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Datif

Dans la grammaire de certaines langues flexionnelles et des langues agglutinantes, le datif est un cas grammatical. C’est principalement le moyen d’expression du complĂ©ment d’objet indirect d’attribution, celui qui indique en faveur de qui un acte est accompli, mais le datif exprime une variĂ©tĂ© d’autres rapports syntaxiques aussi, en fonction de la langue considĂ©rĂ©e. Dans les langues flexionnelles dĂ©pourvues de dĂ©clinaison, comme le français, c’est un nom avec une prĂ©position (en français Ă ) qui correspond au nom au datif, ex. Pierre donne une pomme Ă  son frĂšre[1] - [2] - [3] - [4] - [5] - [6].

Forme du datif dans quelques langues

Dans les langues Ă  dĂ©clinaison, qu’elles soient flexionnelles ou agglutinantes, les cas sont d’ordinaire exprimĂ©s par des dĂ©sinences, avec des diffĂ©rences entre langues flexionnelles et agglutinantes quant au caractĂšre de ces morphĂšmes.

Dans une langue agglutinante comme le hongrois, par exemple, le datif est exprimĂ© par une dĂ©sinence qui lui appartient en exclusivitĂ©, Ă©tant la mĂȘme pour tous les mots de nature nominale (noms, adjectifs, pronoms, numĂ©raux, avec une particularitĂ© pour le pronom personnel), soit qu’elle est ajoutĂ©e directement au radical du mot ou aprĂšs un autre suffixe. La dĂ©sinence du datif est -nak/-nek, avec ces deux variantes, utilisĂ©es conformĂ©ment aux rĂšgles de l’harmonie vocalique. Cette dĂ©sinence peut ĂȘtre ajoutĂ©e directement au radical, ex. Kinek telefonĂĄlsz? « À qui tĂ©lĂ©phones-tu ? »[7]. Pour obtenir un mot au pluriel et au datif, on ajoute au radical d’abord le suffixe du pluriel, puis la dĂ©sinence du datif : gyermek « enfant » + -ek → gyermekek « enfants » + -nek → gyermekeknek « Ă  des enfants »[8]. Si le mot au datif est un objet possĂ©dĂ©, il reçoit d’abord le suffixe qui exprime la personne du possesseur, puis la dĂ©sinence du datif : JĂł barĂĄtomnak tartalak « Je te tiens pour un bon ami Ă  moi » (barĂĄt « ami » + -om → barĂĄtom « mon ami » + -nak)[7].

En BCMS (bosnien, croate, montĂ©nĂ©grin et serbe) (langues fexionnelles), le datif n’est pas exprimĂ© par une seule dĂ©sinence, mais par plusieurs, en fonction du genre et du nombre, et ces dĂ©sinences ne sont pas seulement celles du datif. Voici par exemple les dĂ©sinences de datif des noms et des adjectifs des classes de dĂ©clinaison qui comprennent le plus de mots aves ces dĂ©sinences[9] :

  • -u pour les noms masculins et neutres au singulier et pour les adjectifs de forme brĂšve au masculin et au neutre singulier : jelenu « Ă  un cerf » ou « au cerf »[10], kolu « Ă  une/la roue », zelenu « vert » ;
  • -ima pour les noms masculins et neutres au pluriel (dĂ©sinence commune avec les cas instrumental et locatif) : jelenima « Ă  des / aux cerfs », kolima « Ă  des / aux roues » ;
  • -i pour les noms fĂ©minins au singulier : ĆŸeni « Ă  une/la femme » ;
  • -ama pour les noms fĂ©minins au pluriel (commune avec l’instrumental et le locatif) : ĆŸenama « Ă  des / aux femmes » ;
  • -ƍm(e)[11] pour les adjectifs de forme longue, au masculin et au neutre singulier (commune avec le locatif) : zelenƍm(e)[12] ;
  • -ƍj pour les adjectifs aux fĂ©minin singulier, formes longue et brĂšve (commune avec le locatif) : zelenƍj ;
  • -Ä«m(a) pour les adjectifs au masculin, neutre, et fĂ©minin pluriel, formes longue et brĂšve (commune avec l’instrumental et le locatif) : zelenÄ«m(a).

