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Khmer

Le khmer ou le cambodgien (ភាសាខ្មែរ, prononciation en khmer : /pʰiəsaː kʰmae/) est la langue nationale du Cambodge.

Khmer / Cambodgien
Image illustrative de l’article Khmer
Pays Cambodge, Viêt Nam, Thaïlande
Nombre de locuteurs central : 16 000 500[1]
septentrional : 3 500 000 (2020)[2]
Typologie SVO, isolante, à accent d'intensité
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle Drapeau du Cambodge Cambodge
Régi par Académie royale du Cambodge
Codes de langue
IETF km, kxm
ISO 639-1 km
ISO 639-2 mkh[3], khm[4]
ISO 639-3 khm – khmer central
kxm – khmer extérieur
Type Langue vivante
ISO 639-5 mkh[3]
Linguasphere 46-FBA-a
Glottolog cent1989
Échantillon
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme (voir le texte en français)
មាត្រា ១
មនុស្សទាំងអស់ កើតមកមានសេរីភាព និងសមភាព ក្នុងផ្នែកសេចក្ដីថ្លៃថ្នូរនិងសិទ្ធិ។ មនុស្ស មានវិចារណញ្ញាណនិងសតិសម្បជញ្ញៈជាប់ពីកំណើត ហើយគប្បីប្រព្រឹត្ដចំពោះគ្នាទៅវិញទៅមក ក្នុង ស្មារតីភាតរភាពជាបងប្អូន។
Carte
Image illustrative de l’article Khmer
Carte de la répartition du khmer et du khmer du Nord.
Écriture en langue khmère avant l'époque d'Angkor.

Elle appartient au groupe des langues môn-khmères de la famille des langues austroasiatiques, mais son lexique a subi une profonde influence des langues indiennes (sanskrit et pali).

Le cambodgien est principalement parlé au Cambodge et dans les zones limitrophes comme en Thaïlande par les « Khmers Surin » dans la région de l'Isan et les « Khmers Krom » au Viêt Nam dans le delta du Mékong, territoires qui appartenaient autrefois au Cambodge.

C'est une langue mono-dissyllabique (les mono-dissyllabes sont la structure de base de son vocabulaire) avec une tendance générale à la monosyllabisation[5]. Elle est non tonale, contrairement au vietnamien, l'autre grande langue môn-khmère (qui, elle, a subi l'influence du chinois).

La langue cambodgienne s'écrit avec un alphabet cambodgien d'origine indienne depuis le VIIe siècle.

Elle compte environ dix-neuf millions de locuteurs (en incluant les Khmers de la diaspora).

Histoire

Le khmer est issu des langues austroasiatiques qui s'étendent en Asie du Sud-Est.

Le khmer a ensuite été fortement influencé par le sanskrit dans son lexique usuel (ស្រី /srǝy/ « femme »; ចោរ /cao/ « voleur ») mais surtout religieux, intellectuel (Bhasa, la langue, est devenue Pheasa) et royal (exemple Râja, le roi, est devenu Reachea)[6].

Voir : Indianisation de la péninsule indochinoise

Le khmer a ensuite été influencé par le pali, devenue la langue liturgique du Cambodge après l'adoption du bouddhisme en remplacement de l'hindouisme ; l'influence de cette langue se retrouve à présent dans le vocabulaire des moines. La langue khmère a été ensuite influencée par l'arrivée des Thaïs et des Français. La langue thaïe a de son côté emprunté au khmer à peu près la moitié de son vocabulaire. À l'heure actuelle, des mots anglais font leur apparition en khmer via l'adoption des nouvelles technologies. La principale différence entre le môn, le khmer et le vietnamien est que le vocabulaire du khmer a connu un apport massif de sanskrit et de pâli, tandis que le vietnamien a été, en raison de près de mille ans de domination chinoise, plus influencé par le chinois. Le môn lui a été peu influencé par le sanskrit et le pâli et a conservé une certaine « pureté » austroasiatique[7].

À l'époque du protectorat français, de nombreux emprunts lexicaux sont effectués, particulièrement dans le vocabulaire technique et scientifique.

Différences régionales

Mariage khmer à Trà Vinh.

Bien qu'il y ait une grande homogénéité linguistique au Cambodge, on note toutefois certaines différences régionales importantes.

