Virus du Nil occidental
Le virus du Nil occidental (en anglais : West Nile virus) est l'agent infectieux qui, chez l'humain, provoque la fiÚvre du Nil occidental. C'est un virus à ARN monocaténaire de polarité positive (groupe IV de la classification Baltimore) appartenant à la famille des Flaviviridae et au genre Flavivirus, qui comprend également le virus de la fiÚvre jaune, le virus de la dengue, le virus Zika et le virus de l'encéphalite japonaise. Il est présent à la fois dans les régions tropicales et les zones tempérées. Il est transmis par la piqûre de moustiques, notamment ceux du genre Culex. Les oiseaux forment son réservoir naturel, de sorte que ce virus circule normalement entre les oiseaux et les moustiques[3].
Structure
Comme les autres flavivirus, le virus du Nil occidental est un virus enveloppé à symétrie icosaédrique[4]. La cryomicroscopie électronique a révélé des virions de 45 à 50 nm recouverts d'une capside protéique relativement lisse, structure semblable à celle du virus de la dengue[4]. La coque protéique est constituée de deux protéines structurales : la glycoprotéine E et la petite protéine membranaire M[5]. La protéine E a plusieurs fonctions, notamment celle de liaison au récepteur de l'hÎte, d'attachement du virus et d'entrée dans la cellule par fusion de l'enveloppe virale avec la membrane plasmique de l'hÎte[5].
L'enveloppe virale est une bicouche lipidique dérivée de la membrane cellulaire de l'hÎte[6]. La membrane lipidique des flavivirus contient du cholestérol et de la phosphatidylsérine, mais d'autres constituants restent encore à identifier[7] - [8]. La membrane lipidique joue plusieurs rÎles dans l'infection virale, notamment celui de signalisation lipidique favorisant l'entrée dans la cellule hÎte[9], ce qui est notamment le cas du cholestérol[10]. Les deux protéines d'enveloppe E et M sont insérées dans la membrane du virus[5].
Génome et protéines virales
L'ARN du gĂ©nome est liĂ© aux protĂ©ines de capside C, longues de 105 rĂ©sidus d'acides aminĂ©s, pour former la nuclĂ©ocapside. Les protĂ©ines de capside sont parmi les premiĂšres produites dans une cellule infectĂ©e[6]. Ce sont des protĂ©ines structurales dont le rĂŽle principal consiste Ă conditionner l'ARN des virus en dĂ©veloppement[11]. La capside empĂȘche l'apoptose en affectant la voie de signalisation Akt/PKB (en)[6].
Le gĂ©nome du virus du Nil occidental a une longueur de 11 000 nuclĂ©otides et est encadrĂ© par deux structures en Ă©pingle Ă cheveux non codantes aux extrĂ©mitĂ©s 3â et 5â[12]. Il code trois protĂ©ines structurales et sept protĂ©ines non structurales, ces derniĂšres n'Ă©tant pas intĂ©grĂ©es dans la structure des nouveaux virus. Il est exprimĂ© en une polyprotĂ©ine qui est ensuite clivĂ©e par des peptidases en protĂ©ines distinctes[13].
Les protĂ©ines structurales sont situĂ©es prĂšs de l'extrĂ©mitĂ© 5â du gĂ©nome viral et sont clivĂ©es en protĂ©ines fonctionnelles par des peptidases, tandis que les protĂ©ines non structurales sont situĂ©es prĂšs de l'extrĂ©mitĂ© 3â est ont principalement pour rĂŽle d'assister la rĂ©plication du virus ou d'agir comme peptidases[14].
