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Requin soyeux

Carcharhinus falciformis

Le Requin soyeux (Carcharhinus falciformis) est une espèce de requins de la famille des Carcharhinidae, qui doit son nom Ă  la texture lisse de sa peau. Il est l'un des requins les plus abondants dans la zone pĂ©lagique, et peut ĂŞtre trouvĂ© dans les ocĂ©ans tropicaux du monde entier. Très mobile et migrateur, ce requin vit le plus souvent sur le bord du plateau continental jusqu'Ă  une profondeur de 50 mètres. Le Requin soyeux a un corps mince et fuselĂ© et atteint gĂ©nĂ©ralement une longueur de 2,5 mètres. Il se distingue des autres grands requins par sa première nageoire dorsale de petite taille avec une marge postĂ©rieure courbe, sa petite deuxième nageoire dorsale avec une longue pointe arrière libre et ses longues nageoires pectorales en forme de faucille. Il est d'un profond gris bronze mĂ©tallisĂ© au-dessus et blanc au-dessous.

Les proies étant souvent rares dans son environnement océanique, le Requin soyeux est un chasseur rapide, curieux et insistant. Il se nourrit principalement de poissons osseux et de céphalopodes, et est connu pour les chasser en les regroupant en des bancs compacts avant de se jeter dedans la gueule ouverte. Cette espèce suit souvent les bancs de thons, une de ses proies privilégiées. Son ouïe est extrêmement développée, ce qui lui permet de localiser les sons à de basses fréquences, générés par les autres animaux et, par extension, les sources de nourriture. Le Requin soyeux est vivipare, ce qui signifie que les embryons en développement sont reliés au placenta de leur mère. Son cycle de vie varie fortement suivant les régions. La reproduction a lieu toute l'année, sauf dans le golfe du Mexique, où elle suit un cycle saisonnier. Les femelles donnent naissance à des portées allant jusqu'à 16 jeunes par an — ou tous les deux ans. Les requins nouveau-nés passent leurs premiers mois dans des zones de récifs relativement protégées sur le plateau continental, où ils grandissent, avant de gagner les eaux libres océaniques.

Du fait de sa grande taille et de ses dents acérées, le Requin soyeux est potentiellement dangereux pour l'homme, car il peut avoir un comportement agressif envers les plongeurs. Cependant, les attaques sont rares, car peu d'humains pénètrent dans son habitat océanique. En revanche, l'espèce est pêchée pour ses ailerons et, dans une moindre mesure, pour sa viande, sa peau, son huile de foie et ses mâchoires. En raison de son abondance, ce poisson est une cible de choix pour les pêcheurs de requins de nombreux pays. Par ailleurs, comme il est souvent associé aux bancs de thons, il constitue une prise accessoire des pêcheurs. En dépit de son faible taux de reproduction, il semble que son importante aire de répartition et sa grande population permettent d'atténuer la baisse des effectifs liée à la pêche. Toutefois, les dernières données recueillies sur cet animal indiquent que le nombre de Requins soyeux est en baisse partout dans le monde, ce qui a incité l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à réévaluer son statut de conservation de « préoccupation mineure » à « quasi-menacé » en 2007.

Taxonomie

Illustration d'un requin, vu de côté.
Illustration d'un requin soyeux par Müller et Henle, accompagnant leur description originale de l'espèce.

La première description scientifique du Requin soyeux a Ă©tĂ© publiĂ©e par les biologistes allemands Johannes MĂĽller et Jacob Henle sous le nom de Carcharias (Prionodon) falciformis, dans leur Systematische Beschreibung der Plagiostomen de 1839, Ă  partir d'une description communiquĂ©e par Gabriel Bibron[1]. Des auteurs ultĂ©rieurs ont ensuite placĂ© cette espèce dans le genre Carcharhinus[2] - [3] - [4]. Comme le spĂ©cimen type de MĂĽller et Henle Ă©tait un fĹ“tus femelle de 53 cm de long capturĂ© Ă  Cuba, les premiers adultes rencontrĂ©s ne sont pas reconnus comme C. falciformis et sont dĂ©crits comme une espèce distincte, Carcharhinus floridanus, par Henry Bigelow, William Schroeder et Stewart Springer en 1943. Jack Garrick, Richard Backus et Robert Gibbs, Jr. placent C. floridanus comme un synonyme de C. falciformis en 1964[5].

