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Musulmans (nationalité)

Les Musulmans sont, en Yougoslavie et dans les pays qui en sont issus, l'une des nationalités de Slaves du Sud de tradition musulmane.

Avant 1971, en Yougoslavie, s'il existait officiellement les nationalités croate, macédonienne, monténégrine, serbe et slovène, la nationalité bosniaque n'avait pas de reconnaissance officielle. Ainsi, la Bosnie était de jure peuplée en majorité de Serbes et de Croates, les Slaves musulmans étant alors uniquement considérés comme des Croates ou des Serbes ayant la particularité d'être de religion musulmane[1]. Les Bosniaques n'avaient alors pas le statut de peuple constitutif, malgré la volonté des membres musulmans de la direction bosniaque de la Ligue des communistes de Yougoslavie. Cependant, sous la pression de ces derniers, la constitution yougoslave est amendée en 1971, afin de reconnaître l'existence des « Musulmans » en tant que nation à part entière. Ce fait vaut à Tito les remerciements de la Ligue islamique mondiale (ainsi que de l'aide financière), par la bouche du roi d'Arabie en visite à Sarajevo : « Merci au maréchal Tito pour les droits et libertés donnés aux musulmans en Yougoslavie »[2].

On écrit ainsi « Musulman » en français pour désigner tout habitant de l'espace ex-yougoslave déclarant appartenir à cette nationalité, là où « musulman » désigne tout individu de religion musulmane. Toutefois, aujourd'hui, la majorité de ces Slaves musulmans se déclarent de nationalité bosniaque.

Histoire

Origines

En 1463, lorsque les Ottomans conquièrent le Royaume de Bosnie, les habitants du pays se partagent entre catholiques, orthodoxes et membres de l'Église bosnienne. Si l'on a longtemps supposé un lien entre cette dernière et le courant religieux des Bogomiles, ce lien n'est prouvé par aucune source écrite. Toutefois, le cas de la Bosnie est particulier dans la mesure où la proportion d'habitants qui se convertissent à l'islam, au cours du siècle qui suit la conquête ottomane, y est beaucoup plus important que dans le reste des Balkans. De ce fait, lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine et la résurgence des nationalismes en ex-Yougoslavie, certains nationalistes bosniaques ont appuyé l'hypothèse que les Bosniaques musulmans descendraient essentiellement de bogomiles, convertis à l'islam pour échapper aux persécutions des Églises catholique et orthodoxe. Bien que cette idée ne soit appuyée par aucune source historique, l'une des principales théories émises pour expliquer l'importance des conversions à l'islam, dans cette partie de l'Empire, repose sur la fragilité locale des structures ecclésiastiques : la Bosnie se trouvant à la frontière entre catholicisme et orthodoxie, aucune Église n'a pu y asseoir une autorité durable. Ceci y aurait rendu les croyances religieuses plus fluctuantes qu'ailleurs dans les Balkans, d'où une plus grande perméabilité à d'autres courants religieux et une relative facilité à abandonner le christianisme pour l'islam. Dans ce dernier cas, toutefois, il est à noter que les conversions ont lieu principalement dans les centres urbains.

Par ailleurs, pendant les quatre siècles d'occupation ottomane, les conversions à l'islam sont relativement passives et opportunistes, dans la mesure où, selon le système des millets, le statut de musulman dans l'Empire ottoman apporte plusieurs avantages :

  • ne plus payer l'impôt religieux que payaient les chrétiens et les juifs (par contre en tant que musulmans ils devaient payer la Zakât) ;
  • éviter d'offrir au sultan son premier fils comme esclave selon la tradition des janissaires (Sokollu Mehmet Pacha en est un exemple) ;
  • accéder à des postes dans l'armée et l'administration ;
  • se défaire du catholicisme ou de l'orthodoxie pour les anciens bogomiles.

De la création de la nationalité musulmane au choix du terme Bosniaque

En 1971, la constitution yougoslave introduit la nationalité musulmane, à la demande des musulmans de Bosnie-Herzégovine ; les Musulmans deviennent alors un des peuples constitutifs de la Yougoslavie. Après les accords de Dayton en 1995, une fois la Bosnie-Herzégovine indépendante, les Bosniens musulmans demandent la reconnaissance de leur peuple en tant que nation par l'ONU, non sous sa dénomination première de « Musulmans » mais sous celle de « Bosniaques » (en bosnien, Bošnjaci, en anglais Bosniaks).

