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DĂ©sinence

En morphologie, une dĂ©sinence (du latin mĂ©diĂ©val desinentia, « qui tombe Ă  la fin (d’un mot) ») est un suffixe grammatical aprĂšs lequel on ne peut plus ajouter d’autres suffixes[1].

Les désinences expriment divers traits grammaticaux, en fonction de la langue concernée, des parties du discours variables[2] :

Les dĂ©sinences sont l’un des moyens d’expression des rapports syntaxiques. Les dĂ©sinences casuelles, par exemple, peuvent ĂȘtre des morphĂšmes typiques des complĂ©ments du verbe exprimĂ©s par les parties du discours nominales. Elles ont aussi un rĂŽle dans la rĂ©alisation des accords, par exemple celui en genre, en nombre et en cas des dĂ©terminants et des Ă©pithĂštes du nom, et de celui en personne, en nombre et en genre du verbe de la proposition avec son sujet[3].

DĂ©sinence et type de langue

Toutes les langues n’utilisent pas de dĂ©sinences. Telles sont les langues isolantes (chinois, vietnamien, etc.). Celles qui font appel systĂ©matiquement Ă  des dĂ©sinences sont les langues agglutinantes (les langues finno-ougriennes, les langues turciques, etc.) et les langues flexionnelles (les langues indo-europĂ©ennes, les langues sĂ©mitiques, etc.), mais il y a des diffĂ©rences entre elles pour ce qui est du nombre de traits grammaticaux exprimĂ©s par une mĂȘme dĂ©sinence, les traits qu’elles expriment et la mesure dans laquelle elles les utilisent par rapport Ă  d’autres moyens grammaticaux.

DĂ©sinence et caractĂšre agglutinant vs flexionnel

Le spĂ©cifique des langues agglutinantes par rapport aux flexionnelles est que, du moins dans le cas de certaines parties du discours, un mĂȘme affixe exprime un seul trait grammatical. Dans le systĂšme nominal, cette diffĂ©rence est nette entre une langue comme le latin et une autre, comme le hongrois. Par exemple, en latin, langue flexionnelle, la dĂ©sinence -as du mot terras « terres » marque Ă  la fois son genre (fĂ©minin), son nombre (pluriel) et son cas (accusatif). Par contre, en hongrois, langue agglutinante, dans le mot correspondant, földeket, le pluriel et l’accusatif sont marquĂ©s par des morphĂšmes diffĂ©rents, le suffixe -k et la dĂ©sinence -t, -e- Ă©tant une voyelle de liaison pour les deux[4].

Une autre catĂ©gorie est celle des dĂ©sinences personnelles appliquĂ©es au verbe. En ce qui les concerne, entre les langues flexionnelles et le hongrois il n’y a pas la mĂȘme diffĂ©rence que dans le cas des dĂ©sinences nominales, Ă©tant donnĂ© qu’en hongrois non plus, la dĂ©sinence personnelle n’exprime pas seulement la personne. Par exemple, la dĂ©sinence (hu) -m du verbe lĂĄtom « je le/la/les vois » se rĂ©fĂšre Ă  trois traits Ă  la fois : le nombre, la personne grammaticale du sujet et le fait que le verbe a un complĂ©ment d’objet direct dĂ©fini, y compris que celui-ci est de la 3e personne[4].

Ce n’est pas des dĂ©sinences qui expriment certains traits dans toutes les langues. Comme on peut le voir plus haut, en latin, le nombre de la partie de discours nominale est exprimĂ© par une dĂ©sinence, mais en hongrois par un autre type de suffixe, suivi par la dĂ©sinence. En hongrois, la dĂ©sinence verbale signale Ă©galement si le verbe a ou non un COD dĂ©fini, mais dans d’autres langues c’est exprimĂ© seulement par certains dĂ©terminants du nom ou par le type de pronom qui exprime Ă©ventuellement le COD : (hu) lĂĄtom a földeket vs (fr) « je vois les terres », lĂĄtom Ƒket vs « je les vois »[4].

Désinence et synthétisme vs analytisme

Le poids du rĂŽle des dĂ©sinences par rapport Ă  celui d’autres moyens grammaticaux est exprimĂ© en linguistique comparative par les qualificatifs « synthĂ©tique » et « analytique », respectivement. Plus une langue est synthĂ©tique, plus le rĂŽle des dĂ©sinences est important, ce qui se manifeste par le nombre de traits grammaticaux et de rapports syntaxiques exprimĂ©s par des dĂ©sinences, et, inversement, plus une langue est analytique, moins ce rĂŽle est important[5].

Entre langues flexionnelles, mĂȘme entre certaines appartenant Ă  la mĂȘme famille, il y a de grandes diffĂ©rences concernant le poids de l’utilisation des dĂ©sinences. Dans l’évolution de certaines langues, on remarque une Ă©volution graduelle du synthĂ©tisme Ă  l’analytisme.

En examinant les langues indo-europĂ©ennes, par exemple, on voit que dans leur Ă©tat actuel, la dĂ©clinaison s’est conservĂ©e Ă  des degrĂ©s trĂšs diffĂ©rents. La plupart des langues slaves (russe, serbe, etc.), par exemple, ont une dĂ©clinaison relativement riche. Parmi les langues germaniques, en allemand, la dĂ©clinaison est plus dĂ©veloppĂ©e qu’en anglais, qui l’a presque complĂštement perdue par rapport au vieil anglais[6].

En latin, le nom avait six cas, en ancien français il n’y en avait plus que deux[7], et dans la plupart des langues romanes actuelles il n’y en a plus aucun. Seul le roumain a gardĂ© des dĂ©sinences communes pour le gĂ©nitif et le datif, ainsi que pour le vocatif, utilisĂ©es dans certains cas[2].

