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Verbe impersonnel

En grammaire, un verbe impersonnel est un verbe qui n’a pas de sujet agent. D’une part, il y a des verbes impersonnels qui ne peuvent avoir aucune espĂšce de sujet (dans certaines langues) ou qui ne peuvent avoir qu’un sujet appelĂ© « apparent » (dans d’autres langues), et d’autres verbes, qui peuvent avoir un sujet, mais qui n’est pas l’agent du procĂšs. Ce sujet peut ĂȘtre un nom, un pronom, un verbe Ă  un mode impersonnel ou une proposition subordonnĂ©e. D’autre part, certains verbes sont essentiellement impersonnels et d’autres le sont occasionnellement, pouvant ĂȘtre utilisĂ©s dans des constructions impersonnelles aussi. Tous ces verbes sont employĂ©s seulement Ă  la troisiĂšme personne[1] - [2] - [3].

Dans certaines grammaires on affirme que les verbes impersonnels peuvent ĂȘtre uniquement au singulier[4] - [5] - [6]. Selon d’autres, certains peuvent aussi ĂȘtre au pluriel[2] - [7].

Dans des langues comme le français ou l’anglais, oĂč la conjugaison est relativement rĂ©duite et, sauf au mode impĂ©ratif, il faut exprimer le sujet par un mot Ă  part, les verbes impersonnels ont, dans la position habituelle du sujet agent, un pronom explĂ©tif[8] appelĂ© aussi pronom impersonnel. Ce sujet est appelĂ© « apparent » ou « grammatical », par contraste avec celui appelĂ© « rĂ©el » ou « logique » que peuvent avoir certains verbes impersonnels. En français, ce pronom est il, ce, ça ou cela[9] ; en anglais, c’est le pronom personnel it reprĂ©sentant des inanimĂ©s, ou, dans certains cas, le pronom uniquement impersonnel there provenant de l’adverbe signifiant « lĂ -bas »[10].

Dans d’autres langues, qui ont une conjugaison relativement dĂ©veloppĂ©e, et dans lesquelles le sujet peut ĂȘtre clairement marquĂ© par la dĂ©sinence du verbe, ces verbes ne sont pas utilisĂ©s avec un mot Ă  part dans la position ordinaire du sujet agent. Cependant, dans des langues comme le roumain ou BCMS[11], certains de ces verbes sont employĂ©s avec le pronom rĂ©flĂ©chi de la troisiĂšme personne explĂ©tif[12] - [6].

Types de verbes impersonnels

Verbes qui ne peuvent pas avoir de sujet réel

La plupart de ces verbes expriment des phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques ou d’autres phĂ©nomĂšnes naturels. Ils sont essentiellement impersonnels utilisĂ©s seulement au singulier[9] - [13]. Exemples :

(fr) il neige, il vente, il pleut[9], il grĂȘle, il bruine ;
(en) it was raining « il pleuvait », it snowed « il a neigé »[10] ;
(ro) amurgește « c’est le crĂ©puscule », burează « il bruine », fulgeră « il y a des Ă©clairs », fulguie « il tombe des flocons », ninge « il neige », plouă « il pleut », trăsnește « il y a des foudres », tună « il tonne », se Ăźmprimăvărează ou se desprimăvărează « le printemps arrive », se Ăźnnorează « le ciel se couvre de nuages », se Ăźnserează « le soir tombe », se Ăźnseninează « le ciel s’éclaircit » (se pronom rĂ©flĂ©chi)[14] ;
(BCMS) sviće « il se fait jour », grmi « il tonne », pljuĆĄti « il pleut Ă  verse », smrkava se « la nuit tombe » (se pronom rĂ©flĂ©chi)[6] ;
(hu) alkonyodik « c’est le crĂ©puscule », tavaszodik « le printemps arrive », villĂĄmlik « il y a des Ă©clairs »[15], dörög « il tonne », fagy « il gĂšle »[16].

Exceptionnellement, quand ils sont employĂ©s avec un sens figurĂ©, certains de ces verbes peuvent avoir un sujet rĂ©el ou ĂȘtre employĂ©s personnellement :

(fr) Il neige des feuilles (Victor Hugo)[17] ;
Le ciel pleuvait sur les allées feuillues (François Mauriac)[17];
(ro) L-am fulgerat cu privirea « Je l’ai foudroyĂ© de mon regard »[18] ;
Norii plouau « Les nuages pleuvaient »[19] ;
(BCMS) Iza brda su grmeli topovi « DerriÚre la colline des canons tonnaient »[6].