Les différents parlers khmers sont :

  • le khmer central ou khmer standard, parler dominant au Cambodge.
  • le khmer central dans sa version dialectale phnompenhoise, suffisamment différent du khmer standard pour que les jeunes diplômés en khmer de l'Inalco aient des difficultés à comprendre la langue orale lorsqu'ils arrivent pour la première fois dans la capitale cambodgienne.
Français Khmer standard Khmer de Phnom Penh
cent rooy hooy
pauvre krââ k'ôôa
femme srey s'èèy
poisson trey th'èèy
éléphant dâmrey th'mèèy
alcool sraa s'èèa
cinq pram ph'èèam
beaucoup tchraeun tch'eueun
un peu bântetch 'ntetch
neuf (chiffre) pram buon 'mbuon
dix-neuf (deuxième forme) pram buon dândâp 'mbuon 'ndâp
Phnom Penh Phnum Penh 'mpenh
une seule fois/directement tae muoy dââng th'môâng

La chute du [r] dans le complexe consonantique initial serait due à l'influence de la communauté marchande chinoise de Phnom Penh, les langues chinoises n'admettant pas de tels groupes consonantiques initiaux[8].D’un point de vue phonétique, la chute du [r] engendre les traits suivants : voix soufflée + variations de hauteur + diphtongaison de la voyelle + plus grand degré de fermeture de la voyelle[9].

Certains dialectologues y ajoutent également le parler de Battambang, de Siem Reap et celui de Svay Rieng sans toujours circonstancier cette classification[8].

Système d'écriture

Le khmer s'écrit à l'aide de l'alphasyllabaire khmer, qui lui est propre.

Phonologie

La phonétique ci-dessous se base sur la prononciation de l'alphabet phonétique international (API).

Consonnes
LettreSonLettreSonLettreSonLettreSonLettreSon
kɑɑ kʰɑɑ kɔɔ kʰɔɔ ŋɔɔ
cɑɑ cʰɑɑ cɔɔ cʰɔɔ ɲɔɔ
ɗɑɑ tʰɑɑ ɗɔɔ tʰɔɔ nɑɑ
tɑɑ tʰɑɑ tɔɔ tʰɔɔ nɔɔ
ɓɑɑ pʰɑɑ pɔɔ pʰɔɔ mɔɔ
jɔɔ rɔɔ lɔɔ vɔɔ
sɑɑ hɑɑ lɑɑ ʔɑɑ
Voyelles
LettreSonLettreSonLettreSonLettreSonLettreSon
a
iːə
e
i
əj
i:
ə
ɨ
əɨ
ɨ:
o
u
o:u
u:
u:ə aːə
ə:
ɨ:ə
iːə eːi
aːe
ɛː
aj
ɨj
a:o
o:
aw
ɨw
ុំom
um
ɑm
um
ាំam
oəm

eəʰ
ិះ
ុះ
េះeiʰ
េាះɑʰ
ʊəʰ

Il existe également une quinzaine de voyelles indépendantes, (ou voyelles complètes) à valeur historique, qui tendent à être remplacées par la combinaison de la consonne អ /ʔɑɑ/ (ou des consonnes រ /rɔɔ/ et ល /lɔɔ/) et des voyelles dépendantes.

Notas: Le son des voyelles indépendantes varient souvent d'un mot à l'autre.
Les nombres de voyelles indépendantes varient d'un ouvrage à un autre.
Dans un processus de simplification de l'écriture, certaines de ces lettres pourraient disparaître et être remplacées par leur équivalent phonétique.

Voyelles indépendantes
LettreSonLettreSonLettreSonLettreSonLettreSon
eːi i: u: ឧុəo əw
ru: lu: ae
ai a:o a:o ឩិ៏əw

Lexique

Différents registres de langue

Le khmer emploie un système de registres de langue dépendant de la hiérarchie sociale, selon les positions respectives du locuteur et de l'interlocuteur. Les différents registres (comme ceux du français « familier », « courant », « poli ») emploient des mots différents. La communication se fait avec le registre dit « neutre » même si les habitants de villages isolés emploient entre eux un registre familier, les moines un registre khméro-pali et la famille royale un registre se rapprochant du langage des grands rois khmers.

