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SwissLeaks

SwissLeaks ou Swiss Leaks est le nom donné à la révélation par plusieurs médias dans le monde, en , d'un systÚme international de fraude fiscale et de blanchiment d'argent qui aurait été mis en place par la banque britannique HSBC à partir de la Suisse. Le terme a été forgé sur le modÚle de WikiLeaks, puis de Luxleaks.

Couverture mondiale de la banque HSBC en 2008.

Elle Ă©tend l'affaire des Ă©vadĂ©s fiscaux, rĂ©vĂ©lĂ©e dĂšs 2008 par l'informaticien HervĂ© Falciani, pour laquelle il est poursuivi par les autoritĂ©s suisses pour vol de donnĂ©es[1]. En , le journal Le Monde reçoit une clĂ© USB contenant les archives numĂ©risĂ©es de la banque entre et , et engage une enquĂȘte d'un an, qui mobilise 154 journalistes de 47 pays et d'une soixantaine de mĂ©dias internationaux, coordonnĂ©s par l'ICIJ, consortium de journalistes d’investigation[2] - [3]. En Suisse, les journaux Le Temps, Le Matin Dimanche, le Tages-Anzeiger, le SonntagsZeitung et L'Hebdo dĂ©cident de participer Ă  l'opĂ©ration[4], et mettent en place le site Swissleaks.net.

Teneur des révélations

Représentation des comptes HSBC concernés en fonction de la nationalité des détenteurs et des montants détenus.

Selon les journalistes, entre et , plus de 180 milliards d’euros ont transitĂ©, Ă  GenĂšve, sur les comptes de 100 000 clients et de 20 000 sociĂ©tĂ©s offshore[2], concernant 188 pays diffĂ©rents. Des chefs d’État, des personnalitĂ©s mĂ©diatiques du monde des affaires, de la politique, du sport, ainsi que des artistes, mais Ă©galement des financiers du terrorisme, des trafiquants de drogue et des trafiquants d'armes figurent sur la liste des clients[3].

Révélations concernant la Belgique

Pour ses clients belges, la banque aurait caché en un an plus de 6,2 milliards d'euros dans des paradis fiscaux[5]. Parmi les clients belges concernés par les révélations figurent en particulier 500 diamantaires anversois[5].

Révélations concernant la France

Pour les seuls clients français, la banque HSBC aurait dissimulĂ© plus de 5,7 milliards d'euros dans diffĂ©rents paradis fiscaux, gĂ©nĂ©ralement le Panama et les Îles Vierges britanniques[2]. Environ 3 000 clients français sont concernĂ©s par cette rĂ©vĂ©lation, mais les journalistes ont dĂ©cidĂ© de ne publier que le nom de ceux pour lesquels « la fraude apparaissait la plus importante mais aussi ceux dont la fonction ou la notoriĂ©tĂ© pouvait appeler Ă  un devoir d’exemplaritĂ© »[6]. Avant cela, d'aprĂšs le procureur Éric de Montgolfier, qui a eu accĂšs Ă  une version des listings de HSBC le lors de la saisie des ordinateurs d'HervĂ© Falciani, des noms (dont ceux d'hommes politiques français) ont Ă©tĂ© retirĂ©s[7].

Selon l'analyse des donnĂ©es rĂ©alisĂ©e par l'ICIJ sur cette pĂ©riode allant de fin 2006 Ă  dĂ©but 2007, avec un total de 12,5 milliards de dollars, la France occupe la 5e place du classement des 188 pays en fonction du montant cumulĂ© des comptes associĂ©s, derriĂšre la Suisse (31,2 milliards), le Royaume-Uni (21,7 milliards), le Venezuela (14,8 milliards) et les États-Unis (13,4 milliards). Le pays se classe 2e pour le nombre de clients (9 187) derriĂšre la Suisse (11 235), avec une moyenne de 1,36 million de dollars par client[8].

Pendant la pĂ©riode de 1988 Ă  2007, 13 490 comptes bancaires ont Ă©tĂ© ouverts, reliĂ©s Ă  8 545 comptes clients, et le montant maximum associĂ© Ă  un mĂȘme client Ă©tait de 556,9 millions de dollars[9]. Seulement 0,2 % des comptes ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s Ă  l'administration fiscale par leur dĂ©tenteurs[10].

Le , le tribunal correctionnel de Paris a condamné deux frÚres à 8 et 10 mois de prison avec sursis, dans un dossier de fraude fiscale ouvert sur la foi des fichiers d'Hervé Falciani[11].

