Huile de foie de requin
L'huile de foie de requin est un extrait du foie de diverses espĂšces de requins, dont les requins pĂšlerins (Cetorhinus maximus)[4], le requin-baleine (Rhincodon typus)[5], le requin hĂą (Galeorhinus galeus)[5], l'Aiguillat commun (Squalus acanthias)[5], les anges de mer, les Ă©missolles et les requins-renards[6] « et dâun grand nombre de requins vivant en eau profonde »[7].
Ces trois espĂšces, autrefois largement prĂ©sentes dans leur aire de rĂ©partition ont Ă©tĂ© classĂ©s vulnĂ©rables sur la liste rouge de l'IUCN, Ă la suite de leur surpĂȘche[2] - [3].
Composition
Cette huile riche en acides gras w3 Ă longue chaĂźne[8] contient des hydrocarbures terpĂ©niques poly-insaturĂ©s, de la vitamine A, du cholestĂ©rol, des triglycĂ©rides, des diacyl-glycĂ©ryl-Ă©thers [1-3] et le 1-O-alkyl-dialcyl-sn-glycĂ©rol (l'une des formes des alkylglycĂ©rols (AKG) qui sont des Ă©ther-lipides, l'huile de Centrophorus squamosus contenant par exemple comme AKG de lâalcool sĂ©lachylique (chaĂźne alkyle C18:1 n-9), reprĂ©sente environ 60 % du poids total d'AKG, mais aussi 10 Ă 15 % d'alcool chimylique (C16:0) et 10 Ă 15 % dâalcool mono-insaturĂ© correspondant (C16:1 n-7), et enfin 2 Ă 5 % d'alcool batylique (C18:0)[7].
Les alkylglycérols (AKG) sont réputés stimuler le systÚme immunitaire[9]. On en extrait aussi des huiles de requin le squalÚne (aussi dit spinacÚne), présent en bonne concentration, notamment chez les requins vivant en profondeur (dont le foie, qui contient jusqu'à 89 % de lipides, représente 15 à 29 % du poids total du requin [4]) Le taux de squalÚne dans les lipides hépatiques des requins est compris entre 63 et 96 %, certaines espÚces de grands fonds en contenant le plus [7], alors que « chez les requins de surface, l'huile de foie contient trÚs peu de squalÚne (10 à 20 %), mais beaucoup de cholestérol, de triglycérides et de vitamine A ».
Le dérivé hydrogéné du squalÚne, le squalane, est trÚs utilisé dans l'industrie pharmaceutique et en cosmétique et cosmétologie[10] car trÚs stables à haute température[11].
Utilité chez le requin
Le requin ne dispose pas de vessie natatoire, son énorme foie sert de réserve énergétique et d'organe de détoxication, mais aussi à contrÎler sa flottabilité[12].
Historique et intĂ©rĂȘt mĂ©dicinal (controversĂ©) et agroindustriel
Les pĂȘcheurs scandinaves et japonais utilisent depuis le Moyen Ăge, empiriquement, l'huile de foie de requin comme cicatrisant, contre la grippe ou pour renforcer l'immunitĂ©[7] - [13]. Les japonais l'appellent samedawa, ce qui signifie « panacĂ©e ».
Dans les années 1950, on analyse la valeur alimentaire des huiles de poissons, requins et cétacés[14], et plus récemment Anita Conti a participé à l'analyse nutritive de l'huile des foies de requins[15] et de nombreux procédés[8].
Son utilisation a pris de l'ampleur Ă partir des annĂ©es 1950 avec l'extension de la pĂȘche industrielle, le dĂ©veloppement de techniques d'extraction, fractionnement, concentration (via divers procĂ©dĂ©s de cuissonâpression, extraction amplifiĂ©e par solvants ou via des techniques enzymatiques sanitairement moins dangereuses), avec des valorisations de plus en plus large des huiles marines[8] puis avec le dĂ©veloppement des techniques de pĂȘche dans les grands fonds, au moment que l'on commençait Ă attribuer Ă cette huile des vertus anticancĂ©reuses[16]. La pĂȘche intensive des requins contribue Ă la surpĂȘche et Ă la surexploitation de certaines espĂšces, en rĂ©gression ou menacĂ©es de disparition[5].
IntĂ©rĂȘt mĂ©dical et agroindustriel
L'huile de foie de requin est parfois utilisĂ©e comme traitement adjuvant aux traitements contre le cancer. On lui prĂȘte des vertus anticancĂ©reuses, du fait de sa forte concentration en alkylglycĂ©rols qui limiterait les consĂ©quences nĂ©fastes de la radiothĂ©rapie, mais aussi en squalamine, molĂ©cule qui inhibe la nĂ©oangiogĂ©nĂšse, processus nĂ©cessaire Ă l'accroissement des tumeurs (Ă partir de 20 ÎŒM, les AKG semblent « inhiber l'augmentation de prolifĂ©ration des cellules endothĂ©liales induite par le bFGF »).