L'épithète spécifique falciformis signifie en latin « en forme de faucille », en référence au profil des nageoires pectorales et dorsales de cette espèce[6]. Le nom commun du Requin soyeux provient de sa peau qui a une texture fine par rapport aux autres requins, du fait de ses minuscules denticules cutanés densément implantés[7].

Description

Un requin de grande taille, de couleur bronze, gisant sur le pont d'un navire
Un requin posé sur le côté montrant son ventre blanc ; il a de longues nageoires pectorales à l'extrémité sombre.
Principales caractéristiques du Requin soyeux, avec sa petite première nageoire dorsale et ses grandes nageoires pectorales.

Le Requin soyeux a un corps mince et fuselé, avec un assez long museau arrondi qui présente des rabats de peau à peine développés devant les narines. Les yeux sont circulaires et de taille moyenne, et sont équipés de membranes nictitantes. Des sillons courts et peu profonds sont présents au niveau des coins de la bouche[3] - [8]. Il y a entre 14 et 16 et 13 et 17 rangées de dents de chaque côté des mâchoires supérieure et inférieure respectivement (en général 15 pour les deux). Les dents de la mâchoire supérieure sont triangulaires et fortement dentelées, avec une encoche dans le bord postérieur. Elles sont droites au centre et deviennent plus obliques vers les côtés. Les dents de la mâchoire inférieure sont étroites, droites et lisses. Les cinq paires de fentes branchiales sont de longueur modérée[9].

Les nageoires dorsales et pectorales sont caractéristiques et aident à distinguer le Requin soyeux des espèces similaires. La première nageoire dorsale est relativement petite, mesurant moins d'un dixième de la longueur du requin, et elle prend naissance derrière les extrémités arrière libres des nageoires pectorales. Elle a un sommet arrondi, une bordure arrière en forme de « S » et une pointe arrière libre mesurant environ la moitié de la longueur de la nageoire. La deuxième nageoire dorsale est petite, plus petite même que la nageoire anale, avec une très longue extrémité libre à l'arrière, jusqu'à trois fois plus longue que la nageoire. Il y a une crête étroite s'étendant entre les nageoires dorsales. Les nageoires pectorales sont étroites et falciformes, et particulièrement longues chez les adultes. La nageoire anale est implantée légèrement avant la deuxième nageoire dorsale et a une profonde entaille dans le bord postérieur. La nageoire caudale est assez haute avec un lobe inférieur bien développé[3] - [8].

La peau est densĂ©ment couverte par des denticules cutanĂ©s qui se chevauchent. Chaque denticule cutanĂ© est en forme de diamant et porte des nervures horizontales se terminant par des dentelures postĂ©rieures marginales, qui sont de plus en plus nombreuses au fur et Ă  mesure que le requin se dĂ©veloppe[5] - [7]. Le dos est gris-dorĂ© mĂ©tallisĂ© foncĂ© et le ventre est d'un blanc neigeux qui s'Ă©tend sur le flanc en une bande claire. Les nageoires (Ă  l'exception de la première dorsale) s'assombrissent Ă  leur extrĂ©mitĂ©, ce qui est plus visible chez les jeunes requins[3] - [7]. La coloration s'estompe rapidement pour donner un gris terne après la mort de l'animal[10]. Le Requin soyeux est l'un des plus grands membres de son genre. Il atteint gĂ©nĂ©ralement une longueur de 2,5 m[11], avec une longueur maximale enregistrĂ©e de 3,5 m[11] et un poids de 346 kg[12]. Les femelles sont plus grandes que les mâles[7].

