Datation de la Bible
La datation de la Bible consiste à déterminer la période de composition et de rédaction de chaque livre qui la compose, et si possible de chaque unité textuelle composant ces livres.
La Bible se présente comme une compilation de textes rédigés ou remaniés à différentes époques. La Bible hébraïque comprend trois parties, qui se sont constituées progressivement. Ce sont, de la plus ancienne à la plus récente : la Torah (תּוֹרָה, la Loi ou Pentateuque), les Nevi'im (נביאים, les Prophètes) et les Ketouvim (כתובים les Autres Écrits ou Hagiographes). À cette liste s'ajoutent les livres deutérocanoniques des catholiques et des orthodoxes ainsi que le Nouveau Testament, propre aux chrétiens.
Depuis le XIXe siècle, des fouilles archéologiques au Moyen-Orient ont fourni de nouveaux éléments sur le contexte dans lequel la Bible a pris forme. Ces découvertes permettent de mieux préciser l'histoire des royaumes d'Israël et de Juda, aidant à mieux comprendre la formation du texte biblique qui s'y inscrit. La tradition faisant de Moïse l'auteur de la Torah, de David l'auteur des Psaumes et de Salomon celui des Proverbes est ainsi démentie, et une nouvelle approche historique et critique s'opère, reposant sur une base plus historique et scientifique que proprement religieuse.
La datation des textes bibliques dépend de méthodes telles que la philologie, la paléographie, la comparaison avec d'autres textes antiques, et l'archéologie. Les dates de rédaction des textes de la Bible hébraïque sont parfois difficiles à établir, et certaines datations font l'objet de débats entre les spécialistes. La majorité d'entre eux s'accordent toutefois pour situer son écriture entre les VIIIe et IIe siècle av. J.-C., et celle du Nouveau Testament entre le milieu du Ier et le début du IIe siècle.
Le plus ancien objet sur lequel on retrouve un texte biblique est l'amulette de Ketef Hinnom, datée vers 600 av. J.-C. Le plus ancien manuscrit de la Bible hébraïque retrouvé à ce jour est probablement le fragment d'un rouleau des livres de Samuel, datant du milieu ou de la fin du IIIe siècle av. J.-C., et trouvé à Qumrân en Samarie. Le plus ancien texte du Nouveau Testament retrouvé à ce jour est le papyrus P52 de la bibliothèque Rylands, contenant un fragment de l’Évangile selon Jean, qui date de la première moitié du IIe siècle. Les plus anciennes versions relativement complètes des écrits vétérotestamentaires rédigés en grec qui nous sont parvenues sont deux copies de la Septante datées du IVe siècle : le Codex Sinaiticus et le Codex Vaticanus. Depuis qu'une partie du Codex d'Alep a été perdue en 1947, le plus ancien manuscrit complet du texte massorétique, qui sert de base aux éditions des Bibles modernes, est le Codex Leningradensis, datant du XIe siècle.
Méthodes de datation
Puisque aucun manuscrit original de la Bible n'est accessible de nos jours, la datation doit s'appuyer sur l'analyse du texte lui-même ainsi que du milieu dans lequel il a pris forme. Cette connaissance fait intervenir la critique philologique et l'analyse rédactionnelle, la comparaison avec d'autres textes antiques, la recherche de témoins textuels, et l'archéologie. Utilisées conjointement, ces techniques permettent de dresser un tableau plus ou moins complet de l'histoire du texte[1].
L'analyse critique confirme que la majorité des livres bibliques ne sont pas écrits de bout en bout par une seule main, mais subissent au contraire des réécritures plus ou moins importantes tout au long de leur histoire. Nombre d'entre eux sont donc construits comme des collections de traditions ou de fragments épars, ensuite regroupés et reliés pour former un tout cohérent. Ils peuvent être ensuite complétés, retravaillés et actualisés suivant les options ou nécessités théologiques du moment[1].
La découverte et le déchiffrage à la fin du XIXe siècle de textes akkadiens ressemblant étrangement aux récits bibliques[2], puis celle durant le XXe siècle des manuscrits de la mer Morte, ont modifié la vision traditionnelle de la Bible[3]. L'archéologie a, quant à elle, permis aux exégètes d'établir des hypothèses plus précises et plus sûres. Si les débats restent vifs sur quelques datations, les grandes lignes de l'histoire du texte paraissent désormais tracées[4].
Manuscrits les plus anciens
Les plus anciens ensembles de textes de la Bible hébraïque sont trouvés parmi les Manuscrits de la mer Morte, et sont datés entre le IIIe et le Ier siècle av. J.-C.[5], le chercheur Frank Moore Cross datant un petit fragment du livre de Samuel (4QSamb) de la fin du IIIe siècle[6]. Tous les livres du Tanakh, à l'exception du livre d'Esther, se trouvent dans la documentation de Qumrân, certains en plusieurs exemplaires, d'autres à l'état fragmentaire[7].
Parmi les plus anciens manuscrits grecs se trouvent des fragments du Lévitique et du Deutéronome de la Septante datant du IIe siècle av. J.-C., ainsi que des fragments de la Genèse, de l'Exode, des Nombres, et des petits prophètes datant du Ier siècle av. J.-C. Les manuscrits anciens relativement complets de la Septante sont, entre autres, le Codex Vaticanus (IVe siècle), le Codex Sinaiticus (IVe siècle) et le Codex Alexandrinus (Ve siècle)[N 1]. Ce sont les plus anciens manuscrits presque complets de l’Ancien Testament, toutes langues confondues. La Torah samaritaine, qui aurait vu le jour sous la dynastie hasmonéenne, est aussi un manuscrit biblique ancien[8]. Tout comme la Peshitta, cette dernière étant une traduction de la Bible chrétienne en syriaque achevée semble-t-il durant le IVe siècle[9].
Le texte massorétique de la Torah est considéré par la tradition comme assemblé au IVe siècle, mais les plus anciens manuscrits complets (ou presque complets) sont le Codex d'Alep (vers 920) et le Codex de Léningrad (1008)[N 2].
Historicité de la Bible
Remise en cause de la tradition
Durant des siècles, les lecteurs de la Bible la considèrent majoritairement comme la parole inspirée de Dieu, parole qu'Il aurait dictée à des sages, des prophètes ou des grands-prêtres israélites. Ainsi, la tradition attribue la rédaction du Pentateuque à Moïse ; les livres de Josué, des Juges et de Samuel sont alors considérés comme des archives sacrées recueillies par le prophète Samuel ; Jérémie est vu comme l'auteur des premier et deuxième livre des Rois, David comme celui des Psaumes, et Salomon comme celui des Proverbes et du Cantique des Cantiques. La Bible étant considérée comme d'origine divine, la véracité historique du récit n'est alors pas remise en cause[10]. Cette tradition remonte à l'Antiquité. Or, durant cette période, il est courant d'utiliser la pseudépigraphie, technique qui consiste à attribuer un texte récemment écrit à un illustre auteur, parfois disparu depuis longtemps ou même purement imaginaire. Il est désormais admis, dans les milieux académiques, que ce procédé prévaut également pour ce qui est de la tradition biblique. C'est ainsi que la tradition judéo-chrétienne attribue les livres de l'Ancien Testament à différents auteurs, comme il est énoncé ci-dessus[11].
La Bible est pendant longtemps le seul moyen d'accéder à l'histoire de l'ancien Israël[12]. À partir du XIXe siècle, l'archéologie dite « biblique » commence par s'intéresser uniquement à la confirmation du récit de la Bible, par des fouilles sur le terrain[13] - [14]. Toutefois, les progrès techniques aidant, les archéologues s'écartent de plus en plus de cette approche, comprenant que le texte biblique est écrit en grande partie bien après les évènements qu'il relate, et ce dans un but principalement théologique[15]. L'archéologie « biblique », qui prend la Bible comme point de repère pour chaque fouille et sert à interpréter chaque découverte, fait alors place à l'archéologie « palestinienne », pour laquelle la Bible est un texte parmi d'autres[16]. Les recherches historiques et archéologiques démontrent en effet que le texte biblique n'est pas toujours un témoignage historique fiable, notamment concernant les récits originels[17]. Albert de Pury résume cela en disant que « les récits des origines sont par définition mythiques [...], qu'ils aient ou non un fondement historique »[18].
Entre positions traditionalistes et minimalistes
Malgré ces considérations, d'autres ne sont pas prêts à renoncer si facilement à l'historicité de la Bible. C'est notamment le cas de l'égyptologue Kenneth Kitchen, qui défend l'idée d'un texte biblique historiquement vrai à partir de l'histoire d'Abraham[19]. Cependant, le professeur d'Ancien Testament John J. Collins affirme que l'étude de son travail montre qu'il s'agit de l’œuvre d'un apologiste. Pour appuyer cette affirmation, Collins cite par exemple le fait que Kitchen explique le manque de traces d'occupation de Jéricho au XIIIe siècle av. J.-C. par l'érosion du sol. Collins cite aussi le fait que la ville d'Aï ne présente pas de traces d'occupation, contrairement à ce que l'on pourrait attendre si le récit biblique était historiquement vrai, mais que Kitchen n'y voit pas de contradiction car, selon lui, des fouilles futures devraient montrer des traces d'occupation aux alentours. Malgré tout, Kitchen doit bien admettre qu'il n'existe aucune preuve de l'Exode, mais reste convaincu que la Bible est vraie tant que le contraire n'a pas été prouvé[20] - [21].
Une approche similaire est proposée par Iain Provan, Phillips Long et Tremper Longman dans leur livre A Bible History of Israel (Une histoire biblique d'Israël). Ces derniers voient l'histoire biblique comme un récit fiable, même s'ils admettent ne disposer d'aucune autre source que la Bible pour ce qui est plus ancien que l'installation en terre d'Israël. Cela ne les empêche pas de dater assez précisément l'histoire d'Abraham au milieu du XXIIe siècle av. J.-C. et de conclure que le récit biblique s'accorde assez bien avec ce qui est connu des sociétés anciennes comme celle de Mari[22]. Selon Collins, même s'ils utilisent la pensée critique pour remettre en cause les conclusions des spécialistes, ils ne le font que superficiellement, rejetant la conclusion de l'approche critique qui amène à douter de la fiabilité de toute connaissance historique, incluant celle que l'on veut a priori défendre[23].