Un effet antitumoral des AKG a Ă©tĂ© montrĂ© sur le modĂšle animal murin : souris recevant une greffe de tumeur solide (cellules 3LL). Sur ce modĂšle, certains AKG (tout comme lâhuile de foie de requin) ont significativement diminuĂ© la croissance tumorale et le nombre de mĂ©tastases, mais pas leur taille des mĂ©tastases de la tumeur greffĂ©e ; Une diminution de lâangiogenĂšse par les AKG a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©e au vu de la diminution du facteur VIII (Von Willebrand), un marqueur de l'endothĂ©lium. les AKG C16:1 et C18:1 semblent les plus efficaces, lâAKG C12:0 est moins efficace, et au contraire lâAKG C18:0 tend Ă augmenter le volume tumoral et le nombre de mĂ©tastases, mais « de façon cependant non significative » ; Une Ă©tude de 2006 publiĂ©e par la revue OCL (Oilseeds and fats, Crops and Lipids) et cofinancĂ©e par la Ligue nationale contre le cancer, le Conseil rĂ©gional de Bretagne et la sociĂ©tĂ© Polaris (Pleuven, FinistĂšre) a Ă©mis l'hypothĂšse que les effets anti-angiogenĂšse pourraient ĂȘtre dus Ă une « amplification de la production de PAF (platelet-activating factor), lui-mĂȘme impliquĂ© dans les rĂ©ponses immunologiques, et Ă©galement la production du 1-O-alkyl-2-acyl-sn-glycĂ©rol (...). Son activitĂ© inhibitrice sur la protĂ©ine-kinase C (PKC) pourrait expliquer les effets antiprolifĂ©ratifs et antiangiogĂ©niques ».
Une thÚse publiée en 2005, conduite sur des porcs recevant un complément alimentaire d'huile de foie de requin, a conclu à une amélioration du transfert de l'immunité maternelle et de la fertilité mùle (hausse du taux de spermatozoïdes mobiles, de leur vélocité et de la teneur en étherlipides des spermatozoïdes). Les truies supplémentées (32 g/jour d'huile) entre le 80e jour de gestation et le sevrage ont eu du lait plus riche en anticorps totaux et spécifiques, en acides gras w3 et en alkylglycérols, et leur taux d'hématies et d'anticorps spécifiques de la vaccination contre la maladie d'Aujeszky était plus haut que chez celles ayant eu le régime standard.
Les porcelets ainsi allaitĂ©s avaient plus de leucocytes et d'anticorps et ont grandi plus vite. L'auteur attribue cet effet Ă une action conjuguĂ©e des alkylglycĂ©rols et des acides gras w3 et sur la qualitĂ© du lait maternel et peut-ĂȘtre Ă un effet prĂ©natal[17].
Controverses et risques pour la santé et l'environnement
- Depuis les années 1950, la pollution marine a beaucoup augmenté, et le foie est aussi l'organe de détoxication des animaux, et la plupart des espÚces de requins sont des prédateurs placés au sommet de la pyramide alimentaire ; ce pourquoi ils bio-accumulent et bioconcentrent de nombreux polluants marins, dont mutagÚnes et/ou cancérigÚnes. Ceci est particuliÚrement vrai pour les requins de grande profondeur volontiers nécrophages.
- AprÚs avoir remarqué au milieu du XXe siÚcle l'apparition de tumeurs du systÚme lymphoïde chez deux employés ayant durant des années manipulé des huiles de foie de requins méditerranéens (et du squalÚne extrait de ces huiles), une étude a testé son éventuel caractÚre cancérigÚne. Elle a montré qu'appliquer du squalÚne sur la peau de souris de laboratoire induisait aussi ce type de tumeur (leucémies)[18].
Plus récemment (publication de l'an 2000) on a appliqué le test des micronoyaux à des huiles brutes extraites de foies de trois espÚces de requins méditerranéens (dont l'un vivant en surface, Prionace glauca et deux vivant dans les grands fonds, Centrophorus granulosus et Galeus melastomus. Le test a clairement confirmé que « les huiles hépatiques brutes de (ces) trois espÚces de requins sont génotoxiques et confirment que le risque de cancérogénicité est élevé »[19], les auteurs précisant que cet effet est observé sur des cellules de sang humain « dÚs les plus faibles doses » d'exposition (1/10Texte en exposant7)[19], et qu' in vitro la génotoxicité de l'huile prélevée sur les deux espÚces de requins de profondeur est « importante », « tandis que celle du requin de surface ne possÚde qu'une génotoxicité modérée »[19].
Le test ne permet pas à lui seul de préciser si l'agent mutagÚne est uniquement le squalÚne) ou si d'autres agents liposolubles (de nombreux polluants marins le sont)[20] sont aussi en cause. D'autres études avaient déjà cherché à expliquer la génotoxicité des huiles de foie de requins[21] ou avaient cherché à déterminer les postes de travail exposant le plus à ces huiles[22]
in vitro, la cytotoxicitĂ© des AKG semble faible (se manifeste Ă 72 heures Ă partir de 100 ÎŒM)[7] ou Ă partir de 25 ÎŒM pour les cellules endothĂ©liales de veines ombilicales humaines, tout en restant modĂ©rĂ©e[7].
- En tant qu'adjuvant immunologique de certains vaccins, le scalÚne extrait d'huile de foie de requin a été controversé[23] - [24], notamment en Amérique du Nord[25].
- Selon une étude américaine récente (2016), l'autoprescription sans ordonnance de scalÚne (en vente libre et souvent considéré comme inoffensif) est une cause possible, et sans doute sous-estimée, de pneumonie lipoïde[26].
Notes et références
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Voir aussi
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