Information judiciaire

Depuis , une information judiciaire est menĂ©e Ă  Paris, par les juges Renaud Van Ruymbeke et Charlotte Bilger. Selon le procureur de Paris, François Molins, « aucun Ă©lĂ©ment ne permet de penser que les fichiers Falciani auraient Ă©tĂ© manipulĂ©s pour ĂȘtre falsifiĂ©s » et les protestations des autoritĂ©s suisses sur l'altĂ©ration des fichiers Falciani ne sont donc pas recevables. Les juges ont requis la gendarmerie pour interroger les 2 956 contribuables français citĂ©s dans les listings HSBC livrĂ©s par HervĂ© Falciani. Les magistrats disposent de rapports de visite de clients par des gestionnaires des comptes d'HSBC. D'aprĂšs ces documents, les gestionnaires proposaient d'investir leur argent dans des structures offshore[12].

Dans un rapport du , la gendarmerie veut orienter les investigations sur le systĂšme mis en place par HSBC de contournement de la taxe ESD, une directive europĂ©enne sur la fiscalitĂ© de l'Ă©pargne appliquĂ©e depuis 2005. Les gendarmes dĂ©noncent ainsi « la constitution d'une sociĂ©tĂ© offshore aux seules fins d'Ă©viter la taxe prĂ©vue par l'ESD et d'Ă©tablir un Ă©cran garantissant l'anonymat des rĂ©els bĂ©nĂ©ficiaires Ă©conomiques des actifs dĂ©tenus ». Selon les rapports de visites Ă  239 clients français, « la banque HSBC propose de façon systĂ©matique diverses mesures de contournement en vue d'Ă©chapper Ă  l'impĂŽt. La banque propose mĂȘme ses services pour la constitution de la sociĂ©tĂ© ». Ces gestionnaires de comptes se rendaient dans l'Hexagone pour interroger leurs clients, mais Ă©galement pour en recruter : sur 286 visites sont dĂ©nombrĂ©es, 24 visiteurs sont « susceptibles d'ĂȘtre qualifiĂ©s dĂ©marcheurs ». Les juges traquent Ă©galement le « dĂ©marchage illicite », Ă©galement pratiquĂ© par UBS[12].

Révélations concernant le Maroc

Selon la mĂȘme analyse de l'ICIJ, le Maroc, avec un total de 1,6 milliard de dollars, occupe la 37e place du classement en fonction du montant cumulĂ© des comptes associĂ©s, et se classe 23e pour le nombre de clients (1 068), avec une moyenne de 1,5 million de dollars par client. Le montant maximum dĂ©tenu par un mĂȘme client Ă©tait de 74,1 millions de dollars[8].

Selon la loi marocaine, il est illégal pour des Marocains résidant au Maroc de détenir un compte bancaire à l'étranger. Les documents révÚlent que la famille royale faisait partie des clients de la HSBC : outre le prince Moulay Rachid et la princesse Lalla Meryem, le roi Mohammed VI y détient également un compte, toujours actif, dont le montant maximal s'est élevé à 9,1 millions de dollars. C'est aussi le cas de Fouad Filali, ex-beau-frÚre du roi et ancien PDG de la holding royale Société nationale d'investissement (SNI), dont les avoirs dépassaient 16 millions de dollars, et de Serge Berdugo, ancien ministre du Tourisme et ambassadeur itinérant du royaume, dont le compte affichait 7,3 millions de dollars en 2006[13] - [14].

Personnalités impliquées

Un certain nombre de noms de clients sont publiés par la presse[15], parmi lesquels les personnalités des domaines suivants[16] - [17] - [18]:

Spécimen de carte de crédit émise par la HSBC.
Politique
Affaires
Sports
Arts et spectacle
Mode
Religion

Financement du terrorisme

Dans la liste des clients de la banque figureraient les noms de certains Saoudiens, fortement soupçonnés de faire partie des vingt principaux financiers d'Oussama ben Laden, que ce dernier aurait surnommé la Golden Chain (la « chaßne en or »).

Selon les informations du Monde, parmi ces prĂ©sumĂ©s soutiens de Ben Laden qui avaient placĂ© leurs fonds en Suisse chez HSBC, se trouvent « un prince saoudien, qui a, par le passĂ©, protĂ©gĂ© le chef d'Al-QaĂŻda. Un autre prince, dont l’épouse a envoyĂ© de l'argent Ă  un des auteurs des attentats du 11-Septembre. L'ancien trĂ©sorier d’une prĂ©sumĂ©e organisation-Ă©cran d'Al-Qaida. Ainsi qu'un homme dont l'usine a Ă©tĂ© bombardĂ©e par l'armĂ©e amĂ©ricaine parce qu'il Ă©tait soupçonnĂ© d'y fabriquer des armes chimiques. » Le journal cite encore deux entrepreneurs, Abdelhadi T. et Mohammad Abdullah Abdulaziz Al-J., dont les comptes ont affichĂ© des mouvements de fonds s'Ă©levant Ă  44 millions de dollars pour le premier et 150 millions pour le second, et Ă©voque un ancien dirigeant de l'International Islamic Relief Organization, une organisation humanitaire prĂ©sumĂ©e proche d'Al-QaĂŻda[20].