À l'opposé de cette approche, les thèses « minimalistes » de Thomas L. Thompson et Niels Peter Lemche, de l'École de Copenhague, situent la Bible comme un livre écrit durant la période hellénistique[24]. L'idée de Thompson est que même si les détails fournis par le récit biblique en font un récit plausible, cela ne suffit pas pour rendre le récit historiquement fiable. Selon lui, les pratiques et coutumes qui y sont décrites sont communes à une grande variété de lieux et d'époques, et donc faire un rapprochement entre elles et les coutumes d'autres peuples antiques, comme celui de Nuzi, est trop aléatoire pour être déterminant. De plus, il affirme que certains des rapprochements faits par les tenants de l'historicité du texte, comme William Albright, sont tout simplement faux[25]. Selon Collins, les théories de Thompson sont si extrêmes qu'elles ne méritent pas d'être débattues[20]. William Dever les récuse aussi, les accusant d'être trop exagérées et révolutionnaires pour être vraies. Il fait de même pour celles de Lemche, qu'il qualifie de « révisionnistes »[26]. Malgré ces critiques, Megan Moore et Brad Kelle affirment que le travail de Thompson, associé à celui de John Van Seters, a permis de remettre en cause la datation parfois trop haute de la composition de l'histoire des patriarches[25].
La grande majorité des spécialistes se situent entre ces deux extrêmes[N 3]. La suite de cet article présente leurs théories.
Limites de l'oralité
Afin de sauver l'historicité du récit biblique, certains avancent l'idée qu'il aurait été transmis oralement pendant des dizaines de générations, sans modification notable du texte[N 4] - [27]. Depuis, les ethnologues et anthropologues modernes ont démontré que de longs récits épiques circulent pendant longtemps sous forme orale, comme l'Épopée du roi Gesar[28] avec plusieurs millions de mots, les Eddas scandinaves, les traditions des griots ouest-africaines, les légendes brésiliennes du Charlegmane[29], entre autres. En se basant sur des informations ethnographiques, la littérature comparée et l'histoire de la composition de la Mésopotamie, des spécialistes de la Bible tels qu'Eduard Nielsen ont démontré comment un texte oral peut être composé, transmis et finalement fixé sur la forme écrite. De toute évidence, il y a des variations à chaque représentation[30].
Pourtant, certains érudits bibliques soulignent les difficultés de transmettre un texte long et stable qui ne comporte presque aucune aide à la mémorisation, comme c'est le cas de la Bible, sur une grande période[31]. Cependant, cela n'empêche pas qu'une certaine tradition orale, en perpétuelle mutation, ait pu se transmettre sur quelques dizaines d'années ; c'est d'ailleurs vraisemblablement le cas pour la tradition évangélique du Nouveau Testament[32]. Mais pour ce qui est des récits de l’Ancien Testament, qui demanderaient une improbable transmission orale sur des siècles, l'historicité du texte dépend en grande partie de la capacité des scribes à coucher par écrit les faits qui le composent[27].
Apparition de l'écriture hébraïque
L'écriture paléo-hébraïque, celle des premiers israélites, dérive du phénicien. Dès le début du Ier millénaire av. J.-C., l'alphabet phénicien comporte vingt-deux lettres et se lit de droite à gauche, tout comme l'hébreu. Cependant, les spécialistes débattent encore pour fixer le moment précis à partir duquel le nouveau langage prend son indépendance sur l'ancien, permettant ainsi à Israël de constituer ses premières archives historiques[33].
Un tesson inscrit datant du Xe siècle av. J.-C., retrouvé en 2008 à Khirbet Qeiyafa, à l'ouest de la Judée, est un indice majeur dans ce débat. Cependant, les spécialistes sont partagés quant à l'interprétation à donner à cette découverte : certains y voient un exercice de scribe rédigé en hébreu, preuve selon eux qu'il existe déjà des pratiques scribales en Judée à l'époque de David ; d'autres y voient une liste de noms cananéens[33]. Quoi qu'il en soit, l'existence d'une documentation épigraphique dans la région israélite est attestée à partir du IXe siècle av. J.-C., même si celle qui est retrouvée à cette époque, outre quelques inscriptions funéraires, est essentiellement administrative et commerciale[34]. C'est à partir de là que le récit biblique commence de plus en plus à coïncider avec l'histoire réelle, même s'il contient encore des aspects légendaires et folkloriques, et reste orienté théologiquement[35].
Histoire de la formation de la Bible
De l'émergence au déclin du royaume d'Israël
Les historiens situent en général l'émergence du royaume d'Israël vers la fin du XIe siècle av. J.-C. ou au début du Xe siècle av. J.-C.[36]. Le « cantique de Déborah » contenu dans le livre des Juges[N 5], et que certains considèrent comme l'un des plus anciens textes de la Bible, retrace selon Mario Liverani l'un des plus anciens épisodes historiquement plausibles du texte biblique, à savoir la bataille de Tanak près de Megiddo, qui dépeint un affrontement entre plusieurs tribus de Galilée et du centre, et certaines cités cananéennes[37]. Il est toutefois largement accepté que, même s'il est indéniable que le livre des Juges contient des éléments textuels anciens, le livre dans son ensemble a été retravaillé et sa forme finale relève d'une construction idéologique plus tardive[38].
L'histoire du royaume d'Israël, et plus généralement de la région du Levant, est en grande partie couverte par les livres des Rois, même si ceux-ci sont écrits après les évènements, se basant sur des sources plus anciennes[39]. À partir du milieu du VIIIe siècle av. J.-C., l'impérialisme assyrien monte en puissance, ce qui a des conséquences désastreuses sur le royaume d'Israël, à tel point qu'en 722 av. J.-C. sa capitale, Samarie, est soumise, et le royaume disparaît[40]. Selon Mario Liverani, l'un des plus anciens récits prophétiques est peut-être celui d'Amos, qui prophétise la destruction d'Israël peu après le début de la conquête assyrienne dans la région[41]. Le livre est toutefois l'objet de tant de réécritures qu'il est difficile de différencier ce qui relève effectivement des paroles du prophète de ce qui a été ajouté plus tard[42]. C'est à cette époque que d'autres prophètes, comme Osée, Michée et l'Isaïe historique, écrivent les premiers textes de ce qui deviendra plus tard la Bible hébraïque[43].
Le royaume de Juda et l'Exil
La fin du royaume d'Israël permet au royaume de Juda, resté jusque-là dans l'ombre de son puissant voisin du Nord, de prendre de l'importance. Jérusalem, qui accueille alors l'élite du royaume israélite disparu, connaît une croissance et une prospérité sans précédent. La région s'alphabétise et le commerce est florissant[44] - [45] - [46]. Une trace importante de cette alphabétisation figure sur le plus ancien fragment découvert à ce jour d'un texte sur lequel figure un passage que l'on retrouve dans la Torah, qui est daté vers 600 av. J.-C. Il s'agit d'une amulette apotropaïque trouvée à Ketef Hinnom, où figure la même bénédiction sacerdotale que celle qui figure en Nombres 6 : 24 à 27[47].
Juda est sous domination assyrienne à partir de 750 av. J.-C. environ, et les rois judéens, contrairement à leur voisin du Nord, savent en grande majorité composer avec cette situation et préserver la « paix assyrienne »[N 6] - [48]. Vers 625 av. J.-C., l'empire assyrien se retrouve affaibli par les Babyloniens, et l'Égypte en profite alors pour reprendre un certain contrôle dans la région du Levant. Ce conflit entre empires rivaux donne une plus grande liberté d'action à Josias, alors roi de Juda, qui se lance dans une politique de reconquête des territoires perdus du Nord, ainsi que dans une réforme religieuse d'envergure. Cette réforme vise à rendre un culte exclusif au seul dieu Yahvé et à faire de Jérusalem le lieu privilégié de ce culte[49].
La Bible relate que Josias découvre dans le Temple de Jérusalem un « livre de la Loi » durant sa dix-huitième année de règne, que les historiens situent en 622 av. J.-C.[50] De nombreux savants identifient ce livre comme étant une partie du Deutéronome[51], et pensent plus probable que ce livre, au lieu d'avoir été simplement découvert, ait été plutôt écrit directement par l'entourage de Josias ou peu de temps avant son règne[52] - [53]. C'est d'ailleurs à partir de ce moment-là que commencerait l'écriture de l'« histoire deutéronomiste », incluant les livres allant du Deutéronome aux Rois. Ces livres sont ensuite révisés et complétés pendant des générations[54] - [55]. Certains spécialistes défendent l'idée d'une première édition du texte biblique sous le règne d'Ézéchias, concernant notamment les plus anciens textes prophétiques et une première mouture des textes historiographiques (Livres des Rois, voire certains récits de la Torah)[56] - [57]. Mais il est plutôt admis que le changement le plus important se produit sous le règne du roi Josias.
Selon plusieurs spécialistes, dont Shira Faigenbaum-Golovina et Israël Finkelstein, l'analyse d'ostraca découverts à Arad tend à montrer que le haut degré d'alphabétisation dans l'administration du royaume de Juda à la fin du VIIe siècle av. J.-C. fournissait un cadre possible à la compilation de textes bibliques comme les livres historiques, de celui de Josué à ceux des Rois[58].
Les ambitions de Josias sont brisées net en 609 av. J.-C., lorsqu'il est tué par le pharaon Nékao II, à la bataille de Megiddo[59] - [60]. S'ensuivent des années difficiles pour Juda, qui se trouve d'abord sous domination égyptienne pendant quelques années, puis rapidement sous domination babylonienne. Pensant pouvoir compter sur l'aide de l'Égypte, les Judéens se révoltent contre la nouvelle puissance babylonienne, mais ces révoltes sont vite matées, si bien qu'en 587 av. J.-C., Jérusalem et son temple sont détruits, et une partie de la population est emmenée en exil à Babylone[N 7].
C'est au contact de la civilisation babylonienne que se forge une grande partie de la Bible. En effet, les récits bibliques de la création du monde, du jardin d'Éden, du Déluge[61] et de la tour de Babel ont sans doute des origines babyloniennes[62]. De plus, une grande partie des livres des Rois et de Samuel sont empruntés à cette culture : même façon d'entrecroiser l'histoire de deux royaumes en une seule narration, même système de datation, mêmes formules funéraires, et même évaluation des rois comme bons ou mauvais suivant qu'ils honorent ou non le culte du dieu national[63] - [64].
À partir de l'Exil, des communautés judéennes se retrouvent non seulement en Babylonie, mais aussi en Judée – comprenant celles qui sont restées sur place –, ainsi qu'en Égypte où une partie de la population s'est réfugiée[65]. C'est autour de l'Exil que les prophètes Ézéchiel, le Deutéro-Isaïe et Jérémie, entre autres, s'interrogent sur certaines questions cruciales comme celles concernant le culte exclusif à un seul Dieu, l'éthique religieuse en remplacement du culte rituel, ou encore l'importance de la responsabilité individuelle par rapport à la responsabilité collective[66].
Époque perse
En 539 av. J.-C., Babylone tombe devant Cyrus[67]. Le retour d'exil a lieu peu après, et il est suivi quelques années plus tard par la reconstruction du temple[68] - [69]. Cette période est couverte par les livres d'Esdras et de Néhémie, qui fournissent des listes établissant qu'un total de 42 360 personnes revient au pays. Même si certains détails de ces listes peuvent être authentiques, la fiabilité du total est douteuse[70], car au lieu d'observer un retour massif d'exilés, l'archéologie montre plutôt que le pays se dépeuple progressivement à partir de la fin de l'époque monarchique, au début du VIe siècle av. J.-C., et que ce dépeuplement continue après la période supposée du retour d'exil[71] - [N 8]. De même, l'épisode de la reconstruction du Temple est sujet à des explications diverses et contradictoires, suivant les livres bibliques qui en parlent[72].
