Bosnie (région)
La Bosnie (Bosna/ĐĐŸŃĐœĐ° en bosnien, serbe et croate) est une rĂ©gion qui historiquement et gĂ©ographiquement comprend la partie nord de l'actuel Ătat de Bosnie-HerzĂ©govine. Elle se situe dans les Alpes dinariques, jusqu'Ă la limite mĂ©ridionale de la plaine de Pannonie, les riviĂšres Save et Drina marquant ses frontiĂšres nord et est.
Bosnie | |
Pays | Bosnie-Herzégovine |
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Superficie | 41 000 km2 |
Ville(s) | Sarajevo Banja Luka |
La superficie approximative de la Bosnie est d'environ 41 000 kmÂČ, soit environ 80 % du territoire de l'actuel Ătat de Bosnie-HerzĂ©govine. Officiellement, il n'existe pas de frontiĂšre politique ou gĂ©ographique avec la rĂ©gion mĂ©ridionale de l'HerzĂ©govine, bien que le sujet soit rĂ©guliĂšrement dĂ©battu. Les deux rĂ©gions ont formĂ© depuis le Moyen Ăge une entitĂ© gĂ©opolitique commune, et le terme « Bosnie » est souvent utilisĂ© Ă tort pour dĂ©signer l'Ătat complet (Bosnie et HerzĂ©govine), et donc aussi la rĂ©gion de l'HerzĂ©govine.
Histoire
Dans lâAntiquitĂ©, la Bosnie a Ă©tĂ© peuplĂ©e de MaenzĂ©es, de Ditiones, de Dalmates, de DĂ©sitiates, d'Oseriates, de Sardeates et de Deuri : des tribus illyres, qui furent romanisĂ©es Ă partir du Ier siĂšcle. Les Dalmates ont donnĂ© leur nom Ă la Dalmatie. Le christianisme sây implante Ă partir du IIIe siĂšcle. On parle alors dans la rĂ©gion le dalmate, une langue romane. En 454 des Germains, les Ostrogoths, y fondent un royaume (qui englobera aussi lâItalie en 493). En 535, le gĂ©nĂ©ral romain BĂ©lisaire chasse les Ostrogoths et rĂ©tablit le pouvoir romain (devenu chrĂ©tien). Les premiers Slaves s'installent en Bosnie et dans les rĂ©gions avoisinantes au VIe siĂšcle. Ă partir de 640 s'ensuit une deuxiĂšme migration ; les Crobates et les Sorabes, des peuples slaves, sâinstallent surtout dans les rĂ©gions avoisinantes. La grande majoritĂ© des Slaves se convertit au christianisme et la langue slavonne va dĂšs lors devenir majoritaire.
Moyen Ăge
Pendant l'Ăąge d'or de la dynastie byzantine des MacĂ©doniens, l'empereur byzantin Basile II fait la conquĂȘte de l'actuelle Bosnie-HerzĂ©govine entre 980 et l'an 1000, ce qui signifiait Ă l'Ă©poque une reprise en mains des Balkans par l'Empire byzantin, oĂč la Bosnie et l'HerzĂ©govine seront parties intĂ©grantes de l'Empire dans les Balkans, avec la Serbie, la Bulgarie, le MontĂ©nĂ©gro, la MacĂ©doine, et aussi l'Albanie. La Bosnie et l'HerzĂ©govine resterons byzantines jusqu'aux environs de 1120 et l'affaiblissement de l'Empire byzantin, face aux Turcs, aux Hongrois, aux croisĂ©s Latins, et Ă Venise.
En 1137, les seigneurs de Rama (dans le centre du pays) sâassocient au royaume de Hongrie (comme lâavaient fait les rois de Croatie en 1090). DĂšs lors le roi de Hongrie porte aussi le titre de « Rex Ramae ». Intervenant dans les querelles dynastiques de la couronne hongroise, lâempereur byzantin Manuel Ier ComnĂšne rĂ©cupĂšre en 1167 la Bosnie et la Dalmatie, mais sa mort marqua la fin de la prĂ©sence byzantine dans les Balkans. Le roi BĂ©la III de Hongrie (1172 â 1196) reçut lâallĂ©geance du ban Koulin de Bosnie et du prince Miroslav de Chulmie (HerzĂ©govine actuelle). Le souverain du royaume hungaro-croate soumit toute la Bosnie en 1237. Ă cette Ă©poque, alors que lâĂ©glise chrĂ©tienne sâest divisĂ©e entre catholiques et orthodoxes, la Croatie adopte le catholicisme (Ă©vĂȘchĂ©s de Split au sud, de Kalocsa au nord et de Vrhbosna au centre de 1246 Ă 1469), la Serbie lâorthodoxie (patriarcat d'Ipek ou PeÄ), tandis que la majeure partie des habitants de lâactuelle Bosnie adoptent une forme paulicienne du christianisme, appelĂ©e bogomilisme. Une partie des catholiques de Bosnie se dĂ©tachĂšrent en 1252 de lâobĂ©dience romaine et constituĂšrent lâĂglise bosnienne, considĂ©rĂ©e comme « hĂ©rĂ©tique » par la papautĂ©.