En français, un verbe non mĂ©tĂ©orologique qui ne peut pas avoir de sujet rĂ©el est il s’agit. Par contre, il a d’ordinaire pour complĂ©ment une sĂ©quence nominale ou un infinitif introduit par la prĂ©position de[20] :

Il s’agit de votre avenir ;
Il s’agit de travailler sĂ©rieusement.

Verbes qui peuvent avoir un sujet réel

Ces verbes sont eux aussi employĂ©s seulement Ă  la troisiĂšme personne, mais certains, dans certaines langues, peuvent ĂȘtre au pluriel. Leur sujet peut ĂȘtre un nom, dans certaines langues uniquement d’inanimĂ© (par exemple en roumain), un verbe Ă  un mode impersonnel ou une proposition[8]. On peut les grouper en deux catĂ©gories, en fonction de la langue aussi, c’est-Ă -dire que des verbes de langues diffĂ©rentes se correspondant l’un Ă  l’autre peuvent appartenir Ă  des catĂ©gories diffĂ©rentes :

  1. verbes seulement impersonnels, verbes impersonnels avec un certain sens et personnels avec un autre, et verbes principalement impersonnels ;
  2. verbes occasionnellement impersonnels, ayant le mĂȘme sens que lorsqu’ils sont employĂ©s personnellement.

Exemples de la premiÚre catégorie :

(fr) Il faut que je parle[21] ;
(ro) Trebuie să plec / să lucrezi / să vorbească « Il faut que je parte / que tu travailles / qu’il/elle parle »[22] ;
Vor trebui să accepte « Il faudra qu’ils/elles acceptent »[23] - [18] ;
Se cuvine / se cade să-l felicităm « Il convient de le féliciter »[22] ;
(BCMS) Trebalo bi se okruĆŸiti novim ljudima « Il faudrait s’entourer de gens nouveaux »[24] ;
Čini se da su govorili u vjetar « Il semble qu’ils aient dit des paroles en l’air »[25] ;
(hu) Orvoshoz kellene mennetek « Il faudrait que vous alliez voir un médecin »[26] ;
EbĂ©d közben nem illik dohĂĄnyozni « Il n’est pas convenable de fumer pendant le dĂ©jeuner »[27].

En français, les constructions avec des verbes occasionnellement impersonnels sont souvent le rĂ©sultat de la transformation de constructions avec les mĂȘmes verbes employĂ©s personnellement, la tournure impersonnelle permettant de transformer le sujet (le thĂšme) en rhĂšme[28] :

Une aventure m’est arrivĂ©e → Il m’est arrivĂ© une aventure.

Exemples de la deuxiĂšme catĂ©gorie dans d’autres langues :

(en) It happened that I had my camera with me « Par hasard, j’avais ma camĂ©ra sur moi » (litt. « Il arriva que j’avais
 »)[29] ;
(ro) Era să cad « J’ai failli tomber »[30] ;
(BCMS) Izgleda da smo pogreƥili « Il semble que nous nous soyons trompé(e)s »[6] ;
(hu) Mivel sikerĂŒlt kinyitnod az ĂŒveget? « Avec quoi as-tu rĂ©ussi Ă  ouvrir la bouteille ? »[31]

Autres constructions avec des verbes occasionnellemement impersonnels

Les constructions françaises avec il y a et ĂȘtre ou faire employĂ©s impersonnellement, et leurs correspondants dans d’autres langues sont frĂ©quentes pour exprimer l’existence, un Ă©tat gĂ©nĂ©ral, des phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques, etc. :

(fr) Il est 7 heures[32] ;
Il fait beau / froid / bon / chaud / 15 °C[32] ;
Il y a du soleil aujourd’hui[32] ;
Il y a quelqu’un à la porte[33];
(en) It's colder today « Il fait plus froid aujoud’hui, It's not very warm « Il ne fait pas trĂšs chaud » (littĂ©ralement « Il est
 », « Il n’est pas
 »)[34] ;
It's your birthday, isn't it? « C’est ton anniversaire, n’est-ce pas ? »[34] ;
Is there any more tea in the pot? « Y a-t-il encore du thĂ© dans la thĂ©iĂšre ? » (litt. « Est lĂ -bas
 ?) »[35] ;
Are there any letters for me? « Y a-t-il des lettres pour moi ? » (litt. « Sont lĂ -bas
 ? »)[35] ;
(ro) Aici e bine « Ici c’est bien » (litt. « Ici est bien »)[36] ;
E cald / frig « Il fait chaud / froid » (litt. « Est
 »)[37] ;
(BCMS) Ima li iko da zna ovu pjesmu? « Y a-t-il quelqu’un qui connaisse cette chanson ? » (litt. « A
 ? »)[38];
Ima i drugih nego ti [
] « Il y en a d’autres que toi [
] » (litt. « A
 »)[39] ;
Večeras će biti hladno « Ce soir il va faire froid » (litt. « 
 va ĂȘtre
 »)[40] ;
Bilo je dosta ljudi na ƥetaliƥtu « Il y avait pas mal de gens sur la promenade » (litt. « A été... »)[6] ;
(hu) ÉjfĂ©l van « Il est minuit » (litt. « Minuit est »)[41] ;
Köd van « Il fait du brouillard » (litt. « Brouillard est »), Nincs jĂł idƑ « Il ne fait pas beau » (litt. « N’est pas
 »)[41] ;
Vannak hibĂĄk « Il y a des erreurs », Nincsenek csodĂĄk « Il n’y a pas de miracles » (litt. « Sont
 », « Ne sont pas
 »)[41].