En roumain aussi il y a une dĂ©clinaison, mais elle est relativement rĂ©duite par rapport Ă  des langues comme BCMS. Parmi les noms et les adjectifs, seuls les fĂ©minins ont des dĂ©sinences de datif, les mĂȘmes au singulier et au pluriel, et communes avec les cas gĂ©nitif et nominatif au pluriel : unei/unor case « Ă  une/des maison(s) », unei/unor flori « Ă  une/des fleur(s) », unei/unor cafele « Ă  un/des cafĂ©(s) ». De plus, la dĂ©sinence -e se trouve au neutre pluriel aussi, et -i au masculin et au neutre pluriels aussi. Le datif se distingue mieux grĂące aux articles qui dĂ©terminent les noms, bien que les formes de datif de ceux-ci soient elles aussi communes avec le gĂ©nitif : unui pom « Ă  un arbre », unor pomi « Ă  des arbres », unui scaun « Ă  une chaise », unor scaune « Ă  des chaises », unei case « Ă  une maison », unor case « Ă  des maisons », pomului « Ă  l’arbre », pomilor « aux arbres », scaunului « Ă  la chaise », scaunelor « aux chaises », casei « Ă  la maison », caselor « aux maisons », etc.[13].

Les formes de datif de certains pronoms présentent des ressemblances, mais aussi des différences par rapport aux formes des noms et/ou des adjectifs. Dans les langues mentionnées ici, les pronoms personnels présentent une situation à part. Leurs formes de datif sont complÚtement différentes de celles de nominatif, ce qui les rapproche des formes correspondantes dans les langues qui ont perdu la déclinaison mais en gardent des vestiges. Exemples à la premiÚre personne du singulier :

  • roumain : eu « moi, je » – mie « Ă  moi », Ăźmi « me »[14] ;
  • BCMS : ja « moi, je » – meni « Ă  moi », mi « me »[15].

En hongrois, la forme de nominatif Ă  cette personne est Ă©n, mais le datif se forme de la variante -nek de la dĂ©sinence gĂ©nĂ©rale du datif, plus le suffixe possessif de la premiĂšre personne du singulier -em, ce qui donne nekem « Ă  moi », procĂ©dĂ© par lequel on forme le datif de tous les pronoms personnels, par ajonction des suffixes possessifs des diverses personnes : neked « Ă  toi », nekĂŒnk « Ă  nous », etc.[16].

Emploi du datif

Sans adposition

Le datif est tout d’abord le cas du complĂ©ment d’objet direct d’attribution, sans ĂȘtre le seul moyen d’exprimer cette fonction. Ce type de complĂ©ment sans adposition (prĂ©position ou postposition) est celui des verbes dits « attributifs », comme donner, prĂȘter, louer, lire, etc.[17]. Exemples :

  • (ro) I-am dat colegei tale cărțile de spaniolă « J’ai donnĂ© les livres d’espagnol Ă  ta copine »[18] ;
  • (cnr) pokloniti haljinu sestri « faire cadeau d’une robe Ă  sa sƓur »[19] ;
  • (hu) CsillĂĄnak adtam egy könyvet « J’ai donnĂ© un livre Ă  Csilla »[7].

Le COI ci-dessus est proche quant au sens Ă  celui subordonnĂ© Ă  des verbes au sens apparentĂ© Ă  celui de « s’adresser » :

  • (ro) Le-am spus studenților că examenul va fi greu « J’ai dit aux Ă©tudiants que l’examen serait difficile »[20] ;
  • (cnr) zahvaliti dobročinitelju « remercier le bienfaiteur »[19] ;
  • (hu) Kinek telefonĂĄlsz? « À qui tĂ©lĂ©phones-tu ? »[7].

Certains adjectifs, surtout en fonction d’attribut du sujet, peuvent Ă©galement avoir un COI au datif :

  • (ro) Obiectul acesta Ăźi este folositor medicului? « Cet objet est-il utile au mĂ©decin ? »[20] ;
  • (cnr) biti odan prijatelju « ĂȘtre dĂ©vouĂ© Ă  son ami »[19] ;
  • (hu) ZsĂłfiĂĄnak fontos minden nap zongorĂĄznia « Il est important pour ZsĂłfia de jouer tous les jours du piano »[7].