Pour le quotidien Le Temps, dans la plupart des cas, HSBC ne pouvait ignorer que ces personnalitĂ©s Ă©taient suspectĂ©es de financer le terrorisme : « dans au moins trois cas, il s'avĂšre que HSBC a poursuivi la relation bancaire avec des clients soupçonnĂ©s publiquement d’avoir financĂ© le terrorisme »[21]. En effet, leur nom avait Ă©tĂ© rendus publics par la presse dĂšs 2003, au cours de l'enquĂȘte sur les financements d'Oussama Ben Laden. Ce qui fait dire au Monde que ces informations « auraient dĂ» mettre la puce Ă  l’oreille du service conformitĂ© de HSBC, censĂ© alerter une banque lorsque certains de ses clients sont douteux »[20].

Pour sa dĂ©fense, la banque rĂ©pond que « la culture de la conformitĂ© et les normes de diligence raisonnable au sein de la banque privĂ©e suisse HSBC, de mĂȘme qu'au sein du secteur bancaire en gĂ©nĂ©ral, Ă©taient significativement moindres qu’aujourd’hui. » De son cĂŽtĂ©, un rapport de la commission du SĂ©nat amĂ©ricain avait conclu en 2012 que « du fait de ses rĂšgles laxistes et de ses mesures de sĂ©curitĂ© insatisfaisantes, HSBC a permis Ă  des terroristes et Ă  des trafiquants de drogues de blanchir de l'argent facilement. »[20]

Financement du trafic d'armes

La filiale suisse de la banque HSBC est aussi mise en cause pour avoir servi d'intermédiaire financier dans plusieurs opérations de ventes d'armes.

Selon les documents Ă©tudiĂ©s par l'ICIJ et Le Monde, ce fut le cas par exemple avec son client Katex Mines GuinĂ©e, une sociĂ©tĂ© qui selon un groupe d’experts des Nations unies a acheminĂ© des armes Ă  destination des rebelles libĂ©riens du LURD pendant la deuxiĂšme guerre civile au Liberia. HSBC Private Bank restera la banque de Katex Mines GuinĂ©e mĂȘme aprĂšs que les Nations unies auront dĂ©signĂ© la sociĂ©tĂ© comme « possible fournisseur d'armes » des rebelles. À sa clĂŽture en 2006, son compte Ă©tait crĂ©diteur de 7,14 millions d'euros[22].

D'aprĂšs Le Monde, d'autres informations « montrent que Katex Mines GuinĂ©e n'est pas le seul client de HSBC liĂ© Ă  des conflits en Afrique ». Parmi les clients de la banque figurent ainsi un industriel soupçonnĂ© d'avoir acheminĂ© des armes aux rebelles du Burundi, la femme d'un homme d'affaires parisien qui utilisa son compte pour verser de colossaux pots-de-vin Ă  des responsables de l'armĂ©e et de l'État angolais afin de dĂ©crocher des contrats de vente de chars, de mines terrestres et de navires de guerre en pleine guerre civile, un conseiller politique sud-africain et un lobbyiste tanzanien soupçonnĂ©s d'avoir reçu Ă  eux deux 24 millions de dollars pour avoir convaincu plusieurs gouvernements de signer avec BAE Systems des contrats surfacturĂ©s pour l'achat de systĂšmes de radars et d'avions de chasse, et un ingĂ©nieur libyen liĂ© Ă  l'ancien dictateur Mouammar Kadhafi, accusĂ© d'avoir collaborĂ© avec des membres de la mafia italienne en vue d'importer en Libye 500 000 kalachnikovs de fabrication chinoise[22].

Selon le quotidien, il apparaßt que « le solde total des comptes bancaires de personnes liées au trafic d'armes ou à des ventes d'armes douteuses dans au moins sept pays d'Afrique représentait en 2006 ou 2007 plus de 56 millions de dollars », et que HSBC Private Bank « a servi d'intermédiaire financier à des entrepreneurs et des criminels qui ont alimenté et financé en Afrique des guerres parmi les plus sanglantes et des ventes d'armes parmi les plus immorales. »[22]

Conséquences judiciaires et politiques

Belgique

En , la filiale suisse de la banque est inculpĂ©e en Belgique pour « fraude fiscale grave et organisĂ©e, organisation criminelle et exercice illĂ©gal de la profession d’intermĂ©diaire financier », la banque ne dĂ©tenant pas de licence pour exercer dans ce pays.