Usage dans différentes situations« Je, moi »API« Toi, vous »API« Il, elle »API
Familier/vulgaire អញ/aɲ/ ឯង/អ្ហែង/aɛ̯ŋ/ វា/ʋiə̯/
Neutre[12] ខ្ញុំ/kʰɲom/ អ្នក/neə̯̆ʔ/ គេ/keː/
Formel[13] យើងខ្ញុំ
ខ្ញុំបាទ
/yəːŋ kʰɲom/
/kʰɲom baːt/
លោក(en termes de hiérarchie professionnelle, ou rang social)/loːk/ គាត់/kɔə̯t/
Personne du peuple envers/à propos d'un bonze[14] ខ្ញុំព្រះករុណា/kʰɲom preə̯̆h kaʔruʔnaː/ ព្រះតេជព្រះគុណ/preə̯̆h daɛ̯c preə̯̆h kun/ ព្រះអង្គ/preə̯̆h ɑŋ/
Bonze envers une personne du peuple[15] អាត្មា
អាចក្តី
/aːttma/
/aːckdəj/
ញោមស្រី (à une femme)
ញោមប្រុស (à un homme)
/ɲoum srej/
/ɲoum proh/
ឧបាសក (à un homme)
ឧបាសិកា (à une femme)
/ʔuʔbaːsɑk/
Envers un membre de la famille royale[16] ខ្ញុំព្រះបាទអម្ចាស់ ou
ទូលបង្គំ (homme),
ខ្ញុំម្ចាស់ (femme)
/kʰɲom preə̯̆h baːt aʔmcah/
/tuːl bɑŋkum/
/kʰɲom mcah/
ព្រះករុណា/preə̯̆h kaʔruʔnaː/ ទ្រង់/truə̯̆ŋ/

Nombres cardinaux

0:០/soon/1:១/muəy/2:២/pii/3:៣/bəy/4:៤/buən/5:៥/pram/6:៦/pram-muəy/7:៧/pram-pii/
8:៨/pram-bəy/9:៩/pram-buən/10:១០/dɑp/11:១១/dɑp-muəy/12:១២/dɑp-pii/13:១៣/dɑp-bəy/14:១៤/dɑp-buən/15:/dɑp-pram/
16:១៦/dɑp-pram-muəy/17:១៧/dɑp-pram-pii/18:១៨/dɑp-pram-bəy/19:១៩/dɑp-pram-buən/20:២០/mpʰey/30:៣០/saam-sǝp/40:៤០/sae-sǝp/
50:៥០/haa-sǝp/60:៦០/hok-sǝp/70:៧០/cət-səp/80:៨០/paet-səp/90:៩០/paet-səp/100:១០០/muəy-rɔɔy/200:២០០/pii-rɔɔy/
1000:១០០០/muəy-poan/10000:១០០០០/muəy-məən/100000:១០០០០០/muəy-saen/1000000:១០០០០០០/muəy-lien/

Cardinaux

Le système de numération khmer est un système quinaire.

Le tableau ci-dessous donne la transcription phonétique approximative des nombres cardinaux en môn, en khmer, en mường khến et en vietnamien, et leur traduction en français :

Môn Khmer Mường Khến Vietnamien Français
mòa muoy mộch một un
ba pii hal hai, đôi deux
poa’ bey pa ba trois
pon buon pốn bốn quatre
masang / masun pram đăm năm cinq
karaw / taraw pram muoy kháu sáu six
thapo’ pram pii pảy bảy sept
tacam / hacam pram bey thám tám huit
tacit / hacit pram buon chín chín neuf
cao’ dâp mườl mười, chục dix
cao’ mòa dâp muoy mười một onze
cao’ ba dâp pii mười hai douze
co sang dâp pram mười lăm quinze
ba co m(a)phey hai mươi vingt
ba co mòa m(a)phey muoy hai mươi một vingt et un
ba co sang/ba co sun m(a)phey pram hai mươi lăm vingt-cinq
poa co sang/sun sam sep pram ba mươi lăm trente-cinq
masang co/masun co haa sep năm mươi cinquante
mòa klom muoy rooy một trăm cent
mòa langèm/mòa ngèm muoy poan một nghìn mille
mòa la’ muoy meun mười nghìn dix mille
mòa kat dâp meun / muoy sen một trăm nghìn cent mille

On remarque une plus grande proximité entre le môn et le vietnamien qu'entre le môn et le khmer.

Synonymes d'origines et d'utilisations différentes

Comme mentionné plus haut, le khmer a emprunté une grande partie de son lexique au sanskrit, au pâli, et dans une moindre mesure et beaucoup plus récemment, au siamois, aux langues chinoises et au français.

