Test des micronoyaux
Le test des micronoyaux (ou test de numération des micronoyaux) est un test écotoxicologique ou de biomonitoring trÚs utilisé, basé sur la détection et le comptage des micronoyaux dans des cellules exposées (généralement in vitro) à un agent génotoxique ou supposé tel. Pour rappel, un micronoyau est dans une cellule vivante, une « faux noyau », qui s'est anormalement constitué lors de la division cellulaire. S'il n'a pas provoqué la mort cellulaire (par apoptose), il persistera tout le temps de la vie de la cellule et généralement associé à un effet mutagÚne, et parfois cancérogÚne [1]. La présence de micronoyaux indique que la cellule a été exposée à un ou plusieurs agents génotoxiques et clastogÚnes (c'est-à -dire responsable de cassures du double brin de la molécule d'ADN) ou à un agent « aneugÚne » (c'est-à -dire altérant l'appareil mitotique qui permet la division cellulaire)[2].
Le test des micronoyaux est l'une des déclinaisons des tests d'anomalie chromosomique. Il permet notamment d'évaluer une exposition récente (heures, jours)[2].
Applications
Il vise à évaluer le potentiel génotoxique d'un composé, ou à montrer une exposition à une agent mutagÚne. Il et a de nombreux usages spécifiques :
- santé-environnement, biomonitoring (ex. : en écotoxicologie, il est utilisé pour surveiller la pollution de l'air, des eaux de surface[3] ou potabilisées, des sols ou l'exposition de plantes, d'animaux, de champignons ou de microorganismes à des polluants mutagÚnes, provenant par exemple d'émissions industrielles, de sites de déchets dangereux, de désinfectants de l'eau[4], etc.) ;
- santé au travail, pour surveiller les personnels potentiellement exposés à des agents mutagÚnes[5]. Il a une valeur prédictive pour le risque de cancer[1], au formaldéhyde par exemple[6] ou travaillant dans un laboratoire d'anatomopathologie[7] ;
- évaluation des produits chimiques génotoxiques (in vivo et in vitro) par exemple avant autorisation de mise sur le marché d'une molécule (médicament, pesticide, etc.) ;
- recherche ou évaluation de produits anti-génotoxiques ;
- Ă©tude sur les dommages causĂ©s Ă l'ADN (cassure simple brin; sites alcali-labile; rĂ©ticulation de l'ADN) ; Ă©tude sur la rĂ©paration de l'ADN ou lâapoptose.
Il peut ĂȘtre utilisĂ© sur tout type de cellules-cibles (cellules vĂ©sicales, endobuccales, fibroblastes, kĂ©ratinocytes, etc.) y compris sur des cellules vĂ©gĂ©tales[8].
On l'utilise notamment sur des lymphocytes T en culture (cellules-modÚles) ; on peut alors compter le nombre de micronoyaux visibles dans les lymphocytes T binucléés obtenus par blocage de la division cytoplasmique par de la cytochalasine B aprÚs une division nucléaire complÚte, avec alors l'avantage de ne compter que les lésions génotoxiques héritables (micronoyaux dans les seuls lymphocytes binucléés)[9], seules lésions répondent strictement à la définition de la mutation génétique[10].
Il peut aussi ĂȘtre appliquĂ© Ă un Ă©chantillon de cellules exposĂ©es in vivo (ex : lymphocytes d'animal de laboratoire ou d'humains potentiellement exposĂ©s Ă un produit gĂ©notoxique)[10].
Complément utile
Le test peut ĂȘtre utilement complĂ©tĂ© par une Ă©tude du type et de la qualitĂ© du « matĂ©riel gĂ©nĂ©tique » enfermĂ© dans le micronoyau (y-trouve-t-on des centromĂšres ?, quels type de chromosome y sont altĂ©rĂ©s ?, avec quel type d'altĂ©ration ?).
Ceci est permis par une technique d'hybridation in situ fluorescente (technique FISH). On comprend ainsi mieux les mécanismes à l'oeuvre : par exemple la présence de centromÚres dans les micronoyaux doit faire penser à un effet aneugÚne alors que leur absence oriente plus vers un effet clastogÚne)[11].
Avantages et inconvénients, limites
Avantages
Le test est facile Ă mettre en Ćuvre, dĂ©tecte Ă la fois les effets clastogĂšnes et aneugĂšnes et d'interprĂ©tation rapide ; et une analyse cellule par cellule permet d'obtenir un grand nombre de donnĂ©es utiles pour un bon traitement statistique des rĂ©sultats.
Inconvénients, limites
- Ce test ne détecte pas toutes les aberrations chromosomiques[2].
- Il requiert un prĂ©lĂšvement cellulaire (â caractĂšre invasif, facteur de stress)[2].