En , le juge d’instruction chargĂ© de l'enquĂȘte transmet Ă  la Suisse une commission rogatoire et prend contact avec la banque. La justice suisse ne coopĂ©rant pas et la banque refusant de communiquer les informations demandĂ©es, le parquet envisage l'Ă©mission de mandats d'arrĂȘt internationaux Ă  l'encontre de l’actuel directeur de HSBC en Suisse et de son prĂ©dĂ©cesseur[5].

Brésil

Le , le ministĂšre brĂ©silien de la Justice ordonne l'ouverture d'une enquĂȘte fĂ©dĂ©rale sur « de possibles actes illicites » commis par les citoyens brĂ©siliens figurant parmi les 8 667 clients BrĂ©siliens de la banque HSBC rĂ©vĂ©lĂ©s par les fichiers SwissLeaks.

La presse brésilienne indique que certaines de ces personnes seraient aussi impliquées dans le scandale de corruption qui touche la compagnie pétroliÚre Petrobras[23].

États-Unis

La procureure amĂ©ricaine Loretta Lynch, dĂ©signĂ©e pour devenir la prochaine ministre amĂ©ricaine de la justice, dĂ©clare dans une rĂ©ponse Ă©crite aux sĂ©nateurs que la banque HSBC n'est Ă  pas l'abri de poursuites judiciaires aux États-Unis, en dĂ©pit de l'arrangement conclu en entre les autoritĂ©s et la banque, qui avait dĂ» verser 1,9 milliard de dollars pour Ă©chapper aux poursuites pour blanchiment d'argent de la drogue. En effet, selon Mme Lynch, cet accord ne fournit « aucune protection contre des poursuites » fondĂ©es sur d'autres faits[24].

France

En France, l'affaire HSBC a commencĂ© Ă  la fin 2008 par la remise aux autoritĂ©s françaises de fichiers par HervĂ© Falciani, ancien informaticien employĂ© par la banque HSBC Suisse (HSBC Private banking). Cette action est Ă  l'origine de l'ouverture d'autres enquĂȘtes en Europe, notamment en Espagne et en Belgique.

Le , HervĂ© Falciani met en cause l'ex-ministre de la Justice MichĂšle Alliot-Marie pour son rĂŽle au moment de l'affaire des Ă©vadĂ©s fiscaux, l'accusant d'avoir fait obstruction Ă  l'enquĂȘte : « quand on essaye de dĂ©truire des preuves et qu'on est justement un garde des Sceaux, c'est dramatique. En envoyant les originaux en Suisse, c'est exactement ce que ça veut dire. » Selon lui, l’ancienne ministre a voulu Ă©touffer l’affaire en demandant au procureur Éric de Montgolfier de rendre Ă  la Suisse les documents que l’informaticien lui avait transmis. Le procureur s'opposa Ă  cette demande et une enquĂȘte fut finalement ouverte Ă  Paris[25].

Le , le parquet national financier requiert le renvoi en correctionnel de la banque HSBC, mise en examen pour avoir aidĂ© des clients français Ă  frauder le fisc. La HSBC ayant finalement dĂ©cidĂ© de ne pas s’acquitter d’une amende record de 1,4 milliard d’euros, nĂ©gociĂ©e dans le cadre d’une procĂ©dure de plaider-coupable, le parquet national financier a donc requis son renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris pour « blanchiment aggravĂ© de fraude fiscale » et « dĂ©marchage illicite »[26]. Le , la maison mĂšre HSBC Holdings est mise en examen pour « complicitĂ© de blanchiment de fraude fiscale » et « complicitĂ© de dĂ©marchage illicite ». La holding doit aussi verser une caution d'un milliard d'euros, dont le montant correspond Ă  la moitiĂ© des sommes blanchies, soit 2,2 milliards d'euros selon l'Ă©valuation des juges[27].

HSBC a été mise en examen en et une caution d'un milliard d'euros lui a été imposée. Cette somme a été ramenée à 100 millions d'euros par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. Les magistrats reprochent à la maison-mÚre HSBC Holdings un défaut de surveillance de sa filiale suisse. «Des éléments complémentaires ont par la suite permis de considérer que la holding HSBC a participé de maniÚre active aux agissements frauduleux» d'HSBC Private Banking, a estimé le parquet national financier.

En , le parquet national financier a demandé un procÚs en France pour la holding du groupe HSBC Holdings. Si les juges d'instruction suivent les réquisitions du parquet, HSBC Holdings Plc sera jugée devant le tribunal correctionnel de Paris pour «blanchiment de fraude fiscale» et «complicité de démarchage illicite».