Ă la fin de la dynastie hongroise des Arpadiens, les princes croates de Bribir (dynastie des Ć ubiÄ) se rendent quasiment indĂ©pendants en Bosnie vers 1300. Mais Charles Robert de Hongrie rĂ©ussit Ă sâemparer en 1322 du chef de la maison des Bribir et affirme ainsi son autoritĂ© sur le nord et lâouest de la Bosnie actuelle. Le ban catholique de Bosnie, Ătienne Cotroman, en profite pour annexer Ă la Bosnie les « Pays du Ponant » (ouest du pays). Ă partir de cette Ă©poque, le banat hongrois de Bosnie comprenait la majoritĂ© du territoire de lâactuel Ătat de Bosnie-HerzĂ©govine.
Par son mariage avec Ălisabeth KotromaniÄ, fille du ban de Bosnie, Louis Ier de Hongrie acquit la Chulmie (lâHerzĂ©govine occidentale actuelle). En 1366, il contraignit son vassal Tvrtko, ban de Bosnie qui sâĂ©tait rebellĂ©, Ă reconnaĂźtre Ă nouveau son autoritĂ©. Mais aprĂšs la mort du dernier roi de Hongrie de la dynastie des Angevins de Naples, le banat de Bosnie sâĂ©mancipa dĂ©finitivement de la tutelle hungaro-croate et devint un royaume indĂ©pendant englobant la majeure partie de la Dalmatie. Tvrtko Ier (1338 â 1391), de la famille catholique des KotromaniÄ, se fit couronner roi de Bosnie et de Dalmatie en 1377. Comme sa mĂšre Ă©tait de la dynastie orthodoxe des NemanjiÄ, il en profita pour se faire couronner en mĂȘme temps roi de Serbie, dont il contrĂŽlait aussi la partie occidentale (tandis que lâest de la Serbie tombait aux mains des Turcs).
Entre deux empires
En 1463, les Ottomans sâemparĂšrent de la Bosnie pratiquement sans livrer bataille. Toutefois Matthias Ier de Hongrie rĂ©ussit Ă arracher au sultan Mahomet II la forteresse de Jajce, et organisa en Bosnie septentrionale deux banats contre les incursions turques. Mais ils succombĂšrent sous les attaques turques en 1482. La Bosnie fut donc entiĂšrement intĂ©grĂ©e pour quatre siĂšcles dans l'Empire ottoman (1463 â 1878). Jusquâau milieu du XIXe siĂšcle, le sandjak de Bosnie comprenait aussi lâHerzĂ©govine et un territoire couvrant le nord de lâactuel MontĂ©nĂ©gro et le sud-ouest de lâactuelle Serbie (sandĆŸak). Dans ces territoires, une partie de la population passa Ă lâislam pour ne plus avoir Ă payer le haraç (double-impĂŽt sur les non-musulmans) et Ă subir lâenlĂšvement des fils aĂźnĂ©s pour servir dans les janissaires. Comme entre-temps le bogomilisme et lâĂ©glise bosnienne avaient disparu (au XIVe siĂšcle), les historiens musulmans actuels de Bosnie qui affirment que « ce sont principalement les Bogomiles et les hĂ©rĂ©tiques bosniens qui sont devenus musulmans » relĂšvent du protochronisme, un courant historique trĂšs divers mais trĂšs prĂ©sent dans les Balkans. Quoi quâil en soit, la rĂ©gion prit le nom de « Bosnie et HerzĂ©govine » en 1853 Ă la suite de remodelages politiques.
Le Parti du Droit du croate Ante StarceviÄ sâest crĂ©Ă© en 1861 en Autriche-Hongrie. Son programme prĂŽne lâunification et lâindĂ©pendance Ă lâĂ©gard de Vienne ou de Budapest de tous les « territoires croates », Bosnie (alors encore ottomane) comprise. LâĂ©vĂȘque croate de Äakovo, Josip Juraj Strossmayer, Ă©labore le premier programme dâunification des Slaves du Sud (1866) sous lâappellation, alors inĂ©dite, de « yougo-slave » (sud-slave). Le premier congrĂšs « yougoslave » se tient Ă Ljubljana en 1870.