L'époque perse de la dynastie des Achéménides, entre 538 et 330 av. J.-C., voit grandir le pouvoir du grand-prêtre, qui officie à Jérusalem. Dès la fin de la reconstruction du Temple en 515, ce sont les grands-prêtres qui prennent la tête de la communauté juive[73]. Les livres bibliques datant de cette époque, comme celui d'Aggée et probablement celui de Zacharie, montrent indirectement l'importance grandissante de cette fonction, préfigurée de manière anachronique par Josué, au détriment de celle de gouverneur[74] - [75]. D'ailleurs, l'autorité du temple de Jérusalem est ensuite largement reconnue, que ce soit à Béthel ou chez la communauté juive d'Éléphantine, en Égypte[76].
L'importance que prend le Temple de Jérusalem s'opère aux dépens des samaritains, dont certains peuplent encore l'ancien royaume du Nord. Ceux-ci voient d'un mauvais œil le fait que l'histoire biblique soit réécrite dans une perspective essentiellement judéenne, qui plus est dans une optique plutôt critique envers leurs rois. C'est la raison pour laquelle ils rejettent progressivement, à partir de la fin du Ve siècle av. J.-C., la version judéenne de la Bible, et rendent un culte à Yahvé dans leur propre temple à Sichem, sur le mont Garizim. Bien plus tard, ils éditeront leur propre version de la Torah[77].
C'est vraisemblablement à partir de là que les rédacteurs sacerdotaux mettent une grande partie du livre de la Genèse, comprenant le « mythe des Patriarches »[78] - [79] et probablement l'histoire de Joseph, sous une forme proche de celle connue aujourd'hui[80] - [81]. Le livre de l'Exode, se basant sur l'idée qu'Israël s'est affranchi de l'influence égyptienne au début de son histoire, est écrit comme faisant écho au retour d'exil[82]. De même, le récit du livre de Josué concernant la conquête, dont la base est écrite sous Josias, est probablement complété après le retour d'exil, et ce afin de justifier l'installation des rapatriés dans un pays qui n'a jamais vraiment cessé d'être habité[83]. Selon Mario Liverani, une datation tardive est nécessaire pour expliquer les divers anachronismes et incongruités qui peuplent le récit, comme les listes des peuples soi-disant conquis par Josué, mais qui n'existent pas en Canaan à l'époque où se situe le texte, et dont certains sont même de pures inventions[84]. De même, il semble qu'une grande partie du livre des Juges est écrite alors, c'est-à-dire après que la Judée se fut retrouvée, durant près d'un siècle, sans autorité politique formelle[85] - [86].
Les livres d'Esdras et de Néhémie, dont l'action se situe vers la fin du Ve siècle av. J.-C. ou au début du IVe siècle av. J.-C., brossent un tableau idyllique d'une concertation harmonieuse entre les rôles de grand-prêtre et de gouverneur[N 9] - [87]. Cependant, l'avènement d'Esdras comme scribe et prêtre, en 398 av. J.-C.[88], marque un tournant dans la conception du pouvoir, car c'est à partir de là que la « Loi de Dieu » est désormais interprétée exclusivement par le grand-prêtre, et qu'elle prend le pas sur toute autre loi ou gouvernement humain[89]. D'ailleurs, cette Loi qui est traditionnellement attribuée à la figure fondatrice de Moïse, est d'une conception relativement tardive qui n'est bouclée qu'à l'époque d'Esdras[90]. Selon Mario Liverani, 95 % du corpus législatif et rituel de la Bible, contenu principalement dans le Lévitique mais aussi dans d'autres livres de la Torah comme le Deutéronome, est écrit après l'Exil[91].
Des débats agitent la communauté juive de retour d'exil, qui cherche son identité. Tout d'abord, la législation sociale qui est proposée présente un modèle utopique, où les dettes sont régulièrement effacées et les esclaves affranchis. La plupart des historiens peinent à croire que ce modèle ait réellement été appliqué[92]. Ensuite, le problème des mariages mixtes, dénoncé avec plus ou moins de force dans toute la Bible, refait surface. La communauté sacerdotale ayant pris le pouvoir, l'idéal de pureté de race et de religion est mis en avant, et les prêtres, dont Esdras, vont jusqu'à inciter la population à répudier les femmes étrangères et les enfants naissant de ces unions. Bien que Malachie dénonce ces mesures dans son livre, et que le Trito-Isaïe incite à une certaine ouverture envers les étrangers, une partie de la communauté continue de se renfermer sur elle-même[93]. Enfin, l'idéal de pureté, qui s'est affirmé en exil, incite à observer plus que jamais des rites comme la circoncision, le sabbat et les fêtes nationales, ainsi que les nombreux interdits alimentaires et règles d'hygiène corporelle, qui apparaissent ou s'affirment durant cette période[94].
Marc-Alain Ouaknin fait l'hypothèse que les « onze premiers chapitres pourraient être en fait les traces de manuels scolaires babyloniens. Ceux-ci devaient se présenter sous une forme semblable, ils compilaient des mythes de création et donnaient ainsi des exemples pour diverses matières scolaires. Quand la Genèse retrace la généalogie des ancêtres d’Israël, il s’agit de faire pratiquer aux élèves des calculs algébriques, additions, soustractions, multiplications et divisions, à partir des âges des patriarches, d’Adam à Abraham. Quand elle décrit les dimensions de l’Arche, le but est de proposer un exercice de géométrie. Et quand elle raconte le périple des enfants de Noé et mentionne les cités et les royaumes du Proche-Orient, c’est un cours de géographie. Enfin, avec la Tour de Babel, le livre présente l’histoire des langues, la complexité de leur naissance et de leurs diversifications ! »[95]
Époque hellénistique
À la suite de la victoire d'Alexandre le Grand à la bataille d'Issos en 333 av. J.-C., la Judée tombe sous la domination des Grecs[96]. Cette victoire est suivie par d'autres, si bien que toute la Méditerranée orientale est rapidement conquise par Alexandre. Commence alors pour la Judée et la diaspora d'Égypte, située principalement à Alexandrie, une période d'hellénisation progressive, même si les juifs gardent une certaine autonomie dans le nouvel empire[97]. Dans cette situation, le rôle du grand-prêtre de Jérusalem devient de plus en plus important : il est désormais responsable de la collecte des taxes et du tribut, et représente le peuple auprès de la cour d'Alexandrie. Cependant, son pouvoir est contrebalancé par le Conseil des anciens, qui se transforme vers 200 av. J.-C. en une puissante institution : le Sanhédrin[98]. Au IIIe siècle av. J.-C., la diaspora constituée en Égypte se réunit dans des « maisons de prières » - les futures synagogues - où elle prie et étudie la liturgie éditée par le Temple de Jérusalem. Entre 282 et 246 av. J.-C., sous l'impulsion de Ptolémée II et en accord avec les juifs, la Torah est traduite en grec[99]. S'ensuit la traduction des Prophètes, qui est achevée vers le milieu du IIe siècle av. J.-C.[100], puis s'ajoutent à ce corpus, appelé plus tard la Septante, les Écrits et d'autres textes rédigés directement en grec[101].
C'est dans ces conditions qu'une collection de textes faisant autorité voit le jour. Au début du IIe siècle av. J.-C., elle est composée du Pentateuque, des Prophètes et de certains des futurs Hagiographes. Ne manquent alors à cette liste que les livres de Daniel, d'Esdras-Néhémie, et le livre d'Esther. Il ne s'agit toutefois pas encore d'un canon au sens propre car, comme le fait remarquer Arnaud Sérandour, « le texte de chacun de ces livres demeure fluctuant et comporte des variantes considérables, quantitatives et qualitatives d'un manuscrit à l'autre ». Malgré cela, l'écriture est de plus en plus considérée comme « sainte » et prend une place grandissante dans le culte[102]. Au tout début du IIe siècle av. J.-C., la Judée passe d'une domination ptolémaïque à celle des Séleucides. L'hellénisation de la région se poursuit encore, encouragée au début par une grande partie de l'élite juive. Cependant, deux camps se font rapidement face : d'une part ceux qui désirent poursuivre une politique d'intégration à l'empire, et d'autre part ceux qui veulent sauvegarder à tout prix la tradition scripturaire[103]. La situation tourne au conflit lors de la crise maccabéenne, qui fait rage de 174 à 152 av. J.-C. Un nouveau genre littéraire apparaît avec la révolte : l'apocalyptique, dont le livre de Daniel est le représentant canonique. Les thèmes de la venue prochaine d'un Messie et de la fin du monde se développent au sein de cette littérature[104].
Un nouvel État émerge du chaos provoqué par la révolte : l'État hasmonéen. Bien qu'il revendique et obtienne assez tôt une certaine indépendance, ce nouvel État doit faire face à la rivalité de ses voisins et à des oppositions internes. Flavius Josèphe explique que les trois « écoles de pensée » que sont les pharisiens, les sadducéens et les esséniens, seraient apparues dès le début de son avènement[N 10], mais les différents mouvements de pensée juive semblent plutôt apparaître d'une manière progressive mal définie, à l'époque des Maccabées et des Hasmonéens, en réaction aux heurts qui traversent la période[105]. Le nationalisme judéen est alors à son comble, ce qui se reflète dans les deux premiers livres des Maccabées, ainsi que dans les livres de Judith et d'Esther, tous écrits ou remaniés durant le IIe siècle av. J.-C.[106].
Époque romaine
En 63 av. J.-C., Pompée arrive en Judée et prend Jérusalem[107]. C'en est fini de l'État hasmonéen indépendant, même s'il ne disparaît qu'en 41 av. J.-C., lorsqu'Hérode est nommé roi de la région. Hérode donne une nouvelle splendeur au Temple de Jérusalem, mais remet en cause son fonctionnement et se mêle de politique intérieure, ce qui ne lui sera pas pardonné par la communauté juive. Le livre de la « Sagesse de Salomon », écrit du temps d'Hérode, marque un tournant dans la pensée juive, puisqu'il présente pour la première fois les notions d'immortalité et d'incorruptibilité des justes malgré la mort[108]. Le joug romain est de plus en plus écrasant pour une partie des juifs au Ier siècle, si bien qu'une importante révolte éclate à partir de 66[109]. Elle est matée dans le sang quatre ans plus tard, et le Temple de Jérusalem est détruit. D'autres révoltes suivent jusqu'en 135 et les conséquences sont désastreuses pour les habitants de Judée et de Samarie, qui doivent fuir la répression qui s'ensuit. La littérature qui est alors produite, comme les apocalypses de Baruch[N 11], met l'accent sur les attentes messianiques et eschatologiques caractéristiques de cette époque troublée[110].
