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Centromère

Le centromère est la région de contact des deux chromatides d'un chromosome.

Chromosome.
(1) Chromatide. Chacune formée d'un brin d'ADN parental et d'un brin d'ADN néoformé obtenu après réplication durant la phase S ; (2) Centromère. Le point de contact des deux chromatides, et le point de séparation lors de la mitose ; (3) Bras court ; (4) Bras long.

Typologie

Il existe deux types de centromères.

Les centromères des chromosomes monocentriques sont des centromères « rĂ©gionaux », occupant une rĂ©gion prĂ©cise au sein d'un chromosome. Ils sont gĂ©nĂ©ralement visibles sous la forme d'une constriction sur le chromosome mĂ©taphasique. La taille de cette rĂ©gion varie entre les espèces, de 125 pb chez S. cerevisiae jusqu'Ă  plusieurs mĂ©gabases pour les centromères humains[1]. On ne compte normalement qu’un centromère rĂ©gional par chromosome (d’oĂą le terme « monocentrique »), mais des rĂ©arrangements chromosomiques peuvent conduire Ă  deux centromères sur un mĂŞme chromosome (on parle alors de chromosome dicentrique)[2].

Les centromères des chromosomes holocentriques s’étendent sur toute la longueur des chromosomes. Peu fréquents chez les espèces couramment étudiées (à l’exception de C. elegans), jamais observés chez les vertébrés, les chromosomes holocentriques sont néanmoins répandus chez les protozoaires, plusieurs phylums d’invertébrés et quelques plantes[3].

La composition en ADN

Représentation schématique de la structure de l'ADN centromérique
Organisation des séquences d’ADN centromériques dans quelques espèces modèles.

L’ADN centromĂ©rique est très variable d’une espèce Ă  l’autre. Le centromère le plus simple, celui de Saccharomyces cerevisiae, s’étend sur environ 125 pb et est composĂ© de trois Ă©lĂ©ments fonctionnels CDE I, II et III (Centromere DNA Element), les Ă©lĂ©ments I et III Ă©tant conservĂ©s sur les seize chromosomes alors que l’élĂ©ment II a une sĂ©quence variable, unique sur chaque chromosome[1].

Chez S. pombe, les centromères ont une taille allant de ~35 kb sur le chromosome I Ă  110 kb sur le chromosome III[4]. Chaque centromère est composĂ© d’un domaine central flanquĂ© de deux domaines externes. Le domaine central est lui-mĂŞme composĂ© d’un Ă©lĂ©ment central cnt de 4 Ă  kb constituĂ© d’ADN non-rĂ©pĂ©tĂ©, entourĂ© de deux Ă©lĂ©ments d’ADN rĂ©pĂ©tĂ© inversĂ©s, les Ă©lĂ©ments imr (innermost repeats). La sĂ©quence de tous les Ă©lĂ©ments du domaine central, cnt et imr, est unique sur chaque chromosome, seule l’organisation du domaine central est conservĂ© d’un chromosome Ă  l’autre. Les domaines externes, otr pour outer repeats, sont essentiellement composĂ©s d’un nombre variable de copies de deux Ă©lĂ©ments d’ADN rĂ©pĂ©tĂ©, dg et dh.

Chez les mĂ©tazoaires, l’ADN centromĂ©rique est constituĂ© essentiellement de diffĂ©rentes formes d’ADN rĂ©pĂ©tĂ© pouvant s’étendre sur plusieurs mĂ©gabases. Cette composition constitue un obstacle Ă  leur analyse dĂ©taillĂ©e, le sĂ©quençage et l’assemblage de longues rĂ©gions d’ADN rĂ©pĂ©tĂ© Ă©tant difficile. Chez la drosophile par exemple, un seul centromère, celui du minichromosome Dp1187, a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© Ă  l’échelle de la sĂ©quence nuclĂ©otidique[5]. Il s’étend sur 420 kb divisĂ©s en deux rĂ©gions composĂ©es de deux types d’ADN satellite distincts entrecoupĂ©s d’élĂ©ments transposables.

Organisation de l'ADN centromérique.
Les flèches correspondent aux monomères. Les couleurs indiquent les écarts d'identité (polymorphismes) de séquences. Les HOR sont très semblables, mais les monomères au sein des HOR sont très différents.