Le parquet national financier a confirmé dans ses réquisitions, datées du , celles qu'il avait prises en , et demande le renvoi en correctionnel de la filiale suisse, HSBC Private Bank Suisse (HSBC PB), pour «démarchage illicite» et «blanchiment de fraude fiscale». Le parquet national financier est convaincu qu'elle a proposé à des clients français, en 2006 et 2007, divers opérations et montages, via les paradis fiscaux, pour dissimuler leurs avoirs à l'administration fiscale. Le parquet national financier a demandé le renvoi en procÚs de l'ancien CEO d'HSBC Private Bank, Peter Braunwalder, et d'un autre responsable de la filiale, Judah Elmaleh[28].

Portugal

Le , le Portugal reçoit la liste de 611 contribuables mentionnĂ©s dans les fichiers de SwissLeaks aprĂšs avoir fait une demande Ă  la France. D'aprĂšs le secrĂ©taire d’État aux Affaires fiscales Paulo Nuncio, « la liste sera recoupĂ©e avec des informations dont dispose dĂ©jĂ  le fisc portugais »[29].

Royaume-Uni

Le , les dĂ©putĂ©s britanniques dĂ©cident l'ouverture d'une enquĂȘte de la commission des comptes publics sur les pratiques de la banque HSBC, dont le siĂšge se trouve Ă  Londres. Selon le Guardian, le Parti conservateur au pouvoir a reçu plus de 5 millions de livres de la part de donateurs clients de la filiale suisse de HSBC, le Parti travailliste bĂ©nĂ©ficiant de son cĂŽtĂ© de plus de 500 000 livres en argent liquide et en cadeaux, ainsi qu'un prĂȘt de 2 millions de livres[30]. Ces rĂ©vĂ©lations mettent en difficultĂ© le gouvernement de David Cameron, dĂ©jĂ  critiquĂ© pour la nomination de Stephen Green, ancien prĂ©sident de HSBC, au poste de ministre du Commerce et l'Investissement.

Le , la commission des finances publiques de la Chambre des communes auditionne deux dirigeants du HM Revenue and Customs (HMRC), le service fiscal chargĂ© de percevoir impĂŽts et taxes. Le fisc britannique paraĂźt avoir omis de lancer des poursuites contre HSBC aprĂšs avoir reçu des autoritĂ©s françaises en 2010 une liste de 6 000 contribuables britanniques soupçonnĂ©s d'Ă©vasion fiscale. Deux ans plus tard, l'un des responsables du HMRC quittait son poste pour aller travailler pour HSBC. Alors qu'en France, l'action de l’État a permis de recouvrer 1,2 milliard d'euros dans l'affaire des Ă©vadĂ©s fiscaux, seulement 135 millions de livres sterling ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s par le TrĂ©sor britannique aprĂšs des arrangements confidentiels passĂ©s avec les fraudeurs[31].

Le , Stephen Green, qui dirigeait la banque pendant la période concernée par les révélations, démissionne de son poste de président du conseil consultatif de TheCityUK, un groupe de pression au service de la finance britannique[32].

Suisse

Le , le ministĂšre public du canton de GenĂšve annonce qu'il a ouvert une procĂ©dure pĂ©nale contre la banque HSBC Private Bank pour blanchiment d'argent aggravĂ©, sur la base de la Loi sur le blanchiment d’argent (LBA)[33]. Une enquĂȘte est ouverte contre la banque, et son siĂšge de GenĂšve est perquisitionnĂ©[34]. Cette enquĂȘte pourrait ĂȘtre Ă©tendue Ă  des personnes physiques « qui seraient elles-mĂȘmes soupçonnĂ©es d’avoir commis des actes de blanchiment » ou d’y avoir participĂ©[35].

Contrairement au ministĂšre public du canton de GenĂšve, le ministĂšre public de la ConfĂ©dĂ©ration n'ouvre pas d'enquĂȘte concernant la banque HSBC en Suisse, considĂ©rant qu'il n'existe pas de preuves justifiant l'ouverture d'une enquĂȘte. Cette position Ă©tonne notamment l'ancien procureur gĂ©nĂ©ral du canton du Tessin Dick Marty qui dĂ©clare le Ă  la RTS : « Ce qui est inquiĂ©tant, c'est qu'il y a une autoritĂ© pĂ©nale [le ministĂšre public de la ConfĂ©dĂ©ration] qui ne fait rien, mais surtout qui ne dit rien quant aux faits qui sont dĂ©couverts, alors on a entendu des justifications : "il n'y a pas de preuves", oui mais les preuves il faut les chercher. Le procureur ne doit pas intervenir quand il y a des preuves, sa tĂąche est de les chercher. Le procureur doit intervenir quand il y a des indices, et lĂ  je crois vraiment qu'il y a de nombreux indices qui justifieraient l'ouverture d'une enquĂȘte ». Dick Marty souligne Ă©galement le manque d'efficacitĂ© de l'AutoritĂ© fĂ©dĂ©rale de surveillance des marchĂ©s financiers (FINMA), qui ne traite pas les « grandes affaires »[36].