Il y a donc une très grande richesse lexicale en cambodgien, avec souvent plusieurs mots d'origine différentes pour désigner la même chose. Voici quelques d'exemples :

Français

Khmer (Courant)

Pâli (Religieux)

Sanskrit (Littéraire)

Soleil[17] ថ្ងៃ /tŋay/ ព្រះអាទិត្យ /preah ʔaatɨt/ ព្រះសុរិយា /preah soʔreʔyaa/
Lune[18] លោកខែ /look kʰae/ ព្រះចន្ទ /preah can/ ចន្ទ្រា /cantrie/
Étoile[19] ផ្កាយ /pkaay/ នក្ខត្ត /neakkʰat/ តារា /taaraa ou daaraa/
Roi[20] ព្រះបាទ /preah baat/ ជននាថ /ceaʔneaʔniet/ រាជា /riecie/
Vie[21] ជីវិត /ciivɨt/ ជីព /ciip/ ជីវន្ត /ciivoan/

Chiffres

Chiffres
0123456789

Notes et références

  1. Ethnologue [khm].
  2. Ethnologue [kxm].
  3. code collectif
  4. code du khmer central
  5. Michel Ferlus, Evolution vers le monosyllabisme dans quelques langues de l'Asie du Sud-Est, Société de Linguistique de Paris, Séance du 23 novembre 1996 : « Dans les langues dissyllabiques de l'ASE le mot de base est formé d'une syllabe(principale) précédée ou non d'une présyllabe. Ce type particulier de dissyllabe a été dénommé quasi-dissyllabe (en anglais : sesquisyllable ou expanded monosyllable). »
  6. https://www.clio.fr/bibliotheque/pdf/pdf_la_langue_et_la_litterature_khmeres.pdf
  7. https://www.tradlibre.fr/histoire/histoire-de-la-langue-khmere
  8. Frederic Pain, An Anthropological Approach on Khmer Dialectology, 2014.
  9. Jean-Michel Filippi et Hiep Chan Vicheth, Dictionnaire de la prononciation du Khmer, Phnom Penh, 2016.
  10. Marie Alexandrine Martin Histoire et peuplement du Massif des Cardamomes sous la monarchie khmère. In Disciplines croisées. Hommage à Bernard Philippe Groslier, edited by Georges Condominas, 219-254. Paris: Éditions de l'EHESS, 1992.
  11. Jennifer Herington et Amy Ryan, Sociolinguistic Survey of the Khmer Khe in Cambodia, Chiang Mai Linguistics Institute, Payap University, 2013.
  12. khniom a pour sens ancien "esclave", neak signifie aussi "personne, être humain"
  13. khniom bat a pour sens premier "esclave de (vos) pieds" (sanskrit pāda), lok signifie aussi "seigneur" et "monde" (sanskrit loka)
  14. preah signifie "sacré" ; khniom preah karuna signifie donc "esclave de votre compassion sacrée" (sanskrit karuṇā : "compassion") ; preah daetch preah koun, "pouvoir sacré, bienfait sacré" (sanskrit teja et guṇa) ; dans preah ang, preah est renforcé par ang qui désigne une personne vénérée, de rang royal ou religieux (du sanskrit aṅga : "corps")
  15. atma vient du sanskrit ātman : "âme" (cf. Mahatma : "grande âme"), niooum signifie "parent" dans le langage religieux, proh : "homme, masculin" (écrit avec s final prononcé h) vient du sanskrit puruṣa, srey : "femme, féminin", du sanskrit strī ; oubassak vient du sanskrit et pali upāsaka (fém. upāsikā) : "disciple, dévot laïc"
  16. khniom preah bat amtchah signifie "esclave des pieds sacrés du maître", toul bangkoum, "adresser (son) respect", khniom mtchah, "esclave du maître" ; preah karuna, "compassion sacrée"
  17. Atet’ et Soreya sont dérivés ou analogues du sanskrit āditya (pali ādicca) et sūrya (pali suriya), deux noms du soleil
  18. Chan vient du pali canda, Chandra du sanskrit candra ; on retrouve les mots lauk : "seigneur" et preah : "sacré"
  19. Na Khatt vient du pali nakkhatta, analogue au sanskrit nakṣatra : "étoile, constellation" ; Dara, du sanskrit tārā
  20. Preah Bat signifie "pieds sacrés" ; Chan Neath vient du sanskrit ou pali jananātha : "protecteur du peuple, roi", Reachea, du sanskrit rājā
  21. Les trois termes viennent du sanskrit ou pali jīvita, jīva : "vie"

Voir aussi

Bibliographie

  • G. Cambefort, Introduction au cambodgien, Paris, Maisonneuve et Larose, 1950, VIII-80 p. (ISBN 2-7068-0013-5)
  • Ferlus, Michel. 1992. Essai de phonétique historique du khmer (Du milieu du premier millénaire de notre ère àl'époque actuelle), Mon-Khmer Studies XXI: 57-89.
  • Pou, Saveros. 1992. An Old Khmer-French-English Dictionary. Paris, Cedoreck.

Liens externes

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