Au début du Ier siècle, un juif nommé Jésus se fait connaître en Judée comme prêcheur de l'avènement imminent du « Royaume de Dieu », mais aussi comme exorciste et thaumaturge[111]. Vers l'an 30, il est arrêté puis mis à mort, mais ses disciples, qui pour la plupart se trouvent à Jérusalem, annoncent alors sa résurrection d'entre les morts[112]. De cette annonce naît entre 50[N 12] et 130[N 13] une littérature centrée sur les gestes et les paroles de Jésus, mais aussi sur celles des communautés qui suivent ses enseignements et qui recevront plus tard le nom de « chrétiens »[113]. Une partie de cette littérature est organisée sous forme canonique au IVe siècle et connue désormais sous le nom de Nouveau Testament[114].
Une version particulière du Tanakh semble s'imposer dans les synagogues vers la fin du Ier siècle, à l'exception des communautés samaritaines, qui gardent leur propre édition de la Torah. Ce texte peut être qualifié de « protomassorétique », car ses caractéristiques propres, particularités orthographiques et erreurs de scribes, se retrouvent ensuite dans le texte massorétique lui-même[115]. Au IIe siècle, la Bible est traduite en syriaque, se basant pour l'Ancien Testament en partie sur la version hébraïque et en partie sur la Septante en grec, et traduisant le Nouveau Testament du grec. Ce texte reçoit le nom de Peshitta (la « Simple »). À peu près au même moment, une traduction en latin basée sur la Septante voit le jour : la « Vieille Latine » (Vetus Latina). Elle est suivie au début du Ve siècle par une autre traduction en latin : la Vulgate, qui s'impose jusqu'au Moyen Âge[116] - [117].
Collections canoniques et variantes textuelles
Comme pour tout autre écrit de l'Antiquité, aucun des textes originaux de la Bible n'a été retrouvé à ce jour[118] - [119]. La notion même de texte « original » n'a pas vraiment de sens, puisque la Bible se distingue dès sa formation par une pluralité de formes[120]. Par exemple, le canon de la Bible hébraïque du judaïsme rabbinique, le texte massorétique, n'est pas le même que le canon de la Bible grecque des Églises d'Orient et d'Occident, la Septante[121]. De plus, l'édition samaritaine du Pentateuque n'a pas le même texte que le Pentateuque massorétique, et les manuscrits de la mer Morte démontrent concrètement, de par leurs divergences textuelles, que le texte biblique est l'objet de plusieurs rééditions, qui peuvent parfois apporter des changements importants[122]. Il existe aussi une très grande pluralité de canons dans les Églises d'Orient, tels que les anciens testaments orthodoxes, syriaques, araméens et éthiopiens, qui ont tous retenu des livres différents[123].
En plus des choix divergents concernant le nom des livres qui sont retenus dans les différents canons, il existe aussi plusieurs variantes textuelles à l'intérieur d'un même livre. Certaines sont dues soit à des erreurs de copistes, soit à des réécritures intentionnelles pour des raisons linguistiques, exégétiques ou théologiques. Cela a plus ou moins altéré les écrits au cours des siècles[124].
La Torah seule compte plus de 4 000 « lieux variants »[N 14], une grande partie d'entre eux affectant le sens du texte[120]. Des variantes sont aussi présentes dans d'autres livres comme celui de Josué, qui est plus court d'environ 4 à 5 % dans la Septante que dans le texte massorétique, et dont certains récits, comme le chapitre 6, sont très différents entre ces deux canons[N 15] - [125]. Un autre exemple est celui du livre de Jérémie, qui est organisé différemment dans le texte massorétique par rapport à celui de la Septante, où il est d'ailleurs plus court d'un huitième. De plus, le fait que l'arrangement du livre de Jérémie de la Septante se retrouve dans certains manuscrits de Qumran montre que ces divergences avec le texte massorétique ne sont pas dues à une décision des traducteurs grecs[126]. D'ailleurs, les textes canoniques eux-mêmes ne sont pas à l'abri de modifications textuelles, comme le montre l'exemple de Deutéronome 32, 8 où « fils de Dieu » est corrigé en « fils d'Israël » entre le IIe et le Ier siècle av. J.-C.[N 16] - [127].
Le texte de la Septante est différent du texte de la Bible hébraïque, à la fois sur la forme et sur le sens. En effet, il comporte des textes supplémentaires qui n'ont pas été retenus par le canon hébraïque, mais aussi certains termes qui ont été modifiés lors de la traduction. L'exemple le plus flagrant est peut-être que les divers noms utilisés pour Dieu, comme YHWH, El, Elohim, El Shadday, etc. sont remplacés en grec par des formes plus banales, comme theos (« dieu »), kurios (« maître ») ou pantokratôr (« tout-puissant »)[128]. Afin d'essayer de l'aligner sur le texte hébraïque, qui est régulièrement actualisé, plusieurs révisions de la Septante sont opérées. Trois sont restées fameuses : celle de Théodotion, qui a eu lieu vraisemblablement à la fin du IIe siècle, celle d'Aquila de Sinope, vers 125, et celle de Symmaque l'Ébionite, à la fin du IIe siècle av. J.-C.[129] - [130].
Malgré ces différences, la traduction de la Septante est d'abord considérée par les Sages du Talmud comme une œuvre inspirée, et elle est utilisée par la communauté juive d'expression grecque. Cette situation prévaut jusqu'à ce que la communauté chrétienne se l'approprie et en fasse son Ancien Testament, au début du IIe siècle. La communauté juive rejette alors progressivement le texte grec, et en revient à considérer l'« hébreu carré » comme la seule langue acceptable pour la Bible hébraïque[131] - [132].
Le Nouveau Testament contient lui aussi certaines variantes textuelles. Il existe cinq différentes finales de l’évangile selon Marc[133], et plus de six cents variantes entre le texte alexandrin et le texte occidental des Actes des Apôtres[134]. En tout, les spécialistes dénombrent plus de 200 000 variantes rien que dans le Nouveau Testament[135]. Ces variations montrent que la Bible n'est pas une œuvre totalement figée, mais que son texte reste en évolution au-delà de la période de sa « datation », qui est celle de sa première diffusion sous une forme très proche de celle connue aujourd'hui.
Tanakh
La Bible hébraïque est désignée par les Juifs par le mot Tanakh, qui est un acronyme de ses trois parties : la Torah, les Nevi'im et les Ketouvim. Au IIe siècle, cette Bible juive devient, dans sa version grecque de la Septante[136], l’Ancien Testament des chrétiens[137].
De la théorie d'une rédaction par Moïse à l'hypothèse documentaire
Si le texte du Pentateuque est anonyme et sans signature d'un auteur identifiable, les traditions juives et chrétiennes[N 17] se sont fondées sur les nombreux textes législatifs attribués à Moïse pour en faire l'auteur de l'entièreté des cinq livres[138]. Philon d'Alexandrie[139] et Flavius Josèphe[140] lui attribuent même la rédaction de sa propre mort[141]. Cette idée d'une rédaction mosaïque sous la dictée de Dieu restera quasiment unanime durant des siècles[138] - [10]. Les rabbins sont amenés pour leur part à attribuer au patriarche, outre cette « Torah écrite », la « Torah orale » que constituent les commentaires de la Loi codifiés dans la Mishna[142]. C'est ainsi d'abord essentiellement la Loi qui est attribuée à Moïse puis, à partir de la période post-biblique, l'ensemble du Pentateuque, amenant à désigner ce dernier comme « les cinq livres de Moïse »[142], pour une situation qui prévaut généralement jusqu'au XVIIIe siècle[138].
Néanmoins, dès le Moyen Âge, différents anachronismes, apories et ruptures dans la logique littéraire amènent certains érudits et philosophes, tels que Isaac ibn Yashush puis Abraham ibn Ezra au XIIe siècle, à dresser des listes de « post-mosaica », des textes ou éléments rédigés après l'époque mosaïque, sans remettre pour autant en cause la tradition reçue[143]. Cependant le premier à rejeter l'idée que Moïse a écrit les cinq livres est Andreas Bodenstein (1486-1541)[N 18], un théologien protestant qui examine aussi dans son ouvrage la possibilité qu'Esdras soit le véritable auteur du Pentateuque pour finalement la repousser[144]. Moins de deux siècles plus tard, Baruch Spinoza souligne quant à lui, dans son Traité théologico-politique, l'unité organique entre la Torah et les livres « historiques », de Josué aux Rois, et en attribue la rédaction à Esdras[145] - [143] - [146].
Au XVIIIe siècle, sous l'impulsion de Jean Astruc[N 19], qui poursuit encore une visée apologétique[N 20], naît alors l'idée que le texte de la Torah serait la compilation de plusieurs documents différents[147] - [148]. La théorie dite « documentaire »[149] qui en découle est développée au XIXe siècle par l'exégète Julius Wellhausen, qui propose un modèle selon lequel la Torah serait le résultat de trois ou quatre sources indépendantes rédigées entre le VIIIe et le début du Ve siècle av. J.-C.[150]. Cette théorie connaît un succès grandissant[151] si bien que dans les années 1960 il existe un consensus exégétique sur les quatre sources constitutives du Pentateuque. À cette époque, il est courant d'affirmer que les cinq premiers livres de la Bible sont le résultat d'une compilation de quatre documents indépendants : le Jahviste, l’Élohiste, le Deuteronomiste et la source sacerdotale, qui sont composés entre 930 et 550 av. J.-C.[152] - [153].
Remise en cause de l'hypothèse documentaire
Malgré le consensus, certains spécialistes ont toujours contesté certains aspects de l'hypothèse documentaire. Cependant, ce n'est véritablement qu'à partir des années 1970 que des théories concurrentes sont mises en avant afin de résoudre une série de problèmes, ce qui fait voler en éclats le consensus exégétique. Tout d'abord, des travaux remettent en cause la datation des textes situés à l'époque prémonarchique, comme les traditions sur Abraham, qui est repoussée jusqu'à la période de l'Exil babylonien. Ensuite, des textes auparavant attribués aux courants jahviste (J) ou élohiste (E) sont désormais attribués à l'école deutéronomique et datés aux alentours du VIIe siècle av. J.-C. Enfin, l'accent est mis sur le fait que la distinction entre les sources J et E est très floue, et que leur datation est de ce fait assez hasardeuse. Toutes ces raisons font que la théorie documentaire est fortement remise en cause, et que des théories concurrentes sont alors proposées[154] - [155].
La « théorie des compléments », développée entre autres par John Van Seters[156], défend l'idée que la Torah serait principalement le travail d'un éditeur (ou d'un groupe d'éditeurs), qui aurait collecté et enrichi une multitude de textes déjà existants[147]. La « théorie des fragments », qui est quant à elle défendue par Rolf Rendtorff[157], part de l'idée qu'à l'origine se trouvaient plusieurs textes épars et isolés, et que ces fragments auraient ensuite été collectés graduellement et rassemblés en un seul texte par les rédacteurs de la Torah[147]. Malgré leurs différences, ces deux théories s'accordent sur le rôle charnière de l'Exil, qui a eu lieu au VIe siècle, pour ce qui est de la formation et de la composition du Pentateuque[158].
Depuis la fin des années 1990 et durant les années 2000, les chercheurs mettent surtout en avant l'idée que l'essentiel des textes du Pentateuque, ainsi que les quelques livres qui le suivent comme Josué ou Juges, ont certainement été compilés à l'époque perse, c'est-à-dire entre le Ve et le IVe siècle[159]. Selon cette théorie, les derniers rédacteurs de la Torah ont joué un rôle important sur la forme finale du texte. Même s'ils se basaient sur des documents plus anciens, ils les ont retravaillés et compilés suivant un projet théologique bien précis[160].
Au début du XXIe siècle, aucun consensus exégétique ne s'est encore réalisé depuis l'effondrement de la théorie documentaire, qui conserve cependant de nombreux adeptes. Avec cette dernière cohabitent désormais d'autres approches[N 21] sans que l'on puisse dire quelles sont les positions majoritaires au sein de la recherche[161]. Malgré leurs divergences, les chercheurs s'accordent sur le fait que l'achèvement de la Torah a eu lieu au plus tard vers le début du IIIe siècle av. J.-C.[162].
Datation
Livres de la Torah |
Datation usuelle |
---|---|
Genèse | Début de rédaction vers la fin du VIIIe siècle av. J.-C., puis ajouts et retouches du texte jusqu'au IIIe siècle av. J.-C.[163] |
Exode | Certains récits de l'Exode remontent au VIIIe siècle av. J.-C. Ces textes sont retravaillés et complétés à partir du VIe siècle av. J.-C.[164] |
Lévitique | Ve siècle av. J.-C., se basant sur des sources plus anciennes[165] |
Nombres | Certains récits des Nombres remontent au VIIIe siècle av. J.-C. Ces textes sont retravaillés et complétés à partir du VIe siècle av. J.-C.[166] |
Deutéronome | Les lois deutéronomiques peuvent remonter jusqu'à la fin du VIIIe siècle av. J.-C. Celles-ci sont ensuite intégrées dans l'ensemble Deutéronomiste à partir du règne de Josias (VIIe siècle av. J.-C.)[167] |
Nevi'im
Traditionnellement, les Juifs découpent les Nevi'im en deux groupes de livres : les « Prophètes antérieurs » comprenant les livres de Josué, Juges, Samuel et les Rois, et les « Prophètes postérieurs » comprenant Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et les livres des douze « petits prophètes »[168]. Les spécialistes estiment en général que le corpus des Nevi'im est achevé vers 200 av. J.-C.[169].
Prophètes antérieurs
En 1670, le philosophe Baruch Spinoza est l'un des premiers à constater que l'histoire contenue dans les « Prophètes antérieurs » s'inscrit en continuité avec celle des livres du Pentateuque. Ainsi, le texte allant du début de la Genèse à la fin de 2 Rois est selon lui une seule grande œuvre historique[170].
Cette idée est reprise au XIXe siècle par Heinrich Ewald, qui distingue deux éditions de type deutéronomiste dans ce récit[170]. Il faut cependant attendre les travaux de Martin Noth en 1943 pour que la thèse d'une « histoire deutéronomiste » ou « deutéronomique »[N 22] prenne véritablement corps. Noth remarque de nombreuses similitudes de style et de thèmes entre le Deutéronome et les « Prophètes antérieurs », et émet l'idée que le Deutéronomiste aurait « construit une présentation du passé d'Israël qui obéit à une théologie de l'histoire parfaitement cohérente »[171]. Malgré quelques contestations, cette théorie s'impose jusque dans les années 1960[172]. D'autres modèles voient alors le jour, avec des variations plus ou moins importantes sur le nombre de rédacteurs deutéronomistes et l'importance de leurs travaux respectifs, jusqu'à ce qu'en 1975, Siegfried Mittmann conteste l'idée même que les livres du Deutéronome à 2 Rois constituent une œuvre cohérente[173].
À partir du moment où l'idée de Noth est remise en cause, de nombreuses théories apparaissent[174]. Malgré leurs divergences, les spécialistes s'accordent toutefois sur plusieurs points[175] :
- les Deutéronomistes intègrent des documents plus anciens dans leur histoire ;
- le style et la théologie deutéronomistes sont fortement influencés par les traités assyriens ;
- l'Exil babylonien est la période charnière durant laquelle se construit l'histoire deutéronomiste ;
- et enfin, l'histoire deutéronomiste a été révisée durant l'époque perse.
Livres des Nevi'im |
Datation usuelle |
---|---|
Josué | Début de rédaction au VIIe siècle av. J.-C. sous Josias. Ajouts et retouches du texte jusqu'au IIe siècle av. J.-C.[83] |
Juges | Compilation au IVe siècle av. J.-C. de textes plus anciens (du VIIIe au VIe siècle av. J.-C.)[176] |
1 et 2 Samuel | Vraisemblablement, début de rédaction à partir du VIe siècle av. J.-C. par l'école deutéronomiste, puis compilation probablement au Ve siècle av. J.-C.[177] |
1 et 2 Rois | Début de rédaction peut-être dès la fin du VIIIe siècle av. J.-C., rédaction importante durant le VIe siècle av. J.-C. Fin de la compilation du texte massorétique vers 200 av. J.-C.[178] - [179] |
Prophètes postérieurs
Jusqu'au début du XXe siècle, l'exégèse des « Prophètes postérieurs » consiste principalement à distinguer ce qui est réellement prononcé par le Prophète de ce qui est ajouté par la suite[180]. Cependant, à partir de la première moitié du XXe siècle, ce n'est plus seulement l'authenticité des paroles prophétiques qui intéresse les exégètes, mais bien l'histoire complète de la rédaction des livres. Ils s'aperçoivent alors que les textes ont été remaniés au cours du temps par des scribes qui, eux-mêmes, se voient comme des prophètes de leur temps. L'importance du travail des scribes est telle que certaines parties des textes — et même des textes entiers comme probablement les livres de Jonas ou de Malachie — voient le jour sous leurs plumes[181].
Ainsi, le corpus des douze « petits Prophètes » tout entier n'est pas seulement une simple compilation de textes déjà achevés, mais semble bien être retravaillé par les scribes, et cela dans son ensemble. En effet, certains passages se retrouvent pratiquement à l'identique chez plusieurs prophètes, et certains mots établissent des liens entre les divers livres[182].
Livres des Nevi'im |
Datation usuelle |
---|---|
Isaïe | Trois auteurs principaux et un processus d'édition extensif[183] - [184] : Isaïe 1-39 : Isaïe « historique » (Proto-Isaïe) avec plusieurs couches d'édition VIIIe – VIe siècle av. J.-C. |
Jérémie | Début de rédaction probablement à la fin VIIe complétée ensuite jusqu'au IIIe siècle av. J.-C.[185] |
Ézéchiel | Début de rédaction au début du VIe puis édition et remaniement du texte jusqu'au IIIe siècle av. J.-C.[186] |
Osée | Première rédaction au VIIIe puis ajouts au VIIe siècle av. J.-C. sous Josias. Révision totale du livre au VIe siècle av. J.-C. à la suite de la destruction de Jérusalem, puis ajouts mineurs au Ve siècle av. J.-C.[187] |
Joël | Datation difficile. Bien qu'une datation haute à partir du VIIe siècle av. J.-C. ait été proposée[188], la majorité des exégètes optent pour une rédaction entre le Ve et le IIIe siècle av. J.-C.[189] |
Amos | Début de rédaction au VIIIe puis remaniements jusqu'au VIe siècle av. J.-C.[42] |
Abdias | Difficile à dater précisément. Les spécialistes hésitent entre le VIIIe et le Ve siècle av. J.-C.[190] |
Jonas | Probablement vers le IIIe siècle av. J.-C.[191], même si certaines datations le font remonter au Ve siècle av. J.-C.[192] |
Michée | Première partie écrite à la fin du VIIIe puis texte complété jusque vers le Ve siècle av. J.-C.[193] |
Nahum | VIIIe – VIIe siècle av. J.-C. Éventuelle modification du texte au Ve siècle av. J.-C.[194] |
Habacuc | Fin du VIIe - début du VIe siècle av. J.-C.[195] |
Sophonie | Fin du VIIe siècle av. J.-C. Possibles retouches ultérieures à la fin du VIe siècle av. J.-C.[196] |
Aggée | Fin du VIe siècle av. J.-C.[197] |
Zacharie | Deux ou trois auteurs principaux et un processus d'édition extensif[198] : Zacharie 1-8 : Proto-Zacharie. Hésitation des spécialistes, qui le situent entre le VIe et le IIIe siècle av. J.-C. |
Malachie | Probablement au milieu du Ve siècle av. J.-C.[199] |
Ketouvim
Les Ketouvim constituent la troisième et dernière partie du Tanakh, et ne sont établis définitivement qu'au début du IIe siècle. Ils sont de styles et de natures très différents, et Thomas Römer estime qu'ils « constituent en quelque sorte un véritable condensé de la littérature juive de l'époque hellénistique »[200].
Parmi eux se retrouvent des livres de sagesse (Proverbes, Job et Ecclésiaste) qui s'inspirent grandement de la littérature sapientiale des voisins de Juda, à savoir la Mésopotamie, Ougarit et l'Égypte[201]. Ainsi, il semble illusoire de chercher dans ces textes les spécificités de la sagesse hébraïque, la seule différence frappante étant la perspective monothéiste et yahwiste des textes bibliques[202].
Livre des Ketuvim | Datation usuelle |
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Psaumes | Datation largement débattue. Les spécialistes s'accordent cependant à dire que les psaumes 3-41 sont les plus anciens, et que les psaumes 120-150 ont été ajoutés en dernier. Le livre a semble-t-il été commencé durant l'Exil à Babylone au VIe siècle av. J.-C., puis complété jusqu'au IIe siècle av. J.-C., voire au-delà[203]. |
Job | Entre le VIe et le début du IVe siècle av. J.-C.[204] - [192] |
Proverbes | Avant l'Exil (VIe siècle av. J.-C.) commence la collecte et l'agencement de proverbes plus anciens. Cette tâche se poursuit jusqu'au IVe siècle av. J.-C.[205] |
Ruth | Datation difficile. Les spécialistes débattent dans une fourchette comprise entre le VIIIe et le IIe siècle av. J.-C.[206] |
Cantique des Cantiques | Datation difficile. La rédaction ne semble pas devoir remonter au-delà du Ve siècle av. J.-C., avec des éléments en faveur d'une composition, sur base de chants d'amours préexistants, au IIIe siècle av. J.-C. avec des ajouts au cours des deux siècles suivants[N 23] - [207]. |
Ecclésiaste / Qohélet |
Entre le Ve et le IIe siècle av. J.-C.[208] |
Lamentations | Entre le VIe et le Ve siècle av. J.-C.[209] |
Esther | Hésitations des spécialistes entre le IVe et le IIe siècle av. J.-C.[210] |
Daniel | Début de rédaction des chapitres 4 à 6 au IVe siècle av. J.-C., puis ajouts jusqu'à arriver à la forme finale durant la crise maccabéenne (IIe siècle av. J.-C.)[211]. |
Esdras-Néhémie | Début de rédaction probable au Ve siècle av. J.-C. par Esdras, puis ajouts ultérieurs[212], et compilation à la fin du IVe ou au début du IIIe siècle av. J.-C.[213] |
Chroniques | Datation très débattue, avec des propositions allant du VIe au IIe siècle av. J.-C. Le texte est basé sur des sources plus anciennes, dont le texte biblique lui-même[214]. |
Livres deutérocanoniques
Les livres deutérocanoniques proviennent de la traduction grecque de la Septante. Ils sont considérés par l'Église catholique et l'Église orthodoxe comme faisant partie du canon de l’Ancien Testament, mais ne sont pas présents dans le Tanakh et les bibles protestantes. La majorité d'entre eux semblent avoir été rédigés en hébreu ou en araméen, mais certains peuvent avoir été écrits directement en grec. Sauf pour quelques exceptions, leur composition est en général datée entre du début du IIe à la fin du Ier siècle av. J.-C.[215].
Livre deutérocanonique |
Datation usuelle |
---|---|
Esther grec | Publication du texte fin du IIe ou au début du Ier siècle av. J.-C.[216] |
Daniel grec | Hésitation des spécialistes entre le Ier siècle av. J.-C. et le IIe siècle[217] |
Judith | IIe siècle av. J.-C.[218] |
Tobit | Première version entre le milieu du IIIe et le milieu du IIe siècle av. J.-C., puis réécritures divergentes du texte à la fin du IIe siècle av. J.-C.[219]. |
1 Maccabées | Hésitation des spécialistes entre 134 et 63 av. J.-C.[220] |
2 Maccabées | Entre 103 et 76 av. J.-C.[221] |
Sagesse de Salomon | Seconde moitié du Ier siècle av. J.-C.[222] |
Siracide | Première version au début du IIe siècle av. J.-C., puis révisions jusqu'au Ier siècle, voire au-delà pour les versions syriaques et latine[223] |
Baruch | Première version probablement durant le IIe siècle av. J.-C., puis probables retouches ultérieures[224] |
Épître de Jérémie | Fin du IVe siècle av. J.-C.[225] |
Nouveau Testament
Le Nouveau Testament se divise en plusieurs groupes de livres[226] :
- les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), ainsi que les Actes des Apôtres, qui sont construits comme une suite de l’évangile selon Luc[227] ;
- la littérature paulinienne, qui comprend les épitres « proto-pauliniennes » attribuées à Paul (Romains, 1 et 2 Corinthiens, Galates, Philippiens, 1 Thessaloniciens, Philémon), les épitres « deutéro-pauliniennes » attribuées aux disciples de Paul (2 Thessaloniciens, Éphésiens et Colossiens), les épîtres « trito-pauliniennes » ou « pastorales » attribuées aux successeurs de Paul (1 et 2 Timothée, Tite) et l’épître aux Hébreux[228] dont Paul ne serait probablement pas l'auteur ;
- la littérature johannique, qui comprend l'évangile selon Jean, les épîtres johanniques (1, 2 et 3 Jean) et l’Apocalypse ;
- et les épitres catholiques (Jacques, 1 et 2 Pierre, Jude).
Histoire des premiers écrits néo-testamentaires
Les textes du Nouveau Testament sont généralement datés par les spécialistes dans une fourchette maximale comprise entre 50 et 130[N 24]. Cependant, le texte n'est véritablement fixé qu'à partir du IVe siècle, les manuscrits plus anciens témoignant étonnamment jusqu'alors, plutôt que d'une harmonisation vers laquelle tendent les travaux d'érudits comme Origène[229], d'une diversification textuelle croissante[230].
Cette pluralité textuelle est due à une importante tradition orale qui circule dans les communautés chrétiennes avant, pendant, et même après leur mise par écrit. Cette tradition orale, qui surpasse l'autorité de l'écrit jusqu'au IIIe siècle au moins, amène des modifications textuelles, volontaires ou non, qui peuvent parfois être importantes[231].
Vraisemblablement, Jésus et ses premiers disciples, parlaient araméen[N 25], et certains d'entre eux seulement parlaient quelques mots de grec[232]. Or, les évangiles sont écrits en grec, ce qui pose la question de la transition d'une langue à l'autre. Un élément de réponse à cette question est le fait que le grec était très répandu au Ier siècle, et ce même à Jérusalem[N 26]. La mémoire de Jésus a donc pu adopter très tôt une tournure hellénisée. De plus, il est logique de penser que l'évangélisation chrétienne, qui a pour but de répandre la tradition de Jésus aussi largement que possible, a utilisé naturellement la langue la plus répandue dans l'Empire romain de l'époque[32]. Cela n'exclut d'ailleurs pas l'hypothèse que certains aide-mémoires, destinés à se rappeler des faits et gestes de Jésus, aient pu être rédigés en araméen avant d'être traduits pour figurer dans les textes grecs des Évangiles. Mais cela reste très hypothétique, car il n'existe nulle trace de tels manuscrits[233].
Septante
La littérature chrétienne est écrite en grec, et se base donc logiquement principalement sur le texte de la Septante, rédigé à Alexandrie, qui est lui aussi en grec. Cette Bible se décline sous de multiples formes[N 27], et les rédacteurs du Nouveau Testament puisent parmi plusieurs d'entre elles. La Bible hébraïque n'est citée que dans de rares cas[234] - [235]. Ainsi, la Bible d'Alexandrie devient-elle, au IIe siècle, l’Ancien Testament des chrétiens, et elle le restera pour de nombreux siècles[236].
Problème synoptique
Les trois évangiles que sont Matthieu, Marc et Luc sont appelés « synoptiques » en raison de leur très grande proximité textuelle[237]. En effet, 80 % du texte de Marc se retrouve chez Matthieu et 55 % chez Luc. Ainsi, sur les 661 versets de l’évangile de Marc, seuls 26 lui sont propres, 330 autres étant communs avec à la fois Matthieu et Luc, et 325 l'étant soit avec l'un, soit avec l'autre. De plus, Matthieu et Luc partagent entre eux de nombreux versets : 235 sur 1 068 chez Matthieu, et 235 sur 1 149 chez Luc[238].
Ces similitudes sont trop importantes pour être dues au hasard, et dénotent donc une dépendance littéraire entre les synoptiques. De nombreuses théories ont été proposées pour les expliquer, mais celle qui est aujourd'hui la plus largement acceptée est la « théorie des deux sources »[239]. Cette théorie soutient que l’évangile selon Marc serait le plus ancien, et que Matthieu et Luc auraient été écrits d'après Marc, ainsi que d'après une source perdue depuis, appelée « source Q »[240].
Épîtres de Paul
Les épîtres de Paul ont été écrites pour l'enseignement et l'édification de tous les chrétiens. Ce ne sont donc pas des lettres privées, et elles n'ont pas été transmises d'ailleurs séparément, mais directement sous la forme d'une collection de lettres[241]. Dans cette collection, les spécialistes distinguent trois couches rédactionnelles distinctes en fonction de leur authenticité : sept lettres « proto-pauliniennes », rédigées par Paul ; trois lettres « deutéro-pauliniennes », rédigées par ses disciples sous son autorité mais pas directement par lui ; et enfin trois lettres « trito-pauliniennes » ou « pastorales », rédigées par ses successeurs mais pas directement par lui, ni sous son autorité[242]. Plusieurs collections concurrentes des lettres de Paul circulent, certaines excluant les épitres trito-pauliniennes, d'autres incluant la lettre aux Hébreux[N 28]. Différentes versions de certaines lettres, notamment celles aux Romains, la première aux Corinthiens et celle aux Éphésiens, montrent en outre qu'il existe non seulement des variantes sur le choix des lettres constituant chaque collection, mais aussi des variations dans le texte lui-même[243].
Histoire du canon
Au début du christianisme, la liste des livres de la Bible hébraïque n'est pas encore close. Elle ne l'est pas avant le synode de Jamnia, qui se tient à la fin du Ier siècle. Cependant, cette idée d'une liste fermée de livres, appelée plus tard « canon », s'impose progressivement aussi pour les écrits chrétiens[244].
Chacun des vingt-sept livres du Nouveau Testament est destiné à certaines communautés chrétiennes, mais aucun n'est écrit dans le but de figurer dans une collection de livres saints. Il faut attendre le Concile de Laodicée, en 363, pour voir le mot « canon » utilisé pour la première fois, et ce pour désigner à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament[245]. Quatre ans plus tard, dans une lettre d'Athanase d'Alexandrie, se trouve la première liste complète des vingt-sept livres du Nouveau Testament[246].
Avant cela, il ne s'agit pas encore d'un « canon » à proprement parler, car ce n'est pas encore une liste fermée de livres[247]. Pour une partie de la recherche, il est possible de parler de collection de livres agréés par l'Église, ou « canon ouvert », dès la fin du IIe siècle, car le fragment de Muratori propose dès cette époque vingt-trois livres faisant autorité ou dont l'autorité mérite d'être débattue. Cette liste comprend tous les livres du Nouveau Testament sauf 1 et 2 Pierre, Jacques et Hébreux. D'autres livres qui n'ont pas été retenus par la suite y figurent aussi[248]. Néanmoins, cette datation haute qui a longtemps fait consensus est largement remise en question depuis la fin du XXe siècle et une partie de la recherche tend à voir, dans le « Muratori », une composition du IVe siècle, probablement orientale, poussant à déplacer le processus de canonisation plus tardivement[249]. Le débat reste ouvert[250].
Entre la fin du IIe siècle et la deuxième moitié du IVe siècle, de nombreux débats ont lieu pour déterminer quels livres doivent être reconnus par l'Église et lesquels doivent être rejetés. Ceux qui sont l'objet des débats les plus vifs sont : Hébreux, les épitres catholiques (Jacques, 2 Pierre, 2 Jean, 3 Jean et Jude), et surtout l'Apocalypse. La place de certains apocryphes est aussi discutée, notamment l’épître aux Laodicéens, qui fait partie de la Vulgate jusqu'au Moyen Âge[251].
Datation
Dans le tableau ci-dessous, les fragments les plus anciens de chaque texte sont mentionnés. Le signe est le symbole utilisé pour désigner un papyrus.
Annexes
Exemples de datation
Selon la Bible, les évènements décrits dans le livre de Josué se situent avant l'époque monarchique, plus précisément juste après la conquête de la « terre promise », ce qui correspondrait à la jonction du bronze récent et de l'âge du fer. Selon le récit du onzième chapitre de Josué, de nombreuses populations peuplent la région, dont les Cananéens, les Hittites, les Amorrites, les Périzzites et les Anakim[N 41] - [289]. Dans cette liste, seuls les Cananéens étaient présents à la fin de l'âge du bronze en Palestine. Les autres peuples n'ont soit jamais existé, soit n'étaient pas présents dans cette région à cette époque.
C'est le cas tout d'abord des Hittites. Bien qu'ils forment un royaume qui s'étend jusqu'en Syrie autour des XIVe – XIIIe siècle av. J.-C., les données historiques et archéologiques montrent qu'ils ne descendent jamais jusqu'en Palestine et s'arrêtent bien plus au Nord. Le terme Hatti est un terme générique babylonien pour désigner, au VIe siècle av. J.-C., toute la région syro-palestinienne. Les auteurs bibliques en ont sans doute déduit qu'un peuple de Hittites habitait en Palestine avant leur extermination par Josué, et les ont incorporés dans le récit peu après l'Exil[290]. Selon Mario Liverani, le cas des Amorrites est similaire, puisque ce peuple s'établit principalement en Syrie et s'éteint vers le XIVe siècle av. J.-C., c'est-à-dire bien avant la conquête présumée de Josué. Le terme Amurru désigne chez les Babyloniens du VIe siècle av. J.-C. la même chose que le terme Hatti, c'est-à-dire une région syro-palestinienne.
Le terme « Périzzite », quant à lui, signifie « qui habite un village ». Il ne s'agit donc pas d'un peuple. Cependant, puisque l'existence de ce groupe est attestée de haute antiquité, les rédacteurs bibliques ont sans doute supposé qu'il s'agissait d'un peuple qui avait été anéanti avant l'arrivée des premiers Israélites en Canaan. Citons pour finir la mention des Anakim, ou Nephilim, ces géants légendaires dont l'existence est certainement sortie de l'imagination des rédacteurs bibliques devant les imposants dolmens mégalithiques de la préhistoire qu'ils rencontrent en Palestine, tels que le « lit de fer » de Rabbath Ammon, de neuf coudées sur quatre, que certains prennent pour une tombe royale[291].
Ces anachronismes et inventions démontrent que les rédacteurs du livre de Josué méconnaissent la Palestine de la fin de l'âge du bronze. L'analyse des données archéologiques apporte des conclusions similaires : la géographie décrite dans ce livre ne correspond pas à celle de l'âge du bronze récent. En revanche, elle ressemble plus à celle du VIIe ou du VIe siècle av. J.-C. Cela concorde avec une réécriture tardive destinée à justifier les ambitions politiques de Josias ou une reconquête du pays après l'Exil[292] - [293].
Exemples de remaniement tardif
Le dixième chapitre de Josué présente plusieurs remaniements tardifs du texte biblique. Par exemple, il existe deux formes distinctes du verset 9 : le texte hébreu traditionnel dit que Josué « monta » depuis Guilgal, tandis qu'un manuscrit retrouvé à Qumrân dit que Josué « marcha ». Les deux verbes étant très différents en hébreu, cela ne peut être dû qu'à une modification intentionnelle du scribe, sans doute dans le but d'harmoniser le texte avec son contexte immédiat. Un autre indice de remaniement est le fait que les versets 15 et 43, qui sont identiques dans la version massorétique, sont absents de l'ancienne version grecque. Au lieu de supposer que le traducteur grec les a supprimés, il semble bien plus logique de faire l'hypothèse inverse, c'est-à-dire que l'auteur du texte massorétique les aurait ajoutés tardivement. Cela explique en effet l'incohérence narrative du récit, qui replace Josué de retour dans la région montagneuse qu'il vient de quitter quelques versets plus tôt[294].
Quelques versets plus loin se trouve un autre remaniement tardif du texte. En effet, il est écrit que le roi d'Hébron est tué avec d'autres rois (versets 23 à 26), puis tué une deuxième fois lors de la prise de sa ville (verset 37). Cela s'explique très bien par le fait que deux épisodes ont été assemblés tardivement pour former un texte unique[294].
Notes et références
Notes
- Le Sinaiticus comprend d'importantes parts de la Bible hébraïque et des livres deutérocanoniques et le Vaticanus propose une version presque complète à l'exception de quelques passages de la Genèse et des Psaumes, ajoutés au XVe siècle ; cf. Guide de la Bible hébraïque, p. 56-57
- Il s'agit du manuscrit B19A texte écrit, d'après son colophon, en 1008 et conservé à la bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg. De tradition massorétique tibérienne, il est lui-même basé sur le Codex d'Alep et est resté relativement complet jusqu'à sa destruction partielle en 1947 ; cf. Manuel d'exégèse de l'Ancien Testament, p. 16-18
- C'est le cas notamment, et en dépit de leurs divergences, des archéologues William Dever, Israël Finkelstein (cf (en) John Joseph Collins, The Bible After Babel: Historical Criticism in a Postmodern Age, 2005, p. 39) et Neil Asher Silberman ; de l'historien Mario Liverani ; des biblistes Thomas Römer, Albert de Pury, Jean-Louis Ska, William M. Schniedewind, Pierre Gilbert, Jean-Daniel Macchi ; et de bien d'autres spécialistes.
- Cette idée est défendue entre autres par Martin Noth, John Van Seters, Frank Moore Cross, Hermann Gunkel, Robert Bernard Alter et Umberto Cassuto. Cf Thomas Thompson, « Why Talk About the Past? - The Bible, Epic, and Historiography », mars 2013, Ronald Hendel, « Oral Tradition and Pentateuchal Narrative », janvier 2013 et Encyclopaedia Judaica, « Umberto Cassuto », 2008
- Chapitre 5 du Livre des Juges.
- Achaz de Juda devient le vassal de l'Assyrie avant la chute du royaume d'Israël ; cf. La Bible dévoilée, p. 363
- L'ampleur des déportations est une question qui divise les historiens. Selon Mario Liverani, le royaume de Juda est pratiquement vidé de ses habitants, tandis qu'Israël Finkelstein affirme qu'au moins 75 % de la population est restée dans le pays ; cf. Jean-Daniel Macchi, Introduction à l'AT, p. 78-79, La Bible dévoilée, p. 454 et La Bible et l'invention de l'histoire, p. 266
- Les recherches archéologiques démontrent que la population du Yehoud aux Ve et IVe siècles av. J.-C. ne dépasse pas les 30 000 personnes ; cf. La Bible dévoilée, p. 456. Liverani parle même d'une population de 12 000 habitants environ pour la Judée entre 550 et 450 av. J.-C., et de 17 000 environ entre 450 et 330 av. J.-C. ; cf. La Bible et l'invention de l'histoire, p. 371
- L'analyse critique montre que ces livres ont été l'objet de nombreuses éditions, et ce probablement jusqu'au IIe siècle av. J.-C. ; cf. Arnaud Sérandour, Introduction à l'AT, p. 92-98
- La réalité est plus complexe que ce qu'en présente Flavius Josèphe qui, à la fin du Ier siècle, dans une démarche apologétique visant à démonter la supériorité de la pensée judéenne sur la pensée gréco-romaine, emploie néanmoins le cadre de cette dernière pour proposer une série d'« écoles » (plus exactement utilisant indifféremment le terme haíresis, « choix », pour tous ces courants) dans une présentation qui, si elle n'est pas complètement fausse, reste « artificielle et partielle » ; cf. Simon Claude Mimouni, op. cit. 2012, p. 228-229
- Les Apocalypses de Baruch, connues aussi sous les noms de 2 Baruch et 3 Baruch, sont des livres apocryphes attribués à Baruch ben Neria, le scribe de Jérémie. Ils ne doivent pas être confondues avec le Livre de Baruch ou 1 Baruch.
- La première lettre de Paul aux Thessaloniciens est la plus ancienne du Nouveau Testament ; cf. François Vouga, Introduction au NT, p. 158
- La deuxième épitre de Pierre est la plus tardive du Nouveau Testament ; cf. Jacques Schlosser, Introduction au NT, p. 464-465
- Un « lieu variant » est un verset qui est différent dans certains manuscrits ; cf. Introduction au NT, p. 509
- Comparer le texte massorétique de Josué chapitre 6 avec celui de la Septante (p. 567)
- Comparer le texte massorétique de Deutéronome 32 : 8 avec celui de la Septante (p. 546).
- La tradition juive considère la Torah comme le centre de la Bible et se concentre sur les prescriptions dont elle est porteuse, tandis que la tradition chrétienne s'attache davantage à la trame narrative du texte, de la création à la mort de Moïse ; cf. Thomas Römer, Introduction à l'AT, p. 137
- Dans son De canonicis scripturis libellus publié en 1520, il écrit : « Mosen non fuisse scriptorem quinque librorum » ; cité par Le Pentateuque en question, p. 13
- Astruc est précédé par le jeune pasteur et orientaliste Hening Bernhard Witter, dont les travaux publiés en 1711, Iura Israelitarum in Palestina, sont restés confidentiels. Celui-ci, sans remettre en cause le dogme de l'inspiration, constate des traditions différentes dans le Pentateuque, repérables par les différents noms donnés à Dieu, YHWH et Elohim, dans le récit de la création ; cf. Yvon Belaval et Dominique Bourel, Le Siècle des Lumières et la Bible, vol. 7, Beauchesne, coll. « Bible de tous les temps », , 869 p. (ISBN 9782701010939, lire en ligne), p. 87
- Astruc entend démontrer que Moïse est bien le rédacteur du Pentateuque et se serait appuyé sur deux sources, deux « mémoires » respectivement caractérisés par l'usage d'Elohim ou de YHWH ; cf. Thomas Römer, Introduction à l'AT, p. 142
- Notamment une « théorie des deux sources avec datation tardive », le Pentateuque résulte d'une fusion de J et P, tous deux datés de la période exilique, ou encore une « théorie compositionnelle et conflictuelle », le Pentateuque est essentiellement le résultat d'un dialogue conflictuel entre les écoles D et P ; cf. Thomas Römer, Introduction à l'AT, p. 154-155
- Pour désigner l'œuvre littéraire distincte qui couvre les livres de Josué, de Juges, de Samuel et de Rois, les deux qualificatifs sont en usages mais certains savants recommandent de réserver le terme « deutéronomiste » pour qualifier l'auteur du Deutéronome et le terme « deutéronomique » pour ce qui relève du Deutéronome ; voir par exemple le Dictionnaire des mots de la foi chrétienne, éd. Cerf, 1989 cité par Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, Les rois sacrés de la Bible, éd. Gallimard/Folio Histoire, 2007, p. 23
- Des datations plus hautes, qui ont pu remonter jusqu'à « l'époque de Salomon », ont longtemps été proposées. Cependant, les analyses linguistiques concluant à l'usage d'une langue tardive rendent désormais improbable cette datation haute ; cf. notamment Anne-Marie Pelletier, Lectures du Cantique des cantiques : de l'énigme du sens aux figures du lecteur, coll. Analecta Biblica no 121, éd. Gregoriana, 1989, p. 47-49
- Le terminus a quo étant constitué par la Première épître aux Thessaloniciens et le terminus ante quem par la Deuxième épître de Pierre ; cf. tableau des datations infra.
- Jésus parlait aussi probablement hébreu ; cf. Pierre Grelot, chap. 27 « Quelles langues parlait-on au temps de Jésus ? », dans Pierre Geoltrain, Aux origines du christianisme, Éditions Gallimard, , 601 p. (ISBN 9782070411146), p. 56-57
- Le grec est, avec l'araméen en Orient, une des deux grandes langues véhiculaires du monde gréco-romain ; cf. Pierre Grelot, chap. 27 « Quelles langues parlait-on au temps de Jésus ? », dans Pierre Geoltrain, Aux origines du christianisme, Éditions Gallimard, , 601 p. (ISBN 9782070411146), p. 55-59. Néanmoins, si on s'accorde pour dire qu'en Galilée le grec était la langue de l'administration et de l'élite économique ou culturelle, le degré d'hellénisation de la population est débattu, une partie de la recherche estimant que la majorité des Galiléens ne le parlaient pas, voire ne le comprenaient pas, tandis que Jérusalem accueillait les pèlerins de la Diaspora hellénisée ; cf. Pierre Debergé, chap. 27 « La Galilée, une terre païenne ? », dans Marie-Françoise Baslez, Les premiers temps de l'Église, Éditions Gallimard, , 601 p. (ISBN 9782070302048), p. 289-295
- Parmi les formes de la Septante, on peut citer : la vieille Septante, la Septante ré-alignée sur l'hébreu avant l'ère chrétienne et au début de celle-ci, la Septante d'Origène, la Septante de Lucien et la Septante byzantine ; cf. « La réception de la Septante », Le Monde de la Bible, , p. 57
- Les épitres pastorales sont 1 et 2 Timothée et Tite.
- Les livres sont présentés suivant l'ordre de la synthèse de Raymond E. Brown, 2011, cf. bibliographie
- Selon que son auteur est Paul (54-56 depuis Éphèse ou 61-63 depuis Rome) ou que l'auteur est pseudonyme, option de la majorité des chercheurs (vers 80 de Rome) ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 650
- Selon que son auteur est Paul (années 60) ou que l'auteur est pseudonyme, option d'une très large majorité de chercheurs (années 90) ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 671
- Selon que son auteur est Paul (vers 65) ou que l'auteur est pseudonyme, option d'une très large majorité de chercheurs (tournant du Ier siècle) ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 690
- Selon que son auteur est Paul (vers 65) ou que l'auteur est pseudonyme, option d'une très large majorité de chercheurs (tournant du Ier siècle) ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 706
- Selon que son auteur est Paul (64-67) ou que l'auteur est pseudonyme, option d'une très large majorité de chercheurs, qui optent pour la fin des années 60 si elle est la première ou la fin du Ier siècle) si elle est la dernière ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 725
- Les spécialistes sont divisés sur le point de sa rédaction avant ou après la destruction du Temple de Jérusalem ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 736,749-750
- Selon que son auteur est Pierre (60-63) ou que l'auteur est pseudonyme, option d'une majorité de chercheurs, qui optent pour les années 70-90 ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 776
- Composé de plusieurs textes recopiés par un nombre débattu de scribes (4 ou 5), la datation est malaisée ; cf. James Ronald Royse, Scribal Habits in Early Greek New Testament Papyri, éd. Brill, 2008, p. 545-548
- Selon que son auteur est Jacques (62) ou que l'auteur est pseudonyme, option d'une majorité de chercheurs, qui optent pour les années 80-90 ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 781, 797
- La datation est très difficilement déterminable et oscille de 50 à 120. Une majorité de chercheurs optent pour les années 90-100 mais quelques-uns optent pour une datation largement plus haute, vers 50 ; cf. Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 804, 812-813
- L'hypothèse d'une datation entre 89 et 96 est la plus largement acceptée aujourd'hui ; cf. Introduction au NT, p. 422
- Voir Josué 11 : 3 et 21
Références
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- Thierry Legrand, « Enquête sur la naissance de la Bible », Le Monde de la Bible, , p. 53
- « L'archéologie contredit-elle la Bible ? », Le Monde de la Bible, no 200, , p. 24-25
- André Paul, « Qumrân et les manuscrits de la mer Morte », sur Clio, (consulté le )
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- Les Manuscrits de la Mer Morte, p. 98-99
- (en) Emanuel Tov, Textual Criticism of the Hebrew Bible, Uitgeverij Van Gorcum, (lire en ligne), p. 82
- (en) « Peshitta », sur Jewish Encyclopedia (consulté le )
- La Bible dévoilée, p. 29
- Jean-Marie Husser, « L'approche historique des documents fondateurs : la Bible », sur Ministère de l'Éducation nationale, (consulté le ) : « Dès le début du XIXe siècle, l'exégèse critique libérale abandonna définitivement l'idée que Moïse fût l'auteur du Pentateuque et passa de la notion d'auteur à celle d'écoles et de rédacteurs. Les mêmes conclusions s'imposèrent pour l'attribution des Psaumes à David et de la littérature de sagesse à Salomon : on admit que le procédé de pseudépigraphie courant dans l'Antiquité valait également pour les écrits bibliques. »
- Jean-Daniel Macchi, Introduction à l'AT, p. 51
- « L'archéologie contredit-elle la Bible ? », Le Monde de la Bible, no 200, , p. 9-10
- La Bible dévoilée, p. 35
- Jean-Daniel Macchi, Introduction à l'AT, p. 54-55
- Estelle Villeneuve, « L'archéologie contredit-elle la Bible ? », Le Monde de la Bible, no 200, , p. 10
- La Bible dévoilée, p. 43-44
- Sylvie Arsever, « Les récits des origines sont toujours mythiques », Le Temps, 8 avril 2009
- (en) Kenneth A. Kitchen, On the Reliability of the Old Testament, Grand Rapids,
- (en) John Joseph Collins, The Bible After Babel: Historical Criticism in a Postmodern Age, 2005, p. 34-35
- Voir aussi Charles David Isbell, « K. A. Kitchen and Minimalism », 2004
- (en) Megan Bishop Moore, Brad E. Kelle, Biblical History and Israel's Past, 2011, p. 67
- (en) John Joseph Collins, The Bible After Babel: Historical Criticism in a Postmodern Age, 2005, p. 36
- Par exemple (en) Niels P. Lemche, « The Old Testament — A Hellenistic Book? », dans L. L. Grabbe (dir.), Did Moses Speak Attic?: : Jewish Historiography and Scripture in the Hellenistic Period, Sheffield, 2001, p. 287-318 ; id., The Old Testament between theology and history, Louisville et Londres, 2008
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- (en) William G. Dever, What Did the Biblical Writers Know, and when Did They Know It?, 2001, p. 30-40
- Pierre Gibert, « Enquête sur la naissance de la Bible », Le Monde de la Bible, , p. 25-27
- Nathalie Gauthard, L’Épopée tibétaine de Gesar de Ling. Adaptation, patrimonialisation et mondialisation, Cahiers d’ethnomusicologie, 24, 2011, p. 173-189
- Cascudo, Câmara. Os cinco livros do povo. 1953.
- Nielsen,Eduard. Oral Tradition. A Modern Problem in Old Testament Introduction. Collection «Studies in Biblical Theology», n° 11, Londres, SCM-Press, 1954.
- Pierre Gibert, « Enquête sur la naissance de la Bible », Le Monde de la Bible, , p. 25 à 27 : « Il est assez fréquent d’entendre évoquer la tradition orale à propos des écrits bibliques. Il n’y a pas si longtemps encore, tel ou tel ouvrage de vulgarisation sur la Bible tenait pour acquis, sans pour autant le démontrer, que les événements racontés avaient d’abord été, pendant des générations, transmis oralement. Les historiens ont depuis longtemps mis en évidence l’impossibilité de cette thèse, qui pourtant n’en finit pas de resurgir. »
- Introduction au NT, p. 17-18
- Estelle Villeneuve, « Enquête sur la naissance de la Bible », Le Monde de la Bible, , p. 33
- Jean-Daniel Macchi, Introduction à l'AT, p. 53
- Jean-Daniel Macchi, Introduction à l'AT, p. 66-67
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- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 246
- Pierre Bordreuil et Françoise Briquel-Chatonnet, « La thèse du retour d'exil », Le Monde de la Bible, , p. 43
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 320-327
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 311-315
- Contra Schniedewind 2006, p. 165-194, qui pense que les conditions difficiles dans lesquelles se trouve la communauté exilée ne sont pas propices à une rédaction importante.
- Jean-Daniel Macchi, Introduction à l'AT, p. 80-81
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 275-290
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 339
- Arnaud Sérandour, Introduction à l'AT, p. 83-84
- La Bible dévoilée, p. 442-444
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 344-345
- Arnaud Sérandour, Introduction à l'AT, p. 84-85
- Arnaud Sérandour, Introduction à l'AT, p. 86-87
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 422
- Arnaud Sérandour, Introduction à l'AT, p. 87-88
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 452
- Arnaud Sérandour, Introduction à l'AT, p. 88-89
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 457-458
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 352-362
- Albert de Pury, Introduction à l'AT, p. 223-224
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 363-365
- Christoph Uehlinger, Introduction à l'AT, p. 246-247
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 380-386
- Thomas Römer, Introduction à l'AT, p. 338-339
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 373-377, 388-394
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 402-418
- Corinne Lanoir, Introduction à l'AT, p. 352-353
- Arnaud Sérandour, Introduction à l'AT, p. 92-98
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 421
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 454-455
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 470
- La Bible et l'invention de l'histoire, p. 476
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Articles connexes
- Histoire de la recherche sur le Pentateuque
- Exégèse historico-critique
- Exégèse biblique
- Données archéologiques sur les premiers écrits en hébreu ancien
- Historiographie deutéronomiste
- Histoire des Juifs en terre d'Israël
- Israël antique
- Transmission de la Torah
- Texte massorétique
- Nouveau Testament
- Problème synoptique
- Théorie des deux sources
- Traductions de la Bible
Liens externes
- Thomas Römer, « La formation du Pentateuque selon l'exégèse historico-critique », article en ligne, n. d.
- Le Monde des Religions no 32, novembre 2008, « Qui a écrit la Bible ? », articles en ligne
- Le Monde de la Bible, hors-série automne 2012, « Enquête sur la naissance de la Bible », présentation en ligne
- Jean-Marie Husser, « L'approche historique des documents fondateurs : la Bible », article en ligne
- Université de Genève, « Comprendre comment le texte de la Bible hébraïque a évolué - La critique textuelle », 2006, article en ligne
- (en) « Bible », sur Jewish Virtual Library