Protéines structurales | C | Protéine de capside conditionnant l'ARN des virus en formation[11] - [14]. |
---|---|---|
prM/M | La protéine prM (precursor membrane) est présente sur les virions immatures, et est clivée en protéine M par la furine ; la protéine M permet au virion d'infecter les cellules en activant les protéines qui favorisent l'entrée du virus dans l'hÎte[15]. | |
E | Glycoprotéine formant l'enveloppe virale se liant aux récepteurs de la surface cellulaire, ce qui permet l'entrée du virus dans la cellule[16]. | |
Protéines non structurales | NS1 | Cofacteur pour la réplication virale, intervenant notamment dans la régulation du complexe de réplication[17]. |
NS2A | Protéine impliquée dans plusieurs processus : réplication virale, assemblage des virions, mort de la cellule hÎte[18]. | |
NS2B | Cofacteur de la protéine NS3 formant le complexe protéase NS2B-NS3[14]. | |
NS3 | Peptidase dont le rÎle est essentiellement de cliver la polyprotéine virale en protéines fonctionnelles ; elle présente également une activité d'hélicase[12]. | |
NS4A | Cofacteur de la réplication virale, régulant notamment l'activité ATPase de la protéine NS3[19]. | |
NS4B | Inhibe la signalisation cellulaire conduisant à la production d'interférons[20]. | |
NS5 | Plus grosse protéine produite par ce virus, hautement conservée, il s'agt d'une enzyme douée d'activités méthyltransférase et surtout ARN polymérase ARN-dépendante, dépourvue cependant de mécanisme de correction des erreurs de réplication[14] - [21]. |
Cycle de réplication
Une fois le virus du Nil occidental dans la circulation sanguine d'un animal hĂŽte, la protĂ©ine d'enveloppe E se lie Ă des facteurs d'adhĂ©rence des cellules hĂŽtes appelĂ©s glycosaminoglycanes[16]. Ces facteurs d'adhĂ©rence facilitent l'entrĂ©e du virus dans les cellules mais ne sont pas suffisants car la liaison Ă des rĂ©cepteurs primaires est Ă©galement nĂ©cessaires[22]. Parmi ces rĂ©cepteurs primaires, on compte notamment les protĂ©ines DC-SIGN (en) et DC-SIGN-R ainsi que l'intĂ©grine αVÎČ3 (en)[23]. La liaison Ă ces rĂ©cepteurs primaires permet au virus du Nil occidental de pĂ©nĂ©trer dans la cellule par endocytose Ă vĂ©sicules de clathrine[24]. Le virus pĂ©nĂštre donc dans la cellule Ă travers un endosome Ă la suite d'une endocytose.
L'acidité de l'endosome catalyse la fusion de l'enveloppe virale avec la membrane de l'endosome, ce qui libÚre le génome viral dans le cytoplasme de la cellule hÎte[25]. La traduction de l'ARN viral, qui est monocaténaire de sens positif, se déroule au niveau du réticulum endoplasmique. L'ARN viral est traduit en une polyprotéine qui est par la suite clivée par la peptidase virale NS2B-NS3 pour libérer les protéines biologiquement fonctionnelles[26].
Afin de répliquer son génome, le virus utilise sa protéine non structurale NS5, une enzyme à l'activité ARN polymérase ARN-dépendante, qui forme un complexe de réplication avec d'autres protéines virales non structurales afin de produire un brin d'ARN de sens négatif, complémentaires de l'ARN viral. Cet ARN antisens sert ensuite de modÚle pour la production de l'ARN viral sens[22]. La protéine de capside C conditionne alors l'ARN viral sens nouvellement produit pour former la nucléocapside des virions immatures[23]. Le reste du virus est assemblé le long du réticulum endoplasmique puis à travers l'appareil de Golgi, ce qui donne des virions immatures dépourvus de virulence[26]. La protéine d'enveloppe E est alors glycosylée tandis que la protéine prM (« prémembranaire ») est clivée en protéine M par la furine, ce qui donne des virions infectieux[12] - [26]. Ces virions parvenus à maturation sont alors excrétés hors de la cellule.
Phylogénie
Avec le virus de l'encĂ©phalite japonaise, le virus de l'encĂ©phalite de la Murray Valley et le virus de l'encĂ©phalite de Saint-Louis, le virus du Nil occidental fait partie du sĂ©rocomplexe antigĂ©nique de l'encĂ©phalite japonaise[28]. La phylogĂ©nie du virus montre qu'il aurait Ă©mergĂ© comme virus distinct il y a environ un millier d'annĂ©es[29]. Ce virus originel se serait dĂ©veloppĂ© en deux lignĂ©es distinctes. La premiĂšre lignĂ©e et ses divers profils sont Ă l'origine des Ă©pidĂ©mies en Afrique et dans le reste du monde. La seconde lignĂ©e, initialement identifiĂ©e en Afrique sub-saharienne et Ă Madagascar, Ă©tait considĂ©rĂ©e comme Ă l'origine d'une zoonose africaine, jusqu'Ă ce qu'on l'observe Ă©galement chez des chevaux en Europe, la premiĂšre Ă©pidĂ©mie ayant touchĂ© 18 chevaux en hongrie. La premiĂšre lignĂ©e a Ă©tĂ© identifiĂ©e en 2010 en Afrique du Sud chez une jument et son fĆtus avortĂ©, alors que seule la seconde lignĂ©e avait Ă©tĂ© observĂ©e dans ce pays chez les chevaux et les humains[30]. Le spectre des hĂŽtes du virus du Nil occidental s'est Ă©largi aux cĂ©tacĂ©s en 2007 avec l'observation d'un cas mortel chez une orque au Texas[31].