Avec le verbe ĂȘtre et ses correspondants exacts dans d’autres langues il y a aussi des expressions formĂ©es avec des adjectifs, des adverbes ou certains noms, ayant pour sujet un verbe Ă  un mode impersonnel ou une proposition. Exemples :

(fr) Il n’est pas Ă©tonnant qu’il soit malade[21] ;
Ce n’est pas beau de mentir[21] ;
Il est temps de partir / que vous partiez[42] ;
(en) It's difficult to make / making new friends « C’est difficile de se faire de nouveaux amis »[43] ;
It was a pity so few people came « C’est dommage que si peu de gens soient venus »[43] ;
(ro) E greu / ușor / imposibil de Ăźnțeles « C’est difficile / facile / impossible Ă  comprendre »[44] ;
E bine să faci sport « C’est bien de faire du sport »[45] ;
(BCMS) Ljude je teĆĄko osloboditi straha « C’est difficile de dĂ©livrer les gens de la peur »[46] ;
Dobro je ĆĄto se Petar vratio « C’est bien que Petar soit revenu »[47].

En hongrois, dans des expressions de ce genre, le verbe correspondant Ă  ĂȘtre est obligatoirement absent Ă  la forme d’indicatif prĂ©sent, mais prĂ©sent aux autres formes :

Rontani könnyebb, mint Ă©piteni « C’est plus facile de dĂ©truire que de construire »[48] ;
Fontos volt, hogy megtanuljam a szövegszerkesztƑ hasznĂĄlatĂĄt « Il Ă©tait important que j’apprenne l’utilisation du traitement de texte »[49].

Dans certaines grammaires on considĂšre comme d’emploi impersonnel les verbes utilisĂ©s Ă  la forme rĂ©flĂ©chie ayant un agent indĂ©fini ou gĂ©nĂ©ral. En français, de telles constructions ont seulement un sens passif, ex. Ce plat se prĂ©pare en cinq minutes[50]. En roumain ou en BCMS il y en a aussi qui ont un sens actif :

(ro) Se ajunge greu acolo « On y arrive difficilement » (sens actif)[51] ;
Expoziția se deschide mĂąine « L’exposition ouvre demain » (sens passif)[52] ;
(BCMS) Onamo se putovalo vozom « On y voyageait par le train » (sens actif)[53] ;
Ova knjiga se lako čita « Ce livre se lit facilement » (sens passif)[6].

Dans certaines construction impersonnelles il y a un complĂ©ment nom de personne ou un substitut pronominal de celui-ci, le plus souvent objet indirect dit « d’attribution » :

(fr) Il me semble que c’est une bonne idĂ©e[54] ;
(ro) Mi-e suficient să te știu fericit « Il me suffit de te savoir heureux »[55] ;
(BCMS) Nijedna mi ne izgleda dovoljno čvrsta « Aucune ne me semble assez solide »[56] ;
(hu) Nekem mindegy « Ça m’est Ă©gal »[57].

Dans certaines langues, dans des constructions impersonnelles oĂč il s’agit de l’état psychique ou physique d’une personne, celle-ci est souvent exprimĂ©e par un complĂ©ment d’objet indirect d’attribution, au cas datif dans ces langues :

(ro) Mi-e / milă / rușine / foame / sete / cald / frig / somn « J’ai pitiĂ© / honte / faim / soif / chaud / froid / sommeil » (litt. « M’est
 »)[58] ;
Îmi vine să plĂąng « J’ai envie de pleurer » (litt. « Me vient que je pleure »)[30] ;
(BCMS) – Kako vam je ovde? – Lepo nam je « – Comment allez-vous ici ? – Nous allons bien » (litt. « Comment vous est
 ? »)[6] ;
Vojnicima je bilo hladno « Les soldats avaient froid » (litt. « Aux soldats Ă©tait
 »)[6] ;
Detetu se spava « L’enfant a sommeil » (litt. « À l’enfant se dort »)[6] ;
(hu) JĂłlesik (nekem) egy kicsit pihenni « Ça me fait du bien de me reposer un peu »[26];
FĂĄj (neki) a feje a zajtĂłl « Il/Elle a mal Ă  la tĂȘte Ă  cause du bruit » (litt. « Fait mal Ă  lui/elle sa tĂȘte »)[41].