Biologie et Ă©cologie

Le Requin soyeux est l'une des trois espèces de requins pélagiques les plus communes, avec le Requin bleu et le Requin longimane, et il compte parmi les grands animaux les plus abondants des océans du monde, avec une population d'au moins plusieurs dizaines de millions d'individus[13]. Par rapport aux deux autres espèces, il est moins strictement associé à la zone pélagique, et on le trouve souvent dans des zones côtières, où la nourriture est plus facile à obtenir que plus loin dans l'océan. Le Requin soyeux est un prédateur actif, curieux et agressif[11], mais qui est dominé par le plus lent mais plus puissant Requin longimane quand ces deux espèces se retrouvent en concurrence[3]. À l'approche de quelque chose d'intéressant, il peut sembler inattentif, décrivant des cercles calmement et balançant parfois sa tête de gauche à droite. Cependant, il peut répondre avec une rapidité surprenante à tout changement dans son environnement immédiat[14]. On trouve souvent ce requin autour d'objets flottants tels que des bouts de bois ou des bouées nautiques[15].

Les jeunes Requins soyeux sont connus pour former de grands groupes plus ou moins organisés, peut-être pour se défendre mutuellement[16]. Pendant les migrations, plus de mille individus peuvent se rassembler[17]. Ces groupes sont généralement constitués d'animaux de même taille, et dans le Pacifique peut-être aussi suivant le sexe[7] - [18] - [19]. Les Requins soyeux au sein d'un groupe sont souvent observés se présentant leur profil latéral l'un l'autre, ou à entrouvrir leurs mâchoires ou gonfler leurs branchies. À l'occasion, les requins ont également été vu chargeant soudainement vers le haut, virant juste avant d'atteindre la surface pour retourner vers le bas et les eaux plus profondes. La signification de ces comportements est inconnue[14]. Lorsqu'il est confronté à une menace, le Requin soyeux peut prendre une posture d'intimidation, dans laquelle il cambre son dos, baisse sa queue et ses nageoires pectorales et lève la tête. Le requin nage alors en formant des boucles serrées dans un mouvement raide et saccadé, en se retournant souvent vers la menace perçue[20].

Les prédateurs du Requin soyeux sont les grands requins et les orques (Orcinus orca). Parmi les parasites qui lui sont connus, on compte l'isopode Gnathia trimaculata[21], le copépode Kroeyerina cortezensis[22] et les cestodes Dasyrhynchus variouncinatus et Phyllobothrium[23] - [24]. Les Requins soyeux se mêlent souvent aux bancs de Requins-marteaux halicornes (Sphyrna lewini), et sont connus pour suivre les mammifères marins. Un recensement dans la mer Rouge a décrit 25 Requins soyeux suivant un grand groupe de dauphins Tursiops, avec 25 Requins gris de récif (C. amblyrhynchos) et un Requin pointe blanche (C. albimarginatus). Les Requins soyeux sont eux-mêmes accompagnés de jeunes Poissons-pilotes (Naucratès ductor), ainsi que par des Carangidae, qui se nourrissent de restes de nourriture et viennent se frotter contre la peau du requin pour se débarrasser de leurs parasites[16] - [25].

Alimentation

Plusieurs poissons argentés à la queue en croissant
Le thon est la proie favorite du Requin soyeux, qui suit souvent leurs bancs.

Le Requin soyeux est un prédateur opportuniste se nourrissant principalement de poissons osseux dans tous les niveaux de la colonne d'eau, dont notamment les thons, les maquereaux, les sardines, les rougets, les mérous, les Lutjanidae, les Decapterus, les Kyphosidae, les poissons-chats marins, les anguilles, les poissons-lanternes, les Monacanthidae, les balistes et les Diodontidae. Il peut également consommer des calmars, des argonautes et des Portunidae, et il existe des preuves fossiles que ce requin peut venir se nourrir sur des carcasses de baleines[6] - [3] - [26]. De fortes disponibilités en nourriture de qualité peuvent attirer les Requins soyeux en grand nombre. Un tel groupe de requin a été observé piégeant un banc de poissons en l'encerclant près de la surface de l'eau, le regroupant en une masse compacte avant que les requins ne consomment l'intégralité du banc[6]. Lors d'une attaque d'un banc de poissons dense, le Requin soyeux charge à travers le banc la bouche ouverte, et capture des poissons dans les coins de sa mâchoire. Bien que plusieurs requins peuvent se nourrir à la fois, chacun lance son attaque de façon indépendante[16].

