AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Test des micronoyaux

Le test des micronoyaux (ou test de numĂ©ration des micronoyaux) est un test Ă©cotoxicologique ou de biomonitoring trĂšs utilisĂ©, basĂ© sur la dĂ©tection et le comptage des micronoyaux dans des cellules exposĂ©es (gĂ©nĂ©ralement in vitro) Ă  un agent gĂ©notoxique ou supposĂ© tel. Pour rappel, un micronoyau est dans une cellule vivante, une « faux noyau Â», qui s'est anormalement constituĂ© lors de la division cellulaire. S'il n'a pas provoquĂ© la mort cellulaire (par apoptose), il persistera tout le temps de la vie de la cellule et gĂ©nĂ©ralement associĂ© Ă  un effet mutagĂšne, et parfois cancĂ©rogĂšne [1]. La prĂ©sence de micronoyaux indique que la cellule a Ă©tĂ© exposĂ©e Ă  un ou plusieurs agents gĂ©notoxiques et clastogĂšnes (c'est-Ă -dire responsable de cassures du double brin de la molĂ©cule d'ADN) ou Ă  un agent « aneugĂšne Â» (c'est-Ă -dire altĂ©rant l'appareil mitotique qui permet la division cellulaire)[2].

Le test des micronoyaux est l'une des déclinaisons des tests d'anomalie chromosomique. Il permet notamment d'évaluer une exposition récente (heures, jours)[2].

Applications

Il vise à évaluer le potentiel génotoxique d'un composé, ou à montrer une exposition à une agent mutagÚne. Il et a de nombreux usages spécifiques :

  • santĂ©-environnement, biomonitoring (ex. : en Ă©cotoxicologie, il est utilisĂ© pour surveiller la pollution de l'air, des eaux de surface[3] ou potabilisĂ©es, des sols ou l'exposition de plantes, d'animaux, de champignons ou de microorganismes Ă  des polluants mutagĂšnes, provenant par exemple d'Ă©missions industrielles, de sites de dĂ©chets dangereux, de dĂ©sinfectants de l'eau[4], etc.) ;
  • santĂ© au travail, pour surveiller les personnels potentiellement exposĂ©s Ă  des agents mutagĂšnes[5]. Il a une valeur prĂ©dictive pour le risque de cancer[1], au formaldĂ©hyde par exemple[6] ou travaillant dans un laboratoire d'anatomopathologie[7] ;
  • Ă©valuation des produits chimiques gĂ©notoxiques (in vivo et in vitro) par exemple avant autorisation de mise sur le marchĂ© d'une molĂ©cule (mĂ©dicament, pesticide, etc.) ;
  • recherche ou Ă©valuation de produits anti-gĂ©notoxiques ;
  • Ă©tude sur les dommages causĂ©s Ă  l'ADN (cassure simple brin; sites alcali-labile; rĂ©ticulation de l'ADN) ; Ă©tude sur la rĂ©paration de l'ADN ou l’apoptose.

Il peut ĂȘtre utilisĂ© sur tout type de cellules-cibles (cellules vĂ©sicales, endobuccales, fibroblastes, kĂ©ratinocytes, etc.) y compris sur des cellules vĂ©gĂ©tales[8].

On l'utilise notamment sur des lymphocytes T en culture (cellules-modÚles) ; on peut alors compter le nombre de micronoyaux visibles dans les lymphocytes T binucléés obtenus par blocage de la division cytoplasmique par de la cytochalasine B aprÚs une division nucléaire complÚte, avec alors l'avantage de ne compter que les lésions génotoxiques héritables (micronoyaux dans les seuls lymphocytes binucléés)[9], seules lésions répondent strictement à la définition de la mutation génétique[10].

Il peut aussi ĂȘtre appliquĂ© Ă  un Ă©chantillon de cellules exposĂ©es in vivo (ex : lymphocytes d'animal de laboratoire ou d'humains potentiellement exposĂ©s Ă  un produit gĂ©notoxique)[10].

Complément utile

Le test peut ĂȘtre utilement complĂ©tĂ© par une Ă©tude du type et de la qualitĂ© du « matĂ©riel gĂ©nĂ©tique Â» enfermĂ© dans le micronoyau (y-trouve-t-on des centromĂšres ?, quels type de chromosome y sont altĂ©rĂ©s ?, avec quel type d'altĂ©ration ?).

