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Langue isolante

En linguistique, l’une des catĂ©gories prises en compte par la typologie morphologique des langues est celle des langues isolantes, qui prĂ©sentent le plus haut degrĂ© d’analytisme. Dans ces langues, les rapports syntaxiques s’expriment en gĂ©nĂ©ral Ă  l’aide de mots-outils indĂ©pendants (particules, prĂ©positions, etc.) et de l’ordre des mots, les mots Ă  sens lexical Ă©tant invariables du point de vue grammatical, donc sans affixes grammaticaux[1] - [2] - [3] - [4].

Les langues isolantes s’opposent aux langues synthĂ©tiques, dont les rapports syntaxiques sont indiquĂ©s typiquement par des affixes grammaticaux[5] - [1] - [3].

Caractéristiques

L’une des langues isolantes est le mandarin. L’exemple de phrase ci-dessous montre la caractĂ©ristique principale de ces langues, Ă  savoir que chaque mot coĂŻncide avec un seul morphĂšme[6] :

nǐděngwǒ,wǒjiĂčgēnnǐqĂč
toiattendremoi,moialorsavectoialler
Si tu m’attends, je vais avec toi

Un autre trait des langues isolantes est d’avoir des constructions verbales sĂ©rielles. Dans celles-ci, les verbes et leurs complĂ©ments sont juxtaposĂ©s, certains verbes ayant un sens plus abstrait ou plus grammaticalisĂ©. Voici un exemple en yoruba, parlĂ© en Afrique Occidentale[7] :

ógbéewå
luiporterpronom personnel
pour inanimé
venir
Il l’apporte

Les langues isolantes se caractérisent également par[8] :

  • la tendance Ă  avoir des mots monosyllabiques, ce qui vaut aussi bien pour les mots-outils, que pour ceux Ă  sens lexical ;
  • le fait de ne pas distinguer clairement les parties du discours, n’ayant pas de moyens, comme les affixes, pour exprimer les traits grammaticaux ;
  • l’ordre des mots figĂ© en tant que moyen syntaxique.


On trouve des langues isolantes surtout en Asie de l’Est et du Sud-Est. À cĂŽtĂ© du chinois, tels sont, entre autres, le vietnamien[9], le thaĂŻ[10] et le khmer[11]. D’autres rĂ©gions oĂč on parle des langues isolantes sont l’Afrique Occidentale (ex. le yoruba et l’ewe[12]), ainsi que l’Afrique du Sud, ex. le juǀʌhoan[6]. Les langues crĂ©oles Ă©galement prĂ©sentent des tendances au caractĂšre isolant[13].

Relativité du caractÚre isolant

Aucune langue n’est purement analytique ou purement synthĂ©tique, mais toutes prĂ©sentent ces caractĂšres dans une plus ou moins grande mesure[3]. Dans une langue idĂ©alement isolante, chaque mot d'une phrase coĂŻncide avec un seul morphĂšme. Par contre, dans une langue idĂ©alement synthĂ©tique, dont se rapprochent les langues appelĂ©es polysynthĂ©tiques, une phrase est constituĂ©e d’un seul mot qui englobe tous les morphĂšmes nĂ©cessaires. Entre elles se situent les langues prĂ©pondĂ©rĂ©ment synthĂ©tiques, dans lesquelles la plupart des mots, Ă©galement en phrase, sont constituĂ©s de plus d’un morphĂšme. Pour mesurer le caractĂšre des langues de ce point de vue, le linguiste amĂ©ricain Joseph Greenberg a calculĂ© le rapport entre le nombre de morphĂšmes et le nombre de mots sur des Ă©chantillons de cent mots de huit langues, rapport qu’il a appelĂ© « degrĂ© de synthĂšse ». Plus l’indice de ce rapport est petit, plus la langue en cause est analytique. Par exemple le vietnamien, ayant un degrĂ© de synthĂšse de 1,06, est une langue nettement isolante, le sanskrit, avec un degrĂ© de synthĂšse de 2,59, est une langue synthĂ©tique, et l’une des langues eskimo-alĂ©outes, dont le degrĂ© de synthĂšse est de 3,72, est polysynthĂ©tique[14].