Des Ă©tudes menĂ©es au large de la cĂ´te de la Floride et des Bahamas ont montrĂ© que les Requins soyeux sont très sensibles au son, en particulier Ă  ceux de basse frĂ©quence (10 Ă  20 Hz) et aux impulsions irrĂ©gulières. Des expĂ©riences dans lesquelles ce genre de sons ont Ă©tĂ© jouĂ©s sous l'eau ont permis d'attirer des requins venant parfois de plusieurs centaines de mètres. Les Requins soyeux s'orientent vers la source de ces sons car ils sont semblables Ă  ceux gĂ©nĂ©rĂ©s par l'alimentation d'animaux comme les oiseaux ou les dauphins, et indiquent donc des sources de nourriture[14] - [16]. Ces Ă©tudes ont Ă©galement dĂ©montrĂ© que le Requin soyeux attirĂ© par un son va rapidement se retirer si ce son change brusquement en amplitude ou en caractère ; ce changement ne doit pas forcĂ©ment ĂŞtre un son produit par un prĂ©dateur pour engendrer une rĂ©action immĂ©diate. Au fil des expositions rĂ©pĂ©tĂ©es, les Requins soyeux s'habituent au changement de son et arrĂŞtent de se retirer, mais il leur faut plus de temps pour modifier leur comportement que pour le Requin longimane, plus audacieux[27].

La force d'une morsure d'un requin de m de long a Ă©tĂ© mesurĂ©e Ă  890 newtons[28]. Il existe une association bien Ă©tablie entre cette espèce et le thon. Au large du Ghana, presque tous les bancs de thons sont suivis de Requins soyeux, et dans l'est du Pacifique ces requins infligent de tels dommages aux filets de pĂŞche au thon et aux captures que les pĂŞcheurs de thon le surnomment parfois « requin mangeur de filet »[3] - [10]. Les Requins soyeux et les grands dauphins sont en concurrence lorsque les deux espèces ciblent le mĂŞme banc de poisson, et la quantitĂ© consommĂ©e par les dauphins diminue quand le nombre de requins prĂ©sents augmente. S'il y a un grand nombre de requins, ils ont tendance Ă  rester Ă  l'intĂ©rieur du banc des proies, tandis que les dauphins se confinent Ă  la pĂ©riphĂ©rie, peut-ĂŞtre pour Ă©viter les blessures accidentelles liĂ©es aux attaques de requins. Inversement, si un assez grand groupe de dauphins se rassemble, ils deviennent capables de chasser les requins du banc de proies. Peu importe oĂą l'on domine, les deux prĂ©dateurs ne s'engagent pas dans un comportement ouvertement agressif l'un contre l'autre[29].

Cycle de vie

Un requin, de petite taille, gisant sur le pont d'un navire
Jeune Requin soyeux, cette espèce donne naissance à jeunes complètement formés.

Comme les autres membres de sa famille, le Requin soyeux est vivipare : une fois que l'embryon en développement épuise son approvisionnement en vitellus, le sac vitellin appauvri est converti en une connexion placentaire par lequel la mère fournit la nourriture. Par rapport aux autres requins vivipares, le placenta du Requin soyeux est moins similaire à la structure analogue des mammifères car il n'y a pas d'entrecroisement entre les tissus du fœtus et la mère. De plus, les globules rouges fœtaux sont beaucoup plus petits que les globules maternels, ce qui va à l'inverse de la tendance observée chez les mammifères. Les femelles adultes ont un seul ovaire fonctionnel (sur le côté droit) et deux utérus, qui sont divisés en longueur en des compartiments séparés pour chaque embryon[30].