Ceci est permis par une technique d'hybridation in situ fluorescente (technique FISH). On comprend ainsi mieux les mécanismes à l'oeuvre : par exemple la présence de centromÚres dans les micronoyaux doit faire penser à un effet aneugÚne alors que leur absence oriente plus vers un effet clastogÚne)[11].

Avantages et inconvénients, limites

Avantages

Le test est facile Ă  mettre en Ɠuvre, dĂ©tecte Ă  la fois les effets clastogĂšnes et aneugĂšnes et d'interprĂ©tation rapide ; et une analyse cellule par cellule permet d'obtenir un grand nombre de donnĂ©es utiles pour un bon traitement statistique des rĂ©sultats.

Inconvénients, limites

  • Ce test ne dĂ©tecte pas toutes les aberrations chromosomiques[2].
  • Il requiert un prĂ©lĂšvement cellulaire (⇒ caractĂšre invasif, facteur de stress)[2].
  • Il existe des facteurs confondants (comme dans tous les tests de ce type). Ceux qui sont Ă  considĂ©rer sont notamment l’ñge, le tabac et le polymorphisme d’expression enzymatique[12]. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le mĂ©canisme expliquant pourquoi ces facteurs sont confondants (pour le tabac notamment) est cependant encore mal compris, et controversĂ©e[13].
  • Comme tous les tests de ce type, il ne permet pas de prĂ©ciser dans un mĂ©lange quel est l'agent mutagĂšne ; ainsi aprĂšs voir remarquĂ© l'apparition de tumeurs du systĂšme lymphoĂŻde chez deux employĂ©s ayant durant des annĂ©es manipulĂ© des huiles de foie de requins mĂ©diterranĂ©ens (et du squalĂšne extrait de ces huiles), puis aprĂšs avoir constatĂ© qu'appliquer du squalĂšne sur la peau de souris de laboratoire induisait aussi ce type de tumeurs ou des leucĂ©mies[14], on a appliquĂ© le test des micronoyaux Ă  des huiles brutes extraites de foies de trois espĂšces de requins mĂ©diterranĂ©ens (dont l'un vivant en surface, Prionace glauca et deux vivant dans les grands fonds, Centrophorus granulosus et Galeus melastomus. Les rĂ©sultats ont confirmĂ© que « les huiles hĂ©patiques brutes de trois espĂšces de requins sont gĂ©notoxiques et confirment que le risque de cancĂ©rogĂ©nicitĂ© est Ă©levĂ© »[15]. Le test ne permet pas Ă  lui seul de prĂ©ciser si l'agent mutagĂšne est uniquement le squalĂšne (trĂšs utilisĂ© par l'industries pharmaceutique et la cosmĂ©tique, car particuliĂšrement stable Ă  trĂšs haute tempĂ©rature[16]) ou si d'autres agents liposolubles (de nombreux polluants marins le sont)[17] sont aussi en cause.

Normes

Le test des micronoyaux fait l’objet d'une ligne directrice de l'OCDE pour les essais de produits chimiques, uniquement applicable cependant aux Ă©rythrocytes de mammifĂšres (ligne 474)[2].