Dans des langues comme le roumain ou BCMS, certains de ces verbes et expressions impersonnels se construisent avec un complément d'objet direct :

(ro) Mă dor ochii de fum « J’ai mal aux yeux Ă  cause de la fumĂ©e » (litt. « Me font mal les yeux
 »)[59] ;
Mă doare să știu asta « Ça me fait mal de le savoir »[60] ;
(BCMS) Boli me da ne mogu viĆĄe planinariti « Ça me fait mal de ne plus pouvoir faire de la montagne »[61] ;
Sve nas je strah « Nous avons tous peur » (litt. « Tous nous est peur »)[62] ;
Stid me je « J’ai honte » (litt. « Honte m’est »)[53].

Notes et références

  1. Dubois 2002, p. 241.
  2. Bussmann 1998, p. 543.
  3. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 244.
  4. Grevisse et Goosse 2007, p. 1004.
  5. Bărbuță 2000, p. 140.
  6. Klajn 2005, p. 134-136 (grammaire serbe).
  7. Barić 1997, p. 229 (grammaire croate).
  8. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 536.
  9. Dubois 2002, p. 499.
  10. Bussmann 1998, p. 563.
  11. Bosnien, croate, monténégrin et serbe.
  12. Avram 1997, p. 203.
  13. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 527.
  14. Constantinescu-Dobridor 1998, article verb, partie ~ impersonĂĄl.
  15. Bokor 2007, p. 218.
  16. ErdƑs 2001, page 1. IgĂ©k (1. Verbe).
  17. Grevisse et Goosse 2007, p. 1010.
  18. Avram 1997, p. 240.
  19. Avram 1997, p. 327.
  20. Grevisse et Goosse 2007, p. 1012.
  21. Dubois 2002, p. 456.
  22. Moldovan 2001, p. 61.
  23. Le verbe correspondant à « falloir » est admis à quelques formes temporelles au pluriel, pour distinguer le singulier du pluriel dans le cas du sujet de la subordonnée.
  24. Barić 1997, p. 442 (grammaire croate).
  25. Čirgić 2010, p. 205 (grammaire montĂ©nĂ©grine).
  26. Szende et Kassai 2007, p. 308.
  27. Szende et Kassai 2007, p. 162.
  28. Grevisse et Goosse 2007, p. 1013.
  29. Eastwood 1994, p. 60.
  30. Avram 1997, p. 424.
  31. ErdƑs 2001, page D. Az egyszerƱ mondat « D. La phrase simple ».
  32. Delatour 2004, p. 114.
  33. Delatour 2004114.
  34. Eastwood 1994, p. 38.
  35. Eastwood 1994, p. 58.
  36. Avram 1997, p. 331.
  37. Moldovan 2001, p. 229.
  38. Jahić 2000, p. 442 (grammaire bosnienne).
  39. Barić 1997, p. 554.
  40. Čirgić 2010, p. 219.
  41. ErdƑs 2001, page 4. Az igei csoport « 4. Le groupe verbal ».
  42. Grevisse et Goosse 2007, p. 1014.
  43. Eastwood 1994, p. 59.
  44. Moldovan 2001, p. 308.
  45. Moldovan 2001, p. 94.
  46. Čirgić 2010, p. 273.
  47. Klajn 2005, p. 165.
  48. Szende et Kassai 2007, p. 309.
  49. ErdƑs 2001, page F. Az összetett mondat « F. La phrase complexe ».
  50. Delatour 2004, p. 111.
  51. Moldovan 2001, p. 301.
  52. Moldovan 2001, p. 334.
  53. Čirgić 2010, p. 288.
  54. Delatour 2004, p. 218.
  55. Moldovan 2001, p. 233.
  56. Jahić 2000, p. 367.
  57. Szende et Kassai 2007, p. 477.
  58. Avram 1997, p. 377.
  59. Moldovan 2001, p. 363.
  60. Moldovan 2001, p. 77.
  61. Barić 1997, p. 519.
  62. Klajn 2005, p. 227.

Sources bibliographiques

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