Plus a diminuĂ© l’expression des fonctions syntaxiques par des dĂ©sinences, plus a augmentĂ© dans ce domaine le rĂŽle des prĂ©positions, par exemple pour exprimer le possesseur : la maison du pĂšre[8] (prĂ©position) vs „casa tatălui” (dĂ©sinence de gĂ©nitif appliquĂ©e Ă  l’article dĂ©fini). Le rĂŽle des dĂ©sinences a Ă©tĂ© repris par l’ordre des mots Ă©galement. En latin, aussi bien le nominatif que l’accusatif Ă©taient exprimĂ©s par des dĂ©sinences, c’est pourquoi une phrase comme « Le loup mange l’agneau » pouvait ĂȘtre exprimĂ©e par deux ordres des mots, Lupus est agnum ou Agnum est lupus, alors qu’en français on ne peut pas interchanger les places du sujet et du COD sans autre changement[9].

Concernant la conjugaison aussi, les langues romanes ont Ă©voluĂ© vers l’analytisme. En latin on exprimait par des dĂ©sinences la voix passive, par exemple, mais dans toutes les langues romanes actuelles elle est exprimĂ©e de façon analytique : laudatur « il/elle est vantĂ©(e) »[2]. L’involution de la conjugaison est plus accentuĂ©e en français qu’en roumain, par exemple, ce qui est prouvĂ© par l’orthographe française. En effet, au prĂ©sent de l’indicatif, les verbes rĂ©guliers français prĂ©sentent le mĂȘme aspect sonore Ă  trois ou quatre personnes, en fonction de la classe de conjugaison, alors qu’à l’écrit il y a quatre ou cinq dĂ©sinences[10]. En anglais, l’involution a Ă©tĂ© encore plus importante : au prĂ©sent simple de l’indicatif, Ă  l’exception de quelques verbes, seule la 3e personne du singulier est exprimĂ©e par une dĂ©sinence, Ă  l’oral, aussi bien qu’à l’écrit[11]. C’est pourquoi, dans ces langues, il est presque toujours obligatoire d’exprimer le sujet par un mot Ă  part.

Comme on peut le voir plus haut, dans certains paradigmes, toutes les formes ne se distinguent pas par des dĂ©sinences. C’est pourquoi on parle de dĂ©sinence -∅ (zĂ©ro)[12]. Tel est le cas, par exemple, de la forme de 3e personne du singulier de l’indicatif prĂ©sent du verbe hongrois[13]. Dans cette langue il y a aussi des cas exceptionnels oĂč la dĂ©sinence peut ĂȘtre omise sans que le rapport syntaxique correspondant soit affectĂ©. Ainsi, le cas accusatif de l’objet possĂ©dĂ©, pourvu du suffixe personnel possessif de la 1re ou de la 2e personne du singulier, peut ĂȘtre exprimĂ© de deux façons, ex. Keresem a ceruzĂĄmat (avec dĂ©sinence) ou a ceruzĂĄm (sans dĂ©sinence) « Je cherche mon crayon »[14].

Références

  1. Dubois 2002, p. 139.
  2. Constantinescu-Dobridor 1998, article desinență.
  3. LaczkĂł 2000, p. 59.
  4. Bokor 2007, p. 256-257.
  5. Bussmann 1998, p. 57 et 1170.
  6. Bussmann 1998, p. 156 et 277.
  7. Dubois 2002, p. 430.
  8. Bussmann 1998, p. 57.
  9. Dubois 2002, p. 337.
  10. Delatour 2005, p. 120-121.
  11. Eastwood 1998, p. 83.
  12. Dubois 2002, p. 513.
  13. Bokor 2007, p. 274.
  14. Balogh 2000, p. 420.

Sources bibliographiques

  • (hu) Balog, Iudith, « A tĂĄrgy » [« Le complĂ©ment d’objet direct »], Keszler, BorbĂĄla (dir.), Magyar grammatika [« Grammaire hongroise »], Budapest, Nemzeti TankönyvkiadĂł, 2000 (ISBN 978-963-19-5880-5) (consultĂ© le )
  • (hu) Bokor, JĂłzsef, « SzĂłalaktan » [« Morphologie »], A. JĂĄszĂł, Anna (dir.), A magyar nyelv könyve [« Le livre de la langue hongroise »], 8e Ă©dition, Budapest, Trezor, 2007 (ISBN 978-963-8144-19-5), p. 254-292 (consultĂ© le )
  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, 1998 (ISBN 0-203-98005-0) (consultĂ© le )
  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Dicționar de termeni lingvistici [« Dictionnaire de termes linguistiques »], Bucarest, Teora, 1998; en ligne : Dexonline (DTL) (consultĂ© le )
  • Delatour, Yvonne et al., Nouvelle grammaire du français, Paris, Hachette, 2004, (ISBN 2-01-155271-0) (consultĂ© le )
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, 2002 (consultĂ© le )
  • (en) Eastwood, John, Oxford Guide to English Grammar [« Guide Oxford de la grammaire anglaise »], Oxford, Oxford University Press, 1994 (ISBN 0-19-431351-4) (consultĂ© le )
  • (hu) LaczkĂł, Krisztina, « A toldalĂ©kok (affixumok) » [« Les affixes »], Keszler, BorbĂĄla (dir.), Magyar grammatika [« Grammaire hongroise »], Budapest, Nemzeti TankönyvkiadĂł, 2000 (ISBN 978-963-19-5880-5) p. 55-60 (consultĂ© le )

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