Chez l’homme, l’ADN rĂ©pĂ©tĂ© centromĂ©rique est principalement de l’ADN α-satellite (aussi appelĂ© alphoid DNA en anglais), dont le motif unitaire (monomère) fait 171 pb[6]. Ces monomères sont organisĂ©s en motifs rĂ©pĂ©tĂ©s d’ordre supĂ©rieur (higher order repeat ou HOR), alignĂ©s de manière ininterrompue dans la mĂŞme orientation sur des distances allant de 100 kb Ă  Mb. Au sein d’un mĂŞme chromosome, les HOR sont très homogènes, avec 99,8 % d’identitĂ© de sĂ©quence, alors que les monomères au sein d’un HOR ne partagent qu’entre 60 et 80 % d’identitĂ©. L’ADN α-satellite contient une sĂ©quence particulière, la boĂ®te CENP-B (CENP-B Box), de 17 pb, capable de lier la protĂ©ine CENP-B et impliquĂ©e dans la formation de la chromatine centromĂ©rique et l’assemblage du kinĂ©tochore.

L’absence de conservation des ADN centromériques a amené la suggestion que la fonction du centromère et sa position sur le chromosome ne sont pas déterminées par la séquence nucléotidique[1]. À l’exception de S. cerevisiae, où les éléments CDE sus-mentionnés suffisent à former un centromère fonctionnel, l’ADN centromérique chez les autres eucaryotes n’apparaît ni nécessaire ni suffisant pour supporter la fonction du centromère : non nécessaire, car un centromère fonctionnel peut se former sur des régions n’offrant aucune similitude avec des séquences centromériques (néocentromères) ; ni suffisant, car la seule présence de séquences de type centromérique ne conduit pas systématiquement à un centromère fonctionnel. Il est aujourd’hui admis que l’identité et la fonction du centromère sont définies épigénétiquement et dépendent d’une structure chromatinienne spécialisée plutôt que de la séquence d’ADN sous-jacente. Contrairement à la séquence d’ADN, la chromatine associée aux centroméres présente des caractéristiques relativement bien conservées à travers les eucaryotes.

La chromatine centromérique

La chromatine au niveau des centromères possède des caractéristiques particulières qui la distinguent à la fois de l'euchromatine et de l'hétérochromatine, si bien qu’on ne peut la qualifier que de centromérique (parfois centrochromatine ou, surtout en anglais, chromatine CEN).

La caractéristique sans doute la plus importante, conservée à travers tous les eucaryotes étudiés, est la présence de la protéine CenH3 (centromeric H3), un variant de l'histone H3 spécifiquement et exclusivement localisé dans la chromatine centromérique[6]. Cette histone (appelée aussi Cse4p chez S. cerevisiae, Cnp1p chez S. pombe, CENP-A chez la plupart des mammifères) permet la formation d’un nucléosome variant dont la structure exacte n’est pas encore clairement établie mais est, dans tous les cas, suffisamment différente de celle d’un nucléosome conventionnel pour conférer à la chromatine centromérique des propriétés distinctes[7].

D’autres caractéristiques de la chromatine centromérique sont l’hypo-acétylation des histones (une caractéristique fréquemment associée à l’hétérochromatine) et la diméthylation de l'histone H3 sur la lysine-4 (H3K4me2, une marque fréquemment associée aux régions promotrices des gènes)[6].

La chromatine centromérique est généralement flanquée de part et d’autre par de l’hétérochromatine, qualifiée de péricentromérique ou péricentrique. Elle porte les marques typiques de l’hétérochromatine, notamment la di - et tri-méthylation de l’histone H3 sur la lysine-9 (H3K9me2/3) et la présence de la protéine HP1[6]. Elle est également enrichie en variant H2A.Z, un variant de l'histone H2A[8].

La fondation du kinétochore

La fonction essentielle du centromère est de servir de plate-forme d’assemblage pour le kinétochore lors de la mitose. La protéine CenH3 de la chromatine centromérique est l’un des facteurs clefs de cette fonction. Son absence empêche toute formation du kinétochore, et sa surexpression et sa localisation ectopique entraînent une mauvaise localisation d’une partie au moins des protéines du kinétochore[7].