Les Requins soyeux dans la plupart des rĂ©gions du monde se reproduisant apparemment toute l'annĂ©e, alors que l'accouplement et la naissance ont lieu dans le Golfe du Mexique Ă  la fin du printemps ou au dĂ©but de l'Ă©tĂ© (de mai Ă  aoĂ»t)[31] - [19]. Cependant, dans certains cas, la prĂ©sence d'une saisonnalitĂ© de la pĂ©riode de reproduction peut avoir Ă©tĂ© obscurcie par des biais dans la collecte des donnĂ©es[6]. Les femelles donnent naissance après une pĂ©riode de gestation de 12 mois, soit chaque annĂ©e ou tous les deux ans[32]. La taille de la portĂ©e varie de 1 Ă  16 et augmente en fonction de la taille de la femelle, un nombre de 6 Ă  12 Ă©tant typique[11] - [6]. Les jeunes sont nĂ©s dans les zones de reproduction des rĂ©cifs, sur le plateau continental, lĂ  oĂą les approvisionnements alimentaires sont suffisants et la protection contre les grands requins pĂ©lagiques assurĂ©e. Le risque de prĂ©dation a sĂ©lectionnĂ© cette espèce sur une croissance rapide des jeunes requins, qui prennent 25 Ă  30 cm au cours de leur première annĂ©e de vie. Après quelques mois (ou pendant le premier hiver dans le Golfe du Mexique), les requins subadultes migrent des nurseries cĂ´tières vers les eaux libres de l'ocĂ©an[6] - [16] - [19].

Paramètres du cycle de vie du Requin soyeux
RégionLongueur à la naissanceLongueur des mâles à la maturitéLongueur des femelles à la maturité
Atlantique nord-ouest68 Ă  84 cm[6]2,15 Ă  2,25 m[13]2,32 Ă  2,46 m[13]
Atlantique est?2,20 m[33]2,38 Ă  2,50 m[10] - [33]
Indien56 Ă  87 cm[6]2,39 Ă  2,40 m[6] - [34]2,16 Ă  2,60 m[6] - [34]
Pacifique ouest?2,10 Ă  2,14 m[35] - [36]2,02 Ă  2,20 m[35] - [37]
Pacifique centre65 Ă  81 cm[37]1,86 m[38]2,00 Ă  2,18 m[18] - [38]
Pacifique est70 cm[6]1,80 Ă  1,82 m[32] - [6]1,80 Ă  1,82 m[32] - [6]

Les caractéristiques du cycle de vie du Requin soyeux diffèrent suivant la zone géographique. Les requins de l'Atlantique du Nord-Ouest ont tendance à être plus grands que ceux du Pacifique centre-ouest à tout âge, tandis que les requins du Pacifique Est ont tendance à être plus petits que les requins des autres régions. Les requins de l'Atlantique Est et de l'océan Indien semblent égaler ou dépasser la taille des requins de l'Atlantique nord-ouest, mais les chiffres sont basés sur relativement peu d'individus et plus de données sont nécessaires[6].

Le taux de croissance moyen du Requin soyeux est modéré par rapport à celui d'autres espèces de requins, et il est similaire quel que soit le sexe, même s'il varie considérablement d'un individu à l'autre. Une étude dans le centre du Pacifique a montré que les femelles grandissaient moins vite que les mâles, mais les résultats ont été faussés par l'absence de données sur de grandes femelles[31]. Les croissances les plus élevées semblent obtenues par les requins du nord du Golfe du Mexique, et les plus basses par les requins vivant au large du nord de Taïwan[37]. Les mâles et les femelles atteignent la maturité sexuelle à l'âge de 6 à 10 ans et 7-12 ans respectivement[6]. Les requins des eaux plus tempérées peuvent croître plus lentement et arriver à maturité plus tard que dans les régions plus chaudes[37]. La longévité maximale est d'au moins 22 ans[13].

Distribution et habitat

Distribution du Requin soyeux.

Le Requin soyeux a une répartition cosmopolite dans les eaux marines aux températures dépassant 23 °C. Dans l'océan Atlantique, on le rencontre de l’État américain du Massachusetts jusqu'à l'Espagne au nord, et du sud du Brésil jusqu'au nord de l'Angola au sud, en passant par la mer Méditerranée, le Golfe du Mexique, et la mer des Caraïbes. Il vit dans l'ensemble de l'océan Indien, au sud jusqu'au Mozambique à l'ouest et jusqu'à l'Australie-Occidentale à l'Est, en passant par la mer Rouge et le Golfe Persique. Dans l'océan Pacifique, la limite nord de son aire de répartition s'étend du sud de la Chine et du Japon jusqu'au sud de la péninsule de Basse-Californie et au Golfe de Californie, tandis que la limite sud va de Sydney, en Australie, et du nord de la Nouvelle-Zélande jusqu'au nord du Chili[6] - [3]. Si on s'appuie sur les différences visibles au niveau de leur cycle de vie, quatre populations distinctes de Requins soyeux ont été identifiées dans les bassins océaniques du monde entier : une dans l'Atlantique nord-ouest, une dans le Pacifique occidental et central, une dans le Pacifique oriental et une dans l'océan Indien[6].

