente qu’en serbe et en croate : Odoh! « Je m’en vais ! », Rekoh ti ja! « Je te l’avais bien dit ! »[45].

(P, L) Des adverbes spécifiques :

namah « aussitÎt », (sr) (hr) odmah ;
vazda « toujours », (sr) uvek (hr) uvjek.

Lexique

Il y a certaines particularitĂ©s lexicales communes aux Bosniaques. La plus importante est la quantitĂ© d’emprunts au turc (certains arabes ou perses Ă  l’origine) plus grande qu’en serbe et surtout qu’en croate. De tels mots sont, par exemple, zar « voile » (portĂ© par les femmes musulmanes), avlija « cour », ćilim « tapis.

Les Bosniaques conservent aussi des mots slaves devenus archaĂŻques en serbe et en croate :

hititi « jeter », (sr) (hr) baciti ;
turiti « mettre », (sr) (hr) staviti ;
dosle « jusque-là » (adverbe de temps), (sr) (hr) dosada.

Selon le linguiste Ibrahim Čedić, les Bosniaques utilisent des mots en deux variantes, serbe et croate, et le standard bosnien devrait retenir les deux : (sr) takođe – (hr) također « aussi », (sr) intervenisati – (hr) intervenirati « intervenir », (sr) porodica – (hr) obitelj « famille »[46].