CenH3 permet l’assemblage du kinétochore par l’intermédiaire des protéines du complexe CCAN (constitutive centromere-associated network, « réseau [de protéines] constitutivement associé au centromère »)[9], qui reconnaissent la structure particulière des nucléosomes contenant CenH3. Le CCAN représente l’interface entre la chromatine centromérique et le kinétochore interne et permet le recrutement des différents complexes composant le kinétochore.

Chez l'homme, le CCAN peut être divisé en deux sous-complexes : le complexe CENP-ANAC (CENP-A nucleosome associated complex, « complexe associé au nucléosome CENP-A »), qui comme son nom l’indique est directement en contact avec le nucléosome CENP-A ; et le complexe CENP-ACAD (CENP-A distal complex), qui interagit non pas directement avec CENP-A mais avec les protéines du complexe CENP-ANAC[7]. Chez S. cerevisiae et S. pombe, les homologues fonctionnels du CCAN humain sont les complexes Ctf19 et Sim4, respectivement[10]. Les homologues du CCAN chez les autres eucaryotes modèles n’ont pas encore été identifiés.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Ben E. Black et Emily A. Bassett, « The histone variant CENP-A and centromere specification », Curr. Opin. Cell Biol., vol. 20, no 1,‎ , p. 91–100 (PMID 18226513, DOI 10.1016/j.ceb.2007.11.007)
  • (en) Iain Cheeseman et Arshad Desai, « Molecular architecture of the kinetochore-microtubule interface », Nat. Rev. Mol. Cell Biol., vol. 9, no 1,‎ , p. 33–46 (PMID 18097444, DOI 10.1038/nrm2310)
  • (en) Don Cleveland, Yinghui Mao et Kevin Sullivan, « Centromeres and kinetochores: from epigenetics to mitotic checkpoint signaling », Cell, vol. 112, no 4,‎ , p. 407–421 (PMID 12600307, lire en ligne)
  • (en) Ian K. Greaves, Danny Rangasamy, Patricia Ridgway et David J. Tremethick, « H2A.Z contributes to the unique 3D structure of the centromere », Proc. Natl. Acad. Sci. USA, vol. 104, no 2,‎ , p. 525–530 (PMID 17194760, DOI 10.1073/pnas.0607870104, lire en ligne)
  • (en) M. Guerra, G. Cabral, M. Cuacos, M. González-GarcĂ­a, M. González-Sánchez, J. Vega et M. Puertas, « Neocentrics and holokinetics (holocentrics): chromosomes out of the centromeric rules », Cytogenet. Genome Res., vol. 129, nos 1-3,‎ , p. 82–96 (PMID 20551611, DOI 10.1159/000314289)
  • (en) Alison L. Pidoux et Robin C. Allshire, « Kinetochore and heterochromatin domains of the fission yeast centromere », Chromosome Res., vol. 12, no 6,‎ , p. 521–534 (PMID 15289660, DOI 10.1023/B:CHRO.0000036586.81775.8b)
  • (en) Stefano Santaguida et Andrea Musacchio, « The life and miracles of kinetochores », EMBO J., vol. 28, no 17,‎ , p. 2511–2531 (PMID 19629042, DOI 10.1038/emboj.2009.173)
  • (en) Mary G. Schueler et Beth A. Sullivan, « Structural and functional dynamics of human centromeric chromatin », Annu. Rev. Genomics Hum. Genet., vol. 7,‎ , p. 301–313 (PMID 16756479, DOI 10.1146/annurev.genom.7.080505.115613)
  • (en) Beth A. Sullivan et Huntington F. Willard, « Stable dicentric X chromosomes with two functional centromeres », Nat. Genet., vol. 20, no 3,‎ , p. 227–228 (PMID 9806536, DOI 10.1038/3024)
  • (en) Xiaoping Sun, Janice Wahlstrom et Gary Karpen, « Molecular structure of a functional Drosophila centromere », Cell, vol. 91, no 7,‎ , p. 1007–1019 (PMID 9428523, lire en ligne)

Notes et références

Liens externes

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