On a observé des requins soyeux se regroupant autour des centrales électriques en Méditerranée orientale et plus précisément dans les eaux israéliennes de Hadera[39] .

Vue de côté et sous l'eau d'un requin, au corps fuselé avec un museau pointu et une petite nageoire dorsale.
Le Requin soyeux se rencontre généralement dans les eaux libres.

Principalement rĂ©sident de la zone pĂ©lagique, le Requin soyeux est gĂ©nĂ©ralement prĂ©sent entre la surface et une profondeur de 200 m, mais peut plonger jusqu'Ă  500 m ou plus[3]. Les suivis d'individus marquĂ©s dans la zone tropicale orientale du Pacifique et au nord du Golfe du Mexique ont constatĂ© que les Requins soyeux passent 99 % de leur temps Ă  moins de 50 m de profondeur, et 80 Ă  85 % de leur temps dans une eau Ă  une tempĂ©rature comprise entre 26 et 30 °C, et ce de jour comme de nuit[40] - [41]. Cette espèce prĂ©fère les bords des plateaux continentaux et insulaires, souvent au-dessus de rĂ©cifs d'eaux profondes et autour des Ă®les. Son aire de rĂ©partition est plus Ă©tendue vers le nord et le sud le long des marges continentales que dans les eaux libres ocĂ©aniques. Ă€ l'occasion, il peut s'aventurer dans les eaux cĂ´tières peu profondes, jusqu'Ă  moins de 18 m de fond[31]. Les Requins soyeux sont très mobiles et migrateurs, bien que les dĂ©tails de leurs dĂ©placements sont peu connus. Les donnĂ©es de marquage ont enregistrĂ© des requins parcourant jusqu'Ă  60 km par jour, et couvrant des distances pouvant atteindre 1 339 km[42]. Les grands requins se dĂ©placent gĂ©nĂ©ralement sur de plus longues distances que les plus petits. Dans l'ocĂ©an Pacifique et peut-ĂŞtre ailleurs, ils passent l'Ă©tĂ© Ă  des latitudes un peu plus Ă©levĂ©es, en particulier pendant les annĂ©es les plus chaudes d'El Niño[18] - [43]. Dans l'Atlantique Nord, la plupart des requins suivent le Gulf Stream vers le nord le long de la cĂ´te Est des États-Unis[42]. Dans le Golfe d'Aden, il est plus frĂ©quent en fin de printemps et d'Ă©tĂ©[6].

Phylogénie et évolution

Des dents fossilisĂ©es appartenant au Requin soyeux ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes en Caroline du Nord : une dans de la boue datant du PlĂ©istocène - Holocène (il y a 12 000 ans), une autre dans une formation calcaire de Goose Creek datant du Pliocène (il y a 3,5 millions d'annĂ©es), ainsi que dans la rivière Pungo, datant du Miocène (de 23 Ă  5,3 millions d'annĂ©es avant notre ères)[26] - [45]. Des fossiles de dents ont Ă©galement Ă©tĂ© trouvĂ©s dans les strates du Pliocène de la carrière Cava Serredi en Toscane, en Italie[46]. Carcharhinus elongatus, un ancĂŞtre de sa lignĂ©e portant des dents lisses et tranchantes, vivait Ă  l'Oligocène (il y a entre 34 et 23 millions d'annĂ©es) dĂ©pĂ´ts dans la formation vieille Ă©glise de la Virginie, et la formation Ashley de Caroline du Sud. Un ensemble de dents mal dĂ©crites datant de l'Éocène (il y a entre 56 et 34 millions d'annĂ©es) et ressemblant Ă  celles de cette espèce ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes en Égypte[45].