Le , le procureur gĂ©nĂ©ral du canton de GenĂšve annonce avoir clos la procĂ©dure contre la banque pour blanchiment d’argent aggravĂ©, aprĂšs un accord sur une amende de 40 millions de francs suisses, soit 38 millions d’euros. Cette amende, Ă©tablie en fonction des bĂ©nĂ©fices touchĂ©s indĂ»ment, est la plus importante jamais payĂ©e dans le Canton de GenĂšve[37].

Le , le Tribunal pĂ©nal fĂ©dĂ©ral suisse condamne par dĂ©faut HervĂ© Falciani Ă  cinq ans de prison, pour « espionnage Ă©conomique ». L'ancien informaticien de la banque HSBC est par ailleurs acquittĂ© d’autres chefs d’accusation, dont celui de violation du secret commercial. Dans un communiquĂ©, la banque « se fĂ©licite de la dĂ©cision du Tribunal pĂ©nal fĂ©dĂ©ral suisse »[38].

Tunisie

Le , le parquet de Tunis annonce l'ouverture d'une enquĂȘte pour blanchiment d'argent. Parmi les 256 clients dĂ©tenant un total de 679 comptes auprĂšs de la banque HSBC figurent Belhassen Trabelsi, frĂšre de Leila Trabelsi, l'Ă©pouse du dictateur dĂ©chu Zine el-Abidine Ben Ali, ainsi que l'avocat d'affaires et ex-candidat Ă  la prĂ©sidentielle Samir Abdelli, et l'homme d'affaires Tarek Bouchamaoui, frĂšre de Wided Bouchamaoui, la patronne du principal syndicat patronal. Sauf exception, la loi tunisienne interdit aux Tunisiens ne rĂ©sidant pas Ă  l'Ă©tranger d'avoir des comptes hors de la Tunisie[39].

Position de HSBC

Visuel publicitaire de la campagne HSBC « Différents points de vue », 2006.

En , la HSBC Private Bank Suisse SA se voit refuser par les autoritĂ©s suisses sa demande de ne pas crĂ©er le fichier Evafisc, dont le but est de permettre Ă  la Direction nationale d'enquĂȘtes fiscales d'identifier les dĂ©tenteurs des comptes frauduleux, pour les encourager Ă  dĂ©clarer leurs avoirs[40].

Le , la banque HSBC ordonne aux journalistes de l'ICIJ par le biais de ses avocats de dĂ©truire immĂ©diatement les donnĂ©es en leur possession, sous peine de mesures pĂ©nales et civiles destinĂ©es Ă  empĂȘcher leur divulgation[41]. En Suisse, aprĂšs trois semaines d'Ă©changes tendus entre les avocats mandatĂ©s par la banque et les cinq journaux partenaires de SwissLeaks[41], la direction de la banque communique une prise de position, dans laquelle elle dĂ©clare que les rĂ©vĂ©lations concernent une structure interne de 2007 qui selon elle n'existerait plus en 2014. Elle affirme s'ĂȘtre imposĂ©e Ă  elle-mĂȘme une « transformation radicale », rĂ©duisant notamment sa clientĂšle privĂ©e de 70 %. Son activitĂ© reste tout de mĂȘme assez soutenue : entre 2007 et 2014, le nombre de comptes gĂ©rĂ©s par la filiale helvĂ©tique de banque privĂ©e est passĂ© de 30 412 Ă  10 343, les actifs gĂ©rĂ©s sont passĂ©s de 118,4 milliards Ă  68 milliards de dollars, et la rĂ©partition gĂ©ographique de ses clients est passĂ©e de 150 pays Ă  100 pays. D'autre part, la banque continue de s'affirmer victime d'un vol de donnĂ©es de la part de HervĂ© Falciani[42].

Le , Stuart Gulliver, le directeur gĂ©nĂ©ral de la banque HSBC, publie une lettre ouverte dans plusieurs journaux britanniques, dans laquelle il dĂ©clare notamment : « L’attention des mĂ©dias s’est portĂ©e sur des Ă©vĂ©nements passĂ©s montrant que nos standards d’aujourd’hui n’étaient pas universellement respectĂ©s dans notre filiale suisse, il y a huit ans. Nous devons comprendre que les sociĂ©tĂ©s que nous servons attendent plus de nous. Nous prĂ©sentons donc nos plus sincĂšres excuses »[41].