L'appellation « Bosniaque » est la translittération en français du serbo-croate Bošnjak (pl. Bošnjaci), terme qui désignait, jusqu'au début du XXe siècle, tout habitant de Bosnie, quelle que soit sa confession. Ce terme tombe en désuétude au cours du XXe siècle pour être remplacé par l'appellation Bosanac (pl. Bosanci), qualificatif qui désigne, de même, tout habitant de Bosnie. Le terme Bošnjak est toutefois remis au goût du jour, au début des années 1980, par des intellectuels musulmans, tels que Adil Zulfikarpašić ou Ferid Muhić[3]. Ceux-ci revendiquent cette appellation pour tous les musulmans de langue serbo-croate, en Yougoslavie, mais aussi comme nom du peuple de l'État musulman qu'ils désirent alors créer[3]. Ce n'est toutefois qu'à partir des années 1990 et de l'éclatement de la Yougoslavie que les Musulmans adoptent ce terme pour se désigner.

En français, jusque dans les années 1990, le serbo-croate Bosanac, qui désigne tout habitant de Bosnie, toutes religions confondues, était traduit par « Bosniaque ». Le terme n'avait alors qu'une connotation géographique et non nationale, l'emploi d'un seul terme ne posait donc aucun problème. Toutefois, à partir des années 1990, la réapparition du serbo-croate Bošnjak a nécessité de modifier la traduction de Bosanac, qui se voit depuis lors traduit par « Bosnien ». De ce fait, aujourd'hui, en français, « Bosnien » désigne tout habitant de Bosnie-Herzégovine, tandis que Bosniaque traduit désormais Bošnjak, soit tout habitant d'ex-Yougoslavie qui se déclarait auparavant comme Musulman.

Utilisation contemporaine du terme Musulman

La nationalité musulmane existe encore juridiquement en Serbie, Croatie, Macédoine du Nord, Slovénie et au Monténégro pour désigner les Slaves de tradition musulmane. Elle est acceptée comme réponse pour la question de la nationalité lors des recensements et se voit encore utilisée, malgré la nette prédominance de la nationalité bosniaque.

En Bosnie-Herzégovine, on utilise uniquement le terme de Bosniaques.

Population

  • En Bosnie-Herzégovine : 1 902 956 personnes lors du recensement de 1991, avant la reconnaissance de la nationalité bosniaque.
  • Au Monténégro : 20 537 personnes se sont déclarés Musulmans dans le recensement de 2011[4].
  • En Croatie : 7 558 personnes (recensement de 2011)[5]
  • En Serbie : (sans le Kosovo) 22 301 personnes[6] (recensement de 2011)
  • En Slovénie : 10 467 personnes (recensement de 2002)[7]
  • En Macédoine du Nord : 2 553 personnes (recensement de 2002)[8]

Notes et références

  1. Alexis Troude, Géopolitique de la Serbie, Ellipses, (ISBN 2-7298-2749-8 et 978-2-7298-2749-6, OCLC 300177511, lire en ligne), p. 96.
  2. Alexis Troude, Géopolitique de la Serbie, Ellipses, (ISBN 2-7298-2749-8 et 978-2-7298-2749-6, OCLC 300177511, lire en ligne), p. 97.
  3. Alexis Troude, Géopolitique de la Serbie, Ellipses, (ISBN 2-7298-2749-8 et 978-2-7298-2749-6, OCLC 300177511, lire en ligne), p. 269.
  4. http://www.monstat.org/userfiles/file/popis2011/Tabela%20CG1.xls
  5. « Naslovna », sur template.gov.hr (consulté le ).
  6. http://media.popis2011.stat.rs/2012/Nacionalna%20pripadnost-Ethnicity.pdf
  7. Bureau des statistiques de la répunlique de Slovénie - Statistični urad Republike Slovenije: 7. Prebivalstvo po narodni pripadnosti, Slovenija, popisi 1953, 1961, 1971, 1981, 1991 in 2002
  8. (mk) Bureau des statistiques de la république de Macédoine - Државен завод за статистика:Попис на населението, домаќинствата и становите во Република Македонија, 2002: Дефинитивни податоци (PDF)

Annexes

Articles connexes

  • Pomaks, Pauliciens-Arméniens islamisés vivant en Bulgarie.
  • Gorans, eux aussi Serbes islamisés (tardivement 19e) mais historiquement distingués des autres.
  • Slaves musulmans

Liens externes

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