Les premiers efforts pour comprendre les relations évolutives du Requin soyeux n'ont pas été concluants. S'appuyant sur la morphologie des animaux, Jack Garrick suggère en 1982 que le Requin à taches noires (C. sealei) est son plus proche parent[47]. En 1988, Leonard Compagno le place dans un groupe informel avec le Requin nez noir (C. acronotus), le Requin à pointes noires (C. melanopterus), le Requin nerveux (C. cautus), le Requin cuivre (C. brachyurus) et le Requin de nuit (C. signatus)[48].

Plus récemment, l'analyse phylogénétique de 1992 menée par Gavin Naylor, sur la base de données de séquences allozymes, a constaté que le Requin soyeux faisait partie d'un groupe comprenant des grands requins portant une crête entre les nageoires dorsales. Une branche de ce groupe contient le Requin gris (C. plumbeus) et le Requin babosse (C. altimus), tandis que le Requin soyeux est le membre de base de l'autre branche et un taxon frère à un clade comprenant le Requin de récif (C. perezi), le Requin des Galápagos (C. galapagensis), le Requin longimane (C. longimanus), le Requin requiem de sable (C. obscurus), et le Requin bleu (Prionace glauca)[44]. L'analyse de l'ARN ribosomique réalisée par Mine Dosay-Abkulut en 2008, a confirmé que le Requin soyeux était proche du Requin babosse et du Requin bleu[49].

Relations avec l'Homme

Un requin brun à moitié sorti de l'eau par une ligne de pêche accrochée dans le coin de sa bouche.
Un requin soyeux pris par un pêcheur de loisir, ce requin est pêché communément dans de nombreuses régions.

Compte tenu de sa taille et de sa formidable dentition, le Requin soyeux est considéré comme dangereux pour l'Homme. Cependant, il ne vient que rarement en contact avec des humains en raison de son habitat principalement océanique[7]. Sa curiosité naturelle et son audace peuvent le conduire à approcher les plongeurs, et il peut alors devenir dangereux s'il est excité par la présence de nourriture[50]. Le Requin soyeux a tendance à être plus agressif si on le rencontre sur un récif plutôt qu'en eau libre. Il y a quelques cas recensés de requins harcelant constamment des plongeurs et les forçant même à sortir hors de l'eau[25] - [51]. En mai 2009, l'International Shark Attack File recense six attaques imputables au Requin soyeux, trois d'entre elles provoquées par les victimes et aucune n'ayant été mortelle[52].

Un grand nombre de Requins soyeux sont capturĂ©s par les pĂŞcheurs de requins artisanaux et commerciaux, opĂ©rant au large du Mexique, du Guatemala, du Salvador, du Costa Rica, des États-Unis, de l'Équateur, de l'Espagne, du Portugal, du Sri Lanka, des Maldives, du YĂ©men ou de la CĂ´te d'Ivoire. Un nombre encore plus important est capturĂ© accessoirement par les pĂŞcheurs de thon Ă  la palangre ou au filet dĂ©rivant[53], en particulier par les ceux utilisant des dispositifs de concentration de poissons (DCP). C'est le requin le plus communĂ©ment pris accidentellement dans l'est du Pacifique et dans le Golfe du Mexique par les pĂŞcheurs de thon, et le deuxième requin le plus communĂ©ment capturĂ© comme prise accessoire toutes pĂŞches confondues, derrière le Requin bleu[6] - [54]. Ainsi par exemple 3 353 tonnes de requins soyeux contre 9 540 tonnes de requins peau bleue ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s pĂŞchĂ©es en 2011 selon la Commission des thons de l'ocĂ©an Indien[55]. Ces ailerons sont utilisĂ©s pour confectionner la soupe d'ailerons de requin, et la pratique du shark finning est courante avec cette espèce. Au total ce sont les ailerons d'entre un demi-million Ă  un million et demi de Requins soyeux qui approvisionnent le marchĂ© mondial, et il s'agit de la seconde ou troisième espèce la plus vendue sur le marchĂ© des ailerons de Hong Kong, qui reprĂ©sente environ la moitiĂ© du marchĂ© mondial[32] - [6]. On valorise sa viande, vendue fraĂ®che ou sĂ©chĂ©e et salĂ©e, sa peau et son huile de foie[3], ainsi que ses mâchoires ; cette espèce constitue le principal pourvoyeur de mâchoires vendues comme curiositĂ©s pour les touristes dans les tropiques[16]. Certains pĂŞcheurs sportifs capturent des Requins soyeux[7].