Notes et références

  1. DonnĂ©e reprĂ©sentant la somme des donnĂ©es des recensements oĂč on a pris en compte les Bosniaques.
  2. Par exemple Kordić 2004, Greenberg 2004, MĂžrk 2008 (p. 295), Gröschel 2009 (p. 350), Ć ipka 2019 (p. 206).
  3. Par exemple Brozović 1998, Lončarić 2010, Mþnnesland 1997 (p. 1103), Matasović 2001, (p. 123), Nuorluoto 2002.
  4. Voir le site Ć tokavski jezik
  5. Appellation mentionnĂ©e par Kordić 2009 pour la rejeter.
  6. Appellation adoptée par Thomas 2018, par exemple.
  7. Selon, par exemple, Kloss 1967, (p. 31), Kordić 2004 (p. 36), Mþrk 2008 (p. 295), Bunčić 2008 (p. 89), Zanelli 2018 (p. 20-21).
  8. Voir au sujet de la discussion autour du statut de ces variĂ©tĂ©s et de leur dĂ©nomination, l’article Serbo-croate.
  9. La Constitution de la FĂ©dĂ©ration de Bosnie-et-HerzĂ©govine, partie du pays qui est majoritairement bosniaque et croate, stipule dans la partie I, Ă  l’article 6 : SluĆŸbeni jezici Federacije su bosanski jezik i hrvatski jezik. SluĆŸbeno pismo je latinica. « Les langues officielles de la FĂ©dĂ©ration sont le bosnien et le croate. L’écriture officielle est en alphabet latin. » (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  10. (sr) KnjiĆŸevni jezik kao instrument kulture i produkt istorije naroda [« La langue littĂ©raire en tant qu’instrument de la culture et produit de l’histoire de la nation »] (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  11. Kordić, 2010.
  12. Charte de la langue bosnienne.
  13. Par exemple dans Nastavni plan i program (
) za ĆĄkole koje realiziraju nastavu na bosanskom jeziku (Plan et programmes d’enseignement pour les Ă©coles qui effectuent l’enseignement en bosnien), Travnik, MinistĂšre de l’éducation, de la science, de la culture et des sports du Canton de Bosnie centrale, 2014, chapitre « Langue et littĂ©rature bosniennes », p. 13 (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  14. Par exemple sur le site de la FacultĂ© de l’éducation de l’UniversitĂ© de Travnik (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  15. (sr) Tri pitanja i tri odgovora [« Trois questions et trois réponses »], Résolution de la Commission pour la standardisation de la langue serbe n° 1 du 16 février 1998 (consulté le 6 novembre 2019).
  16. Pour Ă©viter d’utiliser l’un ou l’autre des termes, la Constitution de la RĂ©publique serbe de Bosnie formule comme ceci: SluĆŸbeni jezici Republike Srpske su: jezik srpskog naroda, jezik boĆĄnjačkog naroda i jezik hrvatskog naroda « Les langues officielles de la RĂ©publique serbe sont : la langue du peuple serbe, la langue du peuple bosniaque et la langue du peuple croate. » (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  17. (en) States Parties to the European Charter for Regional or Minority Languages and their regional or minority languages (« États parties Ă  la Charte europĂ©enne des langues rĂ©gionales ou minoritaires et leur langues rĂ©gionales ou minoritaires »), mis Ă  jour le 1er aoĂ»t 2022 (consultĂ© le 14 mars 2023).
  18. Ethnologue, Bosnian (consulté le 6 novembre 2019).
  19. La notion d’« ethnie bosniaque » n’est utilisĂ©e que depuis l’indĂ©pendance de la Bosnie-HerzĂ©govine. Auparavant, en ex-Yougoslavie, c’est la notion de « nation musulmane » qui Ă©tait officielle, c’est pourquoi certains Bosniaques se dĂ©clarent d’ethnie musulmane.
  20. Cf. The World Factbook, CIA, 2016, oĂč la donnĂ©e apparaĂźt sous la forme 48,4% de la population totale estimĂ©e en 2015 Ă  3 867 055 d’habitants (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  21. (sr) DonnĂ©es du recensement de 2011, p. 21 (consultĂ© le 6 novembre 2019). À noter que le recensement n’a pas Ă©tĂ© effectuĂ© par les autoritĂ©s serbes au Kosovo aussi. Il y a Ă©tĂ© fait par les autoritĂ©s locales.
  22. (sr) Données du recensement de 2011, p. 16 (consulté le 6 novembre 2019).
  23. (cnr) Données du recensement de 2011, p. 6 (consulté le 6 novembre 2019).
  24. (cnr) DonnĂ©es du recensement de 2011, auquel on a pu dĂ©clarer la langue maternelle par l’une ou l’autre dĂ©nomination (p. 10) (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  25. (hr) DonnĂ©es du recensement de 2011 – La population par ethnie (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  26. (hr) DonnĂ©es du recensement de 2011 – La population par langue maternelle (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  27. (en) Données du recensement de 2002 (consulté le 6 novembre 2019).
  28. (en) Données du recensement de 2002, p. 34 (consulté le 6 novembre 2019).
  29. CIA, The World Factbook, page Kosovo (consultĂ© le 6 novembre 2019). La donnĂ©e est prĂ©sente sous la forme 1,7 % de la population totale de 1 907 592 personnes.
  30. Jahić 1999, p. 81.
  31. (en) Constitution du Monténégro, art. 13 (consulté le 6 novembre 2019).
  32. (sr) Loi concernant l’usage officiel des langues et des Ă©critures, art. 11 (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  33. (en) Constitution du Kosovo, art. 5 (consulté le 14 mars 2023).
  34. Section d’aprùs Ustamujić, s.a.
  35. Edina Bozoky, « Patarins », sur universalis.fr
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  38. Par des ouvrages tels que Isaković 1993, Halilović 1996, Halilović 1998, Jahić 2000, etc.
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  40. Selimović 2015.
  41. Mustabaơić 2011, p. 37.
  42. Section d’aprĂšs Jahić 1999, p. 219-220, sauf les informations de sources indiquĂ©es Ă  part. Les exemples serbes et croates proviennent de dict.com, Lingea (consultĂ© le 6 novembre 2019), et de Hrvatski jezični portal (Portail linguistique croate) respectivement (consultĂ© le 6 novembre 2019).
  43. Mustabaơić 2011 (p. 38) remarque que chez les Bosniaques on trouve les deux variantes.
  44. Browne et Alt 2004, p. 17.
  45. Midhat Riđanović, citĂ© par MustabaĆĄić 2011, p. 22.
  46. CitĂ© par MustabaĆĄić 2011, p. 16.

Voir aussi

Sur la langue commune

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Sur le bosnien

Bibliographie supplémentaire

Articles connexes

Liens externes

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