Le , jour de la prĂ©sentation des rĂ©sultats annuels de la banque, The Guardian rĂ©vĂšle l'existence de deux comptes bancaires, contenant plusieurs millions de dollars et dĂ©tenus en Suisse par Stuart Gulliver, via deux sociĂ©tĂ©s domiciliĂ©es au Panama. En rĂ©ponse aux questions du journal, les avocats de Gulliver expliquent que ces comptes auraient servi Ă  tenir secret le montant des primes perçues par Gulliver aux yeux de ses collĂšgues de HSBC Hong Kong, et affirment que ces comptes auraient Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s au fisc britannique. Toutefois, ses avocats refusent d'indiquer Ă  quelle date Gulliver aurait dĂ©clarĂ© ces comptes, ni d'expliquer l'intĂ©rĂȘt des sociĂ©tĂ©s offshore dans la recherche de discrĂ©tion allĂ©guĂ©e[43]. Dans un communiquĂ©, la banque assure que les comptes auraient Ă©tĂ© ouverts « au nom d'une sociĂ©tĂ© panamĂ©enne pour des raisons de confidentialitĂ© et cela n'avait aucun autre but et n'a permis aucun avantage fiscal ou de toute autre nature », tandis que l'actuel prĂ©sident du groupe, Douglas Flint, dĂ©clare de son cĂŽtĂ© que « Stuart n'a rien fait qui ne soit pas transparent, lĂ©gal et appropriĂ© »[44].

Lors de cette présentation, Stuart Gulliver confirme que la banque HSBC a suspendu ses campagnes publicitaires avec les médias participant à l'opération SwissLeaks[note 1]. Cette déclaration intervient aprÚs la démission spectaculaire de l'éditorialiste du Daily Telegraph, qui accuse son journal de ne couvrir qu'a minima les révélations sur HSBC, et de confondre publicité et contenu éditorial en commettant « une fraude au lecteur », de peur de perdre un important annonceur[45].

Notes et références

Notes

  1. « Si vous lisez pages 4 et 5 que HSBC est une mauvaise entreprise, c’est peu probable que vous vous disiez une page plus loin "et si j’allais prendre un crĂ©dit immobilier chez eux ?" C’est du bon sens, c’est le business qui veut ça : nous ne plaçons pas de publicitĂ©s Ă  cĂŽtĂ© d’articles hostiles parce que ces dĂ©penses publicitaires ne nous rapporteraient rien. Cela n’a rien Ă  voir avec chercher Ă  influencer la couverture Ă©ditoriale de qui que ce soit. »