Ă la suite du congrĂšs de Berlin de 1878, l'Autriche-Hongrie occupe la Bosnie-HerzĂ©govine, et en 1908 elle en annexe la plus grande partie (seul le territoire du sud-est, autour de Novipazar, est rendu Ă lâEmpire ottoman ; il sera partagĂ© entre le MontĂ©nĂ©gro et la Serbie en 1912). Au sein de lâEmpire des Habsbourg (qui dĂ©veloppe voies ferrĂ©es et industries) la Bosnie-HerzĂ©govine constitue une troisiĂšme entitĂ©, Ă cĂŽtĂ© de lâAutriche et de la Hongrie. Les orthodoxes, qui aspiraient Ă un rattachement Ă la Serbie, souffrent de cette situation et câest lâun dâentre eux, Gavrilo Princip, qui commet en 1914 lâattentat de Sarajevo contre le prince hĂ©ritier François-Ferdinand d'Autriche. Cet attentant sera le prĂ©texte attendu par tous les bellicistes pour dĂ©clencher la PremiĂšre Guerre mondiale.
La Yougoslavie
Ă lâissue de celle-ci, la doctrine du prĂ©sident amĂ©ricain Woodrow Wilson : le droit des peuples Ă disposer d'eux-mĂȘmes, aboutit Ă la dislocation de l'Autriche-Hongrie et Ă la crĂ©ation du Royaume des Serbes, Croates et SlovĂšnes, renommĂ© plus tard Royaume de Yougoslavie. Les Serbes, cette fois, y trouvent leur compte, mais les Bosniaques (Slaves musulmans qui ne sont pas reconnus comme un peuple constitutif du royaume) et une partie des Croates sây estiment, Ă leur tour, marginalisĂ©s. Sur le plan politique, les musulmans sont surtout reprĂ©sentĂ©s par l'Organisation musulmane yougoslave et les Croates par le Parti paysan croate ; des nationalistes croates fascisants forment le mouvement des Oustachis, dirigĂ© par Ante PaveliÄ. L'assassinat Ă Marseille du roi Alexandre KarageorgeviÄ par lâoustachi Vlado Chernozemski, montre la fragilitĂ© de la Yougoslavie.
AprĂšs lâinvasion de la Yougoslavie par les nazis en 1941, la Bosnie-HerzĂ©govine est rattachĂ©e Ă lâĂtat indĂ©pendant de Croatie dâAnte PaveliÄ, satellite de lâAllemagne. Deux mouvements de rĂ©sistance se forment en Yougoslavie, les Tchetniks majoritairement serbes, dirigĂ©s par le monarchiste serbe DraĆŸa MihailoviÄ, et les Partisans, mouvement multi-ethnique communiste dirigĂ© par le croate Josip Broz Tito. La Bosnie connaĂźt des combats extrĂȘmement violents et de nombreux massacres de populations durant la guerre de rĂ©sistance en Yougoslavie. Les Serbes de Bosnie sont massacrĂ©s par les Oustachis, les Bosniaques musulmans et les Croates le sont par les Tchetniks et ceux-ci, ainsi que les Oustachis, par les Partisans communistes. Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, les alliĂ©s prĂ©fĂšrent Tito Ă MihajloviÄ : en consĂ©quence, Tito est seul vainqueur et crĂ©e la Yougoslavie, en tant que rĂ©gime communiste et fĂ©dĂ©ration de six RĂ©publiques, dont la RĂ©publique socialiste de Bosnie-HerzĂ©govine. Les Bosniaques ne sont cependant pas reconnus dans lâimmĂ©diat comme une nationalitĂ©. Au bout de quelques annĂ©es, en 1973 les « Musulmans » y sont reconnus comme « nationalitĂ© », au mĂȘme titre que les Croates et les Serbes.
En 1992 la Bosnie-Herzégovine, comme avant elle la Slovénie et la Croatie, proclame son indépendance par rapport à la fédération de Yougoslavie. Mais la majorité des Serbes, désormais appelés « Bosno-Serbes » n'acceptent pas cette indépendance, et une guerre civile se déclenche entre Bosniaques musulmans, Croates et Serbes. Par les Accords de Dayton, en 1996, la guerre cesse et deux Républiques fédérées deviennent les états constitutifs de la Bosnie-Herzégovine indépendante : la Fédération Croato-Musulmane, et la République serbe de Bosnie (ou « Republika Srpska »).