Sauvegarde

Comme il s'agit de l'un des requins les plus abondants et les plus rĂ©pandus sur Terre, on a longtemps pensĂ© que le Requin soyeux Ă©tait Ă  l'abri du dĂ©clin de sa population, malgrĂ© la forte mortalitĂ© liĂ©e Ă  la pĂŞche. En 1989, quelque 900 000 individus ont Ă©tĂ© capturĂ©s de façon accessoire par la pĂŞche Ă  la palangre du thon dans le centre et le sud du Pacifique sud, apparemment sans effet sur la population totale[13]. Les donnĂ©es de la pĂŞche de ce requin sont faussĂ©es par les frĂ©quentes sous-dĂ©clarations et les problèmes d'identification de l'espèce. NĂ©anmoins, il y a des preuves croissantes que la population mondiale de Requin soyeux diminue de manière substantielle, consĂ©quence de son taux de reproduction modeste qui est incapable de soutenir les niveaux Ă©levĂ©s de capture. La capture annuelle totale dĂ©clarĂ©e Ă  l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a rĂ©gulièrement diminuĂ©, passant de 11 680 tonnes en 2000 Ă  4 358 tonnes en 2004. Les Ă©valuations rĂ©gionales ont constatĂ© des tendances similaires, le dĂ©clin de la population pourrait ainsi atteindre 90% dans le Pacifique central entre les annĂ©es 1950 et les annĂ©es 1990, 60 % au large du Costa Rica entre 1991 Ă  2000, 91 % dans le Golfe du Mexique des annĂ©es 1950 aux annĂ©es 1990, et 85 % (comme pour tous les grands requins de la famille des Carcharhinidae) dans l'Atlantique Nord-Ouest entre 1986 et 2005. La pĂŞche au Requin soyeux au large du Sri Lanka a enregistrĂ© une baisse entre le pic de 25 400 tonnes en 1994 et les 1 960 tonnes de 2006, ce qui indique un effondrement de la population locale. Par contre, les pĂŞcheurs japonais dans le Pacifique et l'ocĂ©an Indien ont enregistrĂ© aucun changement dans le taux de capture entre les annĂ©es 1970 et 1990[32], et la validitĂ© des mĂ©thodes utilisĂ©es pour Ă©valuer la baisse des effectifs dans le Golfe du Mexique et de l'Atlantique nord-ouest a fait l'objet de nombreux dĂ©bats[56] - [57] - [58].

À la suite des découvertes récentes, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a réévalué en 2007 le statut du Requin soyeux, le passant de préoccupation mineure à quasi-menacé. Au niveau régional, il est répertorié comme quasi-menacé dans le sud-ouest de l'Atlantique, l'océan Indien et le centre-ouest du Pacifique, et comme vulnérable dans la partie orientale du Pacifique centre et sud et le nord-ouest et l'ouest de l'océan Atlantique. Le Requin soyeux est inscrit à l'Annexe I, avec les espèces de grands migrateurs, sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, bien que cela n'ait pas encore entraîné la mise en place de schémas de sauvegarde. L'espèce devrait bénéficier de l'interdiction du shark finning, qui est de plus en plus mise en œuvre par les pays et les entités supranationales, y compris les États-Unis, l'Australie et l'Union européenne[32]. Des organisations telles que la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) et le Inter-American Tropical Tuna Commission (IATTC) ont également pris des mesures pour améliorer la surveillance de la pêche, dans le but de réduire les prises accessoires de requins[6]. Cependant, étant donné le caractère hautement migratoire du Requin soyeux et son association avec le thon, il n'existe aucun moyen simple de réduire les prises accessoires sans affecter aussi l'économie de la pêche[43].

Notes et références

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Annexes

Articles connexes

Références taxinomiques

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