Références

  1. « Vol de données HSBC : 15.000 clients concernés », sur Lepoint.fr,
  2. Fabrice Lhomme et Gérard Davet, « SwissLeaks : révélations sur un systÚme international de fraude fiscale », Le Monde, (consulté le )
  3. Serge Michel, « SwissLeaks : Les coulisses d’une investigation mondiale », Le Monde, 9 fĂ©vrier 2015 (consultĂ© le 9 fĂ©vrier 2015)
  4. Alain Jeannet, « Pourquoi nous participons Ă  l’opĂ©ration Swissleaks.net », sur Swissleaks.net, 8 fĂ©vrier 2015 (consultĂ© le 9 fĂ©vrier 2015)
  5. « « SwissLeaks » : plus de 6 milliards d'avoirs belges concernés », RFI,
  6. Alexandre Léchenet, Anne Michel et Simon Piel, « Les 1001 visages des évadés fiscaux », sur Le Monde,
  7. Éric de Montgolfier : "Des noms ont Ă©tĂ© retirĂ©s des listings de HSBC"
  8. ICIJ - Classement des pays par montant
  9. ICIJ - Analyse des données SwissLeaks par pays
  10. « SwissLeaks » : « Nous publions les noms des personnalités dont la fraude est manifeste », Le Monde, 9 février 2015
  11. [Pour les enquĂȘteurs, HSBC aide activement ses clients Ă  Ă©chapper Ă  l'impĂŽt, Le Monde, 27 janvier 2014 https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/27/pour-les-enqueteurs-hsbc-aide-activement-ses-clients-a-echapper-a-l-impot_4354992_3234.html]
  12. Pour les enquĂȘteurs, HSBC aide activement ses clients Ă  Ă©chapper Ă  l'impĂŽt, Le Monde, 27 janvier 2014 https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/27/pour-les-enqueteurs-hsbc-aide-activement-ses-clients-a-echapper-a-l-impot_4354992_3234.html
  13. « SwissLeaks » : Sa Majesté Mohammed VI, client numéro 5090190103 chez HSBC, Le Monde, 8 février 2015
  14. Plongée dans les noms marocains de SwissLeaks, Le Monde, 13 février 2015
  15. Swissleaks : mais qui est sur la liste des évadés fiscaux de la HSBC ?, Nice Matin
  16. ICIJ - 63 profils de clients sélectionnés
  17. « SwissLeaks » : artistes, avocats, hommes d’affaires, ces clients français chez HSBC, Le Monde, 9 fĂ©vrier 2015
  18. (en) Banking Giant HSBC Sheltered Murky Cash Linked to Dictators and Arms Dealers ICIJ - Les caisses noires protégées par le secret bancaire
  19. Pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et organisation frauduleuse d'insolvabilité pour échapper à l'impÎt. Source : « Affaire HSBC : prison ferme pour Arlette Ricci », sur lemonde.fr/,
  20. HSBC abritait (aussi) des financiers d'Al-Qaida, Le Monde, 10 février 2015
  21. La chaßne en or d'Oussama Ben Laden, Le Temps, 10 février 2015
  22. HSBC ferme les yeux sur le trafic d'armes en Afrique, Le Monde, 11 février 2015
  23. « SwissLeaks » : le BrĂ©sil ouvre une enquĂȘte, Le Monde, 1er mars 2015
  24. SwissLeaks : HSBC pourrait ĂȘtre poursuivi aux États-Unis, Le Monde, 11 fĂ©vrier 2015
  25. « SwissLeaks » : les accusations d’HervĂ© Falciani envers MichĂšle Alliot-Marie, Le Monde, 12 fĂ©vrier 2015
  26. SwissLeaks : le parquet financier requiert le renvoi en correctionnelle de HSBC, Le Monde, 13 mars 2015.
  27. SwissLeaks : la banque HSBC mise en examen en France, Le Monde, 9 avril 2015.
  28. HSBC menacé de procÚs pour fraude fiscale, 20minutes.fr, 3 novembre 2016
  29. Swissleaks: le Portugal a reçu la liste de ses contribuables, Bilan, 2 mars 2015
  30. (en) HSBC files show Tories raised over £5m from HSBC Swiss account holders, The Guardian, 11 février 2015
  31. SwissLeaks : le Royaume-Uni lance une enquĂȘte sur HSBC, Le Figaro, 10 fĂ©vrier 2015
  32. SwissLeaks: l'ancien patron de HSBC quitte ses fonctions au sein d'un groupe de pression, La Libre, 17 février 2015
  33. Loi sur le blanchiment d’argent, LBA
  34. SwissLeaks : ouverture d'une enquĂȘte contre HSBC en Suisse, Le Monde, 18 fĂ©vrier 2015
  35. Une enquĂȘte pĂ©nale a Ă©tĂ© ouverte contre la banque dans l'Ă©norme scandale de fraude fiscale et de blanchiment d’argent rĂ©vĂ©lĂ© par Swissleaks., LibĂ©ration, 18 fĂ©vrier 2015
  36. Interview de Dick Marty, 16 février 2015 Radio télévision suisse
  37. SwissLeaks : clĂŽture de l’enquĂȘte suisse sur HSBC aprĂšs un accord sur une amende de 38 millions d’euros, Le Monde, 4 juin 2015
  38. Affaire SwissLeaks : Hervé Falciani condamné par défaut à cinq ans de prison en Suisse, Le Monde, 27 novembre 2015.
  39. SwissLeaks : la Tunisie ouvre une enquĂȘte pour blanchiment d'argent, Le Monde, 11 fĂ©vrier 2015
  40. « Affaire HSBC Private Bank Suisse SA / DGI : analyse de la portĂ©e de l'Ordonnance du Conseil d'État du 19 avril 2010 »,
  41. HSBC, des menaces aux excuses publiques, L'Hebdo, 18 février 2015
  42. [PDF] « La position d'HSBC », Le Temps (trad. Virginie Bordeaux, Le Monde), 8 février 2015 (consulté le 9 février 2015)
  43. Revealed: Swiss account secret of HSBC chief Stuart Gulliver, The Guardian, 23 février 2015
  44. HSBC : Stuart Gulliver défend son compte en Suisse, Le Point, 23 février 2015
  45. HSBC joue l’arme de la publicitĂ© face aux « articles hostiles », Le Monde, 23 fĂ©vrier

Voir aussi

Articles connexes

Scandales de l'Ă©vasion fiscale et blanchiment d’argent via paradis fiscaux :


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