- Il existe des facteurs confondants (comme dans tous les tests de ce type). Ceux qui sont Ă considĂ©rer sont notamment lâĂąge, le tabac et le polymorphisme dâexpression enzymatique[12]. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le mĂ©canisme expliquant pourquoi ces facteurs sont confondants (pour le tabac notamment) est cependant encore mal compris, et controversĂ©e[13].
- Comme tous les tests de ce type, il ne permet pas de préciser dans un mélange quel est l'agent mutagÚne ; ainsi aprÚs voir remarqué l'apparition de tumeurs du systÚme lymphoïde chez deux employés ayant durant des années manipulé des huiles de foie de requins méditerranéens (et du squalÚne extrait de ces huiles), puis aprÚs avoir constaté qu'appliquer du squalÚne sur la peau de souris de laboratoire induisait aussi ce type de tumeurs ou des leucémies[14], on a appliqué le test des micronoyaux à des huiles brutes extraites de foies de trois espÚces de requins méditerranéens (dont l'un vivant en surface, Prionace glauca et deux vivant dans les grands fonds, Centrophorus granulosus et Galeus melastomus. Les résultats ont confirmé que « les huiles hépatiques brutes de trois espÚces de requins sont génotoxiques et confirment que le risque de cancérogénicité est élevé »[15]. Le test ne permet pas à lui seul de préciser si l'agent mutagÚne est uniquement le squalÚne (trÚs utilisé par l'industries pharmaceutique et la cosmétique, car particuliÚrement stable à trÚs haute température[16]) ou si d'autres agents liposolubles (de nombreux polluants marins le sont)[17] sont aussi en cause.
Normes
Le test des micronoyaux fait lâobjet d'une ligne directrice de l'OCDE pour les essais de produits chimiques, uniquement applicable cependant aux Ă©rythrocytes de mammifĂšres (ligne 474)[2].
Notes et références
- Bonassi S, Znaor A, Ceppi M, Lando C, Chang WP, Holland N, Kirsch-Volders M, Zeiger E, Ban S, Barale R, Bigatti MP, Bolognesi C, Cebulska-Wasilewska A, Fabianova E, Fucic A, Hagmar L, Joksic G, Martelli A, Migliore L, Mirkova E, Scarfi MR, Zijno A, Norppa H and Fenech M (2007) An increased micronucleus frequency in peripheral blood lymphocytes predicts the risk of cancer in humans. Carcinogenesis 28:625-631.
- O. FARDEL, L. VERNHET, V. NOUVEL, A.-V. JUNG& A. LEGRAND-LORANS (2009), Rapport RECORD ; Utilisation des tests de gĂ©notoxicitĂ© pour la surveillance de lâexposition des travailleurs dans lâindustrie du traitement et recyclage des dĂ©chets, 163 p., no 07-0667/1A.
- Gauthier, L. (1989). Etude du pouvoir génotoxique des eaux de surface, potables ou en cours de traitement, par la formation de micronoyaux chez le triton Pleurodeles waltl ; ThÚse de doctorat, Toulouse 3 ; (résumé).
- L. Gauthier et Y. LĂ©vi, « Application du test micronoyau triton Ă l'Ă©tude directe de la gĂ©notoxicitĂ© des procĂ©dĂ©s de dĂ©sinfection des eaux », sur Journal français dâhydrologie, (ISSN 0335-9581, DOI 10.1051/water/19902101147, consultĂ© le ), p. 147â157
- Narod SA, Neri L, Risch HA and Raman S (1988) Lymphocyte micronuclei and sister chromatid exchanges among Canadian federal laboratory employees. Am J Ind Med 14:449-456.
- Sari-Minodier, I., Orsiere, T., Auquier, P., Pompili, J., & Gelin, C. (2001). Le test des micronoyaux dans l'évaluation du risque mutagÚne: étude auprÚs de 10 salariés exposés au formaldéhyde. Archives des maladies professionnelles et de médecine du travail, 62(2), 75-82.
- Brahem, A., Bouraoui, S., ElGhazel, H., Amor, A. B., Saad, A., Dabbebi, F., & Mrizek, N. (2011). Ăvaluation du risque gĂ©notoxique dans un laboratoire dâanatomopathologie par le test des micronoyaux. Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement, 72(4), 370-375.
- DaniĂšle Valadaud-Barrieu, « Un âtest d'induction de micronoyauâ sur Allium sativum; differentiation de substances clastogĂšnes et mitoclasiques », sur Mutation Research Letters, (ISSN 0165-7992, DOI 10.1016/0165-7992(83)90037-4, consultĂ© le ), p. 55â58
- Florence Duffaud, Thierry OrsiĂšre, Laurence Digue et Roger Favre, « IntĂ©rĂȘt du test des micronoyaux dans les lymphocytes T binuclĂ©Ă©s en culture pour la mise en Ă©vidence dâun Ă©vĂ©nement gĂ©notoxique chez les patients cancĂ©reux », Bulletin du Cancer, vol. 85, no 3,â (ISSN 0007-4551, lire en ligne, consultĂ© le )
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