Le datif peut aussi avoir un sens possessif. En latin, le datif possessif exprime le possesseur sujet logique de la phrase : Mihi liber est « J’ai un livre » (littĂ©ralement « À moi livre est »). Le roumain a hĂ©ritĂ© du latin des vestiges de ce datif dans des expressions verbales comme mi-e foame « j’ai faim », mi-e milă « j’ai pitiĂ© », mi-e sete « j’ai soif », etc.[4].

En roumain et en BCMS il y a une construction possessive avec le pronom personnel conjoint au datif Ă©quivalente de la construction avec un adjectif possessif :

  • (ro) Unde ți-e soțul? « OĂč est ton mari ? » (litt. « OĂč t’est le mari ? »)[21] ;
  • (cnr) Đe su mi naočare? « OĂč sont mes lunettes ? » (litt. « OĂč me sont lunettes ? »)[19].

Il y a encore un type de datif possessif en roumain. C’est celui d’un pronom personnel ou rĂ©flĂ©chi conjoint en fonction de complĂ©ment du nom, comme dans les exemples În zadar copacii crengile-și plecau / Și zăpada-n cale-mi pe rĂąnd scuturau « C’est en vain que les arbres penchaient leurs branches / Et secouaient tour Ă  tour la neige sur mon chemin » (litt. « 
 branches-se 
 chemin-me ») (Vasile Alecsandri)[4].

En hongrois, la construction possessive du type mihi liber est est gĂ©nĂ©rale : GyulĂĄnak kĂ©t hĂșga van « Gyula a deux sƓurs » (litt. « À Gyula deux sƓur est »)[7]. Il y a encore une construction avec le datif possessif dans cette langue : apĂĄmnak a hĂĄza « la maison de mon pĂšre »[22].

Le datif appelĂ© « Ă©thique » indique une personne intĂ©ressĂ©e de façon affective dans le procĂšs exprimĂ© par le verbe, et le mot Ă  un tel datif n’a pas de fonction syntaxique, mais seulement stylistique :

  • (ro) Pe unde mi-ai umblat pĂąnă acum? litt. « Par oĂč tu m’as dĂ©ambulĂ© jusqu’à maintenant ? »[4] ;
  • (cnr) Da si ti meni ĆŸiv i zdrav! litt. « Que tu me sois vivant et bien portant ! »[19] ;
  • (hu) Csukja be nekem ezt az ajtĂłt! « Fermez-moi cette porte ! »[22].

Le datif sans adposition a d’autres emplois encore, qui ne se retrouvent pas tous dans les langues mentionnĂ©es ici.

En roumain, le mot au datif peut encoire avoir la fonction de :

  • complĂ©ment circonstanciel comparatif : Comportamentul tău e asemenea comportamentului unui copil de cinci ani! « Ton comportement est comme celui d’un enfant de cinq ans ! » (litt. « 
 semblable au comportement
 »)[20] ;
  • CC de lieu : a se opri locului « s’arrĂȘter sur place »[4].

En BCMS, le datif peut aussi[19] :

  • exprimer le but d’un dĂ©placement : krenuti svojoj kući « partir pour sa maison » ;
  • exprimer la personne qui doit faire quelque chose : Ć to nam je činiti? « Qu’est-ce que nous devons faire » (litt. « Quoi Ă  nous est faire ? »);
  • ĂȘtre prĂ©sent dans des serments (datif appelĂ© emphatique) : DuĆĄe mi! « Par mon Ăąme ! ».

En hongrois, le datif peut encore[22] :

  • exprimer une fonction Ă  laquelle est destinĂ© un animĂ© ou un inanimĂ© : JĂł lesz titkĂĄrnƑnek « Elle fera une bonne secrĂ©taire » ;
  • participer dans une construction appelĂ©e figure Ă©tymologique : SzĂ©pnek szĂ©p « Pour ĂȘtre belle, elle est belle » ;
  • exprimer le sujet de verbes et expressions verbales impersonnels : MĂĄriĂĄnak haza kell mennie. « Il faut que Marie rentre » ;
  • exprimer l’attribut exprimant l’état du sujet : Ica fĂĄradtnak lĂĄtszik « Ica semble fatiguĂ©e ».