Notes et références

  1. Bonassi S, Znaor A, Ceppi M, Lando C, Chang WP, Holland N, Kirsch-Volders M, Zeiger E, Ban S, Barale R, Bigatti MP, Bolognesi C, Cebulska-Wasilewska A, Fabianova E, Fucic A, Hagmar L, Joksic G, Martelli A, Migliore L, Mirkova E, Scarfi MR, Zijno A, Norppa H and Fenech M (2007) An increased micronucleus frequency in peripheral blood lymphocytes predicts the risk of cancer in humans. Carcinogenesis 28:625-631.
  2. O. FARDEL, L. VERNHET, V. NOUVEL, A.-V. JUNG& A. LEGRAND-LORANS (2009), Rapport RECORD ; Utilisation des tests de gĂ©notoxicitĂ© pour la surveillance de l’exposition des travailleurs dans l’industrie du traitement et recyclage des dĂ©chets, 163 p., no 07-0667/1A.
  3. Gauthier, L. (1989). Etude du pouvoir génotoxique des eaux de surface, potables ou en cours de traitement, par la formation de micronoyaux chez le triton Pleurodeles waltl ; ThÚse de doctorat, Toulouse 3 ; (résumé).
  4. L. Gauthier et Y. LĂ©vi, « Application du test micronoyau triton Ă  l'Ă©tude directe de la gĂ©notoxicitĂ© des procĂ©dĂ©s de dĂ©sinfection des eaux », sur Journal français d’hydrologie, (ISSN 0335-9581, DOI 10.1051/water/19902101147, consultĂ© le ), p. 147–157
  5. Narod SA, Neri L, Risch HA and Raman S (1988) Lymphocyte micronuclei and sister chromatid exchanges among Canadian federal laboratory employees. Am J Ind Med 14:449-456.
  6. Sari-Minodier, I., Orsiere, T., Auquier, P., Pompili, J., & Gelin, C. (2001). Le test des micronoyaux dans l'évaluation du risque mutagÚne: étude auprÚs de 10 salariés exposés au formaldéhyde. Archives des maladies professionnelles et de médecine du travail, 62(2), 75-82.
  7. Brahem, A., Bouraoui, S., ElGhazel, H., Amor, A. B., Saad, A., Dabbebi, F., & Mrizek, N. (2011). Évaluation du risque gĂ©notoxique dans un laboratoire d’anatomopathologie par le test des micronoyaux. Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement, 72(4), 370-375.
  8. DaniĂšle Valadaud-Barrieu, « Un ‘test d'induction de micronoyau’ sur Allium sativum; differentiation de substances clastogĂšnes et mitoclasiques », sur Mutation Research Letters, (ISSN 0165-7992, DOI 10.1016/0165-7992(83)90037-4, consultĂ© le ), p. 55–58
  9. Florence Duffaud, Thierry OrsiĂšre, Laurence Digue et Roger Favre, « IntĂ©rĂȘt du test des micronoyaux dans les lymphocytes T binuclĂ©Ă©s en culture pour la mise en Ă©vidence d’un Ă©vĂ©nement gĂ©notoxique chez les patients cancĂ©reux », Bulletin du Cancer, vol. 85, no 3,‎ (ISSN 0007-4551, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Mateuca R, Lombaert N, Aka PV, Decordier I and Kirsch-Volders M (2006) Chromosomal changes: induction, detection methods and applicability in human biomonitoring. Biochimie 88:1515-1531
  11. Lewinska D, Palus J, Stepnik M, Dziubaltowska E, Beck J, Rydzynski K, Natarajan AT and Nilsson R (2007) Micronucleus frequency in peripheral blood lymphocytes and buccal mucosa cells of copper smelter workers, with special regard to arsenic exposure. Int Arch Occup Environ Health 80:371-380.
  12. Iarmarcovai G, Bonassi S, Botta A, Baan RA and Orsiere T (2007) Genetic polymorphisms and micronucleus formation: A review of the literature. Mutat Res.
  13. Nersesyan AK (2006) Does cigarette smoking induce micronuclei in buccal cells? Am J Clin Nutr 84:946- 947; author reply 947-948
  14. Kroning F. Uber die induktion von leukamien bei C57 R1 mausen nach pinselung einer dorsalen hautpartie mit kurzkettigen fettsauren, fettsaureestern und mit squalen. Acta Unio Intern Contra Cancrum 1959 ; 15 : 619-26.
  15. Bartfai, E., OrsiĂšre, T., Duffaud, F., Villani, P., Pompili, J., & Botta, A. (2000, October). Etude de l’effet gĂ©notoxique des huiles hĂ©patiques brutes de trois espĂšces de requins mĂ©diterranĂ©ens par application du test de numĂ©ration des micronoyaux dans les lymphocytes T humains. In Annales de Biologie Clinique (Vol. 58, No. 5, pp. 595-600) (rĂ©sumĂ©).
  16. Buranudeen F, Richards-Rajadurai PN. Squalene. Infofish Marketing Digest 1986 ; 1 : 42-3
  17. Bolognesi C, Parrini M, Poggieri P, Ercolini C, Pellegrino C. Carcinogenic and mutagenic pollutants : impact on marine organisms. Proceedings of the FAO-UNEP-IOC workshop on the biological effects of pollutants on marine organisms 1992 ; 69 : 113-21.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) N. Hachiya, « Evaluation of chemical genotoxicity by a series of short-term tests Â», Akita journal of medicine, vol. 14, 1987, p. 269-292 (ISSN 0386-6106).

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.