Les langues considĂ©rĂ©es comme isolantes ne possĂšdent pas ce caractĂšre dans la mĂȘme mesure. Le chinois classique, par exemple, est plus isolant que le mandarin, qui a aussi des mots dĂ©rivĂ©s et composĂ©s : fĂč-mǔ « parents » (littĂ©ralement « pĂšre-mĂšre »), zhěn-tĂłu « oreiller » (littĂ©ralement « repos-tĂȘte »)[15], ce qui Ă©lĂšve son degrĂ© de synthĂšse Ă  1,54 et en fait une langue modĂ©rĂ©ment isolante[9].

Dans certaines langues, le caractĂšre analytique, respectivement synthĂ©tique peuvent ĂȘtre diffĂ©rents d’une classe de mots Ă  une autre, comme le domaine du verbe peut ĂȘtre isolant, et celui du nom ne l’est pas[5].

Notes et références

  1. Bussmann 1998, p. 599.
  2. Bussmann 1998, p. 655.
  3. Crystal 2008, p. 256.
  4. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 103.
  5. Dubois 2002, p. 358-359.
  6. Eifring et Theil 2005, chap. 4, p. 5-6.
  7. Bussmann 1998, p. 1066.
  8. Brown et Ogilvie 2009, p. 732.
  9. Brown et Ogilvie 2009, p. 222.
  10. Brown et Ogilvie 2009, p. 1040.
  11. Brown et Ogilvie 2009, p. 599.
  12. Eifring et Theil 2005, chap. 6, p. 30.
  13. Brown et Ogilvie 2009, p. 861.
  14. Greenberg 1960, citĂ© par SƑrĂ©s 2006, p. 33.
  15. Bussmann 1998, p. 179.

Bibliographie

  • (ro) Bidu-Vrănceanu, Angela et al., Dicționar general de științe. Științe ale limbii [« Dictionnaire gĂ©nĂ©ral des sciences. Sciences de la langue »], Bucarest, Editura științifică, (ISBN 973-440229-3, lire en ligne)
  • (en) Brown, Keith (dir.) et Ogilvie, Sarah (dir.), Concise Encyclopedia of Languages of the World [« Petite encyclopĂ©die des langues du monde »] (CELW), Oxford, Elsevier, (ISBN 978-0-08-087774-7)
  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, (ISBN 0-203-98005-0, lire en ligne [PDF])
  • (en) Crystal, David, A Dictionary of Linguistics and Phonetics [« Dictionnaire de linguistique et de phonĂ©tique »], Blackwell Publishing, , 4e Ă©d. (ISBN 978-1-4051-5296-9, lire en ligne [PDF])
  • (en) Dryer, Matthew S., « Prefixing vs. Suffixing in Inflectional Morphology », dans Dryer, Matthew S. et Haspelmath, Martin (dir.), The World Atlas of Language Structures Online [« Atlas mondial des structures de langues en ligne »], Leipzig, Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, (lire en ligne)
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, (lire en ligne [PDF])
  • (en) Eifring, Halvor et Theil, Rolf, Linguistics for Students of Asian and African Languages [« Linguistique pour les Ă©tudiants en langues asiatiques et africaines »], Oslo, UniversitĂ© d’Oslo, (lire en ligne)
  • (en) Greenberg, Joseph H., « A quantitative approach to the morphological typology of languages » [« Approche quantitative en typologie morphologique des langues »], International Journal of American Linguistics, vol. 29, no 3,‎ , p. 178-194 (sur The University of Chicago Press Journals, consultĂ© le )
  • SƑrĂ©s, Anna, Une langue agglutinante. Le hongrois dans la typologie des langues (Chapitre II. Une langue agglutinante), Limoges, Lambert-Lucas, (sur HAL archives-ouvertes.fr)

Articles connexes

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