Avec adposition

En roumain, le datif est exigé par trois prépositions synonymes[20] :

Am obținut aceste rezultate datorită ajutorului tău « J’ai obtenu ces rĂ©sultats grĂące Ă  ton aide » ;
Am ajuns acasă mai devreme grație bunăvoinței dumneavoastră « Je suis arrivĂ©(e) plus tĂŽt chez moi grĂące Ă  votre bienveillance » ;
Mulțumită eforturilor voastre am ocupat locul ĂźntĂąi « GrĂące Ă  vos efforts, nous avons occupĂ© la premiĂšre place ».

En BCMS aussi il y quelques prépositions qui régissent le datif[19] :

Svi su se okrenuli ka gradu « Tous se sont dirigés vers la ville » ;
Zaputio sam se prema izlazu iz dvorane « Je suis parti vers la sortie de la salle » ;
Postupili su nasuprot njegovoj ĆŸelji « Ils ont procĂ©dĂ© contre son souhait » ;
Uprkos velikoj vrućini bili smo na igraliĆĄtu « MalgrĂ© la grande chaleur, nous Ă©tions sur le terrain de jeu » ;
To bijaĆĄe protivno njegovoj volji « C’était contre sa volontĂ© ».

En hongrois il y a trĂšs peu de postpositions construites avec le datif :

BartĂłknak köszönhetƑen mindenki hallott a magyar zenĂ©rƑl « GrĂące Ă  BartĂłk, tout le monde a entendu parler de la musique hongroise »[23] ;
A dolgok elkĂ©pzelĂ©seinknek megfelelƑen alakultak « Les choses ont Ă©voluĂ© conformĂ©ment Ă  nos prĂ©visions »[24].

Notes et références

  1. Dubois 2002, p. 130.
  2. Bussmann 1998, p. 273.
  3. Crystal 2008, p. 129.
  4. Constantinescu-Dobridor 1998, article dativ.
  5. Bărbuță 2000, p. 68.
  6. Kålmånné Bors et A. Jåszó 2007, p. 410.
  7. Rounds 2001, p. 112-113.
  8. Bokor 2007, p. 288.
  9. Jolić et Ludwig 1972, p. 407, 409 et 414 (mĂ©thode de serbe).
  10. En BCMS il n’y a pas d’articles, donc le nom seul peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© grĂące au contexte comme indĂ©terminĂ©, dĂ©terminĂ© de façon indĂ©finie ou dĂ©terminĂ© de façon dĂ©finie.
  11. Le signe ¯ indique les voyelles longues, en BCMS l’opposition voyelle brùve vs voyelle longue pouvant distinguer des sens.
  12. En BCMS, par accord en cas avec le nom dĂ©terminĂ©, l’épithĂšte aussi prend toujours la dĂ©sinence casuelle.
  13. Cojocaru 2003, p. 33-34.
  14. Bărbuță 2000, p. 106.
  15. Čirgić et al. 2010, p. 82 (grammaire montĂ©nĂ©grine).
  16. Bokor 2007, p. 290.
  17. Dubois 2002, p. 58.
  18. Cojocaru 2003, p. 37. En roumain, le nom COI au datif est souvent anticipĂ© ou repris, parfois obligatoirement, par la forme atone (conjointe) au mĂȘme cas du pronom personnel correspondant.
  19. Čirgić 2010, p. 199–201.
  20. Cojocaru 2003, p. 37-38.
  21. Moldovan 2001, p. 285.
  22. Szende et Kassai 2007, p. 166.
  23. Szende et Kassai 2007, p. 161.
  24. Szende et Kassai 2007, p. 163.

Sources bibliographiques

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  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, 1998 (ISBN 0-203-98005-0) (consultĂ© le )
  • (cnr) Čirgić, Adnan ; Pranjković, Ivo ; Silić, Josip, Gramatika crnogorskoga jezika [« Grammaire du montĂ©nĂ©grin »], Podgorica, MinistĂšre de l’Enseignement et des Sciences du MontĂ©nĂ©gro, 2010 (ISBN 978-9940-9052-6-2) (consultĂ© le )
  • (en) Cojocaru, Dana, Romanian Grammar [« Grammaire roumaine »], SEELRC, 2003 (consultĂ© le )(consultĂ© le )
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  • (en) Rounds, Carol, Hungarian: an Essential Grammar [« Grammaire fondamentale du hongrois »], Londres / New York, Routledge, 2001 (ISBN 0-203-46519-9) (consultĂ© le )
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