HĂŽtes naturels et circulation du virus
Les hĂŽtes naturels du virus du Nil occidental sont les oiseaux et les moustiques[32]. On a identifiĂ© plus de 300 espĂšces d'oiseaux pouvant ĂȘtre infectĂ©es par ce virus rien qu'aux Ătats-Unis[33]. L'infection est lĂ©tale pour certaines espĂšces, comme la corneille d'AmĂ©rique, le geai bleu et le tĂ©tras des armoises, mais pas pour d'autres[34] - [35]. On pense que le merle d'AmĂ©rique et le moineau domestique comptent parmi les principaux rĂ©servoirs du virus dans les villes d'AmĂ©rique du Nord et d'Europe[36] - [37]. Les autres espĂšces contribuant significativement au stock de virus en AmĂ©rique du Nord sont notamment le moqueur roux, le moqueur chat, le moqueur polyglotte, le cardinal rouge, la grive des bois et les colombidĂ©s en gĂ©nĂ©ral, chez lesquels des taux Ă©levĂ©s d'anticorps dirigĂ©s contre le virus du Nil occidental ont Ă©tĂ© relevĂ©s[34].
Le virus du Nil occidental a été identifié chez une grande variété de moustiques, mais les plus significatifs du point de vue de la circulation du virus sont les espÚces du genre Culex, qui s'alimentent sur les oiseaux, notamment Culex pipiens, Culex restuans (en), Culex salinarius (en), Culex quinquefasciatus, Culex nigripalpus (en), Culex erraticus (en) et Culex tarsalis (en)[34]. On a également pu produire expérimentalement des infection à virus du Nil occidental par morsures de tiques molles, mais il est peu probable que ce mode de transmission soit significatif dans la nature[34] - [38].
Le virus du Nil occidental dispose d'un spectre d'hĂŽtes Ă©tendu et on sait qu'il est capable d'infecter au moins 30 espĂšces de mammifĂšres, dont l'humain, certains primates non humains[39], les chevaux, les chiens et les chats[32] - [36] - [40]. Certains des humains et des chevaux infectĂ©s par ce virus dĂ©veloppent la fiĂšvre du Nil occidental mais les chiens et les chats prĂ©sentent rarement des symptĂŽmes de maladie. Les reptiles et les amphibiens peuvent Ă©galement ĂȘtre infectĂ©s, notamment les crocodiles, les alligators, les serpents, les lĂ©zards et les grenouilles[40] - [41] - [42] - [43]. On considĂšre gĂ©nĂ©ralement que les mammifĂšres ne participent pas Ă la circulation du virus car leur charge virale n'atteint pas les niveaux nĂ©cessaires pour qu'ils puissent infecter des moustiques sains se nourrissant de leur sang ; certains oiseaux sont Ă©galement dans ce cas[34].
Dans le cycle normal de transmission rurale ou enzootique, le virus alterne entre le rĂ©servoir aviaire et le vecteur moustique. Il peut Ă©galement ĂȘtre transmis entre oiseaux par contact direct, en mangeant une carcasse d'oiseau infectĂ© ou en buvant de l'eau infectĂ©e[37]. La transmission verticale (en) de la femelle Ă ses larves est possible chez les moustiques et pourrait ĂȘtre significative en hiver[44] - [45]. Dans le cycle urbain, les moustiques infectĂ©s aprĂšs s'ĂȘtre nourris du sang d'oiseaux infectĂ©s transmettent Ă leur tour le virus Ă l'humain. Cela nĂ©cessite des espĂšces de moustiques qui piquent Ă la fois les oiseaux et les humains, appelĂ©s vecteurs ponts[37] - [46]. Exceptionnellement, le virus du Nil occidental peut ĂȘtre transmis par transfusion sanguine, greffe d'organe, ou de la mĂšre au fĆtus pendant la grossesse, l'accouchement ou l'allaitement. On n'a pas observĂ© de transmission interhumaine du virus du Nil occidental, contrairement Ă ce qu'il se passe pour les oiseaux.
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Annexes
Bibliographie
- Dominique J. Bicout et al., Le virus du Nil occidental, Versailles, QuÊ, coll. « SynthÚses », , 239 p. (ISBN 978-2-7592-1968-1, lire en ligne), disponible en